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Nos Conseils:
– Sur le rappel de salaire: – Sur la validité de l’avenant du 30 septembre 2019: – Sur le licenciement pour faute grave: |
→ Résumé de l’affaireM. [E] [G] a été engagé par la société Movidone en tant que chef de projet IT et business development. Un avenant à son contrat prévoyant une augmentation de salaire a été signé mais contesté par l’employeur. Après un arrêt maladie, M. [E] [G] a été licencié pour faute grave. Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Movidone à verser des indemnités à M. [E] [G]. La société Movidone a interjeté appel, contestant les décisions du conseil de prud’hommes. M. [E] [G] demande la confirmation du jugement initial.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 18 JUIN 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01573
N° Portalis DBVW-V-B7G-H2GM
Décision déférée à la Cour : 05 Avril 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANTE :
S.A.S. MOVIDONE immatriculée au R.C.S. de STRASBOURG
prise en la parsonne de Monsieur [W]-[L] [B], en sa qualité de Président
N° SIRET : 523 51 7 2 25
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier PHILIPPOT, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIME :
Monsieur [E] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Olivier GAL, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. ROBIN, Président de chambre
M. PALLIERES, Conseiller (chargé du rapport)
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées.
– signé par M. ROBIN, Président de chambre et Mme SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société Movidone développe des solutions dans le domaine informatique, et emploie moins de 11 salariés. Selon contrat de travail à durée indéterminée, M. [E] [G] a été engagé par la société Movidone, à compter du 2 janvier 2019, en qualité de chef de projet It, business developpment, statut cadre, position 2.2, coefficient 130, avec une rémunération mensuelle brute de 3 166, 66 euros pour un temps de travail de 162, 5 heures. La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques appelée Syntec.
Un avenant du 30 septembre 2019, comportant la reproduction de la signature du dirigeant légal de l’employeur, M. [W] [B], et prévoyant une augmentation de salaire aussi bien au niveau du taux horaire, qu’une prime de 3 % brut sur « toute nouvelle subvention encaissée, sur laquelle M. [C] a été le seul intervenant », a été remis au salarié. Invoquant qu’il s’agissait d’une erreur, l’employeur a adressé, au salarié, un nouvel avenant, le 13 novembre 2019, que ce dernier a refusé de signer.
M. [E] [G] a été placé en arrêt maladie à compter du 16 décembre 2019 jusqu’au 27 décembre 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 décembre 2019, la société Movidone a convoqué M. [E] [G] à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, et lui a notifié, à cette occasion, une mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de la décision à intervenir. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2020, la société Movidone lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par requête du 3 décembre 2020, M. [E] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg, section encadrement, de demandes de contestation de son licenciement, et aux fins d’indemnisations subséquentes, outre de rappels de salaires au titre des primes sur subventions encaissées.
Par jugement du 5 avril 2022, le conseil de prud’hommes a :
– constaté qu’un avenant avait été signé en date du 30 septembre fixant la rémunération à 3 500 euros par mois pour 162, 5 heures de travail à compter du 1er octobre 2019,
– constaté que M. [C] n’avait commis aucune faute,
– dit et jugé que M. [C] bénéficiait d’un salaire moyen de 3 388,88 euros,
– dit et jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Movidone à payer à M. [C] les sommes suivantes :
* 10 500 euros au titre du préavis,
* 1 050 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 1 127,31 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 8 740,05 euros brut au titre du rappel de primes sur les dossiers sur lesquels il était le principal intervenant,
* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclaré le jugement à intervenir exécutoire par provision pour la partie relative au salaire,
– condamné la défenderesse aux dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 14 avril 2022, la société Movidone a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions. L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 16 janvier 2024.
