Engagement de M. [C] [E] et évolution de sa carrièreM. [C] [E] a été engagé par la société Synerlink le 16 septembre 1998, avec une ancienneté reconnue depuis le 20 mai 1997. Il a occupé divers postes, passant d’électricien câbleur à préparateur d’affaires, avec un statut d’assimilé cadre, sous la convention collective de la métallurgie de la région parisienne. Accident du travail et conséquencesLe 12 décembre 2000, M. [E] a subi un accident du travail entraînant une fracture de la tête fémorale et une luxation de l’épaule droite, ce qui a conduit à un arrêt de travail jusqu’au 12 septembre 2001. Il a connu plusieurs rechutes et a été reconnu comme travailleur handicapé à plusieurs reprises, d’abord de 2002 à 2007, puis en 2014. Inaptitude et licenciementLors d’une visite médicale le 8 octobre 2019, M. [E] a été déclaré inapte à son poste, le médecin indiquant que son état de santé empêchait tout reclassement. Suite à un entretien préalable, il a été licencié le 28 octobre 2019 pour inaptitude d’origine professionnelle. Contestations et décès de M. [C] [E]M. [E] a contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes le 22 octobre 2020. Il est décédé le 8 avril 2021 des suites du Covid-19, et ses ayants-droit ont repris l’instance. Jugement du 24 janvier 2023Le jugement du 24 janvier 2023 a jugé les demandes des ayants-droit recevables mais les a déboutés de toutes leurs demandes, tout en mettant les dépens à leur charge. La société Synerlink a également été déboutée de ses demandes. Appel des ayants-droitLe 21 février 2023, les ayants-droit ont interjeté appel, demandant l’infirmation partielle du jugement et la condamnation de Synerlink à verser des indemnités pour licenciement nul, discrimination, manquement à l’obligation de formation, et autres frais. Demandes de la société SynerlinkLa société Synerlink a demandé l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment concernant l’incompétence de la juridiction prud’homale pour certaines demandes et la prescription des demandes liées à l’exécution du contrat de travail. Motivations de la courLa cour a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Synerlink, affirmant que la juridiction prud’homale était compétente pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts pour discrimination et manquement à l’obligation de formation. Prescription des demandesConcernant la prescription, la cour a confirmé que les demandes de discrimination n’étaient pas prescrites, tandis que celles relatives à l’obligation de formation l’étaient, en raison du délai de deux ans écoulé. Discrimination et licenciementLes consorts [E] ont demandé des dommages pour discrimination liée à l’état de santé de M. [C] [E], mais la cour a conclu qu’aucun élément ne prouvait une discrimination. Le licenciement a été jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse, en raison de l’inaptitude du salarié. Conclusion et décisions finalesLa cour a confirmé le jugement en ce qui concerne les dépens et a condamné les ayants-droit aux dépens d’appel, sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 NOVEMBRE 2024
N° RG 23/00572 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VWTQ
AFFAIRE :
[J] [N] [E]
[B] [E]
[X] [E] [G]
[P] [Y] [E]
[L] [E]
[C] [E]
C/
S.A.S. SYNERLINK
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Gergy-Pontoise
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 21/00512
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Oleg KOVALSKY
Me Deborah NAKACHE AMAR
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [J] [N] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679
Madame [B] [E]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679
Madame [X] [E] [G]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679
Madame [P] [Y] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679
Madame [L] [E]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679
Monsieur [C] [E]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Oleg KOVALSKY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0679
APPELANTS
****************
S.A.S. SYNERLINK
N° SIRET : 313 446 189
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Deborah NAKACHE AMAR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0410
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Septembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Anne REBOULEAU,
M. [C] [E] a été engagé par la société Synerlink suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 septembre 1998 avec reprise d’ancienneté au 20 mai 1997 en qualité d’électricien câbleur, niveau III, échelon 1, coefficient 215.
En dernier lieu, le salarié exerçait les fonctions de préparateur d’affaires, niveau V, échelon 2, coefficient 335, avec le statut d’assimilé cadre.
La relation de travail était régie par la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Le 12 décembre 2000, M. [E] a subi un accident du travail en faisant une chute sur le sol, laquelle lui a causé une fracture de la tête fémorale et une luxation de l’épaule droite. Il a été placé en arrêt de travail pour accident du travail jusqu’au 12 septembre 2001.
Le salarié a subi plusieurs rechutes de son accident du travail.
