Licenciement sans cause réelle et sérieuse

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Licenciement sans cause réelle et sérieuse
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Nos Conseils:

– Veillez à formuler clairement vos demandes dans le dispositif de vos conclusions pour éviter toute confusion lors de l’examen du litige par la cour.
– Assurez-vous que les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont matériellement vérifiables et suffisamment motivés pour justifier un licenciement pour faute grave.
– Respectez le principe non bis in idem en évitant de sanctionner deux fois un salarié pour les mêmes faits fautifs, afin de garantir la validité de la procédure disciplinaire.

Résumé de l’affaire

M. [Z] a été engagé en tant que maître d’hôtel par la société SG Montorgueil, locataire-gérante du restaurant ‘Le Rocher du Cancale’. En avril 2019, la société Le Rocher a repris l’exploitation du restaurant et le contrat de travail de M. [Z] a été transféré. Suite à un arrêt de travail, la société Le Rocher l’a licencié pour faute grave. Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Le Rocher à verser diverses sommes à M. [Z]. La société Le Rocher a interjeté appel, demandant l’infirmerie du jugement et la reconnaissance de la faute grave de M. [Z]. M. [Z] demande quant à lui une augmentation des indemnités et des dommages-intérêts.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 juin 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/03997
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 13 JUIN 2024

(n° 238, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03997 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUGV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 mars 2021 – Conseil de Prud’hommes de PARIS – RG n° F 19/07719

APPELANTE

S.A.R.L. LE ROCHER DU CANCALE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉ

Monsieur [X] [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Nathan IFERGAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1381

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Marie SALORD, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie SALORD, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein (169 heures par mois) prenant effet le 1er avril 2017, M. [X] [Y] [Z] a été engagé par la société SG Montorgueil en qualité de maître d’hôtel, statut employé, niveau II, échelon 1 au sens de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants applicable à la relation contractelle.

La société SG Montorgueil était locataire-gérante du restaurant ‘Le Rocher du Cancale’ situé au [Adresse 2].

En avril 2019, la société Le Rocher du Cancale (ci-après désignée la société Le Rocher), propriétaire du fonds de commerce, a mis fin à la location gérance de la société SG Montorgueil et a exploité en direct le restaurant à compter de ce mois.

Les parties s’accordent sur le fait que le contrat de travail de M. [Z] a été transféré à la société Le Rocher à compter de la fin de la location gérance.

M. [Z] a fait l’objet d’un arrêt de travail du 21 juin au 15 juillet 2019 inclus.

Par lettre remise en main propre le 18 juillet 2019, la société Le Rocher a mis à pied M. [Z] à titre conservatoire et l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 26 juillet 2019.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 31 juillet 2019, la société Le Rocher a notifié à M. [Z] son licenciement pour faute grave.

Le 27 août 2019, M. [Z] a contesté le bien-fondé de son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 30 mars 2021, a :

Rejeté la demande de nullité de la saisine,

Fixé le salaire mensuel de référence à la somme de 2.974,89 euros bruts,

Condamné la société Le Rocher à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

– 1.678,61 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied,

– 167,86 euros de congés payés afférents,

– 3.563,32 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 356,33 euros de congés payés afférents,

– 4.602,62 euros d’indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2019 et exécution provisoire,

– 8.924,67 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2021,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné à la société Le Rocher de délivrer à M. [Z] une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conformes au jugement,

Débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,

Débouté la société Le Rocher de sa demande,

Condamné la société Le Rocher aux dépens.

Le 26 avril 2021, la société Le Rocher a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 26 janvier 2024, la société Le Rocher demande à la cour de :

La déclarer recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [Z] reposait sur des griefs déjà sanctionnés et était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à payer à ce dernier les sommes suivantes :

– 1678,61 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied,

– 167,86 euros aux titres des congés payés incidents,

– 3.563,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 4.602,62 euros à titre d’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2019 et exécution provisoire,

– 8.924,67 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2021,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Juger que le licenciement de M. [Z] repose sur une faute grave,

En conséquence,

Débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris au titre de l’appel incident,

Condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de dommage et intérêts pour procédure abusive,

A titre subsidiaire, si la cour considérait le licenciement comme infondé,

Fixer l’indemnité de licenciement à la somme de 1.735,34 euros,

En tout état de cause :

Condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LX PARIS VERSAILLES REIMS conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 28 septembre 2021, M. [Z] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Le Rocher aux sommes suivantes :

