Licenciement pour insuffisance professionnelle : Évaluation des motifs et obligations de l’employeur en matière de sécurité et de formation.

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Licenciement pour insuffisance professionnelle : Évaluation des motifs et obligations de l’employeur en matière de sécurité et de formation.

Contexte de l’embauche

M. [D] a été embauché par l’Association d’Economie Rurale (AER) Gascogne Adour en tant que conseiller informatique client à compter du 6 janvier 2020, sous un contrat de travail à durée indéterminée. La convention collective applicable est celle du réseau Cerfrance, et l’association emploie moins de 11 salariés.

Arrêt de travail et licenciement

M. [D] a été placé en arrêt de travail à partir du 7 janvier 2021. Le 12 mars 2021, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui a eu lieu le 29 mars 2021. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 1er avril 2021.

Contestation du licenciement

Le 29 juin 2021, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour contester son licenciement. Par jugement du 28 novembre 2022, le conseil a débouté M. [D] de toutes ses demandes et a laissé les dépens à sa charge. M. [D] a interjeté appel de ce jugement le 15 décembre 2022.

Demandes de M. [D] en appel

Dans ses écritures du 27 février 2023, M. [D] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de condamner l’AER Gascogne Adour à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des rappels de salaire pour diverses primes.

Position de l’AER Gascogne Adour

L’association AER Gascogne Adour a demandé à la cour de confirmer le jugement contesté et de rejeter les demandes de M. [D], tout en soutenant que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse. Elle a également demandé des dépens à la charge de M. [D].

Motifs du licenciement

Le licenciement de M. [D] a été justifié par son incapacité à atteindre les objectifs de chiffre d’affaires fixés et à mettre en œuvre les solutions informatiques de manière satisfaisante. L’employeur a produit des éléments pour étayer ces reproches, mais la cour a relevé des insuffisances dans la justification de ces griefs.

Analyse de la cour

La cour a constaté que les objectifs fixés n’étaient pas atteignables en raison de la crise sanitaire et que l’employeur n’avait pas suffisamment justifié les comparaisons avec d’autres salariés. De plus, les reproches concernant la qualité du travail de M. [D] n’étaient pas suffisamment étayés.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. Elle a condamné l’AER Gascogne Adour à verser à M. [D] 2 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Obligation de sécurité et autres demandes

Concernant l’obligation de sécurité, la cour a estimé que M. [D] n’avait pas prouvé que la dégradation de son état de santé était liée à des manquements de l’employeur. Les demandes de rappels de salaire pour les primes d’intéressement et de participation ont également été rejetées, l’employeur ayant crédité ces primes sur le plan épargne du salarié.

Conclusion

La cour a condamné l’AER Gascogne Adour à verser 3 000 euros à M. [D] au titre des frais de justice, tout en déboutant M. [D] de ses autres demandes. Les dépens de première instance et d’appel ont également été mis à la charge de l’association.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG
22/04319
15/11/2024

ARRÊT N°2024/270

N° RG 22/04319 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PEWO

CB/CD

Décision déférée du 28 Novembre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00954)

V. BECANNE

Section Agriculture

[S] [D]

C/

Association AER 32 ADOUR GARONNE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

*

ARRÊT DU QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANT

Monsieur [S] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Pauline VAISSIERE de la SELARL VOA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM »E

Association AER GASCOGNE ADOUR

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

2

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 6 janvier 2020 par l’Association d’Economie Rurale (AER) Gascogne Adour en qualité de conseiller informatique client.

La convention collective applicable est celle du réseau Cerfrance.

L’AER Gascogne Adour emploie moins de 11 salariés.

M. [D] a été placé en arrêt de travail à compter du 7 janvier 2021.

Selon lettre du 12 mars 2021, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 mars 2021.

Il a été licencié pour insuffisance professionnelle selon lettre du 1er avril 2021.

Le 29 juin 2021, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 28 novembre 2022, le conseil a :

– débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté M. [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

– laissé les entiers dépens de l’instance à la charge de M. [D] qui succombe,

– rappelé que ce jugement est exécutoire de plein droit.

