Licenciement pour faute grave

·

·

,
Licenciement pour faute grave
Ce point juridique est utile ?

Nos Conseils:

– Il est essentiel pour l’employeur d’apporter des preuves précises et matériellement vérifiables des faits reprochés au salarié en cas de licenciement pour faute grave.
– En cas de litige relatif au licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et tout doute profite au salarié.
– Il est important de respecter le délai de prescription des faits fautifs pour engager des poursuites disciplinaires, qui est de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Résumé de l’affaire

La société Metric a licencié M. [B] pour faute grave, invoquant un désintérêt et une perte de motivation de sa part ainsi qu’un refus injustifié d’accomplir une mission auprès d’un client majeur. M. [B] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Nanterre, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil a condamné la société Metric à verser à M. [B] diverses sommes à titre d’indemnités. La société Metric a interjeté appel de ce jugement. Les parties ont présenté leurs arguments en appel et attendent la décision de la cour.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 juin 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00480
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 JUIN 2024

N° RG 22/00480 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAFB

AFFAIRE :

S.A.S. METRIC

C/

[W] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/03328

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Simon OVADIA

Me Jonathan CADOT de la SELARL LEPANY & ASSOCIES

Expédition numérique délivrée à FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. METRIC

N° SIRET : 490 365 657

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Simon OVADIA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1007

APPELANTE

****************

Monsieur [W] [B]

né le 08 Mai 1983 à [Localité 5] MAROC (99)

de nationalité Marocaine

Chez [H] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Jonathan CADOT de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222 substitué à l’audience par Me Camille BERLAN, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Avril 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Président,

Mme Florence SCHARRE, Conseiller,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Metric a été immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 490 365 657.

Elle est spécialisée dans l’activité de conseil, de prestations de services de formation de personnel, dans le domaine informatique ainsi que le négoce de matériel et de logiciels informatiques.

Elle emploie 24 salariés au moment du licenciement.

M. [B] a été engagé par la société Satisfactory appartenant à la société Metric, en qualité d’ingénieur étude et développement par contrat à durée indéterminée à compter du 14 avril 2014, puis par la société Metric en qualité d’ingénieur d’études au statut cadre C++ et nouvelles technologies par contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2016.

Selon ce dernier contrat, le temps de travail de M. [B] était de 38 heures par semaine, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 666,66 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d’étude techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils, dite Syntec.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2016, la société Metric a convoqué M. [B] à un entretien préalable à un licenciement, qui s’est tenu le 29 juin 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 juillet 2017, la société Metric a notifié à M. [B] son licenciement pour faute grave en ces termes :

« Monsieur,

Par courrier recommandé en date du 14 juin 2017, je vous ai convoqué pour le 29 juin à 14h en vue d’un entretien préalable à licenciement, auquel vous vous êtes présenté, assisté par Monsieur MISTRAL, Conseiller du salarié.

Les explications que vous avez bien voulu me donner lors de cet entretien ne m’ont pas paru convaincantes. Aussi, j’ai pris la décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs que je vous expose ci-après.

1- Désintérêt et perte de motivation de votre part.

Vous avez été engagé par contrat en date du 1er Mars 2016 en qualité d’Ingénieur d’Etudes C++ et Nouvelles Technologies, au statut cadre.

Au cours de ces derniers mois, vous avez manifesté un désintérêt certain pour l’accomplissement des missions pour lesquelles vous avez été engagé.

Ainsi,

– Vous avez été présenté le 10 février 2017 pour une mission sollicitée par la Société GENERALI, mission pour laquelle nous n’avez pas été retenu, dès lors que vous n’aviez pas montré un intérêt suffisant pour l’accomplissement de cette mission.

– Vous avez été présenté à nouveau présenté le 24 février 2017 pour une mission auprès de la Société MICHELIN, mission pour laquelle vous n’avez pas non plus été retenu, ayant lors de l’entretien de candidature, répondu de manière non pertinente aux questions posées, ce qui souligne un manque de préparation évident de cette présentation.

