Engagement de Mme [J] [X]Le 2 janvier 2006, Mme [J] [X] a été embauchée par la SAS Axiom Graphic en tant qu’opérateur PAO, sous contrat à durée indéterminée. À cette époque, l’entreprise, spécialisée dans l’imprimerie, comptait 48 salariés et était soumise à la convention collective des Imprimeries de Labeur et des Industries Graphiques. Procédure de licenciementLe 15 mai 2019, Mme [J] [X] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement potentiel, qui a eu lieu le 24 mai 2019. Lors de cet entretien, elle a été informée des motifs économiques justifiant le licenciement et a accepté d’adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) le 25 mai 2019. Notification de licenciementLe 11 juin 2019, la société a notifié à Mme [J] [X] son licenciement pour motif économique, effectif le 14 juin 2019. La société a justifié cette décision par une baisse significative de son chiffre d’affaires et une chute des ventes, ainsi que par des difficultés structurelles dans le secteur de l’imprimerie. Demande de requalification du licenciementLe 22 juin 2020, Mme [J] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise pour obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement d’indemnités. La société Axiom Graphic s’est opposée à cette demande. Jugement du conseil de prud’hommesLe 16 août 2022, le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de nullité de la requête de Mme [J] [X] et a débouté ses autres demandes, tout en déboutant également la société de sa demande reconventionnelle. Les dépens ont été mis à la charge de Mme [J] [X]. Appel de Mme [J] [X]Le 15 septembre 2022, Mme [J] [X] a interjeté appel de cette décision, demandant la confirmation du rejet de l’exception de nullité et l’infirmation du jugement concernant ses autres demandes, notamment la reconnaissance de son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Réponse de la société Axiom GraphicLa société Axiom Graphic a demandé à la cour de débouter Mme [J] [X] de son appel et a soulevé un appel incident, arguant que la requête de Mme [J] [X] était nulle en raison de l’absence de mentions obligatoires. Ordonnance de clôture de l’instructionLe 26 juin 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 septembre 2024. Obligation de reclassementMme [J] [X] a reproché à la société de ne pas avoir respecté ses obligations de reclassement, tant internes qu’externes. La société a démontré qu’aucun poste n’était disponible au sein de l’entreprise au moment du licenciement. Reclassement externeConcernant le reclassement externe, la société a été critiquée pour ne pas avoir recherché des solutions de reclassement dans des entreprises rattachées aux industries graphiques, ce qui a conduit à la conclusion que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuseL’article L1235-3 du code du travail stipule que si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut accorder une indemnité. Dans ce cas, l’indemnité a été fixée à 16 590 euros, en tenant compte de l’ancienneté de Mme [J] [X] et de son salaire. Décision finale de la courLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant la nullité de la requête, mais a infirmé le jugement sur le reste, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant la société à verser des indemnités à Mme [J] [X]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80K
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/02756 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNFR
AFFAIRE :
[J] [X]
C/
S.A.S. AXIOM GRAPHIC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Août 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY-PONTOISE
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : 20/00182
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Lara AYACHE
Me Franck LAFON
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [J] [X]
née le 17 Février 1973 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Lara AYACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1869
APPELANTE
****************
S.A.S. AXIOM GRAPHIC
N° SIRET : 329 347 256
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 –
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Présidente chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,
Madame Véronique PITE, Conseillère,
Madame Odile CRIQ, Conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
Le 2 janvier 2006, Mme [J] [X] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’opérateur PAO, statut employé, par la SAS Axiom Graphic, qui est spécialisée dans le secteur de l’imprimerie, emploie plus de dix salariés (48 salariés au moment des faits) et relève de la convention collective des Imprimeries de Labeur et des Industries Graphiques.
Convoquée le 15 mai 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 24 mai suivant, Mme [J] [X] s’est vu soumettre un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) le 24 mai 2019, auquel elle a adhéré le 25 mai 2019.
