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Nos Conseils:
– Assurez-vous de respecter les obligations contractuelles énoncées dans le contrat de travail, telles que la transmission hebdomadaire d’un compte rendu détaillé des activités et d’un planning prévisionnel, pour éviter tout litige ultérieur. |
→ Résumé de l’affaireM. [O] a été licencié pour faute grave par la société Aures technologies, mais le conseil de prud’hommes a jugé que ce licenciement n’était pas justifié. Le conseil a condamné la société à verser à M. [O] diverses sommes au titre de rappels de salaire, indemnités compensatrices, indemnité conventionnelle de licenciement, dommages et intérêts, ainsi qu’à rembourser les indemnités de chômage versées à M. [O]. La société a interjeté appel de ce jugement, demandant notamment la confirmation du licenciement pour faute grave. M. [O], de son côté, a également interjeté appel pour obtenir des dommages et intérêts supplémentaires et des rappels de salaire pour heures supplémentaires et jours de repos non pris. Les parties ont présenté leurs observations sur l’absence de reprise au dispositif des conclusions de la société concernant les JRTT et l’indemnité compensatrice de congés payés.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 13 JUIN 2024
(n° 2024/ , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09702 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEW32
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° 20/00202
APPELANTE
S.A. AURES TECHNOLOGIES
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 517
INTIME
Monsieur [B] [O]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 480
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU,Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. [B] [O] a été engagé par la société Aures technologies, ci-après la société, par contrat de travail à durée indéterminée du 23 septembre 2008 à compter du 1er octobre 2008 en qualité d’ingénieur technico-commercial, statut cadre.
En dernier lieu, M. [O] percevait une rémunération mensuelle brute composée d’une part fixe de 3 433 euros outre un avantage en nature véhicule valorisé à127,76 euros et d’une part variable.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de gros du 23 juin 1970.
La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
M. [O] a été convoqué le 28 janvier 2019 à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 5 février 2019 et s’est vu notifier, par lettre du 13 février 2019, un avertissement en raison d’une part de la violation répétée de ses obligations contractuelles faute de remise de compte-rendus détaillés et de plannings prévisionnels et du fait du non-respect des horaires de travail et d’autre part de son ton déplacé en réponse aux demandes portant sur ces documents.
M. [O] a été placé en arrêt maladie à compter du 20 février 2019 jusqu’au 13 mars 2019.
Par lettre du 14 mars 2019, il a contesté l’avertissement précité et a sollicité des explications relatives aux jours de réduction du temps de travail (JRTT) et à l’indemnisation des congés payés. La société a répondu à M. [O] par courrier du 27 mars 2019.
Par lettre remise en mains propres le 11 avril 2019, la société a convoqué M. [O] à un entretien préalable fixé au 19 avril suivant et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire, puis, aux termes d’une lettre du 25 avril 2019, lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes qui, par jugement du 26 octobre 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
– dit que le licenciement de M. [O] n’est pas justifié ;
– condamné la société à verser à M. [O] les sommes suivantes:
* 1 602,02 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
* 160,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 15 581,70 euros bruts au titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 558,17 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 17 659,26 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2020, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
rappelé qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, fixé cette moyenne à la somme de 5 193,90 euros,
* 31 163,40 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
– ordonné à la société de rembourser à l’organisme social concerné les indemnités de chômage versées à M. [O], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage ;
– débouté M. [O] de ses autres demandes ;
– débouté la société de sa demande reconventionnelle et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration transmise par voie électronique le 25 novembre 2021, la société a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions n° 2 transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 27 juillet 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes relatives à l’exécution de son contrat de travail et notamment en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement des sommes suivantes :
* 10 446,58 euros bruts à titre de rappel de RTT de 04.2016 à 04.2019,
* 29 308,24 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 5 103,86 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés du 01.06.2016 au 31.05.2017,
* 510,39 euros bruts de congés payés afférents,
* 2 932,36 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés du 01.06.2017 au 31.05.2018,
* 293,24 euros bruts de congés payés afférents,
* 2 062,62 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés du 01.06.2018 au 31.05.2019,
* 5 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
* dit que le licenciement de M. [O] n’était pas justifié,
* condamné la société au paiement des sommes suivantes :
1 602,02 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
160,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,
15 581,70 euros bruts au titre d’indemnité compensatrice de préavis,
1 558,17 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
17 659,26 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
31 163,40 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* ordonné à la société de rembourser à l’organisme social concerné les indemnités de chômage versées à M. [O], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage,
* débouté la société de sa demande reconventionnelle et l’a condamnée aux dépens ;
et statuant à nouveau,
– juger que le licenciement de M. [O] repose sur une faute grave et, en conséquence, le débouter de l’ensemble des demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail ;
à titre subsidiaire,
– juger que le licenciement de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
à titre infiniment subsidiaire,
– limiter le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en tout état de cause et à titre reconventionnel,
– condamner M. [O] à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– ‘débouter’ M. [O] aux entiers dépens.