Le salarié s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé du 29 octobre 2002 au 29 octobre 2007 par décision du 7 novembre 2002 de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel.
Le salarié s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 28 janvier 2014.
Lors de la visite médicale du 8 octobre 2019 dans le cadre d’une visite de reprise après maladie, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste de travail avec la mention suivante : ‘l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’.
Par lettre du 14 octobre 2019, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 23 octobre 2019.
Par lettre du 28 octobre 2019, l’employeur a licencié le salarié pour inaptitude ‘d’origine professionnelle’ consécutive à un accident du travail et impossibilité de reclassement.
Contestant son licenciement, le 22 octobre 2020 M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise afin d’obtenir la condamnation de la société Synerlink au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, et de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail.
Le 8 avril 2021, M. [C] [E] est décédé des suites du Covid 19.
Les ayants-droit de M. [C] [E], son épouse Mme [P] [E] et leurs enfants Mme [X] [G], Mme [L] [E], Mme [B] [E], M. [J] [E] et M. [C] [E], ont repris l’instance.
Par jugement en date du 24 janvier 2023, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :
– jugé les demandes formées par les ayants-droit de M. [E] recevables et non prescrites,
– débouté les ayants-droit de M. [E] de l’ensemble de leurs demandes,
– débouté la société Synerlink de ses demandes,
– mis les dépens de la présente instance à la charge des ayants-droit de M. [E].
Le 21 février 2023, les ayants-droit de M. [E] ont interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 2 septembre 2024, les ayants-droit de M. [C] [E], son épouse Mme [P] [E] et leurs enfants Mme [X] [G], Mme [L] [E], Mme [B] [E], M. [J] [E] et M. [C] [E] demandent à la cour de :
– infirmer partiellement le jugement,
– condamner la société Synerlink à leur payer en leur qualité d’ayants-droit de la succession de M. [C] [E] les sommes suivantes :
* 70 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination dans le reclassement du salarié handicapé,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation,
* 5 000 euros hors taxes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger qu’il sera fait application de l’article 1343-2 du code civil.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 septembre 2024, la société Synerlink demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a:
– rejeté l’exception d’incompétence au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny pour statuer sur les demandes indemnitaires découlant de l’accident du travail du 1 décembre 2000,
– jugé que les griefs portant sur l’exécution du contrat de travail n’étaient pas prescrits et que les demandes indemnitaires afférentes étaient recevables,
– débouté la société Synerlink de sa demande en paiement d’une somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– et statuant à nouveau, vu :
* l’article L.451-1 du code de sécurité sociale,
* l’article 122 du code de procédure civile sur les fins de non-recevoir,
* la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
– se déclarer incompétente au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny pour statuer sur les demandes indemnitaires découlant de l’accident du travail du 12 décembre 2000,
– en conséquence, renvoyer l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny, à qui il appartiendra de convoquer les parties ou de fixer une date d’audience,
– renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
– rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,
– en tout état de cause, juger que les griefs sur l’exécution du contrat de travail sont prescrits et que les demandes indemnitaires afférentes sont irrecevables,
– débouter les ayants-droit de M. [E] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
– condamner les ayants-droit de M. [E] solidairement au paiement d’une somme de 9 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les ayants-droit de M. [E] aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 19 septembre 2024.
Sur l’exception d’incompétence sur les demandes indemnitaires découlant de l’accident du travail
L’employeur soulève l’incompétence de la juridiction de droit commun pour indemniser une mauvaise exécution du contrat de travail au titre de l’obligation de sécurité, de formation ou d’une prétendue discrimination, ainsi que les préjudices de perte d’emploi ou de retraite au titre du licenciement pour inaptitude déjà réparés par la rente allouée par la caisse.
Les consorts [E] exposent qu’ils ne demandent pas la réparation de dommages relevant de la juridiction des affaires de sécurité sociale, mais la réparation de préjudices résultant de la nullité, subsidiairement, de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ainsi que la réparation des discriminations subies et de la violation de l’obligation de sécurité qui relèvent de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale.
Aux termes de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ‘sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit’.
Si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, dans leurs dernières écritures les consorts [E] ne formulent pas de demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
La cour est compétente pour statuer, dans le cadre de l’exécution du contrat de travail de M. [C] [E], sur les demandes de dommages et intérêts au titre d’une discrimination ainsi qu’au titre d’un manquement à l’obligation de formation, l’exception d’incompétence soulevée par la société Synerlink sera en conséquence rejetée.