Le 11 juin 2019, la société a notifié, à titre conservatoire, à Mme [J] [X] son licenciement pour motif économique en ces termes :
« Madame,
Par courrier remis en main propre contre décharge en date du 15 mai 2019, nous vous avons conviée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Lors de cet entretien, qui s’est tenu le 24 mai 2019, nous vous avons exposé les motifs nous ayant amenés à envisager une telle mesure et avons recueilli vos observations. Nous vous avons également proposé d’adhérer au dispositif du Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) et vous avons remis le dossier ad ‘hoc.
Vous avez accepté d’adhérer au CSP en date du 25 mai 2019. En conséquence, eu égard à votre acceptation d’adhérer au CSP, votre contrat de travail est rompu, par effet de la loi, le 14 juin 2019, au soir.
Pour mémoire, la cause de cette rupture (ayant fait l’objet d’une information consultation des délégués du personnel, le 14 mai 2019) est la suivante:
Pour mémoire, vous avez été embauchée par notre société à compter du 2 janvier 2006, et occupiez, en dernier lieu, le poste d’Opératrice PAO, statut non cadre.
L’activité de notre société a chuté de 22% sur les six mois allant d’octobre 2018 à mars 2019 pour s’établir à 4,487 k€, par rapport à la même période des douze mois précédents durant laquelle le chiffre d’affaires avait été égal à 5.773 k€.
Ainsi, conformément aux dispositions de l’article L1233-3 du Code du travail, la cause économique présidant votre potentiel licenciement économique consiste en une baisse significative des commandes et du chiffre d’affaires.
Le détail de la baisse des ventes de la société peut être résumé comme suit :
Ventes 2019
Ventes 2018
Ventes 2017
1er trimestre
2 199
2 750
2 282
2ème trimestre
–
2 283
2 582
3ème trimestre
–
2 622
2 315
4ème trimestre
–
2 356
3 023
Total année (k euros)
–
10 012
10 202
Cette chute des ventes suit une tendance tout aussi négative qui concerne le nombre de feuilles roule en offset qui est passé approximativement de 14.666.100 feuilles d’octobre 2017 à mars 2018 à 12.018.208 feuilles d’octobre 2018 à mars 2019 soit une chute de 18% et qui pour la seule machine Man Roland est de 27.9%.
Cette réduction forte de l’activité est malheureusement appelée à durer puisque c’est le secteur économique d’activité de l’imprimerie dans son ensemble qui est confronté à une forte baisse structurelle de la demande en raison de la dématérialisation des contenus.
Avec l’évolution vers un monde plus digital, les quantités à produire vont en se réduisant. De plus, nous avons à subir une concurrence de plus en plus forte d’acteurs globaux (comme Exaprint) et d’acteurs d’Europe de l’Est et du Sud qui proposent des prix 20% à 50% inférieurs aux nôtres.
Ces tendances négatives impactent également l’activité du Studio. La charge de travail sur les mois passés a été de 20% inférieure et malheureusement les prévisions de vente ne montrent pas d’évolution positive.
Ces chiffres inquiétants pour l’avenir de la Société, sans perspective d’amélioration à moyen et long terme, ont des conséquences sérieuses sur la trésorerie de l’entreprise, et nous ont contraints à mettre en ‘uvre un plan d’amélioration de la performance, pour assurer la pérennité de celle-ci alors même qu’en l’état, le budget 2019 prévoit une perte a minima supérieure à 50 k€.
Afin de tenter de limiter les réductions d’effectif, nous avons démarré un projet de transformation de l’entreprise qui s’appuie sur un engagement plus grand des équipes d’Axiom Graphic dans le sens d’obtenir une meilleure performance et de réduire les coûts comme la gâche papier, la réduction des heures supplémentaires, la limitation rigoureuse de l’intérim ou la réduction de la sous-traitance, comme par exemple internaliser l’impression numérique grand format.
Ces mesures n’ont malheureusement pas été suffisantes et nous avons été contraints d’envisager des mesures drastiques consistant en des suppressions de postes.