Par conclusions n°1 transmises par le RPVA le 9 mai 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [O] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
* fixé la moyenne de salaire de M. [O] à la somme de 5 193,90 euros bruts,
s’agissant de la rupture du contrat de travail de M. [O]
* jugé que le licenciement de M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence
* condamné la société à verser à M. [O] les sommes suivantes :
1 602,02 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pieds conservatoire,
160,02 euros bruts au titre des congés payés afférents,
15 581,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis (3 mois),
1 558,17 euros bruts au titre des congés payés afférents sur préavis,
17 659,26 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé à M. [O] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
recevant M. [O] en son appel incident du chef du montant alloué, réformer le jugement entrepris et statuant à ce titre :
– condamner la société à verser à M. [O] la somme de 51 939 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de ses diverses demandes au titre de l’exécution de contrat de travail ;
recevant M. [O] en son appel incident du chef du montant alloué et statuant à ce titre,
statuant à nouveau,
concernant les demandes afférentes à l’exécution du contrat de travail de M. [O] :
– juger que l’indemnité compensatrice de congés payés sur les 3 dernières années est insuffisante en ce qu’elle n’a pas inclus la rémunération variable (commissions et bonus) de M. [O] ;
– juger que M. [O] est bien fondé à solliciter un rappel au titre des jours de repos complémentaire dont il n’a pu bénéficier sur les trois dernières années ;
– subsidiairement juger que M. [O] est bien fondé en sa demande de paiement d’heures supplémentaires ;
– ordonner à la société de démontrer les jours de repos pris par M. [O] un vendredi sur deux ;
– juger que la société s’est rendue coupable de travail dissimulé ;
– condamner la société à verser à M. [O] les sommes suivantes :
à titre principal
* 10 446,58 euros bruts à titre de rappel de RTT pour la période allant d’avril 2016 à avril 2019,
* 29 308,24 euros nets à titre de d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
* 5 103,86 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017,
* 510,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 2 932,36 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,
* 293,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 2 062,62 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 ;
à titre subsidiaire, si la cour accueillait M. [O] en sa demande de paiement de ses jours de repos complémentaires et jugeait qu’il fallait déduire certaines sommes au titre du calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés :
* 10 446,58 euros bruts à titre de rappel de RTT pour la période allant d’avril 2016 à avril 2019,
* 29 308,24 euros nets à titre de d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
* 3 158,86 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017,
* 315,86 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 2 041,82 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,
* 204,18 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1 916,96 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 ;
à très subsidiaire, si la cour accueillait M. [O] en sa demande de paiement d’heures supplémentaires :
* 3 111,566 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées entre le 25 avril 2016 et le 31 décembre 2016,
* 311,156 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 4 208,82 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées sur l’ensemble de l’année 2017,
* 420,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 4 272,13 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées sur l’ensemble de l’année 2018,
* 427,21 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1 386,21 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier et le 11 avril 2019,
* 138,62 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 29 308,24 euros nets à titre de d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
* 5 103,86 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017,
* 510,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 2 932,36 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,
* 293,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 2 062,62 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 ;
à titre infiniment subsidiaire, si la cour accueillait M. [O] en sa demande de paiement d’heures supplémentaires et jugeait qu’il fallait déduire certaines sommes au titre du calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés :
* 3 111,566 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées entre le 25 avril 2016 et le 31 décembre 2016,
* 311,156 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 4 208,82 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées sur l’ensemble de l’année 2017,
* 420,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 4 272,13 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées sur l’ensemble de l’année 2018,
* 427,21 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1 386,21 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier et le 11 avril 2019,
* 138,62 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 29 308,24 euros nets à titre de d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
* 3 158,86 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017,
* 315,86 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 2 041,82 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,
* 204,18 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 1 916,96 euros bruts à titre de rappel d’indemnité de congés payés sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019 ;
en tout état de cause :
– condamner la société à verser à M. [O] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– débouter la société de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société à verser à M. [O] la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2023.
A l’audience, la cour a invité les parties à présenter sous quinzaine leurs observations sur l’absence de reprise au dispositif des conclusions de la société de l’irrecevabilité des demandes au titre des JRTT et d’indemnité compensatrice de congés payés faute de dénonciation du reçu pour solde de tout compte dans les six mois de sa signature.
Par note du 7 décembre 2023, la société a fait valoir être bien fondée à solliciter la confirmation du jugement ayant débouté M. [O] de ces demandes en raison du caractère libératoire du reçu, le fait que le conseil de prud’hommes ait pu commettre une erreur de plume quant à l’emploi du terme ‘déboute’ étant sans incidence selon la société.
Par note du 20 décembre 2023, M. [O] a fait valoir que le conseil de prud’hommes l’a débouté de certaines de ses demandes, ce qui a déterminé son appel incident, que le fait que le conseil ait statué ainsi implique que les demandes dont il a été débouté ont été jugées recevables et que la société conclut à la confirmation de ce chef, de sorte que la cour n’est pas saisie de la recevabilité desdites demandes.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
« (‘) Nous avons constaté que, depuis de nombreux mois maintenant, les ventes de votre secteur stagnent. Afin de comprendre cette stagnation et d’y remédier en mettant en place une politique commerciale adaptée à votre secteur et ainsi relancer la dynamique commerciale sur votre territoire, nous vous avons demandé de nous remettre chaque semaine (i) un rapport d’activité détaillé portant sur vos actions de la semaine passée ainsi que (ii) votre planning prévisionnel pour la semaine à venir.
Malgré nos demandes claires et répétées, nous n’avons eu aucun retour de votre part (ni même oral) concernant votre activité de certaines semaines ; vous vous êtes contenté de nous faire parvenir une copie écran de votre agenda au titre du « planning prévisionnel »
Nous vous avons alors notifié un avertissement le 13 février 2019 aux termes duquel nous vous rappelions vos obligations en matière de communication hebdomadaire de votre planning prévisionnel ainsi que les comptes rendus d’activité.
Le 27 mars 2019, nous vous avons à nouveau rappelé cette obligation en répondant point par point à vos objectifs / demandes de « précisions ».
A ce jour, vous refusez obstinément de transmettre votre planning prévisionnel ainsi que vos rapports d’activité détaillés ce qui constitue une insubordination caractérisée ainsi qu’une violation de vos obligations contractuelles puisque votre contrat de travail prévoit expressément la communication hebdomadaire de ces deux documents.
Votre refus obstiné de nous transmettre ces documents est d’autant plus grave que votre secteur d’activité est en perte de vitesse. Nous ne pouvons donc tout simplement pas définir une politique commerciale adéquate afin de relancer votre secteur.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur la réalité de votre activité commerciale pour notre compte puisque vous n’avez ouvert que 15 nouveaux comptes clients en 2018 (dont seulement 3 ont un chiffre d’affaires supérieur à 4000 euros) et que votre dernière tournée dans le sud-ouest de la France remonte à l’automne dernier !