– Vous avez été présenté le 24 mars 2017 pour une mission auprès du client MAISONS PIERRE, mission pour laquelle vous n’avez pas été retenu non plus en raison de votre approche technico fonctionnelle insuffisante, approche inadaptée qui souligne à nouveau votre impréparation à cette présentation et, partant votre désintérêt – alors pourtant que cela entrait parfaitement dans votre champ de compétence.

Enfin, lors d’un entretien téléphonique que nous avons eu ensemble peu après le refus de votre mission prévue auprès de la Société QUALIGAZ (mentionné ci-après), vous avez expressément manifesté votre perte de motivation pour continuer de travailler au sein de METRIC.

Un tel désintérêt, qui affecte nécessairement votre motivation, ne peut que compromettre l’exécution de vos obligations dans le cadre du contrat de travail qui nous lie.

2- Refus injustifié d’accomplir une mission auprès d’un client majeur

Vous avez fait l’objet d’une présentation auprès de la Société QUALIGAZ le mercredi 7 juin 2017. Le client vous a retenu.

Vous avez toutefois refusé cette mission, refus confirmé téléphoniquement et par mail.

Un tel refus s’explique d’autant moins que :

– Alors que la mission en cause était en parfaite adéquation avec les fonctions pour lesquelles vous avez été engagé, et rappelées ci-dessus.

– Vous n’aviez pas été retenu lors des présentations successives rappelées ci-dessus, de sorte qu’il vous appartenait de tout mettre en ‘uvre pour exécuter une mission,

– La présentation a été effectuée auprès d’un client d’une importance majeure pour notre Société.

– Vous aviez terminé votre dernière mission depuis plusieurs mois, soit exactement le 7 décembre 2016, c’est-à-dire que cela faisait six mois que vous n’aviez pas effectué le moindre travail pour notre Société, tout en étant rémunéré mensuellement au salaire convenu.

Or, il est expressément stipulé dans votre contrat qu’un refus de mission correspondant à vos compétences et qualification s’analyserait en une faute grave, l’acceptation d’une mission constituant à l’évidence une obligation essentielle.

Vous avez d’ailleurs, en signifiant votre dernier refus, tenu des propos inacceptables à l’égard de votre interlocuteur M. [F] [U], votre Responsable Commercial au sein de notre Société, lui indiquant notamment que vous vouliez venir « pour vous expliquer » avec lui … ! C’est la raison pour laquelle nous avions un temps songé à vous notifier une mise à pied, pour, finalement, décider de ne pas y recourir, dès lors que vous n’étiez pas présent physiquement dans les locaux de notre entreprise.

Vous comprendrez que dans ces conditions nous ne saurions vous proposer d’autres missions votre attitude ne nous permettant pas de vous accorder la confiance requise pour l’exécution de missions auprès d’une clientèle exigeante, clientèle pour laquelle nous mettons un point d’honneur à offrir un service irréprochable.

Aussi, compte tenu de la gravité de l’ensemble de ces faits et de leurs conséquences qui constituent une faute grave, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

Par conséquent, je vous notifie, par la présente, votre licenciement pour faute grave, lequel prend effet immédiatement.

Par ailleurs, la Société METRIC vous délie dès aujourd’hui de la clause de non concurrence prévue au contrat (art.116).

Votre solde de tout compte est arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni indemnité de licenciement.

Vous pourrez vous présenter à réception de cette lettre au siège de la Société, après avoir pris préalablement rendez-vous avec moi, pour percevoir les sommes vous restant éventuellement dues à quelque titre que ce soit et pour retirer votre certificat de travail, votre attestation Pôle emploi et votre solde de tout compte, que je tiens à votre disposition.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de mes sentiments distingués. »

Par requête introductive en date du 22 décembre 2017, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre d’une demande visant à contester son licenciement pour faute grave.