En particulier, il a dû être envisagé la suppression d’un poste d’Opératrice PAO, que vous occupiez.
En application des critères d’ordre de licenciement, vous avez été identifiée comme licenciable.
C’est la raison pour laquelle nous avons été contraints d’initier à votre égard une procédure de licenciement pour motif économique et que vous avez été convoquée à un entretien préalable au licenciement.
Dans le même temps, en application des dispositions de l’article L. 1233-4 du Code du travail, nous avons procédé à des recherches de postes compatibles avec vos qualifications professionnelles et susceptibles de vous être proposés comme postes de reclassement.
Aucun poste n’a pu être identifié au sein de notre société et de notre groupe.
Lors de votre entretien préalable, en date du 24 mai 2019, il vous a été proposé d’adhérer au dispositif du CSP, ce que vous avez accepté le 25 mai 2019.
En raison de cette adhésion, nous vous notifions, par le présent courrier, la rupture de votre contrat de travail, par effet de la loi, prenant effet le 14 juin 2019 au soir.
Dès le 15 juin 2019, vous cesserez de faire partie de nos effectifs et serez prise en charge par le Pôle Emploi dans le cadre du CSP.[‘] »
Le 22 juin 2020, Mme [J] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise aux fins d’obtenir la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de solliciter le paiement de diverses indemnités à ce titre, ce à quoi la société s’est opposée.
Par jugement rendu et notifié le 16 août 2022, le conseil a statué comme suit :
rejette la demande de nullité de la requête introductive
déboute Mme [J] [X] de ses autres demandes
déboute la société Axiom Graphic de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile
met les éventuels dépens de l’instance à la charge de Mme [J] [X].
Le 15 septembre 2022, Mme [J] [X] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Selon ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 décembre 2022, Mme [J] [X] demande à la cour de :
dire et juger Mme [J] [X] recevable et bien fondée en son appel
confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise le 16 août 2022 en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de la requête introductive d’instance soulevée par la société Axiom Graphie
infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de ses autres demandes
Statuant à nouveau
juger que le licenciement pour motif économique dont Mme [J] [X] a fait l’objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse
condamner la société Axiom Graphic à verser à Mme [J] [X] la somme de 40 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
à titre subsidiaire, condamner la société Axiom Graphic à verser à Mme [J] [X] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères fixant l’ordre des licenciements sur le fondement de l’article L.1233-5 du code du travail
en tout état de cause, condamner la société Axiom Graphic à verser à Mme [J] [X] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 mars 2023, la société Axiom Graphic demande à la cour de :
débouter Mme [J] [X] de son appel et de toutes fins qu’il comporte
juger l’appel incident de la société Axiom Graphic recevable et bien fondé
infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la requête de Mme [J] [X] en l’absence de mentions obligatoires
Statuant à nouveau
juger que la requête introductive d’instance devant le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise de Mme [J] [X] est nulle en l’absence de mentions obligatoires
juger que l’ensemble de ses demandes sont irrecevables
confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise en ce qu’il a débouté Mme [J] [X] de l’ensemble de ses demandes et mis les dépens de l’instance à sa charge
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise et considérer que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ou qu’elle n’aurait pas respecté les critères d’ordre de licenciement, il conviendra de limiter le quantum des dommages et intérêts à de plus justes proportions
en tout état de cause, débouter Mme [J] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamner Mme [J] [X] à verser à la société Axiom Graphic la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamner Mme [J] [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 26 juin 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 septembre 2024.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur l’exception de nullité de la saisine de Mme [J] [X]
La S.A.S Axiom Graphic invoque le non respect de l’article 54 6° du code de procédure civile par la requête de Mme [J] [X] en ce qu’elle n’indique pas les ‘ modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire’ et donc la nullité de la requête en application de l’article 57 du code de procédure civile, ce que conteste Mme [J] [X] qui soutient que l’article 54 6° précité a été abrogé par décret 2020-1452 du 27 novembre 2020 applicable aux instance en cours.