Nous avons constaté que vous ne répondiez pas aux demandes faites par de nouveaux clients (exemple : demande de M [J] pour la société LAVANCE restée sans réponse) et que vous vous accordiez une grande liberté dans votre emploi du temps (exemple : vous êtes parti le 10 avril 2019 À 16H00 sans avertir quiconque de votre départ, ni de là où vous alliez).
Nous ne pouvons par conséquent que constater que vous refusez d’exécuter les consignes claires et précises qui vous sont données (à savoir la transmission d’un planning prévisionnel et d’un rapport détaillé de votre activité commerciale) et d’une manière générale votre contrat de travail.
Nous ne pouvons tolérer plus longtemps une telle attitude de votre part, celle-ci faisant suite à votre demande de rupture conventionnelle à laquelle nous avons refusé de faire droit. Il est clair que vous cherchez par votre comportement à provoquer une rupture de votre contrat de travail. Cette attitude a été confirmée par le fait que vous n’avez souhaitez faire aucun commentaire lors de l’entretien. ; vous avez néanmoins reconnu ne pas avoir été très motivé aux cours des deux dernières années.
Un tel comportement est constitutif d’une faute grave (‘)’.
La société critique la motivation du jugement, contestant notamment la réorganisation retenue par la juridiction prud’homale et arguant que l’absence de demande de plannings du temps où les performances commerciales du secteur de M. [O] étaient satisfaisantes ne l’empêchait pas de solliciter un reporting ensuite. Elle estime que la faute grave est caractérisée. Elle fait valoir que le contrat de travail prévoyait l’obligation de transmission hebdomadaire d’un compte-rendu et du planning de la semaine suivante et que le salarié n’a pas transmis les documents demandés ou l’a fait tardivement et de manière incomplète, malgré l’avertissement notifié et le rappel de la consigne qui y figurait. Elle invoque que le deuxième grief tenant à l’absence de traitement des demandes clients est établi, citant le cas de deux clients. Elle se prévaut aussi de la réalité du troisième grief relatif au non-respect des horaires de travail. A titre subsidiaire, elle considère que le licenciement repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse.
M. [O] réplique que la transmission de ses agendas/plannings ne lui a été demandée qu’en novembre 2018 et celle de compte-rendus que lors de l’avertissement. Il note qu’il a ensuite sollicité des précisions sur la forme attendue de ces documents, a été en arrêt maladie et n’a reçu que tardivement les précisions réclamées de la société qui l’a convoqué à un entretien préalable moins de deux semaines après. Il soutient que certes prévue au contrat, l’obligation de reporting n’est pas mise en oeuvre au sein de la société sauf à vouloir monter un dossier disciplinaire contre un salarié et que tel a été le cas pour lui, la société ayant voulu le licencier pour motif économique sans coût, M. [O] prétendant ne jamais avoir été remplacé. Il conteste l’absence de réponse aux clients, relevant en particulier que le mail d’un client d’octobre 2018 est prescrit et ne peut justifier une nouvelle sanction du fait de l’avertissement. Il avance que la société n’est pas à même de démontrer les horaires et jours travaillés par ses salariés.
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.
Il convient d’examiner les griefs énoncés dans la lettre de licenciement :
– sur le refus de transmettre chaque semaine un planning prévisionnel et un compte-rendu détaillé de ses activités :
Il résulte des explications et pièces fournies par l’appelante que :
* le contrat de travail du 23 septembre 2008 stipule en son article 8 que M. [O] est tenu de transmettre chaque semaine un compte rendu détaillé des activités concernant la semaine écoulée ainsi que le planning de la semaine suivante et les prévisions commerciales ;
* la société ne lui a jamais demandé un tel reporting pendant de nombreuses années, jusqu’en fin d’année 2018 ;
* le 26 novembre 2018, le supérieur hiérarchique du salarié lui a demandé la communication de son agenda des deux semaines passées et à venir ;
* le 25 janvier 2019, la société lui a demandé la transmission de ses plannings pour la semaine écoulée ainsi que la semaine à venir, lui précisant qu’il s’agissait d’une obligation ;
* le 28 janvier 2019, M. [O] a transmis en réponse les copies de ses agendas pour la semaine passée et la semaine en cours ;
* par lettre datée du même jour, la société l’a convoqué à un entretien préalable à sanction fixé au 5 février suivant ;
* le 1er février 2019, le supérieur de M. [O] s’est étonné auprès de lui de ne pas avoir reçu son planning pour la semaine suivante ;
* le 4 février suivant, M. [O] a répondu en joignant une copie de son agenda de la semaine à venir, rappelant à son interlocuteur qu’il avait évoqué avec lui lors d’un entretien passé son impossibilité à continuer à travailler de la sorte sans réponse précise sur l’avenir de son poste à court et moyen terme et sur la concurrence directe qu’il subissait sur ses clients du fait d’un autre service de la société ;
* par lettre datée du 13 février 2019, la société a notifié un avertissement à M. [O] aux motifs notamment que la transmission chaque semaine d’un rapport d’activité détaillé portant sur la semaine passée et d’un planning prévisionnel de la semaine à venir lui avait été demandée de manière claire et répétée et qu’il n’y avait pas de retour même oral de sa part concernant son activité de la semaine passée, seule une copie écran de l’agenda au titre du planning prévisionnel ayant été adressée ;
* le 20 février 2019, le supérieur de M. [O] lui a indiqué par courriel ne pas avoir reçu ses agendas et retour de ses visites ;
* M. [O] a été arrêté pour maladie du 20 février au 13 mars 2019 ;
* par lettre datée du 14 mars 2019, il a contesté l’avertissement en indiquant les raisons pouvant expliquer une éventuelle stagnation des résultats de son secteur (concurrence de son département par la division Borne créée deux ans avant) et n’avoir appris la nécessité de la formalisation d’un rapport d’activité hebdomadaire que par l’avertissement, sollicitant des précisions quant à la forme attendue et disant joindre une ébauche de tableau destinée à être validée ou modifiée ;
* la société lui a répondu par lettre datée du 27 mars suivant en contestant les termes de son courrier et précisant le contenu attendu du planning prévisionnel et du rapport détaillé d’activité ;
* elle a convoqué le 11 avril 2019 le salarié à un entretien préalable fixé au 19 avril suivant avec mise à pied conservatoire et lui a notifié son licenciement le 25 avril 2019 en lui reprochant de refuser obstinément de transmettre son planning prévisionnel et ses rapports d’activité détaillés.