Il ressort également des conclusions des consorts [E] dans le cadre du licenciement de M. [C] [E], que les demandes tendent à réparer non les conséquences d’un accident du travail, mais sur les conséquences d’un licenciement nul, ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse. Par conséquent, la juridiction prud’homale étant seule compétente pour statuer sur la validité et le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, l’exception d’incompétence soulevée par la société Synerlink doit être rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Synerlink.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes afférentes à l’exécution du contrat de travail
L’employeur soulève la prescription biennale des demandes au titre de l’exécution du contrat de travail, le point de départ de la prescription étant le jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Les consorts [E] font valoir que pour les demandes relatives à la discrimination, le délai de prescription est de cinq ans, et que le salarié a bien saisi le conseil de prud’hommes dans ce délai, que pour les demandes relatives à l’exécution du contrat, la prescription n’empêche pas de prendre en compte ces faits en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes étant relatives à la rupture du contrat de travail et aux circonstances de la rupture.
Sur la discrimination
En application de l’article 2224 du code civil, l’action en discrimination se prescrit par cinq ans.
Selon l’article L.1134-5 du code du travail, le point de départ du délai de prescription est la révélation de la discrimination. Il convient de prendre en compte non seulement la date à laquelle le salarié a connaissance des agissements constitutifs selon lui de discrimination mais également la poursuite des effets de ces agissements.
En l’espèce, l’action en réparation de la discrimination invoquée ne peut être déclarée prescrite en ce que le contrat de travail a pris fin par licenciement du 28 octobre 2019 et que le conseil de prud’hommes a été saisi le 22 octobre 2020, les consorts [E] reprochant à l’employeur que la discrimination ait perduré. La fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts pour discrimination soulevée par la société Synerlink sera, par conséquent, rejetée.
Sur le manquement à l’obligation de formation
Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
En l’espèce, le contrat de travail du salarié a été suspendu en raison de l’arrêt de travail de ce dernier à compter du 14 septembre 2016. Il a ensuite été dispensé de travail suite à sa visite médicale de reprise le 25 septembre 2019 jusqu’à son licenciement le 28 octobre 2019. Par conséquent, un délai de plus de deux ans s’étant écoulé à compter du jour où le salarié a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit au plus tard le 14 septembre 2016 et la saisine du conseil de prud’hommes du 22 octobre 2020, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation soulevée par la société Synerlink doit être accueillie.
Au surplus, le salarié ayant contesté, dans le délai imparti, son licenciement pour inaptitude, les consorts [E] sont recevables à invoquer le moyen selon lequel l’inaptitude est la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts pour discrimination et infirmé en ce qu’il a également rejeté cette fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation, cette dernière étant prescrite.
Sur la discrimination
Les consorts [E] sollicitent des dommages et intérêts pour discrimination de M. [C] [E] aux motifs de son état de santé et de son handicap.
L’employeur s’y oppose. Il fait valoir que le salarié n’a jamais fait l’objet du moindre traitement défavorable en raison de son état de santé ou de son handicap.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, la discrimination dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Aux termes de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En application des dispositions de l’article L. 5213-6, l’employeur prend des mesures appropriées pour permettre au salarié handicapé de conserver un emploi correspondant à sa qualification our pour qu’une formation adaptée à ses besoins lui soit dispensée.
L’accord national interprofessionnel du 12 décembre 2013 annexé à la convention collective applicable prévoit :
– en son article 10.2 que ‘ les entreprises veillent, à l’occasion, notamment, des entretiens professionnels visés à l’article 5 de l’accord national du 1er juillet 2011, à identifier, avec le salarié reconnu travailleur handicapé, les évolutions éventuelles de son handicap, ainsi que les moyens à mettre en oeuvre pour adapter son environnement de travail à ces évolutions’
– en son article 12 que ‘l’état des lieux mentionné à l’article 2 recense les pratiques d’entreprises permettant le maintien dans l’emploi. Il s’attache en particulier à identifier les actions menées en amont de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, notamment lorsque des évolutions tenant à l’âge, à l’état de santé du salarié ou à un handicap ont été identifiées.
Des mesures peuvent être mises en oeuvre pour favoriser le retour dans l’emploi d’un salarié en arrêt de travail.
