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Les relations entre un artiste-interprète (batteur/chanteur) et un chef d’orchestre en charge de la gestion de l’orchestre, s’inscrivent dans le cadre d’un mandat tacite afin que ce dernier convienne avec les organisateurs de spectacle des dates et heures de spectacles, du répertoire musical à jouer, des cachets à percevoir par l’orchestre en son ensemble ou lui-même et chacun des musiciens lesquels composaient une communauté d’intérêts.
En l’absence de lien de subordination, le chef d’orchestre qui ne dispose ni d’une structure particulière, ni de la personnalité juridique, n’a pas la qualité d’employeur.
En l’occurrence, l’artiste-interprète ne justifiait pas de transmission de consignes ou d’exigences particulières données pour l’exécution des prestations caractérisant un lien de subordination.
Pour rappel, le contrat de travail est celui par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. En l’absence d’écrit, il incombe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
21e chambre
ARRET DU 04 NOVEMBRE 2021
N° RG 18/02762 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SO4S
AFFAIRE :
A X
C/
C Y
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARTRES
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : F 17/00155
LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur A X
né le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Marie-véronique LUMEAU de la SELARL WOOG & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0283
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628
APPELANT
****************
Monsieur C Y
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me France LENAIN de l’AARPI BLM ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R121
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Septembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Valérie AMAND, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCÉDURE
M. X affirme avoir été engagé en qualité de batteur/chanteur par M. C Y, depuis janvier 2006 et jusqu’à juin 2015.
M. Y, chef de l’orchestre « C Y », qui affirme qu’il ne dispose ni d’une structure particulière, ni de la personnalité juridique, conteste la qualité d’employeur.
Par requête du 6 juin 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres afin de solliciter la condamnation de M. Y aux sommes suivantes :
— 1 083 euros à titre d’indemnité de licenciement,
— 570 euros pour non-respect de la procédure
— 1 254 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
— 4 400 euros à titre du préjudice matériel
— 3 420 euros au titre du travail dissimulé,
— 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure
— condamner M. Y aux entiers dépens.
M. Y s’est opposé aux demandes, et a sollicité 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure.
Par jugement rendu le 23 mai 2018, le conseil a :
En la forme,
reçu M. X en ses demandes,
reçu M. Y en ses demandes reconventionnelles,
Au fond,
dit que l’existence d’un contrat de travail et d’un lien de subordination entre M. X et M. Y n’est pas fondé,
En conséquence,
débouté M. X de l’ensemble de ses demandes.
débouté M. Y de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
condamné M. X à payer à M. Y, la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. X aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d’exécution forcée par huissier de justice.
Le 22 juin 2018, M. X a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Le 7 août 2018, M. X a signifié la déclaration d’appel à M. Y.
Le 20 août 2018, M. Y a constitué avocat.
Par ordonnance rendue le 23 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 septembre 2021.
Par message RPVA en date du 5 juillet 2021, le greffe de la cour d’appel de Versailles a informé les parties que l’audience de plaidoirie fixée initialement au 6 septembre 2021 était annulée et remplacée par l’audience de plaidoirie du 27 septembre 2021.
Par dernières conclusions du 14 mars 2019, M. X demande à la cour de :
— reconnaître l’existence d’un contrat de travail entre lui et M. Y ;
En conséquence,
— condamner M. Y à lui payer les sommes de :
— 1 126, 44 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
— 625,80 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement,
— 1 251,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
— 125,16 euros au titre des congés payés y afférents,
— 3 754,80 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
— 3 929 euros au titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice matériel subi,
— 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner M. Y aux dépens, dont aux frais de signification de la déclaration d’appel, d’un montant de 87,77 euros.
Par dernières conclusions du 17 décembre 2018, M. Y demande à la cour de :
à titre principal :
dire et juger qu’il n’a jamais été l’employeur de M. X,
en conséquence :
prononcer sa mise hors de cause,
condamner M. X à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,
condamner M. X à lui verser la somme de 2 000 euros au visa de l’article 700 du code procédure civile,
condamner M. X aux entiers dépens.
À titre subsidiaire :
fixer sa rémunération de référence à 154,92 euros bruts,
fixer à 309,84 euros bruts l’indemnité de préavis, augmentée de 30,98 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
fixer à 174,61 euros l’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
limiter à un mois (174,61 euros) le montant de l’indemnité en réparation du préjudice matériel et moral,
condamner M. X à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. X aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur l’existence d’un contrat de travail entre les parties.
M. X fait valoir l’existence d’un contrat de travail aux motifs suivants :
M. C Y recrutait seuls les artistes de son orchestre sans directive des organisateurs du spectacle.
M. C Y traitait seul avec ces derniers.
Il négociait seul la rémunération globale de l’orchestre.
Il établissait lui-même les factures et bulletins de paye de ses musiciens.
Il déterminait le programme musical joué pour chaque prestation,
Il dictait de nombreuses directives à l’égard des musiciens, telles que les dates, lieu et horaires de prestations, tenues de scène, programme musical.
Il assurait la supervision du déroulement du programme musical sur scène.
M. C Y conteste tout lien de subordination entre lui-même et M. X en faisant valoir que chaque engagement était conclu entre ce dernier et une personne morale qui était son employeur, telles que notamment la société THEATRO, le comité des fêtes de Saint-Aubin, la mairie de E F, la commune de Fontaine Fourches et l’association Amal’Gamme.