Le 15 décembre 2022, M. [D] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 27 février 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [D] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 28 novembre 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

– condamner l’association AER Gascogne Adour à verser à M. [D] la somme de 4 320 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner l’association AER Gascogne Adour à verser à M. [D] la somme de 6 480 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquements à l’obligation de sécurité,

– condamner l’association AER Gascogne Adour à verser à M. [D] la somme de 253,70 euros bruts à titre de rappels de salaire relatifs à la prime d’intéressement 2020,

– condamner l’association AER Gascogne Adour à verser à M. [D] la somme de 94,61 euros bruts à titre de rappels de salaire relatifs à la prime de participation 2020,

– prendre acte du versement par l’association AER Gascogne Adour à M. [D] de la somme de 162,95 euros bruts au titre de la prime de parrainage,

– condamner l’association AER Gascogne Adour à verser à M. [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,

– condamner l’association AER Gascogne Adour aux entiers dépens.

Il soutient que les griefs invoqués ne peuvent justifier son licenciement. Il ajoute que la dégradation de son état de santé est la conséquence de ses conditions de travail et d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il réclame un rappel de salaire au titre de la prime d’intéressement, de la prime de participation et de la prime de parrainage.

Dans ses dernières écritures en date du 24 mai 2023, auxquelles il est fait expressément référence, l’association AER Gascogne Adour demande à la cour de :

– confirmer le jugement contesté dans toutes ses dispositions,

– rejeter toute demande adverse comme irrecevable ou mal fondée,

– débouter M. [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [D] à verser à l’AER Gascogne Adour la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,

– condamner M. [D] aux entiers dépens.

Elle soutient que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et conteste avoir manqué à son obligation de sécurité. Elle ajoute que les primes d’intéressement et participation ont été créditées sur le plan épargne du salarié et que la prime de parrainage lui a été réglée.

La clôture de la Procédure a été prononcée selon ordonnance du 13 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement,

M. [D] a été licencié pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

Votre mission consiste à contribuer au développement de la commercialisation de logiciels de produits et/ou de services. Vous êtes le réfèrent informatique auprès des clients tout au long du cycle de vente, de la détection des clients, l’audit des besoins, jusqu’à la fidélisation.

Néanmoins, nous sommes contraints de constater qu’en dépit de l’accompagnement et des formations dont vous avez bénéficié dans le cadre de la prise de votre poste, et plus d’un an après votre embauche, vous êtes dans l’incapacité d’occuper vos fonctions de manière satisfaisante.

Ainsi, et à titre d’exemples :

-Nous sommes en premier lieu confrontés à votre incapacité à développer un chiffre d’affaires suffisant sur votre territoire (les départements 09 et 31).

Sur 2020, alors qu’au début de l’exercice, nous avions fixé un objectif de 70 000 euros vous n’êtes parvenu qu’à réaliser un chiffre d’affaires de 13 351 euros, soit un objectif atteint à seulement 19 %.

Pourtant, le secteur sur lequel vous intervenez est particulièrement favorable, en témoigne le chiffre d’affaires réalisé par votre prédécesseur à hauteur de 27 000 euros sur une période de seulement 4 mois, soit environ le double du chiffre d’affaires que vous avez réalisé sur près de 10 mois.

La période ne faisait pas non plus obstacle au développement du chiffre d’affaires puisque Mme [H], intervenant sur les départements 32 et 64 a réalisé pour sa part un chiffre d’affaires de 6 fois supérieurs au vôtre en 2020, lequel était d’ailleurs son chiffre d’affaires le plus élevé sur les 3 dernières années.

Votre chiffre d’affaires résulte notamment d’un nombre insuffisant de « prospects » (à savoir, le nombre de potentiels clients directement contactés) et en conséquence un nombre de devis signés trop faible.

En effet, en 2020, le nombre de prospects de Mme [H] était près de 6 fois supérieurs au votre et son nombre de devis signés était 2 fois supérieurs au votre. Votre prédécesseur atteignait pour sa part un nombre de prospects près de 10 fois supérieurs au votre et un nombre de devis signés près de 5 fois supérieurs, et ce, sur une période de seulement 4 mois (et non 10 mois comme vous en disposiez).

-Nous sommes également confrontés à votre incapacité à mettre en ‘uvre de façon satisfaisante les solutions informatiques (notamment le paramétrage des logiciels de comptabilité), les formations nécessaires pour l’utilisation des logiciels et l’activité support auprès de nos clients.

En effet, en date du 16 juin 2020, Mme [H] a dû se déplacer directement chez le client, la société Grains de saveurs, insatisfait de votre travail et a dû compléter la formation et faire le paramétrage du logiciel que vous auriez dû réaliser.