Mme [J] [X] a saisi le conseil des prud’hommes le 22 juin 2020, de sorte qu’il convient de rechercher les textes en vigueur à cette date.
Selon l’article 54 du code de procédure civile en vigueur, ‘ La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.
Lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.
A peine de nullité, la demande initiale mentionne :
[…]
6° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire’.
Selon l’article 57 du code de procédure civile en vigueur, ‘ Lorsqu’elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu’elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :
-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
Elle est datée et signée’.
Selon l’article R1452-2 du code du travail en vigueur, ‘ La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes.
Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l’article 57 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.
La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction’.
Contrairement à ce que Mme [J] [X] soutient, l’article 54 du code de procédure civile dans sa nouvelle version, supprimant le 6°, ne s’applique qu’à compter du 1er janvier 2021 conformément à l’article 12 du décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020.
Néanmoins, la nullité n’est encourue que s’il est justifié d’un grief. Celui-ci n’étant ni invoqué ni justifié, l’exception de nullité sera rejetée par confirmation du jugement.
Sur le moyen tiré du manquement à l’obligation de reclassement
Mme [J] [X] reproche à la S.A.S Axiom Graphic de ne pas avoir respecté ses obligations de reclassement tant internes qu’externes, ce que conteste la S.A.S Axiom Graphic.
Selon l’article L1233-4 du code du travail, ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises’.
Sur le reclassement interne
La S.A.S Axiom Graphic démontre en produisant la copie de son livre d’entrées et de sorties du personnel qu’aucun poste correspondant à celui de Mme [J] [X] ou de catégorie inférieure n’était disponible au sein de la S.A.S Axiom Graphie. Le registre confirme l’absence de recrutement entre le 16 décembre 2018 et le 21 mai 2019, date à laquelle la société a recruté en CDD un formateur deviseur. En tout état de cause, le recrutement de Mme [R] invoqué par Mme [J] [X] a été réalisé le 23 septembre 2019 en qualité de chef de projet junior, soit postérieurement à son licenciement.
Mme [J] [X] exerçant la fonction de conducteur PAO ne démontre pas que Mme [R] exerçait les mêmes fonctions qu’elle, la S.A.S Axiom Graphic rappelant, sans être démentie utilement, que l’appelant travaillait les textes et les images sur un ordinateur en façonnant leur mise en page en vue de leur impression finale alors que le poste de chef de projet junior consistait essentiellement en une fonction administrative, en charge d’assurer le suivi des commandes et de la facturation. Comme relevé par la S.A.S Axiom Graphie, M.[S], délégué du personnel, ne confirme pas les déclarations de l’appelant s’agissant de Mme [R], se limitant à dire ‘qu’il s’interroge sur l’embauche de Mme [R]’.
Par ailleurs, les témoignages selon lesquels la S.A.S Axiom Graphic emploierait des intérimaires portent sur les périodes de décembre 2015 à octobre 2018 pour M.[W] et du 6 décembre au 21 juin 2018 pour Mme [Y] (et non 2019 comme indiqué à tort par l’appelante, la rédactrice ayant indiqué en première page de son attestation avoir été employée du 6 décembre au 21 juin 2018 et l’ayant signée le 3 juin 2019) , soit antérieures au licenciement de Mme [J] [X].
En outre, la S.A.S Axiom Graphic précise que si elle a été amenée à faire appel à des prestataires ce n’était que pour des besoins ponctuels et en tout état de cause postérieurement à son licenciement comme le démontre le registre du personnel où des saisonnier ont été recruté après le 16 septembre 2020.
Enfin, s’agissant du poste qui avait été proposé à l’autre salariée licenciée, Mme [L], que celle-ci a refusé, la S.A.S Axiom Graphic démontre que la situation de l’entreprise s’étant aggravée après cette proposition, elle a renoncé à la création de cet emploi et n’a recruté personne comme le justifie le registre du personnel, expliquant ainsi qu’il n’ait pas été proposé à Mme [J] [X].
