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Nos Conseils:
– Sur la recevabilité de la demande d’indemnisation pour délit de marchandage, il est important de souligner que l’absence de mise en cause de la société Trench France ne constitue pas une fin de non-recevoir, au sens de l’article 122 du code de procédure civile. Il est donc recommandé de mettre en avant le fait que l’action en responsabilité est dirigée contre la Sas Siemens et que la charge de la preuve des conditions du délit de marchandage incombe à Madame [K] [P]. – Sur le fond du délit de marchandage, il est essentiel de souligner que la preuve d’un transfert du lien de subordination juridique de la Sas Siemens à la société Trench doit être administrée de manière rigoureuse. Il est recommandé de mettre en avant les éléments concrets démontrant le maintien du lien de subordination avec la Sas Siemens. – Sur le motif économique du licenciement, il est crucial de souligner que l’employeur doit apporter la preuve des difficultés économiques propres à l’entreprise ou au groupe Siemens, ainsi que la nécessité d’une modification essentielle du contrat de travail. Il est recommandé de mettre en avant l’absence de justifications des difficultés économiques et de la nécessité de la réorganisation des services de gestion de paie des sociétés du groupe Siemens. |
→ Résumé de l’affaireMadame [K] [P] a été embauchée par la société Siemens pour des missions temporaires avant d’être transférée à un poste permanent au sein de la société Trench France. Suite à une réduction des effectifs chez Trench France, son poste a été transféré à un autre site, ce qui a entraîné son licenciement pour motif économique. Madame [P] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé que le délit de marchandage était constitué et a condamné la société Siemens à lui verser des dommages et intérêts. Les deux parties ont interjeté appel du jugement, avec la société Siemens demandant l’infirmation du jugement et Madame [P] demandant une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour harcèlement moral. L’affaire est en attente de jugement de la cour d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE N° 24/530
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 18 JUIN 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00726
N° Portalis DBVW-V-B7G-HYX2
Décision déférée à la Cour : 14 Janvier 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE
APPELANTE :
S.A.S. SIEMENS
prise en la personne de son représentant légal audit siège
N° SIRET : 562 016 774
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
INTIMEE :
Madame [K] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas SERRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Sas Siemens est spécialisée dans la fabrication d’équipements de communication.
La société Trench France est une filiale à 100% de la société Siemens Holding, et est spécialisée dans la fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs électriques.
Par contrat de mission temporaire du 1er mars 2010, la société Crit Intérim a embauché Madame [K] [P] pour des travaux de saisie et de classement divers au sein de la société Trench France.
Jusqu’au 28 février 2011, la société Crit Intérim a ainsi fait appel à plusieurs reprises à Madame [P] pour des missions d’intérim au sein de cette société.
Par contrat à durée déterminée du 14 mars 2011, à effet au 1er avril 2011 jusqu’au 31 juillet 2012, la société Siemens, dont le siège et les activités sont à [Localité 5], a embauché Madame [P] en qualité de gestionnaire administration – paie, niveau V – échelon II, pour le motif suivant : Surcroît exceptionnel de travail lié à la prise en charge de la paye de Trench par Siemens SAS.
Par contrat à durée déterminée du 16 juillet 2012, à effet au 13 août 2012 jusqu’au 15 février 2013, la société Siemens a, de nouveau, embauché Madame [P], en qualité de gestionnaire administration – paie, niveau V – échelon II – coefficient 335, pour le motif suivant : Surcroît exceptionnel de travail lié au transfert de certaines tâches RH (paye, administration du personnel) de Trench au sein du cluster GSS.
Par contrat à durée indéterminée du 7 février 2013, à effet au 16 février 2013, la société Siemens a, de nouveau, embauché Madame [P] en qualité d’assistante ressources humaines et paye, niveau V – échelon II – coefficient 335.
La convention collective applicable est celle de la Métallurgie.
Son lieu de travail était toujours fixé dans les locaux de la société Trench France à [Localité 6].
En dernier lieu, Madame [K] [P] occupait le poste de gestionnaire de paie.
En 2017, la société Trench France a réduit ses effectifs dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, qui a donné lieu à un protocole d’accord transactionnel négocié avec les représentants syndicaux.
En application de ce plan de sauvegarde de l’emploi, environ 80 personnes ont quitté la société Trench France.
La société Siemens s’est entretenue, au cours de l’année 2018, avec Madame [P] pour lui indiquer que la réduction des effectifs de la société Trench France allait entraîner le transfert de son poste sur le siège de [Localité 4] (93).