Il en était de même en date du 5 janvier 2021 pour le client, la société CDS, lequel souhaitant même résilier l’achat. Mme [H] a dû elle-même assurer la formation et revoir le paramétrage du logiciel que vous n’aviez pas réalisé correctement. Lors de l’intégration des articles, vous vous êtes, en effet, trompé de champ « prix de vente des articles » en lieu et place du « prix d’achat », la cliente a donc dû corriger elle-même 4 000 articles et ainsi fait part à l’AER 32 de son mécontentement.

Ces insuffisances en termes de mise en ‘uvre du paramétrage des logiciels et de formation étaient également révélées notamment après vos interventions en date du 10 août 2020 puis du 31 août 2020 pour le compte du client, la société Direct Frais, puis du 3 décembre 2020 après du client, la société Thiboeuf, et du 10 décembre 2020 auprès du client, la société Filatur. Outre le mécontentement de ces clients, vos erreurs et insuffisances à ce titre ont dû être palliées par l’intervention de nos équipes, leur faisant ainsi perdre un temps considérable.

Par ailleurs, nous avons été informés par la société Isagri que vous n’aviez pas été en capacité d’assurer la formation pour l’utilisation de leur logiciel auprès du client en date du 6 octobre 2020. Cette formation a donc dû être dispensée par la commerciale de la société ISAGRI vous accompagnant.

Enfin, vous n’êtes pas parvenu à installer correctement la plupart des logiciels « dematbox », ni à assurer des formations adéquates pour leur utilisation auprès de clients, lesquels ont dû souvent dès le lendemain de la livraison des « dematbox » contacter le service après-vente pour refaire la formation.

Compte tenu de l’importance des insuffisances précitées et de leur caractère préjudiciable pour l’intérêt de l’association, nous considérons que les éléments précités révèlent une insuffisance professionnelle justifiant la rupture de votre contrat de travail.

Il résulte des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre qui en énonce les motifs. En vertu de son pouvoir de direction, l’employeur peut décider de licencier un salarié pour des Faits relevant d’une insuffisance professionnelle. Celle-ci, sans présenter un caractère fautif, traduit l’inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles du salarié et de son adaptation à l’emploi relève du pouvoir de direction de l’employeur et si une insuffisance professionnelle peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement, elle doit cependant être caractérisée par des Faits objectifs et matériellement vérifiables.

En cas de litige portant sur un licenciement notifié pour cause réelle et sérieuse en raison d’un motif personnel, telle que l’insuffisance professionnelle, les limites en sont fixées par la lettre de licenciement. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement il est reproché au salarié :

– la non-réalisation de ses objectifs en termes de chiffre d’affaires,

– une incapacité à mettre en ‘uvre de façon satisfaisante les solutions informatiques, les formations nécessaires pour l’utilisation du logiciel et l’activité support auprès des clients.

S’agissant du premier grief, l’employeur reproche à M. [D] de ne pas avoir atteint l’objectif de 70 000 euros de chiffre d’affaires fixé au titre de l’année 2020. Il explique que l’objectif de chiffre d’affaires à ce poste était habituellement de 100 000 euros, mais qu’il a revu à la baisse ce montant afin de prendre en compte le temps nécessaire au salarié à sa prise de poste.

Si M. [D] conteste le fait que l’employeur lui aurait fixé un objectif chiffré pour l’année 2020, en revanche il ne conteste pas le chiffre d’affaires réalisé relevé par l’employeur au titre de l’année 2020, d’un montant de 13 351 euros.

Au soutien de son grief, l’employeur produit le tableau de bord des résultats de l’année 2020 réalisés par le salarié au mois de septembre (pièce 29), indiquant que l’objectif de chiffre d’affaires annuel était de 70 000 euros, et que l’estimation du chiffre d’affaires réalisé était de 19 062 euros, représentant ainsi 27 % de l’objectif annuel 2020. Ainsi, la cour constate que le salarié était informé de la fixation d’un objectif annuel chiffré à réaliser d’un montant de 70 000 euros, sans toutefois que la date à laquelle cet objectif a été fixé ne soit établie.

La non-atteinte des objectifs fixés par l’employeur ne peut être une cause de rupture que si les objectifs étaient réalisables et si l’absence d’atteinte du résultat procède d’une insuffisance du salarié ou d’une faute qui lui est imputable, faute qui en l’espèce est étrangère au débat.

