Licenciement pour faute grave : manquement aux consignes de sécurité

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Licenciement pour faute grave : manquement aux consignes de sécurité
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Licenciement pour faute grave : manquement aux consignes de sécurité

Sur le licenciement pour faute grave :

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié.

Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.

La lettre de licenciement pour faute grave de M. [J] est motivée par plusieurs manquements graves lors d’une livraison de carburant.

Argumentation de la société Samat Sud :

La société Samat Sud reproche à M. [J] d’avoir enfreint plusieurs règles de sécurité lors de la livraison de carburant, mettant en danger la réalisation de l’opération et les personnes présentes.

M. [J] conteste certains griefs et affirme avoir agi conformément aux consignes malgré un équipement défectueux.

La société produit des preuves matérielles des manquements de M. [J] lors de la livraison, notamment des photographies et des documents attestant des règles de sécurité non respectées.

Décision de la cour :

La cour considère que les fautes commises par M. [J] justifient la rupture de son contrat de travail, mais ne constituent pas une faute grave.

M. [J] a droit à certaines sommes compensatoires, mais sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est rejetée.

La société Samat Sud est condamnée à payer les dépens et une somme à M. [J] au titre des frais de procédure.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

06/01/2023

ARRÊT N°2023/6

N° RG 21/02580 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OG4G

AB/AR

Décision déférée du 06 Mai 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/01438)

BARAT H

[K] [J]

C/

S.A.S. SAMAT SUD

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 06 01 23

à Me F. POBEDA-THOMAS

Me Stéphane LEPLAIDEUR

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Florence POBEDA-THOMAS de la SCP CROUZATIER – POBEDA-THOMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SASU SAMAT SUD

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, A. Pierre-Blanchard, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [K] [J] a été embauché par la Société Samat Sud en qualité de conducteur suivant un contrat de travail à durée déterminée du 27 juin 2016 qui a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 29 décembre 2016. Il était affecté à l’activité de livraison de carburant.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers.

Suite à un contrôle inopiné des opérations de déchargement de carburant réalisées le 19 avril 2019 à la station-service Leclerc de [Localité 5], la société Samat Sud a adressé dès le lendemain à M. [J] une convocation à un entretien préalable fixé au 3 mai 2019, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 14 mai 2019, elle l’a licencié pour faute grave.

Par requête du 10 septembre 2019, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 6 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit que le salaire moyen mensuel de M. [K] [J] s’établit à 2 139,15 euros,

– dit que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– dit qu’il y a faute grave,

– débouté M. [J] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la SASU Samat Sud de sa demande de paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [J] aux entiers dépens de l’instance.

M. [J] a relevé appel de ce jugement le 9 juin 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [J] demande à la cour de :

– réformer le jugement du conseil des prud’hommes de Toulouse du 6 mai 2021 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

– juger que son salaire moyen s’établit à 2 139,15 euros,

– juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

– si par impossible, la cour retenait l’argumentation selon laquelle les défaillances seraient uniquement imputables au salarié, juger que les négligences revendiquées par l’employeur conduisent à qualifier les manquements du salarié comme une faute simple,

– condamner en conséquence la société Samat Sud à lui payer :

* 8 556,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 497,40 euros au titre de l’indemnisation de la mise pied conservatoire injustifiée,

* 149,74 euros au titre de l’indemnisation des congés payés afférents à la mise à pied conservatoire injustifiée,

* 4 278,30 euros au titre du solde de l’indemnisation de son préavis,

* 427,83 euros au titre de l’indemnisation des congés payés afférents au solde de son préavis,

* 1 604,36 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– en toute hypothèse, condamner la société Samat Sud au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Samat Sud demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 6 mai 2021,

– déclarer irrecevables ou mal fondées les demandes de M. [J],

– débouter M. [J] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [J] au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS :

– Sur le licenciement pour faute grave :

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié.

Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.

La lettre de licenciement pour faute grave de M. [J] est motivée comme suit :

‘Nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave pour les raisons suivantes :

Le 19 avril 2019, vous avez fait l’objet d’un contrôle inopiné en cours de livraison pour notre client Leclerc à [Localité 5] par le moniteur sécurité de la société, M. [S]. Il a été relevé au cours de ce contrôle de nombreuses anomalies inadmissibles, mettant en danger la réalisation de l’opération de livraison, de vous-même et des personnes se trouvant à proximité.