– 1.678,61 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied,

– 167,86 euros aux titres des congés payés incidents,

– 3.563,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 4.602,62 euros à titre d’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2019 et exécution provisoire,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirmer ledit jugement en ce qu’il a limité l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8924,67 euros ‘et débouté à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2021,

Y ajouter

Condamner la société Le Rocher à lui payer les sommes suivantes :

– 10.412,10 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3,5 mois),

– 5.000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère brutal et vexatoire de la rupture,

– 25.000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la transmission de documents de fin de contrat erronés et mensongers qui lui auraient permis de faire valoir ses droits aux prestations chômage,

– 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonner à la société Le Rocher de lui remettre des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi et certificat de travail) conformes à l’arrêt à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour et par document de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir,

Dire et juger que les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation des parties devant le Bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,

Condamner la société Le Rocher aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 31 janvier 2024.

MOTIFS

Sur l’étendue du litige :

Il est rappelé que l’article 954 du code de procédure civile dispose : ‘La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion’.

En premier lieu, dans le dispositif de ses dernières conclusions, le salarié demande à la cour de :

‘Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [Z] reposait sur des griefs déjà sanctionnés et était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à payer à ce dernier les sommes suivantes :

– 1678,61 euros à titre de rappel de salaire afférent à la mise à pied,

– 167,86 euros aux titres des congés payés incidents,

– 3.563,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 4.602,62 euros à titre d’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2019 et exécution provisoire,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’.

Il ressort de la partie discussion de ses écritures que M. [Z] a commis une erreur matérielle en sollicitant l’infirmation du jugement et non la confirmation de celui-ci de ces chefs.

Il sera donc considéré que M. [Z] demande en réalité à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné l’employeur aux sommes susmentionnées.

En deuxième lieu, dans le dispositif de ses dernières écritures, M. [Z] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a limité l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8.924,67 euros ‘et débouté à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’ avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2021.

Le sens de la partie placée en italique ci-dessus (‘et débouté à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’) ne peut être comprise au regard des écritures des parties et des pièces versées aux débats. Il n’en sera dès lors pas tenu compte.

En troisième lieu, dans le dispositif de ses dernières écritures, M. [Z] demande à la cour de condamner la société Le Rocher à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère brutal et vexatoire de la rupture.

La cour constate que le salarié a commis une erreur matérielle dans le dispositif de ses conclusions en omettant de lui demander d’infirmer le jugement en ce qu’il l’avait débouté de cette demande indemnitaire, l’employeur ne produisant aucune observation sur ce point dans ses écritures.

En dernier lieu, dans le dispositif de ses dernières écritures, M. [Z] demande à la cour de condamner la société Le Rocher à lui verser la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la transmission de documents de fin de contrat erronés et mensongers qui lui auraient permis de faire valoir ses droits aux prestations chômage.

Il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que le conseil de prud’hommes a été saisi de cette demande pécuniaire.

L’article 564 du code de procédure civile dispose : ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’.

L’article 565 du code de procédure civile prévoit : ‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent’.

La cour constate que, d’une part, l’employeur ne formule aucune observation dans ses écritures sur la recevabilité de cette demande et, d’autre part, celle-ci tend aux mêmes fins que les demandes formées par le salarié en première instance et en appel au titre des indemnités de rupture et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par suite, cette demande n’est pas irrecevable.

Sur le licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement pour faute grave du 31 juillet 2019 est ainsi rédigée :

‘Nous avons eu à déplorer de votre part plusieurs agissements fautifs qui ont été en autre portés à notre connaissance le 20 Juin 2019. Nous vous avons alors convoqué à un entretien le 26 Juillet 2019 auquel vous avez assisté accompagné d’un conseiller du salarié. Vos explications n’ayant pu changer notre position à votre égard, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Vous avez été embauché par la société SG MONTORGUEIL à l’enseigne au ROCHER DU CANCALE le 29 mars 2017. Cet établissement avait été confié en location-gérance. Nous avons mis fin à ce contrat de gérance et avons récupéré notre établissement en avril 2019. Naturellement nous avons repris les salariés ainsi que leur ancienneté.

A notre arrivée en avril, vous nous avez clairement indiqué regretter votre ‘ancien patron’ qui vous laissait vous organiser seul et comme vous l’entendez. Nous vous avons fait comprendre que nous n’avions pas la même vision et que nous ne souhaitions pas ‘délaisser’ l’établissement.

