Limites de la saisine et effets de la prescription dans le cadre d’une contestation

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Limites de la saisine et effets de la prescription dans le cadre d’une contestation

M. et Mme [O] ont engagé la société Demeures terre et tradition pour construire leur maison, avec un chantier ouvert le 12 décembre 2009 et une réception le 6 décembre 2010. La société Serkam a sous-traité la pose du carrelage, tandis que la société Dias a réalisé le gros-oeuvre. En 2018, des fissures sont apparues sur le carrelage, conduisant M. et Mme [O] à déclarer le sinistre à leur assureur Aviva en septembre 2019. Aviva a refusé la garantie, arguant de l’absence de gravité décennale. En novembre 2020, M. et Mme [O] ont demandé la désignation d’un expert judiciaire, ce qui a été accepté par le tribunal. Parallèlement, Aviva a assigné les sociétés Serkam, SMA, Dias et Areas CMA pour obtenir leur garantie. Ces dernières ont contesté la validité de l’assignation, qui a été jugée irrecevable pour cause de prescription par le tribunal en janvier 2022, condamnant Aviva à payer des frais. Aviva a interjeté appel, demandant la réformation de l’ordonnance. La cour a examiné les arguments des parties, et l’affaire a été appelée à l’audience en mai 2024, avec une demande de précisions sur la recevabilité des demandes. Aviva n’a pas fourni de note en délibéré.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
22/06113
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59E

Chambre civile 1-3

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 19 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/06113 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VOK6

AFFAIRE :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE ANCIENNEMENT DENOMMEE AVIVA

C/

S.A. SMA

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 20 Janvier 2022 par le TJ de CHARTRES

N° Chambre : 1

N° RG : 21/00087

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sonia OULAD BENSAID de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

anciennement dénommée AVIVA

RCS 306 522 665

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sonia OULAD BENSAID de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire 211

APPELANTE

S.A. SMA

[Adresse 4]

[Localité 3]

INTIMEE DEFAILLANTE

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 16 mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

FAITS ET PROCEDURE :

M. et Mme [O] ont confié à la société Demeures terre et tradition l’édification de leur maison individuelle, située [Adresse 2] à [Localité 6].

La déclaration d’ouverture de chantier est datée du 12 décembre 2009 tandis que la réception a été prononcée le 6 décembre 2010.

La société Serkam assurée auprès de la société SMA a sous-traité la pose du carrelage et la société Dias, assurée auprès d’Areas Cma a réalisé le gros-oeuvre.

Courant 2018, M. et Mme [O] auraient déploré l’apparition de fissures sur le carrelage de leur salon, séjour et cuisine.

Suivant lettre du 3 septembre 2019, M. et Mme [O] ont déclaré ce sinistre à la compagnie Aviva ès-qualités d’assureur suivant police dommage-ouvrage.

Par lettre du 23 septembre 2019, la compagnie Aviva a notifié un refus de garantie en raison de l’absence de gravité décennale du désordre.

Suivant assignation en référé signifiée le 25 novembre 2020, M. et Mme [O] ont sollicité la désignation d’un expert judiciaire au contradictoire de la société Aviva, de la société Serkam qui a posé le carrelage et de son assureur, la société SMA.

Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres en date du 18 janvier 2021, les opérations d’expertises, confiées à Mme [L], étant présentées par la société Aviva comme étant actuellement suspendues.

Parallèlement à cette procédure, par actes d’huissier du 4 décembre 2020, la société Aviva a fait assigner la société Serkam et son assureur la société SMA ainsi que la société Dias et son assureur la société Areas CMA devant le tribunal judiciaire de Chartres afin que celles-ci soient notamment condamnées à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre dans le litige opposant M. et Mme [O] à la société Demeures terre et tradition.

Par conclusions d’incident, la société Areas CMA et la société Dias ont sollicité du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chartres qu’il déclare nulle l’assignation délivrée le 4 décembre 2020 par la société Aviva en l’absence de capacité et de pouvoir du conseil de la société Aviva pour le représenter devant le tribunal et qu’il déclare irrecevable comme étant prescrite l’action diligentée par la société Aviva à leur encontre.

Par ordonnance du 20 janvier 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chartres a :

– débouté les société Areas et Dias de leurs exceptions de nullité affectant les assignations en date du 4 décembre 2020 délivrées à la requête de la société Aviva,

– déclaré le juge de la mise en état compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés Areas et Dias,

– déclaré irrecevable pour cause de prescription l’action engagée par la société Aviva à l’encontre des sociétés Areas et Dias,

– condamné la société Aviva à payer à la société Areas, la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Aviva aux entiers dépens, et ce, avec recouvrement direct au profit de Me Pavan et de la société Odexi Avocats, conformément aux dispositions e l’article 699 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit dans la présente affaire,

– rejeté le surplus des demandes.

Par acte du 5 octobre 2022, la société Abeille Iard et santé (anciennement dénommée Aviva) a interjeté appel de l’ordonnance, en dirigeant son recours contre la société SMA et en le limitant aux chefs de dispositif de l’ordonnance qui a :

* déclaré irrecevable pour cause de prescription l’action engagée par la société Aviva à l’encontre des sociétés Areas et Dias,

* condamné la société Aviva à payer à la société Areas la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Aviva à payer à la société Dias la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Aviva aux entiers dépens et ce avec recouvrement direct au profit de Me Pavan et société Odexi Avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ses conclusions du 7 novembre 2022, la société Abeille Iard et Santé prie la cour de:

– la juger recevable et bien fondée en son action et demandes,

– juger que l’assignation même entachée d’un vice de fond suspend tous les délais et notamment de prescription et de forclusion,

– juger que l’irrégularité de fond entachant l’assignation signifiée  » le 4 décembre 2021  » aux intimées, en ce qu’elle comportait l’identité d’un avocat non inscrit au barreau de Chartres ou dans un barreau du ressort de la cour d’appel de Versailles, a été régularisée avant que le juge du fond ne statue,

– constater que l’assignation litigieuse a été placée par Me Oulad Bensaid, avocat au barreau de Pontoise situé dans le ressort de la cour d’appel de Versailles,

– constater que Me [S] [B] a signifié des conclusions au fond par le RPVA le 26 mai 2021, valant en tant que de besoins constitution avant que le juge du fond ne statue.

En conséquence,

– réformer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chartres le 20 janvier 2022,

Statuant à nouveau,

– confirmer que l’assignation signifiée avant l’expiration du délai décennal mais affectée d’un vice de fond a été valablement régularisée avant que le juge du fond statue,

– juger que l’assignation signifiée à sa requête a valablement interrompu et suspendu tous délais de prescription et de forclusion,

– juger que son action aux fins d’appel en garantie à l’égard de la société SMA n’est ni prescrite, ni forclose,

– débouter la société SMA de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société SMA à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente procédure.

La société Abeille Iard & santé a fait signifier la déclaration d’appel et ses conclusions à la société SMA par actes du 18 novembre 2022 à personne morale. Néanmoins, la société SMA n’a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue 28 mars 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 16 mai 2024.

Par soit transmis du 6 août 2024, la cour a invité l’appelante à communiquer avant le 16 septembre ses observations :

– sur l’objet des demandes soumises à la cour, compte tenu des limites attachées à l’effet dévolutif de l’appel et à l’exigence de formuler des prétentions, au sens de l’article 4 du code de procédure civile ;

– sur la recevabilité de toutes demandes tendant à la réformation de l’ordonnance en ce qu’elle a accueilli la fin de non-recevoir formulée par les sociétés Areas CMA et Dias, dès lors que ces parties n’ont pas été intimées et ne se sont pas jointes à l’instance.

La société Abeille Iard & santé n’a pas communiqué de note en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé qu’aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Aux termes de l’article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. En outre, les prétentions contenues dans les conclusions, qui fixent l’objet du litige, au sens de l’article 4 du code de procédure civile, doivent s’inscrire dans la limite de cette dévolution.

En l’espèce, la déclaration d’appel se borne à critiquer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré irrecevable pour cause de prescription l’action engagée par la société Aviva à l’encontre des sociétés Areas et Dias, et en ce qu’elle a fait droit aux demandes accessoires formées par ces dernières au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

La cour, tenue de statuer dans la limite de sa saisine, sauf à commettre un excès de pouvoir, ne peut donc que constater que la demande, formulée en des termes généraux, tendant à voir  » juger que l’action de la société Abeille Iard & santé (anciennement dénommée Aviva) aux fins d’appel en garantie à l’égard de la SMA n’est ni prescrite, ni forclose  » est sans objet, en l’absence d’effet dévolutif, étant par ailleurs relevé que la société SMA, non comparante ni représentée en première instance comme en appel, n’a formulé aucune fin de non-recevoir tendant à voir déclarer prescrite ou forclose l’action dirigée contre elle, ou toute autre demande, de sorte que la demande de l’appelante tendant à voir  » débouter la société SMA SA de toutes ses demandes, fins et conclusions  » apparaît pareillement sans objet.

Par ailleurs, outre que la cour n’a pas à se prononcer sur les demandes contenues dans le dispositif des conclusions, aux fins de voir  » juger  » ou  » constater « , dès lors qu’elles ne correspondent pas à des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, il doit être observé que l’appelante demande la réformation de l’ordonnance ayant accueilli les fins de non-recevoir tirées de la prescription, formulées par les sociétés Dias et Areas CMA devant le juge de la mise en état et ayant déclaré irrecevable l’action dirigée contre elles, sans avoir intimé ces parties pourtant seules demanderesses à l’incident, la déclaration d’appel étant uniquement dirigée contre la société SMA, défaillante.

La demande tendant à voir statuer à nouveau et à  » juger « , sans distinction, que  » l’assignation signifiée à la requête de la société Abeille Iard & santé (anciennement dénommée Aviva) a valablement interrompu et suspendu tous délais de prescription et de forclusion  » est donc irrecevable comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée, partant aux dispositions des articles 1355 du code civil et 480, alinéa 1er du code de procédure civile, l’ordonnance étant devenue irrévocable dans les rapports entre la société Abeille Iard & santé et les sociétés Dias et Areas CMA, qui n’ont pas été intimées et ne se sont pas jointes à l’instance.

L’appelante succombant sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile, et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition,

Déclare sans objet les demandes tendant à voir débouter la SMA SA de ses demandes et à voir juger que l’action de la société Abeille Iard à l’égard de cette dernière n’est ni prescrite, ni forclose, et les rejette ;

Déclare irrecevables les demandes tendant à voir réformer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré irrecevable pour cause de prescription l’action engagée par la société Aviva assurances à l’encontre des sociétés Areas et Dias et en ce qu’elle a condamné la société Aviva Assurances à indemniser les sociétés Dias et Areas de leurs frais irrépétibles ;

En conséquence,

Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Abeille Iard & santé aux dépens,

Rejette toutes ses autres demandes.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Florence PERRET, Président et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


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