*
* *
Par écritures transmises par voie électronique le 8 janvier 2024, la société Movidone sollicite l’infirmation du jugement entrepris sur les mêmes bases, et que la cour, statuant à nouveau,
– À titre principal, déboute M. [E] [G] de l’ensemble de ses demandes,
– À titre subsidiaire fixe le montant du rappel de primes à la somme de 360 euros brut, réduise le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un mois de salaire, et déboute M. [E] [G] du surplus de ses autres demandes,
– En tout état de cause, condamne M. [E] [G] à lui payer la somme de 2 000 euros de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Elle fait valoir, s’agissant du rappel de salaires, que M. [W] [B], président, n’avait pas l’intention de signer l’avenant du 30 septembre 2019, mais que l’avenant non validé a été transmis au salarié par l’assistante administrative, et invoque l’erreur.
Sur le licenciement, elle soutient que la faute grave est établie, le salarié n’ayant pas donné suite à sa demande de communication des codes d’accès à son ordinateur professionnel, s’étant présenté, le 2 janvier 2020, sur le lieu de travail, malgré notification d’une mise à pied à titre conservatoire, ayant commis de nombreuses erreurs dans les dossiers dont il avait la charge, voire d’avoir plagié un dossier d’un site Internet, et d’avoir eu des retards récurrents dans le traitement des dossiers.
Par écritures transmises par voie électronique le 15 décembre 2023, M. [E] [G] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de la société Movidone à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Il fait valoir, s’agissant de la demande de rappel de salaires, qu’un avenant du 30 septembre 2019 lui a été communiqué par l’employeur, à la suite des échanges de courriels démontrant la volonté de M. [B] d’augmenter son salaire, et que l’avenant du 30 septembre 2019 a bien été acté sur le bulletin de salaire d’octobre 2019.
S’agissant du licenciement, il conteste que ce dernier ait une cause réelle et sérieuse, invoquant que si les faits reprochés devaient être justifiés, cela relèverait d’une insuffisance professionnelle. Il indique que malgré son arrêt de travail, il avait adressé, suite à la demande de l’employeur, les codes d’accès de son poste de travail, que l’employeur n’avait aucun problème d’accès aux informations de son ordinateur professionnel puisque l’ensemble des documents professionnels était en accès partagé, et conteste les retards qui lui sont reprochés, de même que d’avoir plagié la présentation d’un dossier.
Sur sa présence du 2 janvier 2020, sur le lieu de travail, il précise qu’il n’a jamais été informé de la mise à pied à titre conservatoire avant cette date, la lettre du 24 décembre 2019 n’ayant été que présentée à son domicile le 27 décembre 2019 et le courrier ayant été retiré postérieurement à son déplacement au bureau. Il ajoute que l’employeur ne peut se prévaloir d’un courriel du 1er janvier 2020, envoyé à 19 h 43, sur sa boîte mail privée, dès lors que s’agissant d’un jour férié, il n’avait pas consulté ses courriels.
Sur le rappel de salaire
La validité de l’avenant du 30 septembre 2019
Selon avenant au contrat de travail, du 30 septembre 2019, il a été convenu que M. [E] [C] percevrait une rémunération brute annuelle de 42 000 euros en contrepartie d’une durée de travail de 37,50 heures par semaine, aux horaires inchangés, et percevrait, en outre, une prime complémentaire de 3% brute sur toute subvention encaissée sur laquelle le salarié a été le principal intervenant.
Ce document, produit en pièce n°2 du salarié, comporte le tampon de l’employeur et une signature électronique (attribuée à M. [W] [B], alors, président), outre la signature du salarié avec la mention « lu et approuvé ».
La société Movidone ne peut valablement contester la validité de cet acte au prétendu motif d’une erreur.
En effet, il résulte :
– du courriel, de M. [R] [D], directeur technique, du 5 septembre 2019, adressé au salarié, et en copie à M. [W] [B], que les conditions, reprises dans l’avenant précité, avaient été clairement indiquées par M. [D],
– des échanges de courriels entre Mme [P] [I], M. [W] [B] et M. [R] [D], transmis, en copie, entre ces trois personnes, et, notamment, du courriel, de M. [W] [B], du 23 octobre 2019, à
14 h 49, que ce dernier a validé les fiches de paie avec l’augmentation de salaire,
– du bulletin de paie du mois d’octobre 2019 que l’avenant en cause a été exécuté par fixation de la nouvelle rémunération fixe.