Les faits reprochés sont les suivants :

1. Vol de documents appartenant à l’entreprise

En date du 19 juin 2019, vous avez dérobé des documents administratifs et confidentiels appartenant à l’entreprise. A savoir : fiches individuelles des salariés contenant des informations personnelles (numéro de sécurité sociale, adresse, numéro de téléphone, planning de travail de la société’)

Nous en avons été immédiatement informés après avoir visualisé les caméras de vidéos surveillance.

Nous vous avons dès le lendemain demandé de nous restituer ces éléments. Vous avez commencé par nier les faits puis devant l’évidence, vous nous avez indiqué nous les ramener dès le lendemain ‘

Or dès le lendemain nous prenions connaissance de votre arrêt maladie’

D’ailleurs lors de l’entretien qui s’est tenu le 26 Juillet 2019, vous n’avez pas nié les faits et avez reconnu avoir pris les documents administratifs qui ne vous appartiennent pas, sans dénier nous les ramener !

2. Comportement agressif vis-à-vis de vos collègues ayant des répercussions sur la bonne marche de l’entreprise

Votre collègue [D] nous a fait part de l’ambiance délétère qui règne au sein du restaurant.

C’est ainsi et pour la première fois qu’il a été porté à notre connaissance le fait que vous n’hésitez pas à user de votre ‘ancienneté’ pour faire peser sur vos collègues un véritable ‘climat de terreur’.

Après avoir entendu plusieurs salariés du restaurant, ils nous ont tous confirmé de façon unanime que vous employez un ton agressif en leur imposant votre façon de travailler sans prendre en compte les consignes données et qui sont pourtant simples.

Nous vous avons alors demandé en date du 20 Juin de vous ressaisir car les salariés et la clientèle se plaignaient de votre comportement.

Pour seule défense, nous avons pris connaissance de votre dépôt de plainte précisant avoir été agressé par [D]!

Elle a également déposé plainte…

Vous créez un climat malsain en employant un ton agressif et non justifié et vous vous permettez de donner des ordres alors que vous ne disposez d’aucun pouvoir de direction.

Votre attitude perturbe la bonne marche de notre entreprise puisque l’ensemble de l’équipe est démoralisé et les salariés nous ont fait savoir qu’ils étaient angoissés en raison de votre comportement.

3. Insubordination

Vous refusez systématiquement les consignes données en expliquant connaître votre métier et ne pas à avoir à recevoir d’ordre’.

Or il est normal pour assurer la bonne marche de l’entreprise que des consignes vous soient données.

Vous refusez pourtant de les appliquer.

Ainsi et à maintes reprises, lors du dressage des tables nous vous avons demandé de ne pas disposer les cuillères à droite de l’assiette et nous vous avons montré la disposition souhaitée’ Vous n’en prenez pas compte en nous expliquant ‘faire différemment avec votre ancien Patron’ ce que vous reconnaissez d’ailleurs dans votre courrier daté du 17 juin 2019 tout en ne modifiant pas vos habitudes

Encore plus, vous refusez catégoriquement d’appliquer les horaires de travail qui sont de 08 heures à 16 h 00 et non pas 17 h !

Nous vous avons à maintes reprises comme vous le rappelez d’ailleurs encore une fois dans votre courrier, demandé de respecter vos horaires de travail ce que vous refusez catégoriquement !

En fonction des besoins du service et des nécessités de notre entreprise, c’est à l’employeur de fixer les plannings de travail et pas à vous !

Lors de notre entretien vous n’avez pas contesté ces éléments une fois de plus mais avez indiqué souhaiter travailler jusqu’à 17 h.

En refusant d’effectuer les horaires de travail, vous désorganisez notre entreprise !

Vous refusez de prendre votre pause déjeuner avec vos collègues à 11 h car selon vous cela est trop tôt.

Cependant et vous comprendrez que dans la restauration la pause déjeuner doit s’effectuer avant l’arrivée des clients. Nous ne pouvons pas accepter alors en plein service aux alentours de 14 heurs que vous vous absentiez pour déjeuner ! Encore une fois notre entreprise en est désorganisée.

Votre conduite inadmissible, met en cause la bonne marche de l’entreprise tant vis à vis de vos collègues de travail que de notre clientèle.

En effet, vos collègues ne travaillent pas dans un climat serein et ont peur de vos réactions totalement imprévisibles.

Vous n’hésitez pas à avoir une attitude agressive et cela même en présence de nos clients, ce qui nuit à l’image de marque de notre établissement.

Nous n’avons pas été en mesure de modifier notre appréciation suite à l’entretien du 26 juillet 2019.