En effet, alors que vous connaissez parfaitement les procédures de livraison de carburant puisque vous êtes salarié de notre société depuis 2016, que vous réalisez depuis cette date des livraisons pour l’activité Carburant et que vous avez fait l’objet de plusieurs formations (durant les accompagnements et les contrôles), accompagnements (12/07/16 ; 27/12/16 ; 7/06/17 ) et contrôles inopinés (11/10/17 ; 24/05/17 ; 08/11/18), vous avez en date du 19 avril, procédé au déchargement de produits à l’aide de 3 flexibles, ce qui est strictement interdit. Cette règle est d’ailleurs rappelée en page 7 du livret de consignes Métiers Hydrocarbure, livret qui vous a été remis contre décharge en date du 14/10/2016, tout comme la charte anti-mélange le 07/02/19.

Plus le nombre de flexibles de dépotage est important, plus le risque de mélange croisé et d’erreur de manipulation, pouvant entraîner des dommages graves, est élevé. Nos clients sont très attentifs au respect de cette règle. Or, vous faites comme bon vous semble en branchant 3 flexibles, ce que nous ne pouvons accepter.

De plus, alors que vous livriez de l’essence, et pas seulement du gasoil, vous n’aviez pas branché le flexible de récupération de vapeur alors que 3 des compartiments de la citerne contenaient de l’essence sans plomb. Vous avez également sur ce point au cours de l’entretien préalable reconnu ne pas avoir sorti le récupérateur de vapeur du coffre et ainsi ne pas l’avoir branché. Ici encore, les risques d’explosions sont importants. Vous avez d’ailleurs reconnu ne pas savoir si l’absence d’un tel tuyau est grave au cours de l’opération de dépotage, ce qui nous prouve malheureusement une fois encore que vous ne connaissez pas et n’avez pas pris conscience des risques de votre métier, et cela malgré les différentes formations et accompagnements qui vous ont été dispensés.

De surcroît, bien que doté de l’ensemble des EPI obligatoires pour notre activité, vous ne portiez pas vos lunettes de sécurité lors de l’ouverture des vannes. Nous vous rappelons que ces dernières ont pour effet de vous protéger, qu’elles sont obligatoires et qu’un risque de jet de produit est toujours possible.

Vous avez dit au cours de l’entretien ne porter vos lunettes que pour les livraisons réalisées pour le client Total, ce qui n’est pas acceptable. Le risque de projection et de brûlure est le même quel que soit le client. Il s’agit de votre sécurité et de notre responsabilité.

Enfin, vous aviez mal positionné votre camion sur l’aire de déchargement, en positionnant une roue à moitié sur le trottoir au risque d’endommager fortement le pneumatique. Nous vous rappelons une fois encore que vous êtes responsable du matériel qui vous est affecté et que le coût d’entretien de ce dernier est suffisamment élevé pour que les conducteurs y prêtent attention. Nous ne pouvons tolérer que vous ne preniez pas soin du matériel qui vous est confié.

L’ensemble des anomalies relevées au cours de ce contrôle, mais surtout les réponses apportées au cours de l’entretien préalable, démontrent que vous n’avez sciemment pas respecté la procédure de dépotage et mis en danger vous-mêmes et les personnes présentes. En agissant ainsi, vous avez violé vos obligations contractuelles et professionnelles.

L’ensemble de ces anomalies nous prouvent que nous ne pouvons pas compter sur vous et votre professionnalisme. Votre attitude n’est pas acceptable. Nous ne pouvons accepter que nos relations commerciales soient remises en cause de votre fait. Il est indispensable que notre client ait confiance dans l’entreprise Samat Sud et dans ses conducteurs et cela ne peut plus être le cas vous concernant.

Notre métier est exigeant, et nos conducteurs doivent être rigoureux et respectueux des clients, des procédures et de la réglementation en vigueur. Nous ne reconnaissons pas ces qualités chez vous.

Votre attitude démontre également que vous ne vous souciez absolument pas des conséquences préjudiciables au bon fonctionnement de l’entreprise.

Notre métier de prestataires de service dans le transport de marchandises nous impose de répondre strictement aux attentes de nos clients et de respecter les consignes de livraison. Nous ne pouvons nous permettre aucune liberté. Or, ce n’est absolument pas votre cas, puisque vous agissez comme bon vous semble.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. La rupture de votre contrat de travail sera effective à compter de l’envoi de la présente. Votre licenciement prend effet immédiatement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement »

La société Samat Sud reproche en premier lieu à M. [J] d’avoir procédé au déchargement de produits carburants à l’aide de trois flexibles, ce qui est strictement interdit et de ne pas avoir branché le flexible de récupération de vapeur alors que trois des compartiments de la citerne contenaient de l’essence sans plomb.