Si l’employeur précise que, par courriel du 23 octobre 2019 à 11h56, M. [W] [B] a mentionné : « cela ne suffit pas à mon avis », cette mention doit être interprétée, également, au regard des mentions suivantes du même courriel, à savoir :
« peux-tu me fournir le contrat de travail ‘
Merci d’avance, je fais intégrer les modifications afin de ne plus avoir de remarques sur le contrat. ».
Ainsi, la mention : « cela ne suffit pas à mon avis » n’était relative qu’au formalisme de l’avenant dont les modifications étaient connues de M. [B], et qui ont été acceptées par ce dernier à 14 h 49.
Ce n’est que, postérieurement, par courriel du 31 octobre 2019, que M. [B] va remettre en cause la validité de l’avenant qu’il avait accepté.
En conséquence, l’avenant en cause est bien valable, de telle sorte que le salarié est en droit de solliciter un rappel de salaire au titre de la rémunération variable.
Le montant du rappel de salaires
A compter du mois de novembre 2019, l’employeur est revenu sur l’accord donné au titre de l’avenant, en modifiant, à la baisse, le montant de la rémunération mensuelle fixe brute.
Le salarié n’effectue aucune demande au titre de la différence, dès lors qu’il précise que, suite à une procédure de référé, l’employeur a accepté sa demande de rappel de salaires au titre de l’augmentation de la rémunération fixe, et sollicite, en conséquence, uniquement, un rappel de salaires au titre de la rémunération variable, à savoir la prime complémentaire de 3 % brute sur toute subvention encaissée sur lesquels il a été le principal intervenant.
M. [E] [C] fait valoir, à ce titre, que cette prime ne lui a jamais été versée alors même qu’il justifie de la délibération de la commission permanente du conseil régional du 17 janvier 2020 que la société Enygma a perçu une subvention de 91 350 euros, dossier dans lequel il est intervenu pour effectuer le montage.
Il ajoute que la société Enygma a, par ailleurs, perçu une dotation d’un montant de 200 000 euros dans le dossier Ami, pour lequel l’employeur, dans la lettre de licenciement, lui reproche un retard de transmission, et précise que la subvention est versée par la région Grand Est et constitue une enveloppe à la disposition du bénéficiaire que ce dernier va puiser sous réserve de respecter l’avancement du projet et de l’innovation qu’il a entendu développer.
Il en conclut qu’il doit percevoir une prime de 3 % de 291 350 euros, soit 8 740,05 euros brute.
La société Movidone soutient que le bénéfice de la prime n’était relatif qu’aux subventions perçues par elle, ce qui n’a pas été le cas, et que, par ailleurs, la société Enygma n’a perçu, au titre du dossier Ami, qu’une somme de 12 000 euros.
À titre liminaire, la cour relève que l’avenant du 30 septembre 2019 ne limite pas le bénéfice de la prime aux subventions perçues uniquement par la société Movidone, mais que la prime porte sur toute subvention encaissée, sur laquelle M. [E] [C] a été le principal intervenant.
En conséquence, M. [E] [C] est en droit de solliciter une prime en fonction de la subvention perçue par la société Enygma, étant précisé qu’il est un fait constant que M. [W] [B], président de la société Movidone, est également président d’autres sociétés, notamment, de la société Enygma.
En application de l’article 1353 du code civil, il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation (Cass. Soc. 29 juin 2022 pourvoi n°20-19.711).
Si la société Movidone produit une attestation, du 30 novembre 2022, de Mme [J] [X], expert-comptable, selon laquelle dans le cadre du dossier Ami numérique, seule la société Enygma a perçu une subvention d’un montant de 12 000 euros, le 24 juin 2021, il résulte :
– de la délibération de la commission permanente du conseil régional du Grand Est, du 17 janvier 2020, que la société Enygma s’est vue accorder une subvention de 91 350 euros au titre de l’aide aux premiers développements de la start-up (pièce salarié n°39),
– des écritures de l’employeur que la somme de 200 000 euros, pour le dossier Ami, correspond à un plafond maximal, et que le versement de la totalité de la subvention n’est pas obligatoire, dès lors que la société, en l’espèce Enygma, peut parfaitement solliciter une enveloppe moindre en fonction de ses besoins, ce qui confirme l’affirmation du salarié selon laquelle le bénéficiaire de la subvention peut parfaitement bloquer le versement du montant total de la subvention.