Par jugement de départage du 19 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– rejeté l’exception de prescription,

– dit que le licenciement de M. [W] [B] par la société Metric est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3.666 euros ;

– condamné la société Metric à payer à M. [W] [B] les sommes suivantes :

* 10.998 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1.099,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

* 1.099,80 euros à titre d’indemnité de licenciement, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2018.

* 7.332 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– rappelé que la condamnation de l’employeur au paiement des sommes visées par les articles R.1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l’article R1454-28,

– ordonné l’exécution provisoire en application de l’artic1e 515 du code de procédure civile,

– condamné la société Metric à payer à M. [W] [B] la somme de 1500 euros au titre de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;

– condamne la société Metric aux dépens de l’instance.

La société Metric a interjeté appel de ce jugement par déclaration d’appel au greffe du 15 février 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 20 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 18 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Metric demande à la cour de :

– déclarer la société METRIC recevable et bien fondée en son appel,

L’y recevant,

– confirmer le jugement rendu le 19 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a rejeté le moyen de prescription soulevé par M. [B] sur des faits pris en compte dans la lettre de licenciement ;

– infirmer le jugement rendu le 19 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre sur les autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

– débouter M. [B] de la totalité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, au cas où, par extraordinaire, la cour estimerait le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Vu l’absence de justification d’un quelconque préjudice,

– le débouter de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

– lui accorder une indemnisation raisonnablement proportionnelle à la durée de la collaboration.

– le condamner à payer à la société Metric la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 22 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

En conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave prononcé à l’égard de M. [W] [B]

* fixé le salaire moyen à la somme de 3.666 euros

* condamné la société Metric à lui verser les sommes de :

° à titre d’indemnité de préavis : 10.998,00 euros

° au titre des congés payés afférents : 1.099,80 euros

° à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 1.500 euros en première instance

* condamné la société Metric à verser :

° une indemnité de licenciement

° des dommages et intérêts pour rupture abusive

* ordonné la condamnation des intérêts au taux légal avec capitalisation

* ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile

* condamné la société Metric aux entiers dépens.

– infirmer le jugement sur le quantum des sommes obtenues concernant l’indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour rupture abusive, en conséquence,

– condamner, au surplus, la société Metric à lui verser les sommes de :

* à titre d’indemnité légale de licenciement : 1.173 euros

* à titre des dommages et intérêts pour rupture abusive : 10.998,00 euros

* à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 4.000 euros en cause d’appel

– condamner la société Metric à rembourser au Pôle Emploi la totalité des indemnités de chômage versées à M. [W] [B] du jour de son licenciement à celui du jugement et cela dans la limite de 6 mois d’indemnités.

MOTIFS

Sur le licenciement

La société Metric conclut à la confirmation du jugement prud’homal concernant la prescription des faits fautifs estimant que les faits de désintérêt et de perte de motivation se sont poursuivis tout au long de la période visée dans la lettre de licenciement pour culminer dans le refus de mission du 14 avril 2017.

Sur le fond, la société reproche au conseil de n’avoir pas retenu l’intégralité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement puisque le conseil n’a pas évoqué l’attitude agressive et la menace physique du salarié à l’égard de Monsieur [U], alors même qu’une attestation est produite pour justifier de la réalité de ce grief. Elle soutient que le grief de désintérêt et d’absence de motivation est établi par les pièces versées aux débats ; que la faute grave réside dans un ensemble de faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement rendant impossible son maintien dans l’entreprise, soit tout à la fois son impréparation manifeste aux entretiens de mission, son refus de la mission proposée par société Qualigaz et son attitude agressive à l’égard de sa hiérarchie.

Monsieur [B] demande la confirmation du jugement qui a estimé que le licenciement prononcé à son égard était sans cause réelle et sérieuse. Il invoque, en premier lieu, la prescription des faits fautifs, les griefs invoqués au titre du désintérêt et de la perte de motivation étant datés de février, mars 2017 et avril 2017 (refus de mission) avec une lettre de convocation à entretien préalable du 14 juin 2017.