Même si l’absence de demande de reporting pendant plusieurs années n’empêchait pas la société d’en réclamer à son salarié en cours d’exécution du contrat, la cour relève que la société ne justifie avoir fait pour la première fois une demande de plannings que le 25 janvier 2019 et une demande de compte-rendus détaillés d’activité que dans la lettre d’avertissement du 13 février 2019. M. [O] ayant été placé en maladie peu de jours après et jusqu’au 13 mars 2019, aucun reproche ne peut lui être fait jusqu’à cette date. En outre, n’ayant eu aucune pratique de tels reportings dans la société dont il était salarié depuis plus de 10 ans, c’est de manière fondée qu’il a sollicité toutes précisions utiles à ce sujet aux termes de sa lettre du 14 mars 2019. Or la société ne prouve lui avoir apporté de réponse que par courrier recommandé daté du 27 mars 2019 et l’a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement seulement deux semaines après. Dès lors, la cour considère que M. [O] n’a reçu de directive claire et précise de son employeur à ce sujet qu’à réception du courrier du 27 mars 2019 et que le défaut de reporting ne peut lui être reproché qu’à compter de cette réception.
De plus, la société ne produit aucun élément se rapportant à la perte de vitesse du secteur d’activité de M. [O] et au nombre de nouveaux comptes clients en 2018 évoqués dans la lettre de licenciement aux termes de laquelle elle s’interroge sur la réalité de son activité commerciale. En particulier, elle ne communique aucun élément de comparaison alors que le salarié conteste l’anormalité des chiffres cités au regard des années précédentes.
– sur l’absence de traitement des demandes de clients :
Il résulte de l’échange de courriels produit par la société que le 21 décembre 2018, M. [J] a contacté un autre salarié que M. [O] concernant un produit qu’il recherchait pour un projet et que le 21 mars 2019, ce client a relancé par mail ce même salarié en disant qu’il était toujours à la recherche du produit. Comme l’observe M. [O], ni la demande initiale, ni la relance ne lui ont été adressées de sorte que ce défaut de réponse ne saurait lui être imputé, le mail du supérieur de M. [O] du 26 mars 2019 mentionnant ‘Intéressant, toujours pas traité par [B] depuis le 20 décembre (…)’ ne suffisant pas à démontrer l’implication de ce dernier dans cette absence de traitement.
La société produit par ailleurs un courriel adressé le 2 octobre 2018 par lequel un client indique à M. [O] n’avoir toujours pas reçu de retour concernant sa demande urgente d’un scanner.
En application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai ou lorsque le salarié commet une nouvelle faute de même nature.
En l’espèce, l’absence de traitement de la demande du client relative au scanner est avérée au 2 octobre 2018. S’agissant d’un fait commis plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, il appartient à la société de prouver qu’elle n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé cet engagement, ce qu’elle ne fait pas.
En outre, la société ne justifie d’aucune faute de même nature qui s’est produite dans le délai de deux mois.
Il s’ensuit que compte tenu de la prescription, le licenciement ne saurait être justifié par l’absence de réponse à la demande d’un client portant sur un scanner.
Le grief tenant au défaut de traitement des demandes de clients ne peut être retenu.
– sur le non-respect des horaires de travail :
Au soutien de ce grief, la société se fonde sur :
* l’avertissement du 13 février 2019 rappelant au salarié ses horaires de travail pour les jours où il travaille au bureau, soit du lundi au jeudi de 9h00 à 12h30 et de 13h30 à 18h00 et le vendredi de 9h00 à 12h30 et de 13h30 à 17h00 ;
* un courriel du 11 avril 2019 adressé par le responsable administratif et financier à une salariée de la société lui demandant si elle sait la raison du départ du bureau la veille vers 16 heures de M. [O] et la réponse de cette dernière confirmant cette heure de départ mais indiquant que les commerciaux ne précisent pas forcément où ils se rendent et que M. [O] n’a pas dit où il allait.
Ces éléments sont insuffisants à justifier du non-respect de ses horaires de travail par M. [O] qui occupait un emploi d’ingénieur technico-commercial et assurait à ce titre des déplacements et rendez-vous commerciaux de sorte que son départ du bureau à 16 heures ne permet pas de caractériser la liberté dans son emploi du temps qui lui est reprochée.
Ainsi, deux des trois griefs visés dans la lettre de licenciement ne sont pas prouvés et celui relatif au défaut de reporting hebdomadaire ne peut être imputé à M. [O] qu’à partir du moment où il a eu des consignes claires et précises en ce sens, soit à réception du courrier du 27 mars 2019, de sorte que la réalité de ce grief est très limitée dans le temps, M. [O] ayant été convoqué dès le 11 avril suivant à l’entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire en même temps. En outre, les doutes émis dans la lettre de licenciement sur la réalité de son activité commerciale ne s’appuient sur un aucun élément objectif. Enfin, à l’exception de l’avertissement 13 février 2019 dont l’annulation n’a pas été demandée par M. [O] mais qui l’a contesté par lettre, celui-ci, qui avait plus de 10 ans d’ancienneté, n’a jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Dans ces conditions, le seul grief retenu ne constitue pas une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Elle ne caractérise pas davantage une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de l’inexactitude du motif de licenciement qui serait d’ordre économique, le jugement est confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement n’est pas justifié.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
– sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et l’indemnité compensatrice des congés payés afférents :
Le licenciement ne reposant pas sur une faute grave, l’employeur doit payer le salaire afférent à la période de mise à pied. Il résulte du bulletin de salaire d’avril 2019 que la retenue opérée à ce titre s’élève à 1 602,02 euros. La société est condamnée au paiement de cette somme à titre de rappel de salaire ainsi qu’à l’indemnité compensatrice des congés payés afférents de 160,20 euros, le jugement étant de ces chefs confirmés.
– sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice des congés payés afférents :
En application de l’article L. 1234-5 du code du travail et de la convention collective, M. [O] qui n’a pas commis de faute grave est fondé à obtenir une indemnité d’un montant correspondant aux salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait travaillé durant cette période, soit la somme de 15 581,70 euros allouée par les premiers juges et non critiquée en son quantum, et celle de 1 558,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents. Le jugement est de ces chefs confirmé.
– sur l’indemnité de licenciement :
Conformément à l’article L. 1234-9 du code du travail et à l’avenant cadres de la convention collective applicable, M. [O], dont l’ancienneté remonte au 1er octobre 2008, a droit à une indemnité de licenciement de 17 659,26 euros, montant alloué par les premiers juges qui ne fait l’objet d’aucune critique. Le jugement est confirmé à ce titre.
– sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
M. [O] sollicite à ce titre la somme de 51 939 euros tandis que la société demande à la cour de limiter l’indemnisation, offrant dans le corps de ses conclusions la somme de 15 000 euros.
Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [O], de son âge (né en 1975), de son ancienneté datant du 1er octobre 2018, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard (M. [O] justifiant avoir bénéficié de 690 allocations journalières d’aide au retour à l’emploi du 27 mai 2019 au 30 avril 2021 et indiquant que la société créée par ses soins a commencé à le rémunérer à la fin de l’année 2021), il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 40 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle la société sera condamnée, le jugement étant infirmé en ce sens.
– sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, le jugement est confirmé en ce qu’il a ordonné à la société de rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [O] dans les conditions énoncées à son dispositif.
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte
– sur la saisine de la cour de cette fin de non-recevoir :
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
En l’espèce, selon le dispositif des conclusions de la société, celle-ci demande notamment à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de ses demandes de rappel de RTT d’avril 2016 à avril 2019 et d’indemnités de congés payés du 1er juin 2016 au 31 mai 2019, étant souligné que le jugement a débouté M. [O] de ses autres demandes et que dans ses motifs, le conseil de prud’hommes a, s’agissant des deux demandes en cause, après avoir rappelé les dispositions de l’article 1234-20 du code du travail, énoncé que le solde de tout compte avait été signé par M. [O] sans remarque ni contestation dans les six mois ayant suivi.
Il en résulte qu’en dépit de l’usage du terme ‘déboute’ dans le dispositif du jugement, le conseil de prud’hommes n’a pas statué au fond sur ces deux demandes mais les a jugées irrecevables au motif que le reçu pour solde de tout compte n’avait pas été dénoncé dans les six mois de sa signature. Dès lors, en sollicitant dans le dispositif de ses écritures la confirmation du jugement de ces chefs, la société demande à la cour de confirmer la décision ayant en réalité déclaré irrecevables lesdites demandes, les premiers juges ayant commis une simple erreur matérielle réparable dans le dispositif du jugement.
Il s’ensuit que la cour est saisie de cette fin de non-recevoir et doit statuer sur ce point.
– sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir soulevée :
M. [O] conclut à l’infirmation du jugement l’ayant débouté de ses demandes au titre des JRTT et des indemnités de congés payés faute de dénonciation du solde de tout compte dans les six mois. Il fait valoir que ce solde est sans effet libératoire au regard desdites demandes dès lors qu’il ne vise aucune somme relative au paiement de ses RTT et que la somme relative aux congés payés qui y figure concerne les jours acquis entre juin 2018 et avril 2019 outre 8 jours de l’année N-1, période au titre de laquelle il ne formule aucune demande.
Au visa de l’article L 1234-20 alinéa 2 du code du travail, la société soulève l’irrecevabilité des demandes de rappel au titre des JRTT et des indemnités compensatrices de congés payés aux motifs que le reçu pour solde de tout compte mentionne le salaire dû et une indemnité compensatrice de congés payés de sorte que M. [O] ne peut réclamer un rappel de salaire au titre de périodes travaillées avant la rupture, ni de somme au titre des congés payés, peu important les mentions du bulletin de salaire d’avril 2019.
Aux termes de l’article L. 1234-20 du code du travail :
Le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Il résulte de ces dispositions d’une part, que l’employeur a l’obligation de faire l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, d’autre part, que le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.
Au cas présent le reçu pour solde de tout compte daté du 25 avril 2019 et signé par M. [O] est rédigé comme suit :
‘Je soussigné(e) [B] [O] (…)
Reconnais avoir reçu de mon employeur AURES TECHNOLOGIES
la somme de 5 859,65 Euros (…)
Cette somme m’est versée, pour solde de tout compte, en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l’exécution de mon contrat de travail.
Avant déduction des charges sociales, cette somme que j’ai perçue correspond à un montant se décomposant comme suit :
Salaire de base : 1 258,81
Commissions sur ventes : 516,31
Avantage en nature véhicule : 396,21
Indem compensatrice congés : 6 423,56″.
* sur la demande de rappel au titre des JRTT :
M. [O] sollicite un rappel au titre des jours de repos prévus un vendredi sur deux dont il a été privé et pendant lesquels il était présent à son travail.
Le reçu qui fait état du paiement de sommes au titre du salaire de base, des commissions sur vente, de l’avantage en nature véhicule et de l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut avoir d’effet libératoire à l’égard de la somme réclamée au titre des JRTT non pris. La demande formée de ce chef est recevable, le jugement étant infirmé en ce sens.
* sur la demande de rappel au titre des indemnités de congés payés :
M. [O] sollicite des rappels d’indemnités de congés payés au titre des jours de congés pris sur la période de juin 2016 à mai 2019.