[…] les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) ont développé, dans le cadre d’action d’évaluation pendant l’arrêt de travail ou en vue du retour prochain au travail, des prestations, telles que les ‘essais encadrés’, permettant d’envisager un retour dans l’emploi dans les meilleures conditions. Il s’agit d’établir un diagnostic pour permettre au salarié de reprendre son activité, le cas échéant, s’il le souhaite, de manière anticipée, dans le cadre d’une démarche d’analyse des conditions de réalisation du travail en lien avec ses capacités physiques. Le diagnostic, ainsi établi, fait l’objet d’une restitution au salarié, à l’entreprise, au médecin du travail ainsi qu’aux membres du CHSCT […]’
En l’espèce, les consorts [E] présentent les éléments suivants :
depuis la reconnaissance comme travailleur handicapé de M. [C] [E] le 18 janvier 2014, l’employeur n’a pas pris de mesures appropriées pour permettre à M. [C] [E] de conserver son emploi, ne lui dispensant aucune formation adaptée à ses besoins,
l’employeur n’a pas mis en oeuvre de processus d’aide et de reclassement par l’intermédiaire d’une association spécialisée, n’a pas fait réaliser de bilan de compétence,
l’employeur n’a pas permis à M. [C] [E] de bénéficier d’une réadaptation, d’une rééducation ou d’une formation professionnelle comme prévu à l’article L. 5213-3 du code du travail et n’a pris aucune des mesures prévues par les articles L. 5213-6, L. 5213-5 et L. 5213-10 du code du travail,
l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’accord professionnel du 10 décembre 2013, en n’identifiant pas les moyens à mettre en oeuvre pour adapter l’environnement de travail au handicap de M. [C] [E], en ne lui permettant pas de bénéficier d’actions d’évaluations de la SAMETH,
l’employeur n’a pas évoqué l’évolution du handicap du salarié en violation de l’article 10-2 de l’accord du 12 décembre 2013 lors des entretiens individuels de performance.
Il ressort du dossier que le salarié a fait l’objet d’une première décision de reconnaissance en tant que travailleur handicapé dès 2002 par la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel.
Sur l’absence de formation adaptée aux besoins du salarié 1), les consorts [E] ne versent pas de demande de formation de M. [C] [E] qui aurait fait l’objet d’un refus ou aucun autre élément précis.
Sur l’absence d’association de reclassement ou de bilan de compétence 2), les consorts [E] ne produisent pas de demande de reclassement ou de réalisation d’un bilan de compétence par M. [C] [E], lequel a fait l’objet d’une évolution dans son emploi passant d’une affectation au sein du service de production à un poste de préparateur d’affaires avec un statut d’agent de maîtrise puis d’assimilé cadre, bénéficiant d’augmentations individuelles en 2003, 2004, 2006, 2007 puis d’une promotion au poste de chef d’équipe, le salarié faisant part de sa satisfaction dans son affectation lors de ses revues de performance annuelle entre 2011 et 2014.
Sur l’absence de mesures prévues par les articles L. 5213-6, L. 5213-5 et L. 5213-10 du code du travail 3), les consorts [E] ne versent pas de demande de mesures de M. [C] [E] qui aurait fait l’objet d’un refus ou aucun autre élément précis.
Sur les dispositions de l’accord professionnel du 10 décembre 2013,les moyens à mettre en oeuvre pour adapter l’environnement de travail au handicap de M. [C] [E], les actions d’évaluations de la SAMETH 4), les consorts [E] ne produisent pas de demande de mesure d’adaptation ou d’évaluation de la SAMETH qui auraient fait l’objet d’un refus, et reconnaissent qu’à l’issue de l’intervention du médecin du travail suite à la quatrième rechute en avril 2010, le poste de travail de M. [C] [E] a été adapté.
Sur l’absence de respect de l’article 10-2 de l’accord du 12 décembre 2013 lors des entretiens individuels de performance 5), les consorts [E] indiquent que l’évolution du handicap du salarié n’a jamais été évoquée, sans éléments plus précis. Toutefois, le salarié a été vu à de nombreuses reprises par le médecin du travail tenu par le secret professionnel. En outre, le salarié n’a pas dénoncé ses conditions de travail lors des différents entretiens dont les comptes-rendus sont versés aux débats pour les années 2011 à 2014.
Ainsi, après examen de l’ensemble des faits invoqués par les consorts [E], ceux-ci n’établissent la matérialité d’aucun élément de fait précis et concordant laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à l’encontre de M. [C] [E] en raison de son état de santé ou de son handicap.