En outre, la force probante de l’attestation du 30 novembre 2022 de l’expert comptable ne peut être retenue dès lors que le même expert comptable avait attesté, le 17 mai 2022, que la société Enygma n’avait pas perçu de subvention Ami numérique (qui pourtant avait déjà été perçue le 24 juin 2021). Le caractère contradictoire des attestations, de cet expert-comptable, démontre l’absence de crédit quant aux déclarations de l’intéressé.
L’employeur ne produit pas les éléments permettant d’écarter la demande du salarié relative à la rémunération variable.
En conséquence, la demande de rappel de salaire, au titre de la rémunération variable, apparaît justifiée, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer, à ce titre, la somme de 8 740,05 euros brut.
Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La charge de l’administration de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur (dans le même sens, notamment, Cass. Soc 20 mars 2019 n° 17-22.068).
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les débats, comporte comme motifs :
1. insubordination récurrente à l’égard de la hiérarchie avec comportement incompatible avec l’exécution normale du contrat de travail : à plusieurs reprises, le salarié n’a pas rendu les dossiers dans les délais qui lui étaient impartis malgré les relances, les dossiers rendus étaient très souvent incomplets, voire faisant suite à un plagiat,
2. attitude désinvolte et intolérable compte tenu du niveau et des enjeux,
3. présentation, le 2 janvier 2020, sur le lieu de travail, malgré mise à pied à titre conservatoire,
4. refus de communiquer les codes d’accès de son ordinateur durant son arrêt travail qui a débuté le 17 décembre 2019 empêchant d’assurer le suivi du dossier Banque de France et la continuité de l’activité dans des conditions normales.
L’insubordination récurrente l’égard de la hiérarchie avec comportement incompatible avec l’exécution normale du contrat de travail, caractérisée par les retards dans le traitement des dossiers, des dossiers rendus incomplets, voire faisant suite à un plagiat
L’employeur reproche :
1. sur le dossier Banque de France, pour l’obtention d’un agrément bancaire, au profit de la société Easytransac, la transmission, au dernier moment, avant la réunion de travail pour finalisation du projet du 29 novembre 2019, d’un rapport incomplet et truffé d’erreurs, alors que le rendez-vous avec la Banque de France était fixé au 2 décembre 2019, puis, la transmission d’un simple formulaire du dirigeant effectif, le matin du 2 décembre, ne correspondant pas au dossier complet demandé de telle sorte que le rendez-vous avec la Banque de France a dû être reporté.
Pour justifier ce motif, l’employeur produit des échanges de courriels, en ses pièces n°18 à 20 inclus, la copie du document transmis au salarié, comme base de travail, le document restitué par M. [E] [C], et une attestation de témoin de M. [K] [O], employé de la société Movidone, selon laquelle, en sa qualité de contrôleur des informations techniques, il a alors relevé que le dossier, qui avait été transmis par M. [E] [C], comportait des erreurs techniques, de nombreuses fautes d’orthographe, et des phrases incompréhensibles.
Le salarié réplique qu’il avait une fonction de coordonnateur de l’équipe Easytransac, dont M. [W] [B] est également le président, et que la plupart des missions devait être effectuée par ce dernier (qui apparaît sous les initiales Sml) dans le document que le salarié produit en sa pièce n°17.
La cour relève que s’agissant des délais de réalisation de la prestation, M. [B] a sollicité le rendu du dossier « établissement de paiement », le mercredi 27 novembre 2019, pour le jeudi 28 novembre, pour voir quelles seraient les dernières corrections à faire.
Par courriel du 29 novembre 2019 à 11h52, M. [B] a indiqué à M. [E] [C] qu’il y avait beaucoup de choses non remplies sur le dossier et qu’il n’avait pas vu la reprise du document qu’il avait déjà fait.
Par courriel du 29 novembre 2019 à 17h24, M. [E] [C] a effectué un nouvel envoi du dossier (pièce salarié n°18).
Par courriel du 2 décembre 2019 à 9 heures, M. [E] [C] a envoyé un document intitulé formulaire du dirigeant effectif.
Ce document est similaire à celui transmis par M. [R] [D] à M. [E] [C], le 4 septembre 2019, comme document de travail.
Or, le rendez-vous avec la Banque de France avait déjà été annulé par M. [B], par courriel du 29 novembre 2019 à 22h10 (pièce employeur n°21) au motif que la société n’était pas prête pour fournir un document complet.
Il n’est pas établi par l’employeur que le report de la réunion avec la Banque de France, initialement prévue pour le 2 décembre 2019, était la conséquence d’un comportement fautif de M. [E] [C].
En effet, :
– le dossier intitulé « établissement de paiement agrément simplifié », produit par le salarié, en sa pièce n°17, fait apparaître, comme relevé par les premiers juges, que sur 17 points prévus, M. [E] [C] devait en traiter 10 dont 9 en commun avec M. [W] [B] qui lui-même devait en traiter 16,
– ce dossier faisait l’objet d’un travail d’équipe, et M. [E] [C] avait précisé, par courriel du 29 novembre 2019 à 11h32, que l’application de l’ensemble de l’équipe Easytransac était cruciale et qu’il ne maîtrisait pas la plupart des processus internes de cette société,
– le travail de correction des erreurs techniques et des fautes d’orthographe ou de syntaxe relevait de la compétence de M. [K] [O], comme reconnu par ce dernier.
M. [E] [C] ajoute, enfin, sans être démenti, que plus de deux ans après, la société Easytransac était toujours enregistrée sur le site de la Banque de France comme un agent prestataire de services de paiement, ce qui signifiait qu’elle n’avait toujours pas reçu d’agrément.
L’employeur reconnaît que le dossier était toujours en cours le 16 octobre 2020, et n’apporte aucune explication sur l’absence d’agrément, plusieurs mois après le licenciement du salarié, ce qui démontre la complexité dudit dossier et le fait que la responsabilité du report du rendez-vous avec la Banque de France ne peut être imputée à M. [E] [C].
En conséquence, ce motif n’apparait pas réel et sérieux.
2. sur le dossier I-Lab, un dossier rendu qui n’est qu’un copier coller d’un dossier précédent, transmis, au surplus, en retard.
L’employeur ne justifie pas de ce motif, alors que M. [E] [C] produit, en ses pièces n°20 et 21, constituées par le règlement de la 22e édition du concours d’innovation I-Lab, et un courriel du 4 décembre 2019 de M. [Z] [A], que la date limite de dépôt des candidatures était fixée au 12 février 2020 à midi, soit 28 jours après la date du licenciement du salarié.
Comme relevé par les premiers juges, ce dernier délai permettait au salarié de corriger son dossier pour qu’il soit déposé avant la date butoir.
En conséquence, ce motif n’apparaît pas réel et sérieux.
3. sur le dossier Bpi, un dossier rendu en retard, qui n’était que la copie du précédent dossier déposé pour le compte d’une autre société, ayant entraîné un refus privant la société de l’obtention d’un prêt de 200 000 euros
S’agissant du motif relatif à un copier coller, les premiers juges ont fait une étude comparative judicieuse entre les deux dossiers en cause (en pièces n°43 et 44 du salarié) permettant de retenir une absence de copier coller, mais uniquement des similitudes de mise en page, et non de contenu.
Par ailleurs, par la production de l’échange de courriels du 27 novembre 2019 (pièce n°19 de l’employeur), la société Movidone ne rapporte pas la preuve d’un retard dans le dépôt du dossier, ni d’un refus motivé par la mauvaise qualité du travail rendu.
En conséquence, ce motif n’apparaît pas réel et sérieux.
