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Nos Conseils:
– Il est important de respecter les délais de prescription des faits fautifs pour engager des poursuites disciplinaires, qui sont de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf en cas de réitération des faits fautifs. – Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail pour maladie professionnelle, l’employeur ne peut le licencier que s’il justifie d’une faute grave ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. – En cas de nullité du licenciement, le salarié a droit à sa réintégration dans son poste ou un poste équivalent, avec le paiement des salaires perdus pendant la période d’éviction, déduction faite des revenus de remplacement perçus. |
→ Résumé de l’affaireDans cette affaire, la cour a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [I] était fondé en raison de la fraude commise par celui-ci. La cour a également rejeté les demandes de nullité du licenciement et de discrimination formulées par M. [I]. En cas de réintégration, la cour a ordonné à M. [I] de justifier de la rupture de son contrat de travail avec son employeur actuel. Enfin, la cour a condamné M. [I] à verser à la SAS JCDECAUX une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°317
N° RG 20/01898 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QSF2
M. [H] [I]
C/
S.A.S. JCDECAUX FRANCE
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Thibaut DE SAINT SERNIN
-Me [A] [T]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 JUIN 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Avril 2024
En présence de Madame [L] [U], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [H] [I]
né le 02 Mars 1970 à [Localité 10] (92)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
Comparant et représenté par Me Thibaut DE SAINT SERNIN, Avocat au Barreau de PARIS
INTIMÉE et appelante à titre incident :
La S.A.S. JC [R] FRANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Avocat plaidant du Barreau de RENNES et par Me Pascal LAGOUTTE de la SELARL CAPSTAN LMS, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
Monsieur [H] [I] a été engagé par la SAS JCDECAUX dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 18 juillet 2011, en qualité de directeur régional statut cadre, catégorie 3, niveau 3 de la convention collective des entreprises de la publicité et assimilées, avec un horaire hebdomadaire de 35 heures en moyenne sur l’année et une rémunération annuelle de 110 000 €, comprenant une rémunération fixe annuelle de 95 000 € et une rémunération variable annuelle pouvant atteindre 15 000 € en fonction de l’atteinte des objectifs fixés par la hiérarchie.
La société JCDecaux est spécialisée dans le secteur d’activité de la régie publicitaire de médias.
Quatre avenants à ce contrat de travail ont été signés :
– un premier avenant en date du 29 juillet 2011 relatif à la possible attribution de stocks options dont l’attribution relèvera du pouvoir discrétionnaire de l’employeur,
– un second avenant en date du 16 avril 2014 relatif à l’évolution de la rémunération de M. [I] qui passe à 111 500 € annuelle comprenant une rémunération fixe annuelle de 96 500 € et une rémunération variable annuelle, à objectifs atteints, de 15 000 € bruts,
– un troisième avenant en date du 23 juillet 2014 relatif à la définition d’une clause de non concurrence effective à la date d’expiration définitive des relations contractuelles pour une durée de deux ans,
– un quatrième avenant en date du 17 avril 2015 relatif à l’évolution de la rémunération de M. [I] qui passe à 113 000 € annuelle comprenant une rémunération fixe annuelle de 98 000 € et une rémunération variable annuelle, à objectifs atteints, de 15 000 € bruts.
Le 15, puis le 26 février 2018, M. [I] a été convoqué à des entretiens en vue d’une rupture conventionnelle, prévu respectivement le 26 et 27 février suivants.
Le 27 février 2018, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été signée, avec une fin de contrat prévue au 9 avril 2018.
Le 14 mars 2018, M. [I] s’est rétracté.
Le 14 mars 2018, la SAS JCDECAUX a pris acte de la rétractation et a dispensé M. [I] d’activité à compter du 15 mars suivant.
Le 16 mars 2018, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, prévu le 26 mars 2018, auquel il ne s’est pas rendu.
Du 21 mars au 19 avril 2018, puis du 17 avril au 18 mai 2018, M. [I] a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle.
Au mois de mars 2018, M. [I] a formulé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la CPAM de [Localité 5] Atlantique.
M. [I] ne s’est pas présenté à l’entretien préalable du 26 mars 2018.
Le 29 mars 2018, la SAS JCDECAUX a licencié M. [I] pour faute grave.
Le 13 avril 2018, M. [I] a demandé des précisions sur les motifs retenus par son employeur dans la lettre de licenciement.