Il souligne que le licenciement pour faute grave doit être justifié par une impossibilité de poursuivre la relation de travail et qu’en conséquence, la société ne peut invoquer des griefs continus.

Il estime que la société est défaillante dans l’administration de la preuve, qu’aucune faute n’est établie concernant le désintérêt et la perte de motivation et que son refus de mission reposait sur des motifs légitimes clairement exposés à son employeur.

Il précise qu’en raison des difficultés économiques qu’elle rencontrait la société a souhaité se séparer de lui par le biais d’une rupture conventionnelle proposée le 2 juin 2017 qu’il a refusé et que c’est dans ce contexte que le licenciement était engagé.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par ailleurs, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

A défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

Il convient de rappeler sur le principe de la prescription des faits fautifs qu’aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Toutefois ce texte ne s’oppose pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dès lors que le salarié a commis dans le délai de prescription un agissement fautif de même nature.

En l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont relevé au visa de l’article 1332 ‘ 4 du code du travail que la perte de motivation et le désintérêt reprochés au salarié manifestés par les échecs aux entretiens de mission pour les sociétés Generali, Michelin, Maison Pierre en février et mars 2017 s’étaient poursuivis par le refus du salarié d’effectuer une mission auprès de Qualigaz le 7 juin 2017 et que ce nouvel échec est intervenu moins de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable du 14 juin 2017, et qu’ils en ont conclu que les faits reprochés n’étaient pas prescrits.

S’agissant des griefs invoqués par l’employeur, il convient, en premier lieu, de relever que le salarié émet des réserves sur deux attestations du président et d’un commercial de la société, en raison notamment du lien de subordination qui rendrait contestable la valeur probante de ces témoignages.

La cour constate néanmoins que ces attestations sont régulièrement la forme. Au fond, le seul fait qu’elles émanent de supérieurs hiérarchiques ne suffit pas à les écarter des débats. Il appartient au juge d’en apprécier la valeur probante.

Or les deux attestations mentionnent des éléments factuels issus des retours clients ou des entretiens avec le salarié et ne comportent aucun élément de nature à mettre en doute l’authenticité ou la bonne foi de leur auteur. Il n’y a donc pas lieu de les écarter.

Il convient dans un second temps, de rappeler le contexte particulier lié à l’activité du salarié tel qu’il ressort des pièces versées aux débats.

Il résulte du contrat de travail transmis par le salarié et de l’attestation de M. [M] et de M. [U] que M. [B] est embauché par la société Metric 1er mars 2016 et va réaliser une mission auprès du client Banque de France ; que cette mission va s’arrêter, selon les témoins, en raison de difficultés manifestées par le salarié dans l’exercice de cette mission. À compter du 7 décembre 2016, le salarié va donc être en situation d’inter contrat. Rémunérer intégralement alors qu’il se trouve en inactivité à domicile, la société souligne à juste titre qu’elle avait tout intérêt à proposer au salarié des missions adaptées à son profil.

Il n’est pas contesté que les missions ont été proposées à M. [B] à la suite de la transmission du curriculum vitae du salarié aux sociétés clientes. C’est donc avec un préalable favorable que les trois sociétés ont proposé de mener un entretien avec le salarié avant de prendre leur décision d’engagement de la mission. Ce contexte ressort clairement de l’échange de mail du 22 février 2017 pour le client Michelin puisque même avant l’entretien l’interlocuteur de la société indique qu’il existait « une forte probabilité de signature ».

Ce process est important à rappeler dans la mesure où les deux mails de retour des missions concernant Generali et Maison Pierre s’inscrivent dans un contexte commercial et les raisons ayant motivées le refus d’engagement s’avèrent très laconiques. Mais, les échanges de mails sont toutefois complétés par les deux attestations de M. [M] et de M. [U] qui, en qualité de responsables de la société, ont eu des retours d’information directs de la part de leurs clients.