A compter du 13 novembre 2018, Madame [P] a été placée en arrêt maladie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2018, la société Siemens l’a informée du transfert de son poste à compter du 1er mars 2019, lui laissant un délai de réflexion d’un mois sur la proposition de modification de son contrat de travail.
En l’absence de réponse écrite, l’avenant au contrat de travail a été transmis à la salariée, par lettre du 24 janvier 2019, avenant qui ne sera jamais retourné.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 2019, la société Siemens a, dès lors, convoqué Madame [K] [P] à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement économique.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2019, la société Siemens lui a notifié son licenciement pour motif économique et lui a proposé d’adhérer au congé de reclassement.
Madame [P] n’a ni adhéré audit congé, ni sollicité le bénéfice de la priorité de réembauchage.
Par requête du 14 avril 2020, Madame [K] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Mulhouse de demandes de contestation de son licenciement, et aux fins d’indemnisations subséquentes.
Par jugement du 14 janvier 2022, le conseil de prud’hommes, section industrie, a :
– déclaré que le délit de marchandage était constitué ;
– dit et jugé que la demande de Madame [K] [P] était bien fondée ;
– condamné la société Siemens à verser à Madame [K] [P] la somme de 114 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du délit de marchandage avec les intérêts légaux à compter du prononcé du jugement ;
– dit et jugé que le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [K] [P] était écarté ;
– débouté Madame [K] [P] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– débouté Madame [K] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
– condamné la société Siemens à verser à Madame [K] [P] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 17 février 2022, la Sas Siemens a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Par écritures transmises par voie électronique le 21 octobre 2022, la Sas Siemens sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le délit de marchandage constitué, dit Madame [P] bien fondée en sa demande, et l’a condamnée à payer à Madame [P] des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du marchandage, outre une indemnité au titre l’article 700 du code de procédure civile, et que la cour, statuant à nouveau, :
– juge irrecevables les demandes formées au titre d’un délit de marchandage et de harcèlement moral ;
– déboute Madame [P] de l’ensemble de ses demandes,
– condamne Madame [P] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
Par écritures transmises par voie électronique le 3 janvier 2023, Madame [K] [P], qui a formé un appel incident, sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a “écarté le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [P] “, et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnisation pour harcèlement moral, et, que la cour, statuant de nouveau :
– juge son licenciement infondé ;
– condamne la Sas Siemens à lui payer les sommes suivantes :
* 26 195,14 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
le tout avec intérêts au taux légal et anatocisme ;
* 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, et les dépens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 4 octobre 2023.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
Sur la demande d’indemnisation pour délit de marchandage
Sur la recevabilité
La Sas Siemens prétend que la demande d’indemnisation, dirigée contre elle, est irrecevable en l’absence de mise en cause de la société Trench France.
Toutefois, l’action en responsabilité n’étant dirigée que contre la Sas Siemens, et Madame [K] [P] ayant la charge de l’administration de la preuve des conditions du délit de marchandage, l’absence de mise en cause de la société Trench France est sans emport, et ne constitue pas une fin de non-recevoir, au sens de l’article 122 du code de procédure civile.
En conséquence, ajoutant au jugement entrepris, dans lequel il n’a pas été statué sur la fin de non-recevoir, la cour déclarera recevable la demande d’indemnisation pour délit de marchandage.
Sur le fond
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Au dispositif de ses écritures, Madame [K] [P] sollicite une indemnisation en réparation du préjudice subi du fait du délit de marchandage.
En vertu de l’article L 8231-1 du code du travail, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit.
Les critères, habituellement mis en ‘uvre, afin de distinguer les opérations licites des opérations illicites, sont le maintien ou non du lien de subordination avec l’entreprise d’origine du salarié, les conditions financières, et le fait que le salarié, mis à disposition, exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l’entreprise bénéficiaire de son travail et qu’il lui apporte ou non un savoir-faire particulier.
Madame [K] [P] fait valoir que dès son embauche, elle a été affectée à la société Trench, par la société de travail temporaire, sans demande émanant de la société Siemens, et qu’à l’issue, la société Trench a confirmé son souhait de l’embaucher, mais qu’elle s’est aperçue, lors de la signature du contrat de travail, le 14 mars 2011, que son employeur était dorénavant la Sas Siemens.
Toutefois, la cour relève que Madame [K] [P] est défaillante dans l’administration de la charge de la preuve d’un transfert du lien de subordination juridique de la Sas Siemens à la société Trench, et, notamment, qu’elle recevait ses directives dans l’organisation de son travail par la société Trench France.