M. [J] soutient que ce grief n’est pas fondé. Il fait valoir que le camion qui lui a été confié le 19 avril 2019 était équipé d’un tuyau de récupération de vapeur dont l’embout était cassé, que pour y remédier, il a eu recours à un flexible normal pour effectuer la récupération des vapeurs (réalisant un raccordement étanche de récupération entre la seconde bouche de la cuve enterrée de la station-service et un compartiment précédemment vidé de la remorque-citerne vers lequel les vapeurs étaient acheminées). Il en conclut que le contrôleur a pu croire par erreur que les trois flexibles raccordés étaient simultanément utilisés pour décharger du carburant. Il ajoute qu’il appartenait à l’employeur, qui savait que le flexible de récupération des vapeurs était défectueux, de fournir à son salarié du matériel en bon état. Il souligne qu’il n’a jamais été alerté sur des non respects de consignes de sécurité.

Pour justifier le grief fait à M. [J], la société Samat Sud verse aux débats l’audit métier hydrocarbures établi le 19 avril 2019 par M. [S], contrôleur de l’entreprise, constituant en un contrôle inopiné de livraison.

Bien que M. [J] fasse observer qu’il n’a pas signé cet audit, il n’en conteste pas les principales constatations, d’autant qu’elles sont accompagnées de deux photographies ainsi que du plan de chargement et déchargement.

Il apparaît clairement sur l’une des photographies, sur laquelle figure M. [J], que trois flexibles sont branchés à partir de trois compartiments du camion citerne (n°s 1,3 et 8) et sont raccordés à trois cuves de la station-service.

Or, selon le plan de chargement et déchargement, les trois compartiments du camion utilisés contenaient pour deux d’entre eux du gazole, et pour un autre de l’essence sans plomb, ceux qui étaient vides (n°s 5 et 6) ne faisaient pas l’objet de raccordement, ce qui signifie que l’explication du salarié selon laquelle un des trois branchements permettait la récupération des vapeurs est erronée.

D’ailleurs, le flexible de récupération des vapeurs, nécessaire lorsqu’il y a de l’essence, doit, ainsi que cela résulte du schéma théorique versé aux débats par M. [J], être branché en avant du camion, et non sur les compartiments contenant les carburants, et raccordé sur une vanne distincte des cuves, pour accéder au système de récupération des vapeurs. Or, M. [J] reconnaît que ce flexible n’a pas été mis en place.

A l’appui de son explication relative à la défectuosité du flexible de récupération de vapeur, M. [J] produit l’attestation de M. [C], qui a utilisé le camion avant lui, lequel déclare que « le système de raccordement du tuyau de récupération des vapeurs était cassé, je l’avais signalé par écrit sur la fiche d’entretien et rendu compte à mon exploitant ». Il ne précise pas la date de ces faits.

Or, sur demande de la société Samat Sud, M. [C] a écrit par mail que les oreilles servant à verrouiller le flexible en question étaient cassées mais n’empêchaient pas de s’en servir en respectant les consignes et sans danger.

De plus, la société Samat Sud produit une liste d’interventions sur le camion litigieux montrant à la date du 5 avril 2019 « REP flexible vapeur » ainsi que la fiche de contrôle avant départ établie par M. [C] pour la période du 8 au 12 avril 2019 faisant état de la conformité des flexibles, étant précisé que ce salarié a quitté l’entreprise le 15 avril 2019.

Il n’est donc pas établi que M. [J] ne pouvait pas utiliser normalement le flexible de récupération des vapeurs.

Dès lors, les mentions de l’audit sont justifiées :

– avant livraison : livre avec trois flexibles produits et sans le RVP (récupérateur de vapeur) alors qu’il y a de l’essence ;

– pendant la livraison : flexible de récupération vapeur non branché livraison essence,

– après la livraison, procédures de livraison, non respectées, livraison avec 3 flexibles produits et sans brancher le flexible de récupération des vapeurs avec présence dans la citerne de trois compartiments essence.

Le fait que le contrôleur ait mis des notes correctes sur la situation après la livraison ne peut être utilisé par le salarié à son avantage, alors qu’il s’agissait seulement du constat que tout était remis en place après la livraison.

La société Samat Sud produit un ensemble de documents, le livret de consignes conducteur remis à M. [J] lors de son embauche, la charte de lutte contre les mélanges de carburants qu’il a reçue en juillet 2016 puis en février 2019, l’évaluation de ses connaissances métier, les audits conducteur effectués régulièrement ainsi que les contrôles inopinés de livraison réalisés en mai 2017, octobre 2017 et novembre 2018, qui prouvent que le salarié était informé des consignes de sécurité, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas.