Ainsi, si la société Maison Pierre parle d’un échec de l’entretien en indiquant « c’est l’approche technico-fonctionnelle qui a fait pencher la balance » M. [M] qui indique s’être entretenu avec le client, le 24 mars 2017, l’informait que c’est le salarié « marquant son désintérêt pour le contenu technico-fonctionnel » qui a affirmé devant le client que le contexte fonctionnel « ne l’intéressait pas et qu’il ne pouvait pas assurer cette mission prétextant un contexte fonctionnel complexe ».

De la même manière concernant le client Generali, des échanges de mails démontrent que le salarié était é informé que durant l’entretien il serait soumis à un test technique et que l’échec de l’entretien est intervenu « pour cause de pratique sur le C un peu trop en marge ». Monsieur [M] ayant eu des informations complémentaires indiquera que le salarié n’a pas été retenu faute de manifester un « intérêt suffisant sur la mission et ne répondant pas exactement aux questions du client en gardant parfois le silence lors de l’entretien».

S’agissant du client Michelin, les retours faits à la société ont démontré un manque de préparation et des réponses approximatives et erronées du salarié. Ces éléments d’information sont corroborée par M. [U] qui va constater que « lors des différentes présentations auprès de plusieurs clients, Monsieur [B] montrait très clairement un manque de motivation (un comportement assez nonchalant et il trouvait automatiquement des choses à redire sur le descriptif de poste) et échouait systématiquement ses entretiens. » Il parlera d’une absence d’envie d’occuper le poste proposé.

Le désintérêt reproché au salarié résulte également des circonstances dans lesquelles le salarié va se voir proposer une mission auprès de la société Qualigaz.

Alors que le salarié se trouvait depuis près de six mois en inactivité, il a refusé de se présenter. Les motifs de son refus résultent du mail transmis le 7 juin 2017 à ses managers. Il fait état d’un contexte technique et fonctionnel et d’un éloignement de son profil et de ses aptitudes, d’une réticence sur la nature de la mission, du secteur d’activité, des technologies impliquées, de la technicité demandée ainsi que de sa durée de deux mois. Il estime que la mission n’est pas pertinente compte tenue de ses expériences précédentes et de ses compétences techniques et parle même d’un aspect pénalisant sur son curriculum.

Néanmoins, il ressort des échanges de mails transmis par la société que l’employeur estimait qu’il disposait de l’ensemble des compétences pour effectuer cette mission et qu’à la vue du curriculum vitae et suite à l’entretien avec le salarié qui « s’est très bien passé », le client a également manifesté son accord pour l’affectation de M. [B] à cette mission fixant le démarrage de la mission au 9 juin 2017.

La généralité des motifs de refus formulés par le salarié ne résiste pas face à l’analyse de son curriculum vitae transmis par l’employeur qui démontre à la fois très haut niveau de technicité et de polyvalence de M. [B].

Le salarié ne transmet aucun élément propre à justifier de la légitimité de son refus.

Les propos de Monsieur [M] non contesté par le salarié et figurant en fin d’attestation confirment l’absence de motivation reprochée au salarié. Le témoin indique « j’ai alors entendu avec consternation Monsieur [B] me disant qu’il était fatigué et souhaitait se reposer pendant tout l’été et attendre la rentrée pour travailler’ ! »

Les griefs ainsi établis à l’encontre du salarié constituent un manquement à l’obligation de loyauté et rendent impossible la poursuite de la relation de travail. Ils constituent une faute d’une gravité telle qu’ils justifient le licenciement.

Ainsi, sans avoir à analyser le dernier grief concernant l’attitude inadaptée que le salarié a pu avoir à l’égard de M. [U], le licenciement pour faute grave sera déclaré fondé et la décision prud’homale sera infirmée sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement pour faute grave

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive ainsi que les intérêts de ces créances.

Dès lors que le licenciement est justifié, la demande de remboursement à France Travail de la totalité des indemnités chômage perçues par M. [B] n’est pas fondée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En conséquence de la décision concernant le licenciement il y a lieu de faire droit à la demande de la société et d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à M. [B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de lui accorder la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x