Licenciement sans cause réelle et sérieuse

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Licenciement sans cause réelle et sérieuse
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Nos Conseils:

– Veillez à ce que la déclaration d’appel contienne toutes les mentions obligatoires telles que la constitution de l’avocat de l’appelant, l’indication de la décision attaquée, l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté, et les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité.
– Assurez-vous que la déclaration d’appel mentionne clairement les chefs du jugement critiqués pour que l’effet dévolutif de l’appel puisse opérer.
– Dans le cas où la déclaration d’appel vise l’ensemble des chefs du dispositif du jugement, veillez à ce que les conclusions d’appel précisent si l’appel tend à l’infirmation ou à la réformation de ces chefs du jugement critiqués.

Résumé de l’affaire

La société COMEDIS a licencié M. [O] [E] pour motif économique, suite à la requalification de sa convention de prestation de services en contrat de travail. M. [O] [E] conteste le licenciement et réclame diverses sommes à titre indemnitaire et salarial. Le conseil de prud’hommes de Toulon a jugé le licenciement fondé et a débouté M. [O] [E] de ses demandes. M. [O] [E] a interjeté appel de ce jugement, contestant la prescription de l’action en requalification et demandant la requalification de la convention en contrat de travail, ainsi que le paiement de diverses sommes. La société COMEDIS conteste les demandes de M. [O] [E], arguant notamment de l’absence de lien de subordination et de la légitimité du licenciement économique.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 mars 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/00328
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 15 MARS 2024

N° 2024/ 097

Rôle N° RG 22/00328 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIU4X

[J] [O] [E]

C/

S.A.S. COMPTOIR MEDITERRANEEN DE DISTRIBUTION – COMEDIS

Copie exécutoire délivrée

le :15/03/2024

à :

Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

Me Philippe SANSEVERINO de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 17 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00983.

APPELANT

Monsieur [J] [O] [E], demeurant [Adresse 1] – [Localité 3]

représenté par Me Jérémy VIDAL, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

S.A.S. COMPTOIR MEDITERRANEEN DE DISTRIBUTION (COMEDIS) sise [Adresse 2] – [Localité 4]

représentée par Me Philippe SANSEVERINO de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE et par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE substitué à l’audience par Me Cyril BORGNAT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024,

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société Comptoir Méditerranéen de Distribution, ci-après dénommée COMEDIS, exploite une activité d’alimentation en libre-service, gros, demi gros et détail.

Le 31 juillet 2011, une convention de prestations de services a été conclue entre la société COMEDIS et la société MBF, dont M. [J] [O] [E] était le cogérant, concernant une assistance commerciale et technique.

Le 1er janvier 2018, M. [O] [E] et la société COMEDIS ont conclu un contrat à durée indéterminée pour un emploi de responsable commercial catégorie 4, niveau 7 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2019, M. [O] [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour motif économique prévu le 2 décembre 2019.

Lors de l’entretien préalable, la société COMEDIS a remis au salarié un courrier l’informant du motif économique de son licenciement et des modalités du contrat de sécurisation professionnelle.

Le 2 décembre 2019, M. [O] [E] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 20 décembre 2019, la société COMEDIS a notifié à M. [O] [E] la rupture de son contrat de travail pour motif économique.

Le contrat de travail a pris fin le 23 décembre 2019, date d’expiration du délai de 21 jours attaché au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.

M. [O] [E] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 23 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon aux fins de prononcer la requalification de la convention du 31 juillet 2011 en contrat de travail, contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 17 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulon, section encadrement, a ainsi statué’:

– dit et juge prescrite l’action en requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail,

– dit et juge que le licenciement pour motif économique est fondé,

– déboute M. [O] [E] de l’ensemble de ses demandes,

– condamne M. [O] [E] à payer à la société COMEDIS en la personne de son représentant légal la somme de 1’500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboute les parties pour le surplus,

– condamne M. [O] [E] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 10 janvier 2022 notifiée par voie électronique, M. [O] [E] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 8 décembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [O] [E], appelant, demande à la cour, au visa de l’article 910-4 du code de procédure civile, de l’article 6-1 de la CEDH, et des articles 114, 542, 562 et 901 4° du code de procédure civile, de :

– rejeter les demandes de la SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS tendant à’:

– juger irrecevable la demande de réformation du jugement formulée dans ses conclusions d’appel,