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Le 3 décembre 2018, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :
‘ Fixer la moyenne des salaires à la somme de 9.777,66 € bruts,
A titre liminaire,
‘ Dire et juger que les demandes additionnelles faites par M [I] sont recevables et bien fondées en ce qu’elles se rattachent par un lien suffisant à ses demandes initiales,
‘ Avant dire droit,
‘ Rejeter la pièce adverse n°23, l’attestation de M. [X] et, dans cette hypothèse, débouter la SAS JCDECAUX de sa demande de rejet des pièces 11-1, 11-4 et 24 de M. [I],
A titre principal,
‘ Dire et juger que la SAS JCDECAUX a licencié M. [I] pour une faute grave infondée, du fait de son placement en arrêt maladie, caractérisant une discrimination en raison de son état de santé,
‘ Prononcer la nullité du licenciement de M. [I],
‘ Ordonner la réintégration de M. [I] dans son poste de Directeur Régional Bretagne – Pays de la [Localité 5], et ce dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à venir, sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard,
‘ Condamner l’employeur à verser à M. [I] la somme de 9.777,66 € par mois, du 29 mars 2018 à la date de sa réintégration effective,
A titre subsidiaire,
‘ Dire et juger que :
– le contrat de travail était suspendu du fait d’un arrêt de travail pour maladie professionnelle au moment du licenciement,
– que la faute grave invoquée par la SAS JCDECAUX est infondée,
– que le licenciement est intervenu en violation des dispositions protectrices relatives à la maladie professionnelle,
‘ Prononcer la nullité du licenciement,
‘ Ordonner la réintégration de M. [I] dans son poste de directeur régional Bretagne – Pays de [Localité 5], et ce dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser à M. [I] la somme de 9.777,66 € par mois, du 29 mars 2018 à la date de sa réintégration effective,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à restituer à M. [I] ses stocks options et, le cas échéant, à lui en allouer à hauteur de ceux attribués aux autres directeurs régionaux de la société au moment de sa réintégration ;
A titre infiniment subsidiaire,
‘ Dire et juger que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser :
– 21.510,86 € d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 29.332,98 € d’indemnité de préavis (3 mois),
– 2.933,29 € de congés payés afférents,
– 117.331,92 €, à titre principal, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en écartant le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 du code du travail en raison de sa non conformité au droit de l’Union Européenne
– 78.221,28 €, à titre subsidiaire, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 mois de salaire),
En tout état de cause,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser :
– 15.000 € au titre du bonus 2017,
– 29.332,98 € de dommages-intérêts pour discrimination en raison de son état de santé,
– 3.000 € au de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Intérêts au taux légal avec capitalisation,
‘ Exécution provisoire du jugement à intervenir pour les demandes ne bénéficiant pas de l’exécution provisoire de droit.
La cour est saisie de l’appel interjeté par M. [I] le 18 mars 2020 contre le jugement du 20 février 2020, par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ Déclaré irrecevables les nouvelles demandes formées par M. [I] dans ses conclusions régularisées le 24 octobre 2019, à savoir :
– dans le cas où la nullité du licenciement ne serait pas retenue par le conseil de prud’hommes :
– dire et juger que le licenciement prononcé par la SAS JCDECAUX est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– indemnité conventionnelle de licenciement, de préavis et de congés payés afférents,
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– restitution à M. [I] de ses stocks options et, le cas échéant, les lui allouer à hauteur de ceux attribués aux autres Directeurs Régionaux de la société au moment de sa réintégration,
– 15.000 € au titre de son bonus 2017,
– 29.332,98 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de son état de santé,
‘ Dit que le licenciement de M. [I] pour faute grave était infondé,
‘ Condamné la SAS JCDECAUX à. payer à M. [I] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
‘ Condamné la SAS JCDECAUX aux entiers dépens.
Le 30 juillet 2020, M. [I] a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes concernant une partie des demandes dont il avait été débouté motif pris de leur caractère nouveau. Le Conseil de prud’hommes de Nantes a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Céans.