En conséquence, la S.A.S Axiom Graphic n’a pas manqué à son obligation de reclassement interne par confirmation du jugement.
Sur le reclassement en externe
Mme [J] [X] invoque l’article 19 de l’accord paritaire du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l’emploi qui impose un certain nombre d’obligations à l’employeur en matière de reclassement destinées à lutter contre les conséquences défavorables des fluctuations de l’emploi dans le domaine de l’imprimerie et notamment l’obligation de rechercher des postes dans une entreprise rattachée aux industries graphiques situées dans la même localité ou dans une localité voisine voire au niveau régional, ce à quoi la S.A.S Axiom Graphic oppose l’impossibilité de faire application de ce texte.
Il résulte de l’article 19 de l’accord du 24 mars 1970 relatif aux problèmes généraux de l’emploi que ‘ Lorsque le reclassement dans l’entreprise n’aura pas été possible dans les conditions prévues aux articles 13 et suivants ci-dessus, l’entreprise devra chercher les possibilités de reclassement susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement aura dû être décidé, de préférence dans une entreprise rattachée aux industries graphiques et située dans la même localité ou dans une localité voisine.
A défaut de solution sur le plan local, le reclassement sera recherché dans les mêmes conditions sur le plan de la région. Le problème sera soumis à la commission régionale de l’emploi s’il en existe une dans la région intéressée.
Les instances régionales ou départementales des organisations professionnelles signataires apporteront à cette recherche leur concours actif.
Leurs instances nationales feront de même s’il apparaît que l’ampleur du problème dépasse le cadre régional.
Dans ce cas, le problème sera soumis à l’examen de la commission nationale de l’empoi.
Les entreprises feront connaître les possibilités de reclassement au comité d’entreprise ou d’établissement ou à défaut de comité d’entreprise, aux délégués du personnel, ainsi qu’au personnel intéressé.
En ce qui concerne les droits aux congés payés des travailleurs licenciés, toutes dispositions seront prises conformément aux recommandations patronales formulées à la suite des réunions paritaires des 13 et 14 avril 1964, recommandations annexées à la convention collective’.
C’est en vain que la S.A.S Axiom Graphic soulève l’absence de la commission régionale de l’emploi dès lors que cette commission n’intervient qu’à défaut de solution sur le plan local. Or, la S.A.S Axiom Graphic ne conteste pas ne pas avoir recherché des solutions de reclassement sur le plan local, de sorte qu’elle n’a pas rempli son obligation de reclassement en externe et il convient de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’article L1235-3 du code du travail prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et en l’absence de réintégration de celui-ci dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème.
Il résulte de ce barème que, lorsque le licenciement est opéré par une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés et que le salarié a 12 ans d’ancienneté dans la société comme en l’espèce, l’indemnité doit être comprise entre 3 et 11 mois de salaire brut.
Au moment de la rupture, Mme [J] [X], âgée de 46 ans, comptait plus de 12 ans d’ancienneté. Elle invoque ses difficultés à retrouver du travail sans produire le moindre justificatif et la dégradation de son état de santé en produisant un certificat médical non daté.
Au vu de cette situation, sur la base d’un salaire de référence de 2 765 euros, il convient d’évaluer son préjudice à 16 590 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement.
Conformément aux dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes.
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt qui est exécutoire de plein droit.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il convient de condamner la S.A.S Axiom Graphic à payer à Mme [J] [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Il convient de condamner la S.A.S Axiom Graphic aux dépens.
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du conseil des prud’hommes de Cergy-Pontoise du 16 août 2022 en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de la requête introductive d’instance;
L’infirme pour le surplus;
Statuant de nouveau et y ajoutant;
Dit que la S.A.S Axiom Graphic a manqué à son obligation de reclassement en externe;
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la S.A.S Axiom Graphic à payer à Mme [J] [X] la somme de 16 590 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Ordonne, conformément aux dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes;
Condamne la S.A.S Axiom Graphic à payer à Mme [J] [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.A.S Axiom Graphic aux dépens.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente