Licenciement pour faute d’un Agent de sécurité : CA de Montpellier, 25 janvier 2023, RG 19/04871

·

·

Licenciement pour faute d’un Agent de sécurité : CA de Montpellier, 25 janvier 2023, RG 19/04871

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 25 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/04871 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OH3B

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 JUIN 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RG F17/00535

APPELANTE :

SAS SNES Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me TAMAIN Olivier, avocat au barreau de Montpellier (plaidant)

INTIME :

Monsieur [C] [U]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D’AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTERVENANTE :

POLE EMPLOI OCCITANIE,

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me PANIS, avocat au barreau de Montpellier

Ordonnance de clôture du 31 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] [U] était embauché le 26 mars 2001 par contrat à durée déterminée en qualité de responsable de sécurité par la Sas Snes exploitant des salles de cinéma comme responsable de sécurité moyennant un salaire s’élevant en dernier lieu à la somme de 1 452,94 €.

Le 6 mai 2015, un avertissement lui était notifié pour avoir utilisé son téléphone portable sur son lieu de travail.

Le 27 avril 2016, un second avertissement lui était notifié pour déclenchement tardif de l’alarme d’évacuation et comportement inapproprié

Lui reprochant de s’être endormi sur son lieu de travail, le 2 août 2017, l’employeur proposait au salarié une rétrogradation au poste d’agent de contrôle, rétrogradation que le salarié refusait.

Le 24 août 2017, il était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, lequel lui était notifié par courrier du 31 août 2017 en ces termes:

‘(…/…). nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs suivants:

Vous occupez les fonctions de chef d’équipe sécurité SSIAP 2 au sein de notre société.

Or, malgré les sanctions disciplinaires antérieures, vous ne prenez pas la mesure de la responsabilité des fonctions que vous occupez alors que nous sommes un établissement qui accueille du public.

Alors qu’il a été porté à notre connaissance qu’il vous arrive de dormir au temps et au lieu de travail, nous vous convoquions à un entretien au cours duquel vous reconnaissiez les faits tout en les minorant, à la suite de quoi nous vous avions proposé une rétrogradation disciplinaire.

Malgré l’engagement de notre part de refaire le point sur la situation à l’issue d’un délai de 6 mois après rétrogradation, vous avez décidé de refuser cette modification de votre contrat et contestiez désormais l’intégralité des faits qui vous étaient reprochés.

Nous vous convoquions à un nouvel entretien conformément à la loi et nous vous exposions à nouveau les faits que nous considérions comme fautifs.

Vous refusiez d’apporter la moindre explication aux faits et borniez votre réponse au fait que vous n’accepteriez de rétrogradation que si celle ci ne portait ni sur votre qualification ni sur votre rémunération.

Pourtant, les faits que nous vous reprochons constituent un manquement à vos obligations professionnelles et portent atteinte à l’image de notre société et au sérieux nécessaire à l’accomplissement des fonctions de chef de sécurité.

Il va sans dire, en outre, que de dormir au temps et au lieu du travail est un exemple managérial lamentable, à fortiori lorsque vous n’avez de cesse d erefuser que des rotations réelles entre le poste de sécurité et le hall de notre établissement soient mises en place.

Ainsi le fait de vous placer dans le poste de sécurité , hors de la vue de la direction, portes ouvertes dans le hall pour pouvoir faire ‘des petites siestes’ n’est pas tolérable.

Des photos de vous circulent sur les réseaux sociaux, écoutant de la musique et dormant au PC de sécurité.

Outre le manque à vos obligations professionnelles, la désinvolture que vous affichez à l’égard de ma fonction, constituent à l’évidence une faute

Le fait que des images de vous, alors que vous dormez au lieu du travail, circulent sur les réseaux sociaux, nuit gravement à l’image de notre société.

Pour mémoire, vous exercez les fonctions de chef de sécurité, de sorte que la sécurité de nos clients et de vos collègues est supposé être sous votre contrôle et votre autorité.

En cas d’évacuation, d’agression, d’incendie comment assurez vous la sécurité ou la coordination des collaborateurs alors que vous êtes en train de dormir’

Dans le poste de sécurité, les écrans filmant les salles sont en fonctionnement permanent pour pouvoir surveiller qu’aucun incident intervient en salle. Comment contrôler encore cette absence d’incident si vous dormez’

Vous avez déjà été sanctionné pour avoir utilisé votre téléphone portable personnel dans le hall de la société alors que l’usage du téléphone portable à des fins personnelles est interdit et vous aviez également été sanctionné pour n’avoir fait preuve d’aucune réaction suite à un problème de sécurité.

Force est de constater que malgré les sanctions antérieures, et malgré vos nombreux rappels à l’ordre, vous ne prenez pas au sérieux, vos fonctions.

Pourtant, lorsque nous exposons les faits, à savoir que vous ne pouvez pas dormir au temps et au lieu du travail et qu’en outre votre comportement nuit à l’image de notre société, vous nous avez rétorqué que nous ne savions pas qui vous étiez et qu’on ne pouvait vous reprocher d’avoir dormi.

A l’évidence, vous ne vous rendez pas compte de la nature de vos fonctions et vous minorez la gravité de l’absence de rigueur et d’implication dans un établissement accueillant du public.