Nous vous informons, en conséquence, que nous vous licencions pour faute grave.

Compte tenu de la gravité de celle-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible même pendant la durée du préavis.

Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous avez fait l’objet.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis ni licenciement (…)’.

* Sur l’épuisement du pouvoir de sanction de l’employeur du fait de la lettre du 27 juin 2019 :

Au préalable, il est versé aux débats une lettre recommandée avec avis de réception du 27 juin 2019 adressée par l’employeur au salarié et ainsi rédigée :

‘Nous prenons connaissance de votre courrier recommandé daté du 17 juin 2019 qui apporte de notre part des réponses.

Avant tout, nous souhaitons vous rappeler que vous avez été embauché par la société SG Montorgueuil à l’enseigne au Rocher du Cancale le 29 mars 2017.

Cet établissement avait été confié en location gérance.

Nous avons mis fin à ce contrat de gérance et avons récupérer notre établissement en avril 2019.

Naturellement nous avons repris les salariés.

Contrairement à ce que vous indiquez, votre ancienneté est acquise depuis le 29 mars 2017 étant précisé que vous aviez initialement été embauché en avril 2015 jusqu’en juin 2016, date à laquelle votre contrat a pris fin par la mise en place d’une rupture conventionnelle.

Il est donc faux d’indiquer avoir été embauché par le Rocher de Cancale depuis 4 ans…

A notre arrivée en avril, vous nous avez clairement indiqué regretter ‘votre ancien patron’ qui vous laissé vous organiser seul et comme vous l’entendez.

Nous vous avons fait comprendre que nous n’avons pas la même vision et que nous ne souhaitons pas ‘délaisser’ l’établissement.

Nous souhaitons être présent à vos côtés comme du reste de l’équipe, ce que vous ne semblez pas apprécier.

Depuis votre comportement s’est considérablement dégradé.

En effet, vous refusez d’appliquer les consignes données et vous créez des tensions au sein de l’équipe.

Nous vous avons demandé à plusieurs reprises lors de la mise en place des couverts par exemple de les disposez d’une certaine façon, vous n’en prenez pas compte en nous expliquant ‘avoir toujours fait comme cela avec votre ancien patron’.

Vous n’hésitez pas à indiquer que vous subissez un ‘harcèlement moral’.

Ces propos sont graves et ne peuvent être tolérés puisqu’ils sont diffamatoires.

Nous attendons de votre part des excuses.

Monsieur, vous comprendrez aisément que nous ne pouvons tolérer une telle attitude et nous vous demandons à l’avenir de bien vouloir respecter les consignes données dans l’intérêt de l’entreprise’.

M. [Z] soutient que ce courrier s’analyse en un avertissement (et non en une simple réponse à une lettre) puisqu’il comporte l’énoncé de griefs précis à son encontre qui seront repris dans la lettre de licenciement. Il précise n’avoir pas travaillé dans l’entreprise lors de la réception de ce courrier étant soit en arrêt de travail soit mis à pied à titre conservatoire et qu’ainsi il n’a pu commettre aucun nouveau fait susceptible de justifier le licenciement pour faute grave. Il conteste le fait que la société ait découvert les faits mentionnés dans la lettre de licenciement postérieurement à l’envoi du courrier du 27 juin 2019, ainsi que l’existence d’une enquête interne menée par l’employeur qui est évoquée pour la première fois en cause d’appel. Il en déduit, comme l’avait fait le conseil de prud’hommes dans le jugement entrepris, que les faits reprochés dans la lettre de licenciement étant antérieurs à la notification du courrier du 27 juin 2019, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire les concernant à cette date et ne pouvait dès lors les sanctionner dans le cadre du licenciement litigieux survenu le 31 juillet 2019. Il soutient également que les faits sanctionnés dans la lettre de licenciement sont les mêmes que ceux mentionnés dans le courrier du 27 juin 2019 et ne pouvaient dès lors justifier son licenciement au regard du principe non bis in idem.

En défense, l’employeur expose que le courrier du 27 juin 2019 ne peut s’analyser en un avertissement puisqu’il ne mentionne pas cet objet et avait seulement pour but de répondre à la lettre du 17 juin 2019 par laquelle le salarié avait fait des reproches à la nouvelle direction de l’entreprise. La société précise que le courrier litigieux n’avait pas vocation à sanctionner le salarié et qu’elle a mené une enquête interne à compter du 29 juin 2019 l’ayant conduite à entendre plusieurs salariés reprochant à M. [Z] ‘un climat de terreur’. Elle considère ainsi ne pas avoir épuisé son pouvoir disciplinaire par l’envoi du courrier du 27 juin 2019.