Pour justifier de l’incapacité du salarié à assumer ses fonctions, l’employeur produit un tableau récapitulatif du chiffre d’affaires de M. [L] (pièce 30), ancien salarié occupant le poste de M. [D]. Cependant, l’employeur ne justifie pas de la pertinence de la comparaison évoquée avec M. [L] puisqu’il n’a jamais fait état des résultats obtenus sur une année complète et qu’il n’apporte aucun élément concernant la situation du salarié et notamment s’agissant de son ancienneté au poste. Par ailleurs, le chiffre d’affaires de M. [L], d’un montant de 27 503,60 euros, a été réalisé au cours des quatre premiers mois de l’année 2018, or M. [D] a été embauché au mois de janvier 2020, soit deux ans plus tard, sans qu’il ne soit par ailleurs précisé à la cour si un autre salarié occupait ce poste pendant cette durée. Bien plus, à la lecture de l’agenda électronique de M. [D], produit par l’employeur (pièce 26), la cour observe que la période de confinement liée à la pandémie de Covid a bien eu un impact sur l’activité du salarié notamment au mois de mars, avril et mai 2020, le salarié ayant parfois été placé en chômage partiel. Dans de telles conditions, la cour ne saurait considérer que l’objectif fixé au début 2020 était atteignable. En effet elle ne peut que prendre en considération la période tout à fait spécifique puisque le début de l’activité du salarié a coïncidé avec la crise sanitaire et la désorganisation qu’elle a entraînée.

L’employeur soulève, par ailleurs, le caractère insuffisant des prospections de M. [D], or il ne justifie pas plus de la pertinence de la comparaison évoquée, par ses écritures, avec Mme [H], responsable informatique client, dont l’ancienneté et les secteurs d’activité, n’étaient pas identiques à la situation de M. [D], ce qui pouvait être de nature à modifier les résultats obtenus par chacun. En outre, à la lecture de l’agenda électronique du salarié (pièce 26) aucune insuffisance d’activité ne ressort excepté au cours des mois de mars, avril et mai 2020, dont il a été relevé en amont qu’ils étaient impactés par les périodes de confinement et de chômage partiel liées à la pandémie de Covid.

S’agissant du second élément figurant à la lettre de licenciement tenant à une insuffisance qualitative dans les solutions mises en place, l’employeur produit :

– un mail du 15 juin 2020 (pièce 23), de Mme [H], indiquant que le client s’est plaint de la qualité de la formation qui lui a été dispensée sur le logiciel Sage, la contraignant à se rendre chez le client afin de le former,

– un mail du 19 octobre 2020 (pièce 36), indiquant qu’une erreur de paramétrage a été commise et que l’intervention de plusieurs salariés a été nécessaire afin de résoudre le problème, cependant le mail est adressé collectivement à Mme [X] et M. [D], sans plus de précision sur la responsabilité de chacun,

– une demande d’intervention auprès de la société Filature de Niaux (pièce 35), en raison d’un problème de paramétrage de la comptabilité,

– des avoirs établis pour la société Thibeuf (pièce 37) le 21 juillet et le 2 septembre 2021, en raison d’une erreur lors de la commande ; or il n’est pas démontré que la commande initiale a été effectuée par M. [D],

– un mail du 14 décembre 2020 (pièce 34), indiquant que M. [D] a renvoyé vers le service après-vente un de ses clients alors qu’il lui a indiqué qu’il rencontrait des difficultés en raison d’un défaut de paramétrage, sans y remédier.

La cour observe, en outre, que l’employeur ne produit aucune pièce s’agissant des insuffisances en termes de mise en ‘uvre du paramétrage des logiciels et de formation auprès de la société cliente Direct Frais, de l’incapacité du salarié à assurer la formation pour l’utilisation du logiciel de la société Isagri et des difficultés d’installation des logiciels Dématbox.

Si l’employeur allègue un manque de compétence du salarié, celui-ci invoque un défaut de formation sur l’utilisation des logiciels comptables ou leur programmation, outre le fait que le paramétrage des comptes n’était pas de son ressort mais de celui du comptable. Il soutient en outre que son emploi est celui de conseiller informatique client emploi repère vendeur, et qu’il a été embauché sans aucune formation en informatique.