Le reçu pour solde de tout compte qui mentionne la somme versée à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, laquelle suppose l’existence de congés non pris, n’a pas d’effet libératoire à l’égard des sommes réclamées à titre d’indemnités de congés payés rémunérant les congés pris. La demande formée de ce chef doit être aussi déclarée recevable, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur le bien-fondé des demandes
* sur la demande au titre des JRTT :
M. [O] prétend avoir été injustement privé des 22 jours de repos prévus par l’accord de réduction du temps de travail qui s’applique aux commerciaux. Il fait valoir que les cadres commerciaux travaillent a minima 39 heures par semaine et que pour parvenir à une moyenne hebdomadaire de 35 heures par semaine, ils doivent bénéficier de ce nombre de jours de repos. Mais il soutient que la société ne souhaite pas que ses cadres puissent en bénéficier, en voulant pour preuve une attestation et un extrait du tableau de roulement de prise de JRTT. Il ajoute que la société ne démontre pas à quelles dates il aurait pris ces jours. Il sollicite une somme de 10 446,58 euros brut à titre de rappel de RTT sur la base de 22 jours par an sur les trois années précédant la rupture de son contrat de travail.
La société réplique que l’accord d’entreprise prévoit une modulation du temps de travail sur un cycle de 4 semaines conduisant à une réduction du temps de travail, ses salariés travaillant un vendredi sur deux, ce qui aboutit à les faire bénéficier de 22 jours de repos complémentaire. Elle prétend que M. [O] était soumis à l’horaire collectif et a travaillé suivant ce cycle, en bénéficiant d’un jour de repos un vendredi sur deux. Elle en déduit qu’il a été rempli de ses droits. Elle considère qu’elle n’avait pas l’obligation d’assurer un suivi des jours de travail du fait de cet horaire collectif, conteste la valeur probante de l’attestation produite et souligne que M. [O] n’a jamais formé de réclamation pendant de nombreuses années, notant que ses plannings prouvent son absence de travail le vendredi. Elle ajoute que si la cour devait considérer que M. [O] aurait dû bénéficier de JRTT, ceux-ci doivent être considérés comme perdus puisqu’il n’en a jamais sollicité la prise.
Conformément à l’article 1315 devenu 1353 du code civil, en cas de contestation sur la prise des jours résultant de la réduction du temps de travail, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de leur octroi effectif.
Les parties produisent l’accord d’entreprise ’35 heures’ du 18 décembre 2000, conclu en application des anciens articles L. 132-1 et L; 212-1 du code du travail, qui prévoit :
– en son article 1.1 que la réduction du temps de travail concerne l’ensemble des salariés de la société Aures dont les cadres et attachés commerciaux ;
– en son article 2.1 que la durée du travail à compter du 1er janvier 2001 est réduite de 10%, soit du lundi au jeudi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 18h et le vendredi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 17h pour une semaine de 38 heures, soit du lundi au jeudi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 18h pour une semaine de 32 heures ;
– en son article 2.2.2 que les commerciaux, cadres ou non cadres, sont soumis à un temps de travail faisant l’objet d’un décompte horaire et qu’ils relèvent d’un horaire organisé dans le cadre d’une modulation du temps de travail ;
– en son article 2.3 que la réduction du temps de travail est appliquée pour les salariés dont le temps de travail est décompté en heures dans un cadre hebdomadaire, sur une base de 35 heures par réduction du temps de travail hebdomadaire ;
– en son article 2.3.1 qu’il s’agit d’un cycle : une semaine de 38 heures de travail effectif, une semaine de 32 heures (repos le vendredi), une semaine de 38 heures et une semaine de 32 heures et qu’une telle organisation conduit à l’octroi de 22 jours de repos complémentaires.
Les parties s’opposent sur la prise par M. [O] de ses jours de repos complémentaires, celui-affirmant n’en avoir jamais bénéficié, ce que conteste la société.
Il appartient dès lors à cette dernière de prouver que M. [O] a bénéficié des jours de repos prévus par l’accord précité. La société ne saurait y échapper au motif qu’en application de l’article L. 3171-2 du code du travail, tous les salariés étant soumis au même horaire collectif, elle n’avait pas à assurer un suivi des jours travaillés. En effet, d’une part, la charge de la preuve résulte de l’article 1353 susvisé qui s’impose à la société. D’autre part, conformément à l’article L. 3171-3 du même code, il incombe à l’employeur de tenir des documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
Or, la société ne produit pas d’éléments justifiant que son salarié a été rempli de ses droits sauf en ce qu’elle communique la réponse de M. [O] du 28 janvier 2019 dans laquelle il indique avoir prévenu qu’il ne serait pas là le vendredi de la semaine passée. Pour le reste, les mentions des quelques rares plannings versés aux débats n’établissent pas que M. [O] a pris d’autre jour, la seule absence de rendez-vous certains vendredis ne suffisant pas à justifier de la prise de repos complémentaires.
La cour retient que sur la période en litige, seule la prise d’un jour de repos complémentaire est avérée.
A défaut d’un accord collectif prévoyant une indemnisation, l’absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n’ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur.
En l’espèce, M. [O] qui invoque avoir travaillé tous les vendredis produit :
– ses bulletins de salaire qui font état d’une durée de travail de 151,67 heures et dont le compteur de RTT est systématiquement à 0 ;
– un formulaire d’autorisation d’absences complété par M. [O] qui mentionne parmi les cases à cocher ‘RTT travaillés à récupérer’ ;
– l’avertissement qui lui a été notifié le 13 février 2019 qui indique : ‘Nous profitons également de la présente afin de vous rappeler vos horaires de travail pour les jours où vous travaillez au bureau (il s’agit des horaires de l’entreprise) :
* lundi au jeudi : 9h00 à 12h30 et 13h30 à 18h00 ;
* vendredi : 9h00 à 12h30 et 13h30-17h00″
sans faire état de la modulation sur 4 semaines et de la distinction suivant les vendredis ;
– une attestation d’un ancien salarié de la société datée du 22 avril 2020 qui indique qu’il aurait été extrêmement mal vu de ne pas être présent au bureau un vendredi, cela étant considéré comme un manque d’investissement par la direction qui estimait que les RTT étaient un droit destiné aux ‘petits employés’. Il précise que les salariés ayant droit aux RTT devaient signer un document où ils mentionnaient s’ils en prenaient ou pas mais que dans ce document ne figuraient pas les noms des commerciaux. Il ajoute que même lorsqu’il était en rendez-vous ou en déplacement un vendredi, il devait revenir au bureau pour montrer qu’il n’était pas parti en week-end prolongé et qu’il était tellement évident qu’il n’avait pas droit aux RTT qu’ils n’étaient pas comptés sur sa fiche de paie ;
– un extrait du tableau de roulement de prise de RTT émargé par les salariés souhaitant bénéficier de leur repos excluant les cadres.