– juger que la Cour n’est pas saisie d’une demande de réformation du jugement au titre de son appel principal,

– le recevoir par conséquent en son appel comme régulier en la forme, et le dire bien fondé,

vu l’article L. 1471-1 du code du travail,

– réformer le jugement rendu le 17 décembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Toulon, en ce qu’il a ainsi statué :

– juge prescrite l’action en requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail,

– juge que le licenciement pour motif économique était fondé,

– déboute M. [O] [E] de l’ensemble de ses demandes,

– condamne M. [O] [E] à payer à la société SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS la somme de 1’500,00 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile,

– condamne M. [O] [E] aux entiers dépens de l’instance,

statuant à nouveau,

– juger recevable son action introduite le 23 décembre 2019,

– requalifier la convention de prestation de services en contrat de travail,

– condamner en conséquence la société Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS à lui payer les sommes suivantes’:

– 43’846,20 euros bruts au titre de rappel de salaire,

– 4’384,62 euros brus à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire,

– 21’923,10 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– 5’992,55 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

– juger que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS à lui payer les sommes suivantes’:

– 29’230,80 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou 7’307,70 euros en l’absence de requalification de la convention du 31 juillet 2011,

– 7’307,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

vu le plan de commissionnement pour 2019 et l’avenant au contrat de travail pour 2019,

– condamner la SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS à lui payer les sommes de 4’000,00 euros bruts au titre des commissions pour les mois de janvier, février, avril, juin et août 2019, outre celle de 400,00 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

– ordonner à la SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) de remettre sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir les bulletins de paie compris entre l’année 2016 à 2018 par suite de la requalification de la convention du 31 juillet 2011, et l’attestation Pôle Emploi rectifiée selon les termes de l’arrêt,

en toute hypothèse,

– condamner la SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS à lui payer à la somme de 2’500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Société SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS aux entiers dépens,

– débouter la SAS Comptoir Méditerranéen de Distribution COMEDIS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

A l’appui de son recours, l’appelant fait valoir en substance que :

– aucune disposition n’exige que la déclaration d’appel mentionne, s’agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu’il en est demandé l’infirmation’;

– l’action en requalification n’est pas affectée par la prescription biennale prévue à l’article L.1471-1 du code du travail’;

– le point de départ de la prescription est le terme du contrat, non la date de sa conclusion’;

– la relation de travail à compter d’avril 2011 a été masquée par une convention qualifiée faussement de contrat de service’;

– il était en réalité sous la subordination de la société COMEDIS (recevait des directives, travaillait dans ses locaux, portait des vêtements griffés « SODIPRO le village frais », disposait d’une carte de visite ‘SODIPRO’, etc.)’;

– la comptabilité de la société MBF, qui travaillait exclusivement pour SODIPRO, était gérée par le service comptable de la société COMEDIS’;

– l’intention frauduleuse de la société COMEDIS est établie au regard du montage juridique mis en place pour le faire travailler sans déclaration à l’URSSAF et paiement de cotisations de sécurité sociale’;

– la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique n’est pas justifiée’;

– les commissions liées aux résultats des mois de janvier, février, avril, juin et août 2019 ne lui ont jamais été versées.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 11 mai 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société COMEDIS demande à la cour de :

à titre principal,

– juger irrecevable la demande de réformation du jugement formulée par M. [O] [E] dans ses conclusions d’appel,

– juger que la Cour n’est pas saisie d’une demande de réformation du jugement au titre de l’appel principal de M. [O] [E],

– confirmer en conséquence le jugement sur les chefs critiqués au titre de l’appel principal,

en tout état de cause,

– confirmer en tous points le jugement déféré,

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire la Cour de céans devait juger le licenciement de M. [O] [E] comme dénué de cause réelle et sérieuse,

– juger que le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder la somme de 1’826,92 euros et la condamner à cette somme,

– débouter M. [O] [E] de l’intégralité de ses autres demandes comme étant infondées,

– débouter M. [O] [E] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé,

à titre très subsidiaire,

si par extraordinaire la Cour de céans devait juger la demande requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail non prescrite,

– juger irrecevable l’action de M. [O] [E] faute de qualité pour agir,

à tout le moins,

– juger irrecevable l’action et les demandes de M. [O] [E] faute de mise en cause de la société MBF,