Le 18 septembre 2023, le conseiller de la mise en état, a, par ordonnance, débouté M. [I] de sa demande de communication de plaintes déontologiques.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, suivant lesquelles M. [I] demande à la cour de :
‘ Déclarer recevable et bien fondé l`appel interjeté par M. [I] à l’encontre du jugement rendu parle Conseil de prud’hommes de Nantes le 20 février 2020,
‘ Infirmer le jugement entrepris, en ses dispositions faisant grief à M. [I] et notamment en ce qu’il a :
– déclaré irrecevables les demandes formées par M. [I] dans ses conclusions du 24 octobre 2019 présentées devant le Conseil de prud’hommes de Nantes au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de ses stocks option en cas de réintégration, de son bonus 2017 et de dommages et intérêts en raison de la discrimination en raison de son état de santé,
– débouté M. [I] de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement et à la condamnation de la SAS JCDECAUX à :
– le réintégrer dans son poste de directeur régional Bretagne – Pays de la [Localité 5] ou dans un poste équivalent au sein de la SAS JCDECAUX, et ce dans un délai de 3 mois à compter de la décision à intervenir, sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard,
– lui verser la somme de 9.777,66 € par mois du 29 mars 2018 jusqu’à la date de sa réintégration effective,
Et statuant à nouveau,
‘ Fixer la moyenne de salaire de M. [I] a la somme de 9.777,66 € bruts ;
A titre liminaire,
‘ Déclarer recevables les demandes additionnelles faites par M. [I] en ce qu’elles se rattachent par un lien suffisant à ses demandes initiales, au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, de ses stocks option en cas de réintégration, de son bonus 2017 et de dommages et intérêts en raison de la discrimination en raison de son état de santé,
‘ Rejeter avant dire droit, la pièce adverse n°23, l’attestation de M. [X] ; et, dans cette hypothèse :
‘ Débouter la SAS JCDECAUX de sa demande de rejet des pièces 11-1 a 11-4 et 21 à 24 de M. [I] ;
‘ Prononcer la nullité du licenciement de M. [I] notifié par la SAS JCDECAUX pour une faute grave infondée :
– à titre principal, du fait de son placement en arrêt maladie, caractérisant une discrimination en raison de son état de santé,
– à titre subsidiaire, en ce qu’il est intervenu pendant la suspension de son contrat de travail par un arrêt maladie d’origine professionnelle, en violation des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail,
En conséquence,
‘ Ordonner la réintégration de M. [I] dans son poste de directeur régional
Bretagne – Pays de la [Localité 5] ou dans un poste équivalent au sein de la SAS JCDECAUX, et ce dans un délai de 3 mois à compter de la décision a venir, sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser à M. [I] une somme correspondant à 9.777,66 € par mois, du 29 mars 2018 à la date de sa réintégration effective, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 et à l’échéance de chaque mois ; à titre très subsidiaire, en limitant la somme aux salaires dont il a été privé ; en tout état de cause, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 et à l’échéance de chaque mois,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à restituer à M. [I] ses stocks options et, le cas échéant, à lui en allouer à hauteur de ceux attribués aux autres directeurs régionaux de la société depuis la sortie des effectifs du salarié et jusqu’a sa réintégration, afin de le replacer dans la même situation qu’eux,
‘ Débouter la SAS JCDECAUX de sa demande :
– tendant à ce que la faute grave soit jugée fondée,
– au titre d’une prétendue fraude de M. [I],
– tendant à écarter le bénéfice des protections liées aux nullités du licenciement soulevées par M. [I],
– tendant, en cas de réintégration, à limiter le montant des rappels de salaires au regard des sommes perçues par M. [I] depuis sa sortie des effectifs,
A titre très subsidiaire,
‘ Juger que le licenciement prononcé par la SAS JCDECAUX est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser les sommes suivantes à M. [I] :
– 21.510,86 € a titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 29.332,98 € bruts à titre d’indemnité de préavis (3 mois),
– 2.933,29 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 117.331,92 €, à titre principal, équivalant à 12 mois de salaires, a titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 68.443,62 € à titre subsidiaire, équivalant à 7 mois de salaires, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser à M. [I] la somme de :
– 15.000 € bruts au titre de son bonus 2017,
– 29.332,98 € au titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son état de santé,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS JCDECAUX au titre de l’article 700 du code de procédure civile, mais infirmer le quantum,
‘ Condamner la SAS JCDECAUX à verser à M. [I] 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Débouter la SAS JCDECAUX de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 15.000 €,
‘ Débouter la SAS JCDECAUX de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
‘ Assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 20 mars 2024, suivant lesquelles la SAS JCDECAUX demande à la cour de :
‘ Déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé par la SAS JCDECAUX,