M. [O] admet que l’auteur de l’attestation est en litige avec son ex-employeur, ce qui ne permet pas garantir la sincérité de son témoignage. Néanmoins, la cour souligne l’absence de toute information de M. [O] sur son droit à jours de repos complémentaires au vu de ses bulletins de paie et le fait que le tableau de roulement de prise des JRTT ainsi que les horaires mentionnés dans l’avertissement laissaient entendre qu’il était exclu du bénéfice des jours de repos complémentaire et devait travailler tous les vendredis, la circonstance que le formulaire d’autorisation utilisé par M. [O] comprenne une case ‘RTT travaillés à récupérer’ n’étant pas à même de contredire ces éléments.
Il s’ensuit que l’absence de prise par M. [O] des jours de repos complémentaires est imputable à l’employeur et lui ouvre droit à une indemnité, peu important qu’il n’ait jamais formé de réclamation à ce titre pendant le cours de son contrat.
M. [O] est fondé à demander une indemnité prenant en compte 22 jours de repos par an sur les trois dernières années hormis un vendredi non travaillé en 2019. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 10 287 euros.
* sur la demande au titre du travail dissimulé :
Que la cour fasse droit à sa demande de paiement des jours de repos ou subsidiairement d’heures supplémentaires, M. [O] sollicite une indemnité pour travail dissimulé de 29 308,24 euros au motif que la société a institué de ne pas régler à ses salariés commerciaux les 4 heures supplémentaires minimales que ceux-ci exécutent de fait et que le caractère intentionnel de cette pratique est avéré.
La société s’oppose à la demande, invoquant que M. [O] a été rempli de tous ses droits, qu’il ne prouve pas avoir travaillé au delà du temps de travail prévu par l’accord collectif, ni l’élément intentionnel du travail dissimulé.
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Au cas présent, il a été retenu que l’employeur ne prouvait pas la prise de ses jours de repos par le salarié à une exception près et que cela était imputable à la société. Dès lors que le salarié n’a pas pu prendre ses jours de repos du fait de l’employeur, il en résulte par là-même un solde d’heures de travail excédentaires s’analysant en des heures supplémentaires.
En toute hypothèse, il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [O] invoque avoir travaillé a minima 39 heures par semaine, dont tous les vendredis, 7 heures par vendredi, produisant comme indiqué déjà ci-dessus :
– ses bulletins de salaire qui font état d’une durée de travail de 151,67 heures et dont le compteur de RTT est toujours à 0;
– un formulaire d’autorisation d’absences complété par M. [O] qui mentionne par mi les cases à cocher ‘RTT travaillés à récupérer’ ;
– l’avertissement qui lui a été notifié le 13 février 2019 qui indique : ‘Nous profitons également de la présente afin de vous rappeler vos horaires de travail pour les jours où vous travaillez au bureau (il s’agit des horaires de l’entreprise) :
*lundi au jeudi : 9h00 à 12h30 et 13h30 à 18h00 ;
* vendredi : 9h00 à 12h30 et 13h30-17h00″ ;
– l’attestation de son ancien collègue datée du 22 avril 2020 qui indique notamment qu’il aurait été extrêmement mal vu de ne pas être présent au bureau un vendredi et que les salariés ayant droit aux RTT devaient signer un document où ils mentionnaient s’ils en prenaient ou pas mais que dans ce document ne figuraient pas les noms des commerciaux ;
– un extrait du tableau de roulement de prise de RTT émargé par les salariés souhaitant bénéficier de leur repos excluant les cadres.
M. [O] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail qu’il prétend avoir accomplies permettant à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Or, la société ne fournit pas d’élément propre à contredire les éléments présentés par le salarié, hormis concernant la prise d’un vendredi en janvier 2019 par M. [O], ce dont il suit qu’il a accompli de nombreuses heures supplémentaires. La société ne saurait valablement invoquer ne pas avoir demandé l’accomplissement de ces heures dès lors que la non prise des journées de repos lui est imputable et qu’elle a notamment adressé un avertissement à M. [O] lui rappelant ses horaires de travail, dont le vendredi, sans indiquer qu’ils ne s’appliquaient qu’un vendredi sur deux.
Ainsi, la société a mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli et cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail. L’élément intentionnel du travail dissimulé est aussi caractérisé au regard du caractère habituel des faits.
Compte tenu de la rupture du contrat de travail, M. [O] est fondé à obtenir l’indemnité prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail égale à six mois de salaire. Il lui sera alloué de ce chef la somme de 29 308,24 euros, le jugement étant infirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.
* sur la demande de rappel au titre des indemnités de congés payés :
M. [O] soutient que l’indemnité de congés payés qui lui était versée lorsqu’il prenait ses congés ne tenait pas compte des commissions et bonus perçus lors de l’année de référence, seule sa rémunération fixe étant maintenue. Il fait valoir qu’il importe peu qu’il ait pu percevoir durant les mois considérés des commissions dès lors qu’il s’agissait des conséquences du travail qu’il avait effectué antérieurement. Il conteste l’exclusion des primes sur objectifs et des commissions perçues pendant ses congés de l’assiette de ses congés payés. Il prétend que s’il avait perçu le juste montant de ses congés payés, la rémunération annuelle brute de l’année précédente servant de base à la règle du 10ème en aurait été augmentée, générant une indemnité des congés payés d’un montant supérieur l’année suivante.