La société indique que le salarié a bénéficié de 136 heures de formation et d’une formation de deux jours sur la qualité de la relation client, lors de sa prise de poste. Il produit une attestation de Mme [H] (pièce 25), responsable informatique client, indiquant que M. [D] aurait reçu une formation lors de son embauche sur les outils internes, sans plus d’explication sur le contenu de cette formation. Pour sa part, le salarié conteste avoir reçu une formation sur les logiciels indiquant que les 136 heures de formation étaient en réalité du temps de travail. Mme [H] indique, en outre, lors du premier confinement j’ai demandé à [S] de bien vouloir se former et s’informer sur les logiciels que nous avons sur le catalogue, grâce aux vidéos et tutoriels qui se trouvent sur les sites des différents fournisseurs. Si une partie du temps du confinement pouvait certes être employée utilement à une formation, celle-ci ne pouvait être laissée à la seule initiative du salarié à partir de simples tutoriels et sans aucun suivi.

L’employeur reproche en outre au salarié dans ses écritures des erreurs récurrentes d’attention, un traitement tardif des demandes qui lui étaient faites, une mauvaise compréhension de ses fonctions, et une difficulté à communiquer avec sa hiérarchie. Ces éléments ne peuvent que préciser l’insuffisance articulée puisqu’ils ne sont pas visés à la lettre de licenciement. Ils peuvent cependant constituer des exemples. Or, ils sont pour certains anecdotiques et relèvent des incidents mineurs qui émaillent toute relation professionnelle.

Par ailleurs, il ressort du rapport d’étonnement du 25 août 2020 (pièce 28) produit par l’employeur, interrogeant le salarié, que celui-ci a répondu à la question : qu’est-ce qui vous a le plus étonné lors de votre intégration au sein de l’entreprise ‘ aucune formation de prévu contrairement à ce qui avait été dit lors de l’entretien. Il a également indiqué à la question : Quels types de formation seraient susceptibles de vous aider ‘ Formations sur les logiciels que je ne maitrise pas totalement. Ainsi, la cour relève que le salarié a bien fait état d’un manque de formation au cours de la relation contractuelle. Or, l’employeur ne justifie d’aucune réponse à ce document ou de la mise en place d’un calendrier de formation.

De manière plus générale, la cour constate que le salarié a exécuté un an de travail effectif comprenant trois mois de période d’essai. L’employeur qui avait par cette période d’essai pu s’assurer de l’adéquation du profil de M. [D] avec l’emploi, pouvait bien évidemment par la suite se prévaloir d’une insuffisance professionnelle établie. Mais alors qu’il invoque une succession de Faits, pour certains anecdotiques, et comprenant la période la plus intense de la crise sanitaire, il ne justifie d’aucune alerte adressée au salarié de manière claire. Aucun plan d’action ou calendrier de formation n’a été mis en place qui aurait pu permettre au salarié de s’adapter ou à l’employeur d’en tirer les conséquences.

Dès lors, et en l’absence d’une attitude lisible de l’employeur, les reproches Faits au salarié ne peuvent caractériser une insuffisance professionnelle cause de licenciement.

Le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences, il convient de tenir compte de l’ancienneté qui était celle du salarié (une année complète), du salaire qui était le sien (2 166,48 euros), de son âge au jour de la rupture (40 ans) et du fait que le salarié ne justifie pas de sa situation après le licenciement mais admet avoir retrouvé un emploi.

Compte tenu de ces éléments, il convient de fixer à 2 500 euros le montant des dommages et intérêts. L’intimée sera condamnée au paiement de cette somme.

Sur l’obligation de sécurité,

En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il lui incombe d’établir que, dès qu’il a eu connaissance du risque subi par le salarié, il a pris les mesures suffisantes pour y remédier.

Pour solliciter la somme de 6 480 euros à titre de dommages et intérêts, le salarié affirme avoir subi le comportement agressif de Mme [H], responsable informatique client, à compter du mois d’octobre 2020 ; que l’employeur n’a pas pris au sérieux ses alertes lui proposant pour seule solution une rupture conventionnelle, et que ces Faits ont conduit à une dégradation de son état de santé.

M. [D] produit un mail du 7 décembre 2020 (pièce 9), adressé à Mme [H], lui reprochant un comportement agressif à son égard. Il indique notamment que lors d’une réunion en visioconférence Mme [H] lui aurait fait plusieurs brimades et l’aurait dénigré, il précise encore qu’elle l’aurait traité de mariol et aurait indiqué qu’il arrivait les mains dans les poches.

Aucun élément extrinsèque n’est produit quant aux propos tenus par Mme [H].