4. sur le dossier Ami, un rapport incomplet transmis quelques heures avant la fin du délai imparti pour le remettre, ayant entraîné l’annulation de plusieurs rendez-vous client au cours de la dernière journée pour compléter et corriger le dossier
Selon le formulaire de présélection de candidature à l’Ami 2019 (pièce n°22 du salarié), la date butoir de dépôt des dossiers complets sur la plate-forme était fixée au 8 novembre 2019 à minuit au plus tard.
Le salarié établit que le dossier a été transmis pour validation à M. [B], président de la société Movidone, pour partie, le 8 octobre 2019, puis le 23 octobre 2019, par la production d’une copie du dossier comportant les signatures de M. [B] à ces dates respectives (pièce n° 23 du salarié).
L’employeur ne justifie pas de l’annulation de rendez-vous client pour compléter le dossier dans les délais.
Par courriel du 7 novembre 2019 à 15h27, M. [E] [C] a uniquement indiqué à Mme [P] [I], qui lui apportait son aide, qu’il restait à insérer les pages 11 et 24, comportant la signature de M. [B], au dossier, ce qui démontre que le dossier avait déjà été contrôlé et validé par M. [B].
Enfin, il est un fait constant que la société Enygma s’est vue attribuer une subvention, à ce titre, de telle sorte qu’il est établi que le travail, de M. [E] [C], a été efficace.
En conséquence, ce motif n’apparaît pas réel et sérieux.
5. sur le dossier Village by Ca, une remise du dossier le 14 novembre 2019, alors que ce dernier devait être déposé au plus tard le 18 novembre 2019, empêchant M. [B], alors en déplacement, d’en prendre connaissance, ce qui a contraint de déposer le dossier sans relecture préalable
Il résulte d’un échange de courriels du 18 novembre 2019 (pièce n°25 du salarié) que :
– M. [E] [C] a été informé, le 8 novembre 2019, de la date butoir pour réception des dossiers de candidature (des sociétés Easytransac et Enygma), par le Village by Ca, au 15 novembre 2019, et a transmis un dossier pour validation M. [B], le 14 novembre 2019 à 15h32,
– M. [B] a répondu, par courriel du 15 novembre 2019, qu’il n’avait pas le temps de vérifier le dossier (en l’espèce, de la société Enygma), puis, par courriels du 18 novembre 2019, qu’il n’aura pas accès à son ordinateur avant 23 heures de telle sorte que le dossier devait être envoyé.
L’employeur, en la personne de M. [B], ne justifie pas d’avoir informé M. [E] [C] de son impossibilité de contrôler et valider les dossiers transmis à compter du 14 novembre 2019, et d’un déplacement l’empêchant de prendre connaissance des messages professionnels sur son ordinateur.
Le simple fait, en l’espèce, que le salarié n’ait pas informé M. [B], dès le 8 novembre 2019, de la date butoir au 15 novembre 2019, n’apparaît pas suffisamment sérieux pour justifier une sanction disciplinaire, ce d’autant plus qu’il résulte de la pièce n°26 du salarié, constituée par une extraction d’un site Internet, que les sociétés Easytransac et Enygma, dont M. [B] est le président, ont bien intégré le Village by Ca, de telle sorte que le travail, effectué par le salarié, a été efficace.
6. sur le dossier Verifeasy, la soumission d’un document, pour validation, constitué d’un plagiat d’un site canadien
Pour justifier ce motif, l’employeur produit, en sa pièce n°7, un courriel du 6 décembre 2019 de M. [E] [C], adressé à M. [B], ainsi rédigé : « c’est une proposition de document de clôture de projet avec Verifeasy, Qu’en penses-tu ‘.. », accompagné d’un document intitulé « document de clôture ».
Ce document est une trame, à compléter, qui comporte des missions spécifiques au client Verifeasy.
À ce stade, la cour relève, comme l’ont fait les premiers juges, que M. [E] [C] a transmis un document de travail, et non un document définitif.
Par ailleurs, la comparaison du document, produit par l’employeur, et de celui produit par le salarié, en sa pièce n°28, permet de retenir que le document de travail, transmis à M. [B], n’est qu’une inspiration du document originel émanant du service travaux public et services gouvernementaux du Canada, et non un plagiat.
Il importe peu que, dans le cadre de la mise en forme du document, M. [E] [C] ait copié le logo du service gouvernemental du Canada qui apparaissait sur le document originel, dès lors que le document transmis n’était qu’un document de travail à amender.
En conséquence, le motif reproché, à ce titre, n’apparaît pas sérieux.
L’attitude désinvolte et intolérable
L’employeur ne vise aucun autre fait que ceux, précités, relatifs à la qualité du travail du salarié.
Il résulte des motifs supra que ce fait n’est, dès lors, pas établi.
La présentation, le 2 janvier 2020, sur le lieu de travail, malgré mise à pied à titre conservatoire, et un courriel de rappel du 1er janvier 2020
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 décembre 2019, la société Movidone a convoqué M. [E] [C] à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, et a notifié, au salarié, à cette occasion, une mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de la décision à intervenir.
Il est un fait constant que le 2 janvier 2020, M. [E] [C] s’est présenté sur son lieu de travail.
Selon attestation de Mme [U] [T] (pièce n°9 de l’employeur), cette dernière a ouvert les locaux à M. [E] [C], alors qu’elle n’était pas informée de la mesure concernant ce dernier, et, après une demande réitérée de sa part, M. [E] [C], qui entendait finir son café, a quitté les lieux.
L’employeur, qui entend invoquer un acte d’insubordination, ne justifie pas que le salarié était informé, avant le 2 janvier 2020, de la mesure de mise à pied à titre conservatoire.
En effet, l’employeur ne produit pas l’accusé de réception de la lettre de notification de la mise à pied à titre conservatoire, alors même que le salarié justifie que la lettre a été uniquement présentée le 27 décembre 2019 à son domicile.
Par ailleurs, l’employeur ne justifie pas plus que M. [E] [C] ait pris connaissance, avant le 2 janvier 2020, du courriel de M. [B] du 1er janvier 2020, envoyé à 19h43 sur la boîte mail privée de M. [E] [C], précisant : « nous nous verrons le 8 janvier à 11 heures pour en parler. Merci de ne pas venir auparavant au travail ».
Il en résulte que la présentation du salarié, sur le lieu de travail, le 2 janvier 2020, ne constitue pas une faute de ce dernier.
Par ailleurs, dès lors que le salarié était en train de boire un café, dans la cuisine de l’entreprise, lorsqu’il a été informé qu’il devait quitter les lieux, suite à une mesure de mise à pied à titre conservatoire, il ne peut être considéré comme un acte d’insubordination que le salarié ait entendu finir son café avant de quitter les lieux.
En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à M. [E] [C], à ces titres.
Le refus de communiquer les codes d’accès de son ordinateur durant son arrêt travail
M. [E] [C] a été placé en arrêt de travail du 16 décembre 2019 au 27 décembre 2019, avec sorties autorisées.
Par courriel du 17 décembre 2019, M. [W] [B] a demandé à M. [E] [C] de lui communiquer, en urgence, le mot de passe de sa « machine ».
Par courriel du 24 décembre 2019, M. [E] [C] lui a répondu qu’il venait de prendre connaissance du courriel précédent, et qu’au regard de la volonté exprimée par M. [B] de mettre fin au contrat de travail, il attendait qu’on lui fasse une proposition de rupture conventionnelle, ce qui serait discuté à son retour du 2 janvier 2020.
Par un courriel du 19 décembre 2019, adressé par M. [H] [B] (et non [W]), toujours sur la boîte mail privée de M. [E] [C], l’employeur a réitéré la demande du code d’accès à l’ordinateur professionnel, au motif d’informations, détenues par l’outil informatique, vitales à l’entreprise.
La société Movidone produit, en outre, une lettre, du 23 décembre 2019, dite recommandée avec accusé de réception, adressée à M. [E] [C], sollicitant, de nouveau, le code d’accès l’ordinateur professionnel.