En l’espèce et en premier lieu, il est rappelé que l’article L. 1331-1 du code du travail dispose : ‘Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération’.

S’il est vrai que la lettre du 27 juin 2019 est à l’origine une lettre de réponse de l’employeur n’indiquant formellement pas qu’elle constitue un avertissement, il n’en demeure pas moins que la société y formule des reproches précis au salarié (non respect des consignes, tensions avec son équipe dues à une dégradation de son comportement), l’invitant à changer son comportement, à respecter à l’avenir les consignes et à lui présenter ses excuses. Il s’en déduit que le courrier du 27 juin 2019 s’analyse en un avertissement.

En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement que l’employeur a eu connaissance des faits qu’il reproche au salarié le 20 juin 2019, soit 7 jours avant l’envoi du courrier que la cour vient de qualifier d’avertissement. Si l’employeur fait état dans ses écritures d’une enquête interne lui ayant permis de connaître une partie des faits, force est de constater que, comme le soutient le salarié, il n’en justifie pas, se bornant à renvoyer dans ses écritures à une pièce 24 correspondant à une enquête de la CPAM relative à un accident de travail/trajet subi par M. [Z] et survenue entre le 26 et le 30 août 2019 (soit postérieurement au licenciement). En outre, il ressort des termes de la lettre de licenciement que les faits reprochés au salarié sont antérieurs au 20 juin 2019. Par suite, la cour considère que lors de la notification de l’avertissement du 27 juin 2019, la société avait connaissance des faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement.

En troisième lieu, la comparaison de l’avertissement du 27 juin 2019 et de la lettre de licenciement du 31 juillet 2019 montre que, contrairement aux allégations de M. [Z], l’intégralité des griefs formulés par l’employeur dans cette lettre n’était pas contenue dans l’avertissement.

S’agissant des faits sanctionnés par l’avertissement du 27 juin 2019, ils ne pouvaient l’être à nouveau par la lettre de licenciement au regard du principe non bis in idem selon lequel l’employeur ne peut pas sanctionner deux fois son salarié pour les mêmes faits fautifs.

S’agissant des faits non sanctionnés par l’avertissement du 27 juin 2019 (notamment le recours à un ton agressif avec l’équipe), il est rappelé qu’il se déduit de l’article L. 1331-1 du code du travail précité que l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

Comme il a été dit précédemment, l’employeur avait connaissance des faits sanctionnés dans la lettre de licenciement au moment de la notification de l’avertissement du 27 juin 2019 et n’a choisi au moment de cette mesure disciplinaire de n’en sanctionner que certains.

Par suite, la société ne pouvait prononcer une mesure de licenciement pour sanctionner ni les faits déjà réprimés par l’avertissement du 27 juin 2019 ni les autres faits antérieurs à la première sanction du 27 juin 2019, l’employeur ayant déjà épuisé son pouvoir disciplinaire à leur égard.

Il se déduit de ce qui précède que, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Toutefois, le jugement entrepris ne l’ayant indiqué que dans la motivation de sa décision, il sera dit dans le dispositif du présent arrêt que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

En premier lieu, si la société Le Rocher soutient qu’elle employait à titre habituel au moment de la rupture moins de onze salariés (conclusions p.25), le salarié conclut au contraire qu’elle employait plus de dix salariés (conclusions p.3). Il ressort du registre d’entrée et de sortie du personnel produit par l’employeur (pièce 16) qu’à la fin de l’année 2019, la société Le Rocher employait 22 salariés. A défaut d’autre élément permettant d’établir l’effectif de l’entreprise à la date de la rupture (31 juillet 2019), il sera considéré que la société employait à cette date au moins onze salariés.

En deuxième lieu, les parties s’accordent sur le fait que le salaire moyen mensuel brut du salarié doit être fixé à la somme de 2.974,89 euros (conclusions du salarié p.3, conclusions de l’employeur p.26), comme l’a jugé le conseil de prud’hommes (dont la décision est donc définitive sur ce point). Il se déduit en outre des éléments produits que le salarié bénéficiait d’une ancienneté de plus de deux ans à la date de rupture.

En troisième lieu, compte tenu du salaire retenu par la cour, de l’ancienneté du salarié lui permettant de bénéficier d’un préavis de deux mois en application des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail et statuant dans les limites de l’appel, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société à payer à M. [Z] les somme de 1.678,61 euros de rappel de salaire sur mise à pied, 167,86 euros de congés payés afférents, 3.563,33 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 356,33 euros de congés payés afférents, précision faite que ces sommes sont exprimées en brut.