‘ Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [I] ne reposait pas sur une faute grave et en ce qu’il lui a octroyé une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Et statuant à nouveau sur le seul chef critiqué,
A titre liminaire,
‘ Confirmer l’irrecevabilité des demandes nouvelles formulées par M. [I] dans ses conclusions notifiées le 26 septembre 2019,
‘ Rejeter, en cas de rejet de la pièce 23 de la SAS JCDECAUX, les pièces de M. [I] numérotées n°11-1 à 11-4 et 21 à 24,
‘ Rejeter, en tout état de cause, les pièces communiquées le 14 mars 2024 par M. [I], à deux semaines de la clôture, en violation de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 septembre 2023,
‘ Juger que :
– le licenciement pour faute grave de M. [I] est fondé,
– la fraude de M. [I] corrompt tout,
‘ Ecarter le bénéfice des protections liées aux nullités soulevées par M. [I],
En conséquence :
‘ Débouter M. [I] de sa demande :
– de nullité du licenciement ainsi que l’ensemble des demandes afférentes en confirmant le jugement déféré,
– au titre d’une prétendue discrimination en confirmant le jugement déféré,
A titre subsidiaire, en cas de prononcé de la réintégration,
‘ Ordonner à M. [I] de justifier de la rupture de son contrat de travail auprès de son employeur actuel en versant au débat son courrier de rupture (démission, licenciement ou autre’) ainsi que les documents de fin de contrat et la justification du paiement de son solde de tout compte,
‘ A défaut, en justifier dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt, autoriser la SAS JCDECAUX à prendre toutes les mesures auprès de l’employeur de M. [I] pour s’assurer de la rupture effective du contrat de travail,
‘ Limiter le montant des rappels de salaires au regard des sommes perçues par M. [I] depuis sa sortie des effectifs,
‘ Débouter M. [I] du surplus de ses demandes, fins et conclusions en confirmant le jugement entrepris,
– Les ramener subsidiairement à de plus justes proportions sur la base d’un salaire de référence de 8.527,61 € bruts,
En tout état de cause :
‘ Condamner M. [I] à verser à la SAS JCDECAUX la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions sus-visées.
Sur la recevabilité des demandes additionnelles de M. [I]
Le Conseil des prud’hommes a déclaré irrecevables les nouvelles demandes formées par M. [I] dans ses conclusions régularisées le 24 octobre 2019, à savoir :
‘- dans le cas où la nullité du licenciement ne serait pas retenue par le conseil de prud’hommes :
– dire et juger que le licenciement prononcé par la SAS JCDECAUX est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– indemnité conventionnelle de licenciement, de préavis et de congés payés afférents,
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– restitution à M. [I] de ses stocks options et, le cas échéant, les lui allouer à hauteur de ceux attribués aux autres Directeurs Régionaux de la société au moment de sa réintégration,
– 15.000 € au titre de son bonus 2017,
– 29.332,98 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de son état de santé,’.
Pour infirmation, le salarié estime que ses demandes se rattachent au litige par un lien suffisant au visa de l’article 70 code de procédure civile.
Pour confirmation, l’employeur soulève l’irrecevabilité de ces demandes au visa des articles R.1452-2 du code du travail et 122 du code de procédure civile, motif pris de la disparition du principe d’unicité de l’instance. Selon l’employeur, en procédant ainsi, le salarié entend contourner et violer le principe d’ordre public de tentative de conciliation préalable.
La cour rappelle que le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 a supprimé la règle de l’unicité de l’instance applicable en matière prud’homale et son principe corollaire de la recevabilité des demandes nouvelles même en cause d’appel en abrogeant les articles R. 1452-6 et R.1452-7 du code du travail.
Il en résulte que ne peuvent être ajoutées aux demandes initiales des demandes nouvelles concernant le contrat de travail lesquelles doivent faire l’objet d’une nouvelle instance.
L’oralité de la procédure prud’homale en première instance et les dispositions de l’article R.1453-5 du code du travail instaurant une règle de structuration et de consolidation des écritures lorsque toutes les parties formulent leurs prétentions par écrit et qu’elles sont assistées ou représentées par un avocat ne font pas échec à ce principe.
Toutefois en application de l’article 70 du code de procédure civile, il est possible de présenter en cours d’instance des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, l’appréciation du lien suffisant relevant de l’appréciation souveraine du juge du fond.
Ainsi, si l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par la requête et par les conclusions originaires, il peut être modifié par des demandes incidentes (additionnelles ou reconventionnelles) lorsqu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ainsi que par des moyens de droit supplémentaires.
En l’espèce, la demande subsidiaire de M. [I] sur le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement et les conséquences indemnitaires afférentes, tendent à la même fin que la demande initiale de l’appelant, présente dans sa requête introductive d’instance, à savoir la réparation du préjudice né de la rupture injustifiée de son contrat de travail.