– débouter M. [O] [E] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé,

à titre infiniment subsidiaire,

si par extraordinaire la Cour de céans devait faire droit à la demande requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail,

– juger que M. [O] [E] ne verse pas aux débats la preuve des rémunérations qu’il a perçues de la société MBF sur la même période,

en conséquence,

– débouter M. [O] [E] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents,

– débouter M. [O] [E] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé,

à titre très infiniment subsidiaire,

si par extraordinaire la Cour de céans devait faire droit à la demande requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail et devait reconnaître l’existence d’un travail dissimulé,

– la condamner à payer à M. [O] [E] la somme de 27’261,52 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la période de janvier 2017 à décembre 2017 inclus,

– la condamner à payer à M. [O] [E] la somme de 13’668,78 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– débouter M. [O] [E] de toutes ses autres demandes,

en tout état de cause,

– débouter M. [O] [E] de sa demande de rappel de primes,

– condamner M. [O] [E] à lui payer la somme de 4’500,00 euros sur le fondement de 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [O] [E] aux entiers dépens.

L’intimée expose, à titre liminaire, que la demande de réformation formulée dans les conclusions et ne figurant pas dans déclaration d’appel est irrecevable.

Elle fait valoir ensuite que’:

– la demande de requalification de la convention conclue entre elle et la société MBF le 31 juillet 2011 en contrat de travail est prescrite, M. [O] [E] n’ayant pas agi dans le délai de cinq ans à compter de la signature de la convention’;

– les demandes sont également irrecevables en l’absence de qualité à agir de M. [O] [E] s’agissant d’une convention liant deux sociétés commerciales et en l’absence de mise en cause de la société MBF’;

– les termes de la convention litigieuse (rémunération forfaitaire, possibilité de pénalités en cas de non-paiement et de résiliation anticipée, absence de clause d’exclusivité ou non-concurrence)’et son exécution ont été exclusifs de tout élément constitutif d’un contrat de travail’;

– la société MBF n’a pas été créée dans le but de dissimuler un contrat de travail au bénéfice de M. [O] [E] mais a été constituée par les époux M. [O] [E] dans le but de proposer leurs prestations de services à diverses sociétés’;

– la société MBF avait une activité de société commerciale puisqu’elle facturait tous les mois ses prestations en appliquant de la TVA, reversée au Trésor public, réglait des fournisseurs, des rémunérations et a acquis un véhicule enregistré comptablement’;

– M. [O] [E] ne rapporte pas la preuve d’un lien de subordination durant toutes ces années et a exercé un mandat social au sein de la société COMEDIS en tant qu’administrateur’;

– il ne peut en outre solliciter d’être rémunéré deux fois par deux entités différentes alors qu’il a déjà été rémunéré par la société MBF pour les mêmes heures de travail’;

– s’agissant de la demande d’indemnité pour travail dissimulé, elle dément avoir voulu éluder un quelconque statut de salarié’;

– dans l’hypothèse où il serait retenu qu’elle a organisé un montage juridique pour faire travailler M. [O] [E] sans le déclarer en qualité de travailleur salarié, ce dernier a plus que participé à l’opération en créant avec sa femme une société commerciale et l’adage «’fraus omnia corrumpit’» lui interdit de solliciter la moindre indemnisation en ce sens’;

– elle établit enfin les difficultés économiques qui ont conduit au licenciement économique de M. [O] [E].

Une ordonnance de clôture est intervenue le 22 décembre 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 16 janvier 2024 suivant.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les mentions de déclaration d’appel’:

Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2021 au 27 février 2022, «’la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle’».

En application de l’article 562 du code de procédure civile, lorsque la déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

Dans un arrêt récent (Cass. 2e civ., 25 mai 2023, nº 21-15.842), la Cour de cassation a considéré qu’aucun texte n’impose de mentionner dans la déclaration d’appel que l’appelant sollicite l’infirmation des chefs de jugement expressément critiqués.

En revanche, il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation ou la réformation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement.

Il en résulte que la déclaration d’appel, qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués, délimite l’étendue de l’effet dévolutif de l’appel quand les conclusions, par l’énoncé dans leur dispositif, de la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l’appel, qui tend à l’annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d’appel.

Il en découle que lorsque la déclaration d’appel vise l’ensemble des chefs de dispositif du jugement, l’appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation/ infirmation soit l’annulation de cette décision.

En l’espèce, la déclaration d’appel vise expressément les chefs du jugement critiqués. Le fait qu’elle ne précise pas si l’appel tend à leur réformation ne l’entache d’aucune irrégularité et ne lui retire pas son effet dévolutif. Et il ne fait pas débat que le dispositif des conclusions d’appel comporte une demande tendant à la réformation des chefs du jugement critiqués.

La cour est bien saisie d’une demande de réformation de la décision attaquée.

Sur la demande de requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail’:

Sur la recevabilité de l’action de M. [O] [E]’:

”””””””””””’ Sur le moyen tiré de la prescription’:

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’action de M. [O] [E] tend à obtenir la requalification de la convention de prestation de services du 31 juillet 2011 liant la société MBF à la société COMEDIS en contrat de travail.

Cette action ne saurait s’analyser en une action portant sur l’exécution du contrat de travail ou en une action portant sur la rupture du contrat de travail au sens de l’article L.1471-1 du code du travail. Elle relève par conséquent du délai de prescription de cinq ans prévus par l’article 2224 du code civil.

Il y a lieu de considérer que M. [O] [E] n’a connu les faits permettant d’exercer son action qu’au moment où la prestation de services dans le cadre de la convention du 31 juillet 2011 est interrompue, soit le 1er janvier 2018 (mention dans l’extrait Kbis de la société MDF d’une «’cessation totale d’activité à compter du 01/01/2018 »).

M. [O] [E] ayant saisi la juridiction prud’homale le 23 décembre 2019, sa demande n’est pas prescrite.

Le jugement déféré est infirmé en ce sens.

”””””””””””’ Sur la qualité à agir’:

L’action tendant à faire reconnaître l’existence d’un contrat de travail, qui exige que soit établi un lien de subordination, est une action attachée à la personne du prétendu salarié. Elle peut donc être engagée par M. [O] [E], qui se présente comme le seul exécutant des prestations fournies par la société MDF à la société COMEDIS.

La demande présentée par M. [O] [E] tendant à voir reconnaître une relation de travail salariée avec la société COMEDIS est par conséquent déclarée recevable.

”””””’ Sur l’existence d’un contrat de travail’:

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le contrat de travail suppose l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination entre l’employeur et le salarié. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (en ce sens, Soc., 28 novembre 2018, pourvoi nº 17-20.079, FP, PBRI).

Selon les dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2023,

«’I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 214-18 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.- L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5. (‘)’»

En présence d’une convention de prestation de services, il incombe à M. [O] [E], qui entre dans le cas visé au I- 3° de l’article L. 8221-6 du code du travail en sa qualité de cogérant de la société MBF, de renverser la présomption de non-salariat en démontrant que les prestations étaient fournies à la société COMEDIS dans des conditions qui le plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celle-ci.

Pour prétendre à l’existence d’une relation de travail salariée, M. [O] [E] verse aux débats les pièces suivantes’:

– la convention d’assistance du 1er juin 2011 entre la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) «’représentée par Monsieur [A] [K]’en qualité de président’» et la SARL MBF «’représentée par Monsieur [O] [E], en qualité de cogérant’», prenant «’effet rétroactivement au 1er avril 2011’» aux termes duquel la société MBF, s’engage, moyennant «’une rémunération forfaitaire égale de 7500 euros par mois soit 90’000,00 euros à l’année’»,’ « à mettre à la disposition de COMEDIS, l’assistance et les services suivants :

– Assistance en matière commerciale

– conseils en matière de stratégie et de politique commerciale adaptée au marché local ;

– conseils en matière de planification commerciale et quant aux formes appropriées de commercialisation des activités de la Société COMEDIS’;

– études de marché et identification des clients potentiels et de leurs besoins ;

– assistance en matière de marketing, de promotion des ventes et de publicité ;

– études des actions promotionnelles ou publicitaires souhaitables et recommandations quant à leur réalisation ;

Assistance technique comprenant notamment

– définir et conduire la politique d’achat des marchandises’;

– organiser le travail du magasin’;

– effectuer les différents contrôles utiles permettant d’assurer la qualité, la quantité et la rotation du stock’;

– effectuer le suivi des clients au niveau de la prestation de service ;

A cet effet, MBF s’engage à consacrer à son activité pour le compte de COMEDIS et à l’exécution des prestations ci-dessus décrites, le temps nécessaire à la réalisation de sa mission. Cette assistance sera fournie au siège de COMEDIS ou tout autre endroit désigné par celle-ci. A cet effet, MBF mettra à la disposition de COMEDIS le personnel qualifié nécessaire à ‘exécution des tâches ci-dessus décrites’»’;

– un «’organigramme SODIPRO 2016’» sur lequel apparaît «'[J]’»’;

– un document intitulé «’Descriptif de poste [J] [O] [E]’» daté du «’07/06/2011’» comportant le logo «’Sodipro’»’;

– la photocopie d’une carte de visite au nom de M. [J] [O] [E], sans intitulé de poste, comportant les logos «’Le Village Frais’» et «’Sodipro’»’;

– des courriels émanant de M. [G] [K] de «’Sodipro’» adressés à M. [O] [E]’comme un courriel du 23 juin 2014 ayant pour objet une «’Procédure Traçabilité Marée’» indiquant «’A mettre en place dès demain matin. Il est de votre responsabilité que celle-ci soit en toute circonstance respectée’» ou un courriel du 11 février 2014 ayant pour objet une «’Réunion Chef de rayon’» dans lequel M. [K] souligne’: «’Je te suggère de faire une réunion des CDR et [S] afin de faire passer des messages d’avant saison. Il est important de la faire cette semaine car la semaine prochaine ce serait juste avant tes vacances ce qui serait moins efficace. Tu devrais selon moi l’orienter autour des sujets suivant : Situation actuelle des clients. Solvabilité, manque à gagner sur les plages, (‘)’», un courriel du 17 mars 2014 dans lequel M. [K] liste des points à traiter’;

– un courriel du 28 avril 2014 émanant de M. [G] [K] adressé à M. [O] [E] ainsi qu’à «’Jimmy’» ayant pour objet «’Table poissonnerie’» indiquant «’Jeudi lors de mon dernier passage la table n’était pas installée. L’avez-vous fait”’»’;

– un courriel du 19 février 2014 émanant de M. [G] [K] adressé à cinq personnes dont M. [O] [E] ayant pour objet «’RE’: Suite à l’audit de notre comptabilité par notre commissaire aux comptes’» indiquant’: «’Je vous avais demandé votre retour. Merci de me les donner pour demain afin que je les transmette à [X] [D]’»’;

– une attestation du 30 juillet 2020 émanant de Mme [R] [P], propriétaire du bar Du domaine à [Localité 4] et cliente du magasin «’Comedis Sodipro’» qui atteste que M. [O] [E] était le subalterne de M. [K] et relève qu’en juillet 2017, ce dernier s’en est pris très fermement à M. [O] [E] car il avait accepté de garder à l’intérieur de l’entrepôt de la société la marchandise d’un autre fournisseur qui lui était destinée’;

– une attestation du 27 juillet 2020 émanant de M. [T] [C], chef de cuisine du restaurant Chez Sylvia, qui indique que «’Monsieur [O] [E] m’a été présenté par l’ancien propriétaire en 2011 comme le nouveau directeur du magasin et Monsieur [K] comme le nouveau propriétaire et patron du magasin SODIPRO’» et dit avoir vu M. [K] «’imposer à plusieurs reprises à Monsieur [O] [E] de prendre une caisse pour désengorger la file d’attente des clients’»’;

– une attestation du 10 août 2020 de Mme [I] [U], responsable du service comptabilité au sein de société COMEDIS de mars 2010 à mai 2020, qui souligne que M. [O] [E] leur a été «’présenté comme le directeur du magasin, avec un contrat le liant entre COMEDIS et la société MBF qu’il a alors créé’»’; elle ajoute que M. [K] lui a demandé de «’tenir la comptabilité de la société MBF à l’aide du logiciel «’QUADRA’» de COMEDIS jusqu’au 31/12/2017’» et mentionne que M. [O] [E]’«’devait fournir chaque mois des notes de frais qui étaient validées par Monsieur [A] [K]’»’;

– une attestation du 27 juillet 2020 de M. [V], gérant du restaurant [Adresse 5] à [Localité 4], qui indique que «’Mr [O] [E] m’a été présenté par l’ancien propriétaire en 2011 comme le nouveau directeur et associé du magasin avec Mr [K] pourtant, dans les faits, j’ai constaté que Mr [K] était bien le patron et que Mr [O] [E] n’était qu’un employé’»’;

– une attestation du 25 août 2020 de M. [L], VRP multicarte fournisseur en vins de la société COMEDIS SODIPRO, qui indique que M. [O] [E] l’a informé des instructions qu’il avait reçues de M. [K], à savoir «’stopper notre collaboration’» et en avoir ensuite eu la confirmation par M. [K]’;

– des documents mettant en évidence qu’en 2010-2011, une association dans le cadre du rachat de la société COMEDIS a été envisagée entre la société L’Européenne de finances (EDF) et M. [O] [E]/ MDF’;

– un extrait Kbis du 3 avril 2014 de la société anonyme Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) mentionnant M. [A] [K] comme «’Président du conseil d’administration ‘ Directeur général’» et «’Administrateur’» et M. [O] [E] comme un des administrateurs de la société’;

– des courriels des 27 et 28 novembre 2013 évoquant un projet de cession d’une partie du capital de la société COMEDIS à la société MDF.

Après analyse, la cour constate que les pièces communiquées font ressortir l’exécution de tâches en lien avec la mission à la société MDF dans le cadre de la convention de prestations de service. Elles ne permettent par contre pas de considérer que les demandes de M. [K], président du conseil d’administration et directeur général de la société COMEDIS, excédaient le cadre de relations entre un prestataire de services et son client. Les attestations produites sont imprécises et peu circonstanciées. Il n’est notamment pas mis en évidence que M. [O] [E] ne pouvait organiser son temps de travail en toute autonomie, que la société COMEDIS contrôlait l’exécution de ses tâches et pouvait notamment le sanctionner d’éventuels manquements.

Il ressort ensuite qu’il était prévu dans la convention que le service serait effectué au sein du siège de la société COMEDIS, que le paiement se ferait sur une base forfaitaire et que les frais engagés par le personnel de la société MDF seraient remboursés sur présentation des justificatifs correspondants. M. [O] [E] ne conteste d’ailleurs pas avoir été rémunéré conformément aux conditions tarifaires mentionnées et le fait de rembourser des frais de déplacement à un prestataire ne permet pas de conclure à l’existence d’un contrat de travail ou d’un lien de subordination, l’intéressé devant produire des notes de frais pour le remboursement des frais engendrés par son activité. La convention de prestation de services ne fait en outre apparaître aucun lien d’exclusivité entre la société COMEDIS et la société MDF. Il est au contraire précisé à l’article 6 que «’Le bénéficiaire n’entend pas imposer au Prestataire, l’interdiction de réaliser la même activité pour des sociétés concurrentes, étant entendu qu’il s’agit de l’objet social même de la société MBF que de réaliser cette prestation de service’».

Il est observé également que la carte de visite communiquée au nom de M. [J] [O] [E] n’est pas datée et peut donc avoir été établie après la signature du contrat de travail du 1er janvier 2018’; qu’en tout état de cause, elle ne permet pas de mettre en évidence l’existence d’un lien de subordination, tout comme le port d’un vêtement griffé «’SODIPRO le village frais’», M. [E] pouvant, compte tenu de sa mission, utiliser les signes distinctifs de la société pour une question de lisibilité de son intervention auprès des tiers.

L’établissement de la comptabilité de la société MDF par le service comptabilité de la société COMEDIS n’est pas démontré sur la base de la seule attestation de Mme [U] et en tout état de cause, ne met pas en évidence un lien de subordination mais une collaboration étroite entre les deux sociétés. La cour relève à cet égard que M. [E] est impliqué dans la création de la société anonyme COMEDIS et dans sa gestion en sa qualité d’administrateur’à compter du 24 mai 2011 (soit antérieurement à la signature de la convention de prestation de services mentionnant une prise d’effet au 1er avril 2011) et au moins jusqu’en 2014′; qu’il a d’abord été envisagé en 2010-2011 qu’il prenne part au rachat de la société COMEDIS par l’intermédiaire de la société MDF dans le cadre de la constitution d’une holding, puis en 2013, que la société MDF prenne une participation directe dans la société COMEDIS’; qu’en outre, M. [O] [E] n’est pas le seul associé de la société MDF’; qu’il résulte des statuts de la société MDF communiqués par la société COMEDIS que le capital social est détenu à hauteur de 3000 parts sociales par M. [O] [E] et 2000 parts par son épouse, Mme [Z] [O] [E], et que les deux associés sont désignés cogérants. Il est justifié enfin par la société intimée que la société MDF n’était pas une simple société de façade’; qu’elle a acquis un véhicule et a, selon ses bilans, des «’dettes fournisseurs et comptes rattachés’».

Il en découle que M. [O] [E] ne renverse pas la présomption tirée de l’article L. 8221-6 du code du travail de sorte que sa demande de se voir reconnaître la qualité de salarié de la société COMEDIS ne peut prospérer.

Par voie de confirmation du jugement déféré, l’appelant est par conséquent débouté de sa demande subséquente de rappel de salaire sur la base d’un statut cadre, niveau 9, et des congés payés afférents, de sa demande de rappel d’indemnité de licenciement prenant en compte une ancienneté fixée au 1er avril 2011 et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur l’exécution du contrat de travail du 1er janvier 2018’:

”””””’ Sur la demande de rappel de commissions’:

Il incombe à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Le contrat de travail du 1er janvier 2018 fixe la rémunération mensuelle brute du salarié à la somme de 3’653,85 euros sur la base de 151,67 heures, outre «’une rémunération variable qui fera l’objet d’un avenant’».

L’avenant relatif à la rémunération variable pour l’année 2018 est joint au contrat de travail et prévoit’que : «’Le plan de commissionnement pour l’année 2018 sera de :

– Une prime de 500€ par mois si le chiffre d’affaire plus 7.25%, se rapportant exclusivement à son portefeuille client de 2017, est atteint.

– Une prime de 1000€ par mois si le chiffre d’affaire plus 15%, se rapportant exclusivement à son portefeuille client de 2017, est atteint.'(‘)’».

La société COMEDIS, qui expose qu’aucun plan de commissionnement n’a été établi pour l’année 2019, est contredite par la production par M. [O] [E] d’un avenant signé par les deux parties et rédigé comme suit’:

«’Toute l’année : si le chiffre d’affaires du mois 2019 est en progression d’au moins plus 3% par rapport à celui de 2018, une prime de 500€ payable sur le mois M+1 sera versée.

Toute l’année : si le chiffre d’affaires du mois 2019 est en progression d’au moins plus 7% par rapport à celui de 2018, une prime de 1000€ payable sur le mois M+1l sera versée.’»

En considération des chiffres d’affaires réalisés au cours des mois de janvier à août 2019, la société COMEDIS n’apportant pour sa part aucun élément, M. [O] [E] peut prétendre à un rappel de commissions à hauteur de 4’000,00 euros, pour les mois de janvier (1’000,00 euros), février (1’000,00 euros), avril (500,00 euros), juin (1’000,00 euros) et août 2019 (500,00 euros), outre celle de 400,00 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré est infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail du 1er janvier 2018’:

Sur motif économique du licenciement’:

Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018’:

«’Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. (‘)’»

Selon l’article L. 1233-16 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la lettre de licenciement comporte l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur.

Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre doit mentionner également leur incidence sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié. À défaut, le licenciement n’est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En cas de contestation, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué.

En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [O] [E] le 20 décembre 2019 est rédigée dans les termes suivants :

«’Par la présente, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour le motif économique suivant :

L’activité économique décline fortement.

En effet, en septembre 2019, le chiffre d’affaire hors taxes a baissé de 3.58% soit -29.863€ de CA HT. Au mois d’octobre 2019, la situation s’est aggravée, le chiffre d’affaire hors taxes a baissé de 8.93% soit -26.602€ de CA HT.

Et au mois de novembre 2019, la situation est catastrophique avec une baisse du chiffre d’affaire HT de -45.70%.

Par conséquent, votre emploi est supprimé.

En dépit des recherches que nous avons effectuées au sein de notre entreprise, conformément à l’article L 1233-4 du code du travail, nous n’avons pas trouvé de poste de reclassement.

Il s’avère que votre licenciement est inévitable.’»

La société COMEDIS invoque à l’appui du licenciement l’existence de difficultés économiques se manifestant pas une baisse de chiffre d’affaires.

Elle ne conteste pas qu’à la date du licenciement, elle n’avait pas enregistré de baisse du chiffre d’affaires pendant deux trimestres consécutifs s’agissant d’une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés mais soutient que la chute de chiffre d’affaires était suffisamment conséquente pour que des mesures soient immédiatement prises.