M. [D] n’a pas informé la direction de l’association mais il apparaît que Mme [H] l’a fait. La cour constate que l’employeur a, immédiatement, mené une enquête interne, au cours de laquelle il a notamment reçu M. [D] à plusieurs reprises, mais également Mme [H]. Il ressort du courrier recommandé du 28 janvier 2021 (pièce 4), informant M. [D] des résultats de cette enquête qu’il a véritablement analysé les griefs du salarié pour expliciter sa position. L’employeur verse, par ailleurs, les attestations de M. [P], conseiller informatique (pièce 31), et de Mme [X], conseillère informatique SAV (pièce 32), indiquant pour le premier que lors de la réunion en visioconférence il n’a pas constaté de comportement particulier de Mme [H], et pour la seconde qu’elle n’a jamais constaté de propos déplacés lors d’une réunion.

S’agissant de la proposition de rupture conventionnelle qui lui aurait été faite lors de l’entretien du 23 décembre 2020, M. [D] produit un mail du même jour (pièce 9) indiquant que Mme [N], responsable RH, lui aurait proposé une rupture conventionnelle en usant de méthodes d’intimidation, or ces propos sont contestés par Mme [N] et le salarié ne verse aucune autre pièce afin de corroborer ce grief.

De la confrontation de ces éléments, il résulte que des tensions pouvaient exister entre M. [D] et Mme [H]. Il apparaît en outre que des remarques avaient été faites à M. [D] sur la qualité de son travail. Si la cour a retenu ci-dessus que la position de l’employeur n’avait pas été suffisamment lisible pour justifier un licenciement, cela ne privait pas l’employeur de la possibilité de faire des remarques d’ordre professionnel alors qu’aucun élément ne permet de considérer qu’elles auraient été blessantes ou humiliantes, même si elles ont été mal ressenties. Dès lors, la dégradation de l’état de santé de M. [D], certes réelle même si fort peu d’éléments sont donnés de ce chef, n’est pas en lien de causalité avec ses conditions de travail dans des circonstances imputables à l’employeur.

Ainsi, il y a lieu de débouter le salarié de cette prétention sur laquelle le conseil ne s’est pas explicitement prononcé, aucun motif de la décision ne faisant référence à cette prétention et pouvant renvoyer à la mention déboute M. [D] de l’intégralité de ses demandes.

Sur les demandes de rappels de salaire,

M. [D] prétend au paiement d’un rappel de salaire au titre de l’intéressement et de la participation 2020 et de la prime prospect ou parrainage, alléguant pour le premier un défaut total de versement et pour le second un retard de versement de la prime.

Sur le rappel de salaire au titre de l’intéressement-participation de l’année 2020,

M. [D] produit deux avis d’option émanant de la société Groupama épargne salariale, indiquant qu’il était dû au salarié, au titre de l’exercice clos le 31 mai 2020, la somme nette de 229,10 euros au titre de l’intéressement, et la somme nette de 85,44 euros au titre de la participation.

Si l’employeur ne conteste pas que ces montants soient dus au salarié, en revanche il soutient que les primes d’intéressement et de participation ont été créditées sur son plan d’épargne entreprise.

Il ressort, en effet, des bulletins de salaire produits par l’employeur que les deux primes ont été versées sur le plan épargne entreprise du salarié. Par ailleurs, les avis d’option indiquent qu’à défaut de réponse, votre participation-intéressement sera versé sur le support PEE. Or, M. [D] ne verse aucune pièce indiquant qu’il aurait fait un autre choix de mode de versement des dites primes, qui au demeurant lui ont été créditées.

Ainsi, ces demandes sur lesquelles le conseil ne s’est pas non plus spécialement prononcé doivent être rejetées.

Sur la prime prospect ou parrainage,

L’AER produit un bulletin de paie du mois de mars 2022 ainsi qu’un chèque, indiquant que M. [D] a perçu la somme de 162,95 euros au titre de la prime prospect. M. [D] reconnaît, en outre, par ses écritures que l’employeur a régularisé la situation au cours du mois d’avril 2022 et donc postérieurement à l’introduction de la Procédure.

Ainsi, M. [D] ayant été rempli de ses droits, la question qui fait l’objet d’une simple demande de donner acte, ne constituant pas une prétention, est devenue sans objet.

L’appel demeure bien fondé même partiellement et l’AER Gascogne Adour sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile pour l’ensemble de la Procédure et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 28 novembre 2022,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne l’AER Gascogne Adour à payer à M. [D] la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [D] de ses autres demandes,

Condamne l’AER Gascogne Adour à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile pour l’ensemble de la Procédure,

Condamne l’AER Gascogne Adour aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET

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