Il affirme ne pas avoir été traité différemment que M. X en ce qu’il était engagé par les mêmes entités, dans les mêmes conditions, et aussi payé par ces dernières.
Il expose que les lettres d’engagement communiquées par M. X ont la particularité d’avoir été conclues sous le régime du guichet unique du spectacle occasionnel, régime qui avait notamment pour objectif de simplifier les démarches des employeurs qui n’ont pas le spectacle vivant comme activité principale.
Il ajoute que la déclaration unique simplifiée sert en même temps de contrat de travail, de déclaration de l’ensemble des cotisations et contributions dues au titre de l’emploi et le paiement global, de déclaration annuelle des données sociales, d’attestation d’emploi destiné à Pôle emploi et de certificat d’emploi destiné aux congés spectacles.
Il précise que les déclarations uniques simplifiées ont systématiquement été conclues entre M. X et les différentes personnes morales en qualité d’employeur.
Il fait valoir que seules les entités organisatrices des spectacles (société association maison de retraite etc.) disposaient d’un pouvoir de direction et de contrôle :
— du lieu choisi pour l’événement,
— de l’heure d’arrivée de pause et de départ des musiciens,
— le choix du répertoire,
— de la présentation des musiciens,
— du paiement de la prestation assurée.
Il conteste toute présomption de contrat de travail fondée sur l’article L. 7121’3 du code du travail au motif qu’il n’était pas l’organisateur des soirées auxquelles participait la formation de « C Y ».
Le contrat de travail est celui par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
En l’absence d’écrit, il incombe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
M. X produit aux débats :
— des bulletins de salaire émis à son profit par différentes entités bénéficiaires des prestations de l’orchestre de M. Y, telles que l’association Amal’game, la SARL Theatro, le comité des fêtes de Saint-Aubin, la commune Fontaine Fourches, l’association commune de Pierrelaye.
— un contrat d’engagement établi entre M. C Y et la SECTION LE RENDEZ-VOUS DES DANSEURS DE BONNEVAL portant sur une prestation programmée de l’orchestre de C Y, incluant la participation de M. X, le 20 avril 2008.
— une lettre d’accompagnement d’un contrat d’engagement émanant de M. Y en date du 10 janvier 2008.
Il y a lieu de constater que ces deux derniers éléments s’inscrivent dans le cadre d’un mandat tacite conclu entre les musiciens composant l’orchestre et M. Y afin que ce dernier convienne avec les organisateurs de spectacle des dates et heures de spectacles, du répertoire musical à jouer, des cachets à percevoir par l’orchestre en son ensemble ou lui-même et chacun des musiciens lesquels composaient une communauté d’intérêts.
Mais, ces éléments ne permettent pas d’établir que les relations nouées entre M. Y et X excédaient la nécessaire organisation des spectacles.
En effet, M. X ne justifie pas de transmission de consignes ou d’exigences particulières données pour l’exécution des prestations caractérisant un lien de subordination.
A cet égard, le témoignage de M. G H , secrétaire de l’association Amal’Gamme en date du 12 septembre 2018, selon lequel M. Y « donnait des instructions, consignes et directives à ses musiciens sur le lieu, l’adresse de la salle, l’horaire du rendez-vous pour monter le matériel et faire une balance, l’endroit pour les repas, les tenues de scène et le programme musical. » doit être apprécié avec circonspection, compte tenu du lien de proximité entre son auteur et l’épouse de M. X, Présidente de cette association.
M. X évoque également son éviction brutale de l’orchestre par M. Y mais n’atteste pas d’un pouvoir de sanction exercé par ce dernier.
Si M. Y a indiqué dans un courrier à l’avocate de M. X reçu par celle-ci le 15 mai 2017 « avoir arrêté toute collaboration avec M. X suite à son agressivité envers les musiciens et les organisateurs », il ne peut se déduire de cette seule phrase que M. Y ait exercé un quelconque pouvoir disciplinaire, étant considéré que cette déclaration est faite en post scriptum à un courrier en réponse à une lettre comminatoire de l’avocate de M. Z.
M. X ne démontre pas que la prestation qu’il a fourni au sein de l’orchestre de M. Y, s’inscrivait dans le cadre d’un lien de subordination.
En conséquence, l’existence du contrat de travail n’est pas établie.
En l’absence de contrat de travail, les demandes de M. X au titre de l’exécution d’un tel contrat (congés payés) et de sa rupture (indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, travail dissimulé ) ne peuvent prospérer.
Il en est de même de la demande de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel .
Sur la demande de M. Y pour procédure abusive :
M. Y forme une demande indemnitaire à hauteur de 4 000 ‘ à l’encontre de M. X pour procédure abusive, celui-ci ayant agi pour obtenir des indemnités en sachant qu’il ne pouvait y prétendre, cette action lui causant préjudice moral conséquent.
En l’espèce M. Y ne caractérise pas de la part de M. X qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits, des agissements constitutifs d’un abus de droit.
Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. X sera condamné à payer à M. Y la somme de 500 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera condamné aux dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chartres en date du 23 mai 2018 en toutes ses dispositions.
Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 500 ‘ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. X aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,