Votre panier est actuellement vide !
Nos Conseils:
1. L’employeur doit respecter l’obligation de proposer un autre emploi approprié au salarié déclaré inapte par le médecin du travail, en prenant en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications sur les capacités du salarié à exercer des tâches existantes dans l’entreprise. Il est également important de consulter le comité social et économique, le cas échéant, et de proposer un emploi comparable à celui précédemment occupé. 2. En cas d’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, l’employeur doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement. Le licenciement ne peut être prononcé que si l’employeur justifie de cette impossibilité, du refus du salarié de l’emploi proposé, ou de l’avis du médecin du travail indiquant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. 3. En cas de licenciement pour inaptitude jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à différentes indemnités telles que l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il est essentiel de calculer ces indemnités en fonction de l’ancienneté du salarié et de respecter les dispositions légales en vigueur. |
→ Résumé de l’affaireMme [J] a été engagée par l’association CPEY en tant que secrétaire comptable, mais a été déclarée inapte au travail par le médecin du travail en raison de son état de santé. Elle a été licenciée pour inaptitude médicale, ce qu’elle conteste en saisissant le conseil de prud’hommes. Le jugement de première instance a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais Mme [J] a interjeté appel. Elle demande à la cour de juger le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et de condamner l’association CPEY à lui verser diverses sommes à titre d’indemnités. L’association CPEY a été déclarée irrecevable et l’audience de plaidoiries est prévue pour le 13 mai 2024.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 19 JUIN 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01899 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHKD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUXERRE
APPELANTE
Madame [Y] [D] épouse [J]
Née le 20/03/1960 à [Localité 5] (89)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Patricia NOGARET, avocat au barreau d’AUXERRE
INTIMEE
Association COMITE DE PROTECTION DE L’ENFANCE DE L’YONNE, prise en la personne de son représentant légal
N°SIRET : 778 649 814
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Didier MALINOSKY magistrat honoraire exerçant des fonctions judiciaires, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Véronique MARMORAT, présidente
Anne MENARD, présidente
Didier MALINOSKY, magistrat honoraire exerçant des fonctions judiciaires
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [Y] [D], épouse [J], a été engagée le 2 octobre 2013 par l’association Comité de protection de l’enfance de l’Yonne (CPEY), par contrat à durée déterminée à temps partiel, reconduit en contrat unique d’insertion à durée indéterminée à temps partiel, de 30 heures, sur le site de [Localité 6], en qualité de secrétaire comptable.
Par avenant au contrat de travail du 17 mars 2016, un mi-temps thérapeutique a été mis en place pour une durée hebdomadaire de 15 heures jusqu’au 19 septembre 2016, date à laquelle Mme [J] est en arrêt maladie non professionnelle.
Le 22 mai 2018, lors d’une visite de pré reprise, le médecin du travail a émis l’avis suivant: ‘la salariée a besoin d’un rythme régulier de travail sans phénomène de surcharge. Etude de poste à prévoir’.
Le 19 juin 2018, un avis d’inaptitude est rendu par le médecin du travail dans les termes suivants :
‘La salariée a besoin d’un rythme régulier de travail sans phénomène de surcharge.
Capacités restantes : son état de santé reste compatible avec toute tâche ne comportant pas ces contraintes, type administratif ou bureautique, après formation éventuelle’ .
Par courrier du 25 juillet 2018, Mme [J] est convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour inaptitude médicale pour impossibilité de reclassement.
Par courrier en date du 7 août 2018, Mme [J] se voit notifier son licenciement pour inaptitude médicale.
Contestant son licenciement, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auxerre le 5 août 2019 de diverses demandes qui, par jugement du 21 janvier 2021, a :
Dit que le licenciement pour inaptitude médicale de Mme [J] est fondée sur une cause réelle et sérieuse,
Débouté Mme [J] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,
Débouté l’association Comité de protection de l’enfance de l’Yonne de sa demande reconventionnelle,
Laissé la charge des dépens à Mme [J].