Force est cependant de constater que la société COMEDIS n’apporte aucun élément permettant de justifier la baisse du chiffre d’affaires et des difficultés économiques invoquées à la date du licenciement. Elle ne produit aucun élément comptable précis. La baisse du chiffre d’affaires de -45,70% au mois de novembre 2019 n’est pas justifiée et est même contredite par la balance des comptes généraux portant sur le mois de novembre 2019 qui est communiquée.

Il n’est donc pas démontré que la société COMEDIS rencontrait des difficultés économiques de nature à justifier la suppression de l’emploi de M. [O] [E].

Le licenciement pour motif économique de M. [O] [E] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture’:

Sur l’indemnité compensatrice de préavis’:

En l’absence de motif économique du licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre au salarié en vertu dudit contrat. (Cass., Soc., 10 mai 2016, n° 14-27953 ; Cass., Soc., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-19.550). La somme versée à Pôle Emploi par l’employeur au titre de sa participation au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle ne peut pas venir en déduction de la créance du salarié au titre de l’indemnité de préavis.

Ainsi, au vu d’un salaire mensuel moyen brut non contesté de 3 653,85 euros, il revient à M. [O] [E] la somme de 7 307,70 euros à titre d’indemnité compensatrice d’un préavis d’une durée de deux mois, outre celle de 730,77 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré est infirmé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’:

La cour ayant estimé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [O] [E] est en droit de prétendre au paiement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte-tenu de la date de la rupture du contrat de travail, les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail en vigueur depuis le 1er avril 2018 sont applicables.

Selon ces dispositions si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Pour une ancienneté d’un an (qui s’entend en années complètes) et dans une entreprise de 11 salariés ou plus, l’article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 1 mois de salaire et 2 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de la société, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O] [E], de son ancienneté, de son âge (58 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des pièces produites (justification d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, rejet de l’allocation de solidarité spécifique en l’absence de justification d’au moins cinq années d’activité salariée ou assimilée dans les dix ans précédant la fin de son contrat de travail, perception d’une pension de retraite à compter d’octobre 2023), il convient de lui allouer la somme de 7 307,70 euros, sur la base d’une rémunération brute de référence de 3 653,85 euros, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice.

Le jugement déféré est infirmé en ce sens.

Sur les demandes accessoires’:

Eu égard au rejet de la requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail, la demande de remise de bulletins de paie portant sur les années 2016 à 2018 est rejetée. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Par contre, la demande de remise de l’attestation Pôle Emploi rectifiée conforme à la présente décision, mentionnant comme motif de rupture du contrat de travail un licenciement sans cause réelle et sérieuse, est fondée en son principe. Il convient d’y faire droit. Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d’une astreinte.

Vu la solution donnée au litige, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Succombant partiellement dans son recours, la société COMEDIS supportera les dépens d’appel et sera tenue de verser à M. [O] [E] la somme de 2’200,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle est déboutée de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et réputé contradictoire,

Rejette la demande tendant à voir juger que la cour n’est pas saisie d’une demande de réformation du jugement déféré,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [J] [O] [E] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents, de rappel d’indemnité de licenciement et d’indemnité pour travail dissimulé ainsi que de remise de bulletins de paie portant sur les années 2016 à 2018,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare la demande de requalification de la convention de prestation de services en contrat de travail recevable,

Déclare le licenciement de M. [J] [O] [E] par la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) à payer à M. [J] [O] [E] les sommes suivantes’:

– 4’000,00 euros de rappel de commissions pour les mois de janvier, février, avril, juin et août 2019, outre celle de 400,00 euros au titre des congés payés afférents,

– 7 307,70 euros à titre d’indemnité compensatrice d’un préavis, et 730,77 euros au titre des congés payés afférents,

– 7 307,70 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2020 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

Dit que la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) devra transmettre à M. [J] [O] [E] dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision une attestation Pôle Emploi rectifiée conforme à la présente décision, mentionnant comme motif de rupture du contrat de travail un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que l’astreinte soit nécessaire,

Condamne la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) à payer à M. [O] [E] la somme de 2’200,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel,

Déboute la société Comptoir Méditerranéen de Distribution (COMEDIS) de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles.

Le Greffier Le Président


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