Il ressort de ces documents que le conducteur ne doit brancher en même temps que deux flexibles produits au maximum en veillant au respect des couleurs (vert : essence, jaune : gazole) plus éventuellement, en cas de livraison d’essence, le flexible de récupération vapeur (orange).

En branchant concomitamment trois flexibles produits dont un pour de l’essence, sans brancher le flexible de récupération des vapeurs, M. [J] n’a pas respecté les consignes de livraison des carburants, commettant un manquement à ses obligations professionnelles.

Dans la lettre de licenciement, la société Samat Sud fait également grief à M. [J] de ne pas avoir, lors de la livraison du 19 avril 2019, porté ses lunettes de sécurité lors de l’ouverture des vannes, et d’avoir mal stationné son camion sur l’aire de déchargement, en positionnant une roue à moitié sur le trottoir au risque d’endommager fortement le pneumatique.

M. [J] reconnaît que, comme cela apparaît sur la photographie de la livraison, il ne portait pas les lunettes de sécurité qui lui avaient été fournies par son employeur, mais il soutient qu’à ce moment-là, il ne procédait pas à l’ouverture des vannes mais au déchargement de sa livraison durant laquelle le port des lunettes n’était pas obligatoire.

Pourtant, le manuel conducteur mentionne expressément que les EPI en particulier les lunettes de protection doivent être portés pendant le chargement et la livraison.

Et M. [J] a fait l’objet d’observations, à plusieurs reprises lors d’audits ou de contrôles, pour le non respect du port des lunettes.

Quant au stationnement incorrect du camion, il est établi par une photographie qui montre qu’un des pneus était en partie sur le trottoir.

M. [J] fait valoir que le débordement du pneu était minime et était rendu nécessaire par la configuration des lieux.

Mais force est de constater que la seule des trois roues débordant sur le trottoir est située entre les deux autres, de sorte qu’il n’y a aucune raison pour qu’elle ne soit pas placée sur la chaussée comme ces dernières.

Ainsi les fautes reprochées à M. [J] sont établies, de sorte que l’argumentation selon laquelle il aurait fait l’objet d’un licenciement discriminatoire pour avoir relayé des informations sur une grève, alors qu’il n’est pas présenté de faits le laissant supposer, ne peut être retenue.

Les consignes relatives à la livraison des hydrocarbures et au port des EPI (équipements de protection individuelle) issues de la réglementation en vigueur en matière de transport de produits dangereux, ont pour objet d’éviter des accidents, notamment des mélanges de produits pouvant causer des dommages graves, notamment des explosions, et ainsi de protéger le conducteur et les autres personnes.

Il ressort des contrôles inopinés du 11 octobre 2017 et du 8 novembre 2018 que M. [J] devait s’améliorer, notamment en ce qui concerne le respect des couleurs des flexibles produits et le branchement du récupérateur vapeur, ainsi que le port des lunettes de sécurité. Toutefois, il n’a jamais fait l’objet d’observations formelles ou de sanction disciplinaire, et au contraire obtenait des notes globales satisfaisantes aux audits et contrôles, si bien qu’il n’apparaît pas que, comme l’employeur l’énonce dans la lettre de licenciement, il n’avait pas connaissance et n’avait pas pris conscience des risques de son métier.

Au regard de ces éléments et de l’absence de dommage causé par les faits du 19 avril 2019, la cour considère que les fautes commises par M. [J] justifient la rupture de son contrat de travail, mais ne constituent pas une faute grave faisant obstacle à son maintien dans l’entreprise, de sorte que son licenciement doit être déclaré fondé, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, M. [J] a droit au paiement des sommes suivantes :

– 1 458,66 euros bruts, montant du salaire retenu pendant la période de mise à pied conservatoire, selon le bulletin de salaire de mai 2019,

– 145,86 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire,

– 4 278,30 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, à deux mois de salaire sur la base d’une rémunération mensuelle moyenne de 2 139,15 euros,

– 427,83 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 1 604,36 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement calculée pour trois années d’ancienneté.

En revanche, le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur les frais et dépens :

La société Samat Sud, qui succombe partiellement, devra supporter les dépens de première instance et d’appel.

Elle devra en outre verser à M. [J] la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que le salaire moyen mensuel de M. [J] était de 2139,15 euros et a débouté la société Samat Sud de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

Dit que le licenciement de M. [J] repose, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SASU Samat Sud à payer à M. [K] [J] :

– 1 458,66 euros bruts au titre du salaire retenu pendant la période de mise à pied conservatoire,

– 145,86 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire,

– 4 278,30 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 427,83 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 1 604,36 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [J] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SASU Samat Sud aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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