La société s’oppose aux demandes, relevant que M. [O] réclame une indemnité compensatrice de congés payés sur un rappel d’indemnité compensatrice de congés payés. Elle soutient que le maintien du salaire était plus favorable pour M. [O] qui méconnaît la règle suivant laquelle la rémunération prise en compte pour calculer l’indemnité de congés payés est celle perçue par le salarié en contrepartie de son travail personnel présentant un caractère obligatoire pour l’employeur et ne rémunérant pas à la fois les périodes de travail et de congés payés. Elle estime qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte les commissions sur chiffre d’affaires perçues par M. [O] pendant ses congés payés et les primes d’objectifs.
En application des articles L. 3141-22 et L. 3141-24 du code du travail dans leur version applicable au litige, l’indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence sans pouvoir être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
S’agissant de la prise en compte ou non des primes dans l’assiette de calcul des congés, il y a lieu de les inclure lorsqu’elles sont versées en contrepartie ou à l’occasion du travail et qu’elles sont affectées par le départ en congé du salarié. En revanche lorsque les primes sont allouées pour l’année entière et rémunèrent des périodes de travail et des périodes de congés, il n’y a pas lieu de les inclure dans l’assiette de calcul des congés payés.
Les parties sont en désaccord sur l’assiette de calcul des congés payés :
– sur les primes sur objectifs :
M. [O] a perçu des primes sur objectifs en juin 2015 (5 000 euros), décembre 2015 (15 000 euros), juin 2016 (5 000 euros), décembre 2016 (1 000 euros) et juin 2018 (3 000 euros). Il résulte des avenants à son contrat de travail versés aux débats par ce dernier que ces primes sont basées sur le chiffre d’affaires réalisé sur son secteur au cours de l’exercice annuel, versables en deux fois, en juin pour le premier semestre et en décembre pour le second, outre un éventuel super bonus en cas de dépassement d’un certain montant.
Il en résulte que ces primes sur objectifs constituent une rémunération variable au moins pour partie liée à l’activité personnelle de M. [O], nécessairement affectée pendant sa période de congés. En conséquence, ces primes doivent être prises en compte dans le calcul de l’indemnité de congés payés.
– sur les commissions sur ventes :
Il résulte aussi des bulletins de salaire versés aux débats que M. [O] percevait des commission sur ventes, y compris les mois où il a pris des congés payés. Le contrat de travail de l’intéressé précise que ces commissions sont calculées sur les affaires facturées. Elles sont donc versées en contrepartie ou à l’occasion de son travail et sont affectées par le départ en congé du salarié. La circonstance que des commissions aient été payées durant des mois où M. [O] est parti en congé n’est pas à même de contredire cette conclusion dès lors qu’il apparaît au vu des bulletins de salaire et du décompte de congés payés que ce dernier n’a jamais été en congé tout un mois et a toujours travaillé une partie du mois, ce qui est de nature à avoir généré des ventes et par voie de conséquence le paiement de commissions en fin de mois.
Ainsi, doivent être prises en compte dans le calcul de de l’indemnité de congés payés les commissions perçues par M. [O], dont celles perçues au cours des mois où il a pris des congés payés.
– sur l’indemnité de congés payés de l’année précédente :
Celle-ci est comprise dans l’assiette des congés payés. Il en résulte que M. [O] fait justement valoir que s’il avait perçu chaque année le paiement de l’indemnité de congés payés qui lui était due compte tenu des développements qui précèdent, sa rémunération annuelle brute de l’année précédente en aurait été augmentée, générant une indemnité de congés payés d’un montant supérieur à celui obtenu et justifiant un complément à ce titre, sauf en ce qui concerne l’indemnité compensatrice de congés payés versée lors de la rupture du contrat de travail.
En considération de ces éléments, la société sera condamnée à payer à M. [O] les sommes de :
– 5 103,86 euros à titre de rappel d’indemnités de congés payés sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, ledit montant apparaissant exact au vu des calculs détaillés par le salarié qui ne sont pas critiqués en eux-mêmes par la société, outre un complément d’indemnité de congés payés de 510,38 euros.
– 2 932,36 euros à titre de rappel d’indemnités de congés payés sur la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018, ledit montant apparaissant exact au vu des calculs détaillés par le salarié qui ne sont pas critiqués en eux-mêmes par la société, outre un complément d’indemnité de congés payés de 293,23 euros.
– 2 062,62 euros à titre de rappel d’indemnités de congés payés sur la période du 1er juin 2018 au 31 mai 2019, ledit montant apparaissant exact au vu des calculs détaillés par le salarié qui ne sont pas critiqués en eux-mêmes par la société.
* sur la demande au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
M. [O] réclame la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu’il n’a pas perçu les indemnités de congés qui lui étaient dues et qu’il n’a pas bénéficié des jours de RTT auxquels il avait droit, le manque à gagner subi influant sur ses cotisations de retraite et son indemnisation chômage.
La société réplique qu’il a été intégralement rempli de ses droits et qu’il ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct.
Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
S’agissant de l’indemnité de congés payés, le fait que M. [O] n’ait pas été rempli de tous ses droits ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi de l’employeur, étant rappelé que la bonne foi est présumée.
S’agissant des jours de repos complémentaire, la mauvaise foi de la société est établie dès lors qu’elle n’a tenu aucun compte des jours auxquels M. [O] avait droit dans ses bulletins de paie et lui a rappelé des horaires de travail ne tenant pas compte des jours de repos dont il devait bénéficier. Mais M. [O] ne justifie pas avoir subi en lien avec ce manquement un préjudice, notamment distinct de ceux déjà réparés par la présente décision. Il est débouté de ce chef, étant précisé que le conseil n’a pas statué de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement est confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. La société est condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, la société étant déboutée de sa propre demande de ce chef.