Par conséquent, les consorts [E] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé ou du handicap de M. [C] [E]. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la validité du licenciement et ses conséquences
Les consorts [E] sollicitent des dommages et intérêts pour nullité du licenciement de M. [C] [E] au motif que son licenciement prononcé pour inaptitude est nul, l’employeur ayant eu un comportement discriminatoire en raison de l’état de handicap de ce dernier.
L’employeur conclut au rejet de la demande. Il fait valoir que le licenciement du salarié repose sur son inaptitude et l’impossibilité de le reclasser et que le salarié n’a pas subi de discrimination liée à son état de santé ou à son handicap.
En application de l’article L. 1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre ou du II de l’article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est nul.
En l’espèce, au vu des développements qui précèdent et des éléments portés à l’appréciation de la cour, le salarié n’a pas subi de discrimination en raison de son état de santé ou de son handicap.
Il s’en déduit que le licenciement du salarié n’a pas été prononcé à l’égard du salarié en méconnaissance des dispositions relatives à la discrimination.
Par conséquent, il convient de débouter M. [C] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences
La lettre de licenciement est libellée comme suit :
« Monsieur,
Nous faisons suite à votre entretien préalable du 23 octobre 2019, avec Monsieur [D] [T], le Directeur des Ressources Humaines, auquel vous ne vous êtes pas rendu.
Vous vous trouviez en arrêt de travail depuis le 14 septembre 2016 suite à une rechute d’un accident du travail du 12 décembre 2000.
Par avis du médecin du travail du 8 octobre 2019, vous avez été déclaré inapte à votre poste de travail à la suite de deux visites de reprise du 25 septembre 2019 et du 8 octobre 2019.
Le médecin du travail, dans son avis du 8 octobre 2019, a conclu à votre inaptitude au poste de travail de ‘Préparateur d’Affaires’ que vous occupiez, dans les termes suivants :
Etude de poste effectuée le 04/10/2019 -Etude des conditions de travail effectuée le 04/10/2019
-Echange avec l’employeur en date du 04/10/2019 – « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi >> Art R. 4624-42
Cette mention expresse inscrite par le médecin du travail exclut toute possibilité de reclassement, conformément à l’article L. 1226-2-1 du Code du Travail.
De ce fait, et en raison de l’impossibilité de vous reclasser qui en résulte, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement en raison de votre inaptitude d’origine professionnelle.
La rupture de votre contrat de travail prendra effet à la date de première présentation du présent courrier. »
Les consorts [E] invoquent une inobservation des règles relatives à la délimitation des espaces de travail et leur éclairage ainsi que l’absence de respect des préconisations du médecin du travail et l’absence de mesures d’adaptation au poste de travail comme étant à l’origine de l’inaptitude de M. [C] [E], son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’employeur soutient avoir respecté son obligation de sécurité et avoir engagé une procédure pour licenciement pour inaptitude après avoir informé le salarié des conclusions du médecin du travail conduisant à l’impossibilité de le reclasser de façon régulière, de sorte que le licenciement de M. [C] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse.
Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.
En l’espèce, il ressort de la lettre de l’inspecteur du travail du 18 décembre 2000 faisant suite à son enquête diligentée après l’accident survenu le 12 décembre 2000 que le salarié qui intervenait sur la machine FL 1496 a été électrocuté suite au contact entre son outil et une partie active sous tension.
L’inspecteur du travail a constaté que la réglementation relative aux plates-formes d’essais n’avait pas été respectée, spécifiquement celle concernant les zones de délimitation du travail prévue aux articles 23, 24, 25, 26 du décret du 14 novembre 1988 et aux articles 2, 3 et 4 de l’arrêté du 13 décembre 1988 et celle concernant la présence de dispositifs lumineux devant signaler en permanence la présence et l’absence de la tension prévue à l’arrêté du 13 décembre 1988 article 6.III.
L’employeur invoque la prescription des faits du 12 décembre 2000 et fait valoir qu’ils n’ont pas donné lieu à une déclaration d’inaptitude définitive, ni a fortiori à un licenciement pour ce motif. Cependant, les consorts [E] qui contestent le bien-fondé du licenciement dans les délais impartis, sont recevables à invoquer les faits du 12 décembre 2000 à l’appui de leur contestation.
Par ailleurs, l’employeur ne démontre pas que la survenance de l’accident du travail de M. [C] [E] est étrangère à son obligation de sécurité.