Compte tenu de votre ancienneté et de vos charges de famille, nous avions souhaité privilégier une sanction vous permettant de demeurer dans l’emploi tout en empêchent la survenance de risques inhérents à votre désintérêt manifeste de vos fonctions.

C’est contre toute attente que vous avez refusé cette sanction, de sorte que compte tenu de votre désinvolture malgré le rappel à l’ordre et l’absence de mesures de vos responsabilités, nous n’avons d’autres alternatives que de procéder à votre licenciement pour motif réel et sérieux.(…/…)

Contestant son licenciement, par requête du 26 octobre 2017, le salarié saisissait le conseil de prud’hommes de Perpignan, lequel, par jugement du 12 juin 2019, condamnait l’employeur à lui payer les sommes de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 11 juillet 2019, l’employeur relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 15 mai 2020, la sas Snes demande à la cour d’infirmer le jugement et , statuant à nouveau, de débouter le salarié de toutes ses demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite que les sommes allouées à Pôle Emploi soient ramenées à de plus justes proportions.

Elle fait valoir essentiellement que, les faits reprochés au salarié sont établis par le message Facebook du 7 juillet 2017 et les attestations des salariés, qu’il n’a pas agi tardivement, ayant convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire dès le 10 juillet 2017.

Il affirme que ces faits, compte tenu du refus du salarié d’une rétrogradation, justifiaient le licenciement pour cause réelle et sérieuse, compte tenu de leur gravité et du comportement désinvolte du salarié, déjà sanctionné à plusieurs reprises.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 3 octobre 2019, le salarié sollicite la confirmation du jugement sauf à lui allouer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour notification d’une rétrogradation et l’octroi d’une somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Il soutient en substance que les faits, à les supposer constitués, sont prescrits et que les attestations des collègues n’ont pas de valeur probante. Il ajoute que l’employeur souhaitait se séparer de lui parce qu’il avait refusé une modification de ses fonctions consistant à lui ajouter de nouvelles taches.

Il affirme que la notification de la rétrogradation lui a causé un préjudice distinct.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription des faits.

La prescription de deux mois à partir de laquelle l’employeur ne peut plus engager de poursuites court à compter de la date à laquelle ce dernier a eu connaissance des faits.

En l’espèce, l’employeur a été avisé des faits reprochés au salarié par la publication d’une page Facebook le 7 juillet 2017 reprochant à monsieur [U] de s’être endormi sur son lieu de travail et publiant des photographies de ce dernier en train de dormir dans le Pca de sécurité, portes ouvertes, avec un casque audio sur la tête. L’employeur, après avoir diligenté une enquête, a convoqué, le 10 juillet 2017, le salarié à un entretien préalable à une éventuelle rétrogradation.

Il a donc agi avec célérité et le moyen tiré de la prescription des faits doit être rejeté.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rétrogradation

L’employeur, avant de le licencier, avait envisagé de rétrograder le salarié à titre de sanction, ce que ce dernier a refusé. La rétrogradation n’a donc jamais été mise en oeuvre.

Monsieur [U] ne peut en conséquence solliciter des dommages et intérêts au titre d’une mesure qui n’a jamais été ni notifiée ni mise en application.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Selon l’article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

L’article L 1232-1 dudit code subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse.

Pour être réelle, la cause doit présenter trois caractéristiques cumulatives : elle doit être objective, c’est-à-dire qu’elle doit reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables ; elle doit exister, ce qui signifie que les motifs invoqués doivent être établis ; elle doit être exacte en ce sens que les motifs articulés doivent être la véritable raison du licenciement. Lorsque les faits ne constituent qu’un prétexte pour dissimuler une cause inavouable, le licenciement est illégitime.

En l’espèce, il est reproché au salarié, chargé de la sécurité, de s’être endormi, à plusieurs reprises, sur son lieu de travail. Ces faits sont corroborés par une page Facebook (pièce n°6) dans laquelle la cliente relate avoir vu le salarié ‘faire une petite sieste’ sur deux périodes différentes ce qui est corroboré par les photographies jointes où l’on voit monsieur [U] vêtu de deux tenues différentes en train de dormir. Ces faits sont confirmés par les attestations de collègues qui affirment (pièces n°9,10,11) que l’intimé dormait régulièrement sur son lieu de travail. Contrairement à ce qu’affirme monsieur [U], ces attestations ne sont pas sujettes à caution dans la mesure où il est faux de soutenir que monsieur [L] qui atteste aurait repris le poste de l’intimé Celui-ci n’a jamais changé de fonction

La matérialité des faits est donc établie.

Ces endormissements réguliers sont totalement incompatibles avec les fonctions d’agent chargé de la sécurité et, en outre, nuisent gravement à l’image de la société comme en témoignent les commentaires publiés sur le sréseaux sociaux.

Or, le salarié avait déjà été alerté par l’employeur de son comportement inadapté et désinvolte par deux avertissements dont il n’a manifestement pas tenu compte.

En conséquence, le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Perpignan, le 12 juin 2019 en ce qu’il a condamné la Sas Snes à payer à monsieur [C] [U] payer les sommes de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse;

Déboute monsieur [C] [U] de ses demandes;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne monsieur [C] [U] aux dépens de première instance et d’appel

l e greffier Le président


Chat Icon