M. [E] [C] soutient qu’il n’a pas réceptionné ce courrier, étant en vacances.
Or, l’employeur ne produit pas le justificatif de réception de ce courrier, ni même de justificatif d’envoi.
Par courriel, précité, du 1er janvier 2020, M. [W] [B], président de la société Movidone, s’est contenté de préciser à M. [E] [C] qu’ils se verraient le 8 janvier à 11 heures pour en parler et qu’il n’y avait pas lieu de venir auparavant au travail, puis a souhaité une bonne soirée et bonne année à M. [E] [C] ; ce courriel ne fait plus état de la nécessité de récupérer le code d’accès de l’ordinateur professionnel de M. [C].
Si le salarié n’est pas tenu de poursuivre une collaboration avec l’employeur durant la suspension de l’exécution du contrat de travail provoquée par la maladie ou l’accident, l’obligation de loyauté subsiste durant cette période et le salarié n’est pas dispensé de communiquer à l’employeur, qui en fait la demande, les informations qui sont détenues par lui et qui sont nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise.
En l’espèce, le salarié invoque que les documents, relatifs à son activité professionnelle, étaient partagés, de sorte que l’employeur n’avait pas besoin d’obtenir communication du mot de passe de son ordinateur professionnel, qu’il n’a jamais refusé de remettre les codes d’accès de son ordinateur, et qu’il a transmis les codes le 24 décembre.
Cette transmission n’est pas établie, mais l’employeur, qui a la charge de l’administration de la preuve de la faute grave, doit rapporter la preuve qu’il n’avait pas d’autres possibilités, sans recourir au salarié, d’avoir communication du mot de passe informatique, ou d’avoir accès aux informations prétendument nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise, ce, d’autant plus que l’employeur reconnaît, de façon implicite et non équivoque, page 16 de ses écritures, l’existence d’un réseau partagé au sein de l’entreprise.
Cette preuve fait défaut.
En conséquence, ce motif n’apparaît pas réel et sérieux.
Synthèse
Il résulte des motifs supra que non seulement l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute grave, mais, qu’en outre, le licenciement apparaît sans cause réelle et sérieuse, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a retenu la même conclusion.
Sur les indemnités subséquentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salaire mensuel brut de référence
Ne tirant pas les conséquences de ses propres prétentions et moyens, relatif à sa rémunération, M. [E] [C] a limité le calcul du salaire mensuel brut de référence à la somme de 3 388,88 euros.
La cour ne pouvant statuer ultra petita, retiendra cette somme, à ce titre.
Les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis
En dernier état, le salarié fait état d’une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros.
Les cadres bénéficiant d’un délai de préavis de 3 mois, conformément à la convention collective Syntec, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur, à ce titre, au paiement de la somme de 10 500 euros, outre la somme de 1 050 euros au titre des congés payés y afférents, sauf à ajouter que ces montants sont bruts.
L’indemnité légale de licenciement
Au regard de l’ancienneté du salarié, dans l’entreprise, augmentée du délai de préavis, c’est à juste titre que les premiers juges ont condamné l’employeur à payer, à ce titre, la somme de 1 127,31 euros, de telle sorte que le jugement sera confirmé sur ce chef.
Les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures.
Si, dans les motifs de ses écritures, M. [E] [C] sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer, à ce titre, la somme de 20 000 euros, dans le dispositif de ses écritures, le salarié sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Au regard de l’article L. 1235-3 du code du travail, de l’ancienneté du salarié, en années complètes (1 an), de l’âge de ce dernier au moment du licenciement (42 ans) et du préjudice subi, le conseil de prud’hommes a fait une juste évaluation de l’indemnisation en condamnant l’employeur à payer au salarié la somme de 6 000 euros, à ce titre.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
Sur les demandes annexes
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Succombant à hauteur d’appel, la société Movidone sera condamnée aux dépens d’appel.
Sa demande, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d’appel, sera rejetée et elle sera condamnée à payer à M. [E] [C], à ce titre, la somme de 2 000 euros.