Mme [J] a interjeté appel de ce jugement le 15 février 2021.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives déposées par messagerie électronique le 4 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Mme [J] demande à la cour de :
– Dire et juger recevable et bien fondé son appel,
– Réformer le jugement entrepris,
– Dire et juger sans cause réelle ni sérieuse le licenciement pour inaptitude de Mme [J] par l’association CPEY,
En conséquence,
– Condamner l’association CPEY à lui verser les sommes suivantes :
o 4 314,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
o 431,50 euros au titre des congés payés sur préavis,
o 12 944,88 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
o 2 018,95 euros au titre du complément de l’indemnité de licenciement,
o 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner l’association CPEY à lui remettre dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, les documents de fin de contrat rectifiés (bulletin de salaire, attestation pôle emploi, solde de tout compte).
– Condamner l’association CPEY aux entiers dépens.
L’association CPEY bien que régulièrement assignée a été déclarée irrecevable le 9 août 2021.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 13 mai 2024.
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, il sera fait référence aux conclusions d’appelant et au jugement de première instance par application des articles 455 et 634 du code de procédure civile.
Sur le licenciement pour inaptitude
Mme [J] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et conteste la réalité des recherches de reclassement opérées par l’employeur.
Elle fait valoir qu’elle aurait pu, préalablement bénéficier d’un aménagement de poste du fait de son mi-temps thérapeutique de mars 2016, d’une modification de ses tâches en juin 2016, ainsi que d’une modification de sa fiche de poste en septembre 2016.
Par ailleurs, elle soutient qu’une nouvelle salariée a pu bénéficier d’une nouvelle organisation de son temps partiel, pour remplacer une salariée à temps plein en congé maternité.
La salariée fait valoir que l’organisation du service aurait pu être modifiée en fonction de ses impératifs, lesquels seraient simplement comme l’indique son avis inaptitude au poste ‘un rythme régulier de travail sans phénomène de surcharge’ pour ‘toute tâche […] type administratif ou bureautique, après formation éventuelle’.
Mme [J] fait également valoir l’absence de justification des recherches de reclassement par son employeur, lequel ne produirait que l’état un émargement d’une réunion faite avec les représentants du personnel, qui est insuffisant pour démontrer la consultation effective de ces derniers, et ne justifie en rien l’impossibilité d’adapter ou de transformer son poste de travail. Elle précise que son employeur lui aurait proposé de prendre une retraite anticipée ou de procéder à une rupture conventionnelle de son contrat le 29 août 2017, ce qui démontrerait qu’il souhaitait se séparer d’elle par opportunité.
Au terme de l’article 634 du code de procédure civile, la société non constituée est présumée faire sienne les motifs du jugement déféré à la cour d’appel.
Or, le jugement déféré indiquait que ‘la salariée n’avait émis aucune contestation de l’avis d’inaptitude’ et que ‘les recherches de reclassement, après consultation des instances représentatives du personnel s’apprécie au sein de l’entreprise puis au sein du groupe auquel elle appartient’.
Le jugement acte que société ‘a informé les délégués du personnel’ et ‘recherché des reclassements dans le groupe’.
Sur ce,
L’article L 1226-2 du code du travail dispose que, ‘lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail’.
Aux termes de l’article L 1226-2-1 du même code, ‘lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre’.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes:
‘ (…) Le 19 juin 2018, le médecin du travail vous a déclarée inapte à l’emploi de secrétaire comptable.
En effet, il conclut et indique Les indications relatives au reclassement suivantes :
‘Restrictions: la salariée a besoin d’un rythme régulier de travail sans phénomène de surcharges. Capacités restantes : son état de santé reste compatible avec toute tâche ne comportant pas ces contraintes, type administratif ou bureautique, après formation éventuelle’.
Nous avons entamé des recherches de postes de reclassement et avons consulté les délégués du personnel à cet effet.