En quatrième lieu, compte tenu du décompte produit par l’employeur dans ses écritures (p.26), il sera fait droit à sa demande subsidiaire d’infirmation du jugement sur le quantum de l’indemnité de licenciement accordée par le conseil de prud’hommes à hauteur de 4.602,62 euros. Ce montant sera ainsi diminué à la somme de 1.735,34 euros.

En cinquième lieu, le conseil de prud’hommes a accordé à M. [Z] la somme de 8.924,67 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 3 mois de salaire.

Le salarié demande que cette somme soit portée à 10.412,10 euros, correspondant à 3,5 mois de salaire.

L’employeur conclut au débouté de cette demande.

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la date de rupture du contrat (31 juillet 2019) et issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

En l’occurrence, pour une ancienneté de 2 ans, la loi prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale qui s’élève à 3,5 mois.

Eu égard à l’âge du salarié, à son ancienneté, à son salaire et à la période de chômage subie par M. [Z] après la rupture, le jugement sera confirmé sur le montant de l’indemnité prononcée.

En dernier lieu, il sera ordonné d’office en application de l’article L. 1235-4 du code du travail à la société Le Rocher de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées par eux à M. [Z] dans la limite de trois mois d’indemnités.

Sur les autres demandes pécuniaires du salarié :

* Sur les dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère brutal et vexatoire de la rupture :

M. [Z] réclame la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère brutal et vexatoire de la rupture aux motifs que :

– d’une part, la procédure de licenciement a été engagée volontairement pendant l’arrêt de travail,

– d’autre part, ‘M. [W], gérant de fait de la SARL Le Rocher du Cantale a pris encore plus de plaisir à faire miroiter à M. [Z] la conclusion d’une rupture conventionnelle lors de l’entretien préalable’ (conclusions salarié p.23),

En premier lieu, le seul fait de notifier au salarié un licenciement disciplinaire pendant un arrêt de travail ne peut suffire à fonder la mise en jeu de la responsabilité civile de l’employeur au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement.

En second lieu, s’agissant du second fait, la cour constate que le salarié ne se réfère dans ses écritures (p.23) à aucun élément autre que ses propres déclarations pour en établir la matérialité. En outre, l’énoncé de ce fait en lui-même n’est pas suffisamment précis et circonstancié pour justifier un manquement de l’employeur susceptible de justifier la demande indemnitaire.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande pécuniaire.

* Sur les dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la transmission de documents de fin de contrat erronés et mensongers :

M. [Z] reproche à l’employeur de lui avoir adressé au moment de la rupture :

– une attestation Pôle emploi au nom de la société SG Montorgueil non signée portant sur la période antérieure au transfert de son contrat de travail,

– une attestation Pôle emploi au nom de la société Le Rocher pour la période postérieure.

Compte tenu de ces deux attestations qu’il verse aux débats, il expose que Pôle emploi lui a notifié un refus d’inscription, sans toutefois préciser dans ses écritures la date de ce refus et la période durant laquelle celui-ci a perduré.

Il expose que ce refus d’inscription imputable à l’employeur lui a causé un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 25.000 euros.

L’employeur ne produit aucun argumentaire en défense.

S’agissant du refus d’inscription à Pôle emploi, le salarié entend l’établir en produisant des échanges de mails non datés (pièce 22) par lesquels Pôle emploi refuse son inscription en raison des ‘attestations employeur’ (sans autre précision). Cependant, la cour constate que dans l’un de ces messages, il est indiqué que le salarié a été inscrit à Pôle emploi à compter du 4 décembre 2019.

Par suite, le préjudice subi par le salarié du fait des attestations litigieuses ne peut porter que sur la période comprise entre la date de rupture (31 juillet 2019) et la date d’inscription à Pôle emploi (4 décembre 2019).

Il sera ainsi alloué au salarié la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :

La société Le Rocher demande à la cour de condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Compte tenu des développements précédents dans lesquels la cour a accueilli les demandes du salarié, il y a lieu de débouter l’employeur de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de M. [Z] tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

La société qui succombe est condamnée à verser à M. [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La société doit supporter les dépens d’appel et sera déboutée de sa demande au titre des articles 699 et 700 du code de procédure civile.

Il sera fait droit à la demande d’anatocisme du salarié.


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