Il s’en déduit que l’inobservation des règles relatives à la délimitation des espaces de travail et leur éclairage par l’employeur est à l’origine de l’accident du travail subi par M. [C] [E].
Sur le respect des préconisations du médecin du travail, l’employeur indique qu’après la visite de reprise du 12 septembre 2001 et la déclaration d’aptitude à reprendre son poste en évitant les efforts du membre supérieur droit de chargé d’affaire auquel M. [C] [E] avait été promu le 1er novembre 2000, le contrat de travail s’est poursuivi avec des aménagements, produisant un rapport de la caisse nationale de l’assurance maladie du 10 janvier 2002 précisant que le salarié travaille effectivement en poste aménagé.
Les consorts [E] soutiennent que les nombreuses rechutes dont a été victime M. [C] [E] sont dues à l’absence de respect des préconisations du médecin du travail, toutefois, le lien de causalité entre les rechutes subies par M. [C] [E], résultant de l’aggravation de la lésion survenue après consolidation, et les conditions de travail n’est pas établi.
L’employeur rapporte la preuve qu’après une première rechute le 6 mars 2003, le salarié a été reçu par le médecin du travail les 3 décembre 2003 et 27 janvier 2004, qu’il a fait l’objet d’un avis d’aptitude avec les mêmes réserves que celles appliquées depuis 2001.
L’employeur justifie avoir fait intervenir un ergonome de I.D. Ergonomie après contact avec l’AGEFIPH en vue de l’aménagement du poste de M. [C] [E] à la demande du médecin du travail du 21 juin 2004.
Le médecin du travail a ensuite confirmé dans son avis du 25 janvier 2006 l’aptitude du salarié à son poste aménagé ‘sans effort physique ni manutention’.
Dans son avis du 10 octobre 2006, le médecin du travail a rendu un avis d’aptitude du salarié à son poste de chargé d’affaire, sans aucune restriction, avis qui a été renouvelé lors des visites périodiques biannuelles des 28 novembre 2007 et 11 mai 2009.
Après une rechute en 2010, le médecin du travail a rendu le 2 décembre 2010 un avis d’aptitude avec aménagement de poste. Une étude de poste a été réalisée le 7 décembre 2010 qui a conclu à la nécessité d’améliorer l’ergonomie du poste.
L’employeur a ensuite affecté le salarié au poste de préparateur d’affaires à compter du 15 septembre 2011.
Le médecin du travail a postérieurement déclaré le salarié apte à son emploi de préparateur d’affaires sans aucune réserve les 16 janvier 2014 et 2 juin 2014 dans le cadre de ses visites périodiques.
Dans le cadre d’une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré le salarié apte sans réserve le 10 avril 2015.
Le salarié a fait ensuite l’objet d’arrêts de travail à compter du 14 septembre 2016 et n’a plus réintégré son poste jusqu’à son licenciement.
Ainsi, il n’est pas avéré que l’employeur ait manqué à l’obligation de respecter les préconisations du médecin du travail.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’employeur a manqué à ses obligations en matière de sécurité par l’inobservation des règles relatives à la délimitation des espaces de travail et leur éclairage, manquement qui est à l’origine de l’accident du travail subi par M. [C] [E].
Cependant, il ressort du dossier que l’employeur a mis en oeuvre les préconisations du médecin du travail et il n’est pas démontré que les rechutes de l’accident du travail soient imputables aux conditions de travail.
Par conséquent, il n’est pas établi que le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur soit à l’origine de l’inaptitude de M. [C] [E].
Partant, le licenciement de M. [C] [E] pour inaptitude consécutive à un accident du travail et impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera, par conséquent, confirmé en ce qu’il a débouté M. [C] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Les ayants-droit de M. [C] [E] succombant à la présente instance, en supporteront les dépens d’appel. L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel au profit de quiconque.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation soulevée par la société Synerlink et a débouté les ayants-droit de M. [C] [E] de leur demande de dommages et intérêts à ce titre,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :
Déclare prescrite la demande de dommages et intérêts des ayants-droit de M. [C] [E] pour manquement à l’obligation de formation,
Condamne les ayants-droit de M. [C] [E], son épouse Mme [P] [E] et leurs enfants Mme [X] [G], Mme [L] [E], Mme [B] [E], M. [J] [E] et M. [C] [E] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel au profit de quiconque,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Anne REBOULEAU, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président