Bien plus, elle reconnaît expressément, en page 19 de ses écritures, que le lien de subordination a perduré entre elle et la Sas Siemens.
La Sas Siemens, qui précise que la mise à disposition de la salariée est intervenue dans le cadre d’une politique de mutualisation et centralisation des fonctions supports des sociétés du groupe Siemens : le Global Shared Service, engagé en 2011, et que Madame [P] était rattachée à son établissement de [Localité 7] (68), justifie que :
– Madame [K] [P] formulait ses demandes d’autorisation d’absence, par courriers qui lui était adressés (lettres de Madame [K] [P] des 3 mai 2017, 31 juillet 2017, et 30 août 2018), et non à la société Trench France, (pièces de l’employeur n°4, 6 et 8)
– la demande de congés individuels de formation, de Madame [K] [P], a été formulée auprès d’elle, et non de la société Trench France, et qu’elle y a répondu par lettre du 23 mai 2017 (pièce de l’employeur n°5),
– l’ensemble des formations, dispensées à Madame [K] [P], ont été effectuées par elle ou prises en charge par elle, et non la société Trench France,
– elle assurait la vérification et la gestion des absences de la salariée (pièce n°17 de l’employeur),
– les arrêts de travail, de Madame [K] [P], ont tous été adressés à elle, et non à la société Trench France.
Infirmant le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’existence du délit de marchandage, et en ce qu’il a condamné l’employeur à payer des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice subi du fait du délit de marchandage, la cour déboutera Madame [K] [P] de sa demande d’indemnisation à ce titre.
Sur le harcèlement moral
Sur la recevabilité
Selon l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
La Sas Siemens invoque l’irrecevabilité de la demande d’indemnisation, au titre de faits de harcèlement moral, au visa de l’article 70 du code de procédure civile, au motif que la requête introductive d’instance ne concernait que la rupture du contrat de travail, et que la demande d’indemnisation pour faits de harcèlement moral ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Madame [K] [P] ne fait valoir aucun moyen sur la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur.
Selon requête du 14 avril 2020, Madame [K] [P] a contesté son licenciement, en invoquant, comme en l’espèce, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et a sollicité plusieurs indemnités, d’un total, de 157 960 euros, outre une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
Si la demanderesse a mentionné plusieurs sommes en renvoyant à une annexe, aucune annexe n’a été jointe à la requête, de telle sorte qu’il est établi que Madame [K] [P] n’a pas sollicité d’indemnisation pour des faits de harcèlement moral, au stade de la requête, encore moins contesté son licenciement au regard de faits de harcèlement moral.
Il en résulte que la demande additionnelle d’indemnisation pour des faits de harcèlement moral, formée, pour la première fois par écritures déposées au conseil de prud’hommes le 12 mars 2021, ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant, en l’absence de tout lien invoqué avec la contestation du licenciement.
En conséquence, ajoutant au jugement entrepris, dans lequel les premiers juges ont omis de statuer sur la recevabilité de la demande d’indemnisation précitée, la cour déclarera irrecevable cette demande.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
La lettre de licenciement comporte 2 motifs de licenciement, à savoir, selon l’employeur, un motif économique constitué par la réorganisation des services de gestion de paie des sociétés du groupe Siemens, avec centralisation à [Localité 4], dans la région parisienne, et l’absence prolongée, de la salariée en arrêt de travail, qui perturbe le fonctionnement normal de l’entreprise et nécessite son remplacement définitif.
Sur le motif économique
Selon l’article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L 233-1, aux I et II de l’article L 233-3 et à l’article L 233-16 du code de commerce.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
La charge de l’administration de la preuve du caractère réel et sérieux du motif économique, invoqué, repose sur l’employeur.
Or, la Sas Siemens ne justifie pas de :
– difficultés économiques qui lui soient propres ou du Groupe Siemens, dirigé par la société Siemens Holding,
– la nécessité d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail consécutive à des mutations technologiques,
– la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, par la réorganisation des services de gestion de paie des sociétés du groupe Siemens,
– sa cessation d’activité.
L’employeur fait uniquement état de la suppression du poste de gestionnaire de paie, détaché auprès de la société Trench France, et du transfert de poste, à compter du 1er mars 2019, à son siège social situé à [Localité 4] (93).
Or, il résulte de ce moyen que le poste de gestionnaire de paie, pour la société Trench France, n’était pas supprimé, puisque les tâches attachées à ce poste devaient être effectuées à [Localité 4], et qu’il s’agissait, en réalité, uniquement d’un changement du lieu d’exécution du contrat de travail.
Le motif économique invoqué, du licenciement, est d’autant plus inexistant que le contrat de travail stipule, comme interprété par les parties, une clause de mobilité, et que la salariée faisait l’objet, selon l’employeur, d’un simple détachement dans les locaux de la société Trench France.
Sur l’absence prolongée perturbant le fonctionnement normal de l’entreprise
En application de l’article L 1132-1 du code du travail, un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail.
Toutefois, l’absence prolongée du salarié, ou ses absences répétées, peuvent constituer un motif réel et sérieux de rupture en raison de la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement serait perturbé, obligeant l’employeur à pourvoir au remplacement définitif du salarié.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de :
– la perturbation engendrée par le prolongement de l’absence du salarié ou ses absences répétées,
– la nécessité du remplacement définitif du salarié.
En l’espèce, la Sas Siemens invoque, dans la lettre de licenciement, que la salariée est en arrêt de travail continu depuis le 13 novembre 2018, ce qui n’a pas permis à cette dernière de rejoindre son nouveau lieu de travail au 1er mars 2019.
La Sas Siemens fait également état, dans ladite lettre, que cette absence impacte directement le niveau de charge de travail des autres gestionnaires de paie, ce qui ne serait plus tenable, encore moins avec la mutualisation mise en place via la centralisation au siège des fonctions liées à la paie.
Toutefois, force est de relever que :
– l’employeur se contente d’affirmations, sans le moindre élément de preuve alors que la cour relève que le changement du lieu d’exécution du contrat de travail, de Madame [K] [P], a été motivé par le fait qu’un gestionnaire de paie traite, normalement, en moyenne 700 paies par mois (page 5 des écritures de l’employeur), et que Madame [K] [P] ne traitait plus que 158 paies par mois à partir de septembre 2018, ce qui constituait un surcroit de charge particulièrement limité, ce, d’autant plus que tous les gestionnaires de paie ont été centralisés sur le même lieu de travail et géraient les bulletins de paie à distance,
– pour justifier du remplacement définitif de la salariée, l’employeur produit la copie du contrat de travail à durée indéterminée d’une dame [C], qui fait apparaître que cette dernière a été engagée, selon contrat signé le 4 décembre 2018, en qualité de gestionnaire de paie, avec effet à compter du 1er mars 2019, soit un engagement antérieur à la date de transfert du contrat de travail de Madame [K] [P] à [Localité 4], et avec effet à compter de cette dernière date.
L’employeur a engagé Madame [C], moins d’un mois, après l’arrêt de travail initial, de Madame [K] [P], et alors que ce dernier avait été prolongé, à ce stade, une seule fois, le 26 novembre 2018 jusqu’au 20 décembre 2018, montrant un empressement à remplacer la salariée, et, ce, alors même qu’il ne justifie d’aucune perturbation, du fait de l’arrêt maladie de Madame [K] [P], dans le fonctionnement normal du service Global Shared Service déjà centralisé à [Localité 4] en 2018.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris, la cour dira que le licenciement de Madame [K] [P] apparaît sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Madame [K] [P] percevait une rémunération mensuelle de 2 775 euros brut, outre une prime d’ancienneté de 222 euros brut, et un treizième mois, soit une moyenne mensuelle de 3 228, 25 euros brut.
Madame [K] [P] justifie de son inscription, à Pole Emploi, à compter du 11 juillet 2019, en qualité de demandeur d’emploi, selon attestation de cet organisme du 15 février 2021.
Selon contrat de travail à durée déterminée du 1er février 2021, elle a retrouvé un emploi, de cadre administratif et financier, pour une durée à compter du même jour jusqu’au 17 février 2021.
En application de l’article L 1235-3 du code du travail, au regard de l’ancienneté de la salariée (8 années complètes), de l’âge de cette dernière, à la date du licenciement (46 ans), et du préjudice subi, infirmant le jugement entrepris, la cour condamnera la Sas Siemens à payer à Madame [K] [P] la somme de 25 000 euros brut (étant rappelé que depuis les ordonnances Macron, ces dommages et intérêts doivent apparaître en montant brut), qui portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt.
La cour ordonnera la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur le remboursement à France Travail
Aux termes de l’article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l’espèce.
Il conviendra en conséquence d’ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées, en l’espèce, dans la limite de 6 mois.
Sur les demandes annexes
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Chaque partie succombant partiellement, à hauteur d’appel, les parties seront condamnées à supporter leurs propres dépens d’appel.
La demande de la Sas Siemens, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel, sera rejetée, et la Sas Siemens sera condamnée à payer à Madame [K] [P], à ce titre, la somme de 2 000 euros.