Comme nous vous en avions informée par lettre du 25 juillet 2018, ainsi que lors de l’entretien préalable du 02 août 2018, avec M. [B] [F], directeur du CPEY, auquel vous êtes venus seule, l’association se trouve dans l’impossibilité de vous reclasser malgré l’ensemble des démarches effectuées dans cette optique.
Nous sommes donc malheureusement contraints de vous licencier en raison de l’impossibilité de reclassement suite a la déclaration d’inaptitude a votre poste de secrétaire comptable.
En effet, aucun poste adapté n’est actuellement disponible dans aucun des services ou au siège de l’association.
Votre contrat de travail prend fin a la date d’envoi de cette lettre, soit le 07 août 2018 (…)’.
Sur la demande d’avis au CSE, la cour relève que la liste d’émargement à la réunion du 17 juillet 2018 ne porte aucune mention de l’ordre du jour de cette réunion et donc, ne confirme pas l’allégation de l’association d’une consultation des représentants du personnel sur le reclassement de Mme [J].
Par ailleurs si l’association a indiqué avoir procédé à des recherches de reclassement pour Mme [J], la cour relève que cela ne concerne que le centre éducatif et pédagogique du CPEY sans qu’il soit justifié d’une tentative d’adaptation de son poste, étant rappelé, d’une part, les propositions du médecin du travail sur un poste ‘type administratif ou bureautique, après formation éventuelle’ et, d’autre part, les fonctions de Mme [J] de ‘secrétaire comptable’.
La cour relève, aussi, que l’avis du médecin du travail a été pris après une étude de poste et des conditions de travail du 6 juin 2018 et plusieurs entretien avec la salariée.
Ainsi, au regard des propositions du médecin du travail, des fonctions de Mme [J], indiquant un niveau de formation initiale de bonne qualité (secrétaire comptable), de l’absence de justification d’une consultation des élus au CSE, la cour dit que l’employeur n’a pas justifier l’impossibilité de reclassement de la salarié par adaptation de son poste ou son reclassement après une formation qualifiante.
La cour, infirmant le jugement entrepris, dit que le licenciement de Mme [J] est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières
La rupture du contrat ayant été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée est en droit de solliciter :
– le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;
– le paiement d’une indemnité de licenciement ;
– le paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au regard des éléments produits, le salaire de référence sera fixé à 2 157,48 euros.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l’article L 1234-1 du code du travail prévoit pour les salariés ayant plus de deux années un préavis de deux mois de salaire.
Ainsi, il sera fait droit à Mme [J] d’une indemnité compensatrice de préavis de 4 314,96 euros outre 431,50 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l’indemnité de licenciement
L’article R 1234-2 du code du travail, dans sa version applicable, fixe à un quart de mois de salaire par année de présence jusqu’à dix ans et un tiers de mois de salaire pour les années au-delà de dix ans le montant de l’indemnité de licenciement.
Etant rappelé que l’ancienneté de Mme [J] est de cinq ans et 5 jours, préavis compris, il est fait droit à Mme [J], dans les limites de sa demande, d’une somme de 5 285,83 euros et au regard de la somme déjà versée de 3 266,88 euros, un reliquat d’indemnité de licenciement de 2 018,95 euros.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail et au regard d’une ancienneté de cinq ans et cinq jours, la société occupant habituellement plus de onze salariés, Mme [J] est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et six mois de salaire soit entre 6 412,44 euros et 12 944,88 euros.
Au moment de la rupture, Mme [J] était âgée de 57 ans et elle justifie d’une inscription au pôle Emploi 8 août 2018 et d’un début d’indemnisation au 18 septembre 2018 d’abord au titre de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) puis de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) jusqu’au 31 janvier 2022.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d’évaluer son préjudice à 12 900 euros.
Sur les autres demandes
I1 y a lieu d’ordonner à l’association CPEY la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, d’une attestation destinée au Pôle Emploi d’un solde de tout compte, conformes au présent arrêt dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt.
Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, soit le 5 août 2019 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
L’association CPEY qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens toute cause confondue et à payer à Mme [J] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.