En effet, les demandes formées par le salarié, au titre du licenciement nul, puis d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse tendent toutes à la réparation, par la reprise du lien contractuel dans un cas, par l’indemnisation dans l’autre cas, en sorte que ces demandes tendent aux mêmes fins et que la demande subsidiaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse et ses conséquences pécuniaires sont recevables.
Au surplus, la Cour constate que M. [I] sollicitait, dès sa saisine des premiers juges de ‘dire et juger que la faute grave reprochée aux termes du licenciement n’est pas caractérisée’. Les demandes additionnelles consistent donc à fixer les conséquences indemnitaires de la demande présente dans la requête introductive d’instance de M. [I] au titre du caractère infondé de la faute grave.
Dès lors, les demandes additionnelles relatives à la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières sont déclarées recevables.
La demande de M. [I] relative à la réattribution de ses stocks options en cas de réintégration est l’accessoire de sa demande initiale de nullité du licenciement, consistant à replacer le salarié dans une situation antérieure de sorte qu’il ne soit pas privé des droits auxquels il aurait pu prétendre en l’absence de rupture du contrat de travail.
La demande de M. [I] relative à son bonus 2017 est liée à l’exécution de son contrat de travail, objet de sa saisine prud’homale, mais ne présente pas un lien suffisant avec sa contestation initiale des griefs de son licenciement pour faute grave.
S’agissant de la demande subsidiaire de dommages et intérêts au titre de la discrimination, celle-ci se rattache à la demande au titre de la nullité de son licenciement en raison de son caractère discriminatoire. Elle tend aux mêmes fins que la demande initiale de nullité du licenciement et dès lors, se rattache à cette demande initiale par un lien suffisant.
Les demandes additionnelles du salarié se rattachent suffisamment à ses demandes initiales en ce qu’elles constituent le complément ou le prolongement des prétentions originaires et tendent aux mêmes fins.
Il est par ailleurs inopérant pour l’employeur de soutenir que devraient être rejetées de telles demandes au nom du ‘principe d’ordre public de conciliation’ en ce que la recevabilité des demandes additionnelles telles que prévues à l’article 70 du code de procédure civile est, en elle-même, un tempérament encadré au principe du préalable de conciliation.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef et les demandes additionnelles de M. [I] sont déclarées recevables, à l’exception de la demande au titre du bonus 2017, déclarée irrecevable, en confirmation du jugement entrepris.
===
Sur le rejet de pièces
Le salarié demande le rejet de l’attestation de M. [X] produite par l’employeur. Il expose qu’il s’agit de la réponse que l’employeur aurait dû lui communiquer lorsqu’il l’a sollicité en vue d’obtenir des précisions quant aux motifs du licenciement pour faute grave. Il soutient également que cette pièce aurait dû être communiquée dans le cadre du bureau de conciliation et d’orientation et qu’elle est également irrecevable en ce qu’elle est rédigée par un salarié de l’entreprise ayant un lien de subordination avec l’employeur, uniquement pour les besoins de la cause.
En réplique, et en cas de rejet de sa pièce n°23, l’employeur demande le rejet des pièces n°11-1 à 11-4 et 21 à 24 du salarié, consistant notamment en plusieurs courriers, bulletins de salaire et e-mails, comme étant antérieures à la saisine du conseil de prud’hommes. Il ajoute que la demande de rejet de la pièce employeur n°23 ne pouvait se faire que devant le conseiller de la mise en état.
En ce qu’il appartient à la Cour d’apprécier la valeur probante et la portée des attestations produites, la Cour rappelle qu’en matière prud’homale la preuve est libre et qu’aucune disposition ne prive l’employeur de la possibilité de produire des attestations de ses propres salariés.
En l’espèce, la SAS JC [R] n’avait aucune obligation de produire cette attestation lors de sa réponse du 26 avril 2018 à la suite de la sollicitation du salarié pour connaître les précisions de son motif de licenciement. En conséquence, c’est à bon droit que le Conseil de Prud’hommes a débouté M. [I] de sa demande de rejet de la pièce n°23.
Par ailleurs, le fait que l’attestation soit rédigée pour les besoins de la cause, soit pour l’exercice des droits de la défense, ne constitue pas une cause d’irrecevabilité ni un motif pour écarter une pièce.
Enfin, aucune disposition n’exige du défendeur qu’il communique de manière exhaustive l’intégralité de ses pièces avant un bureau de conciliation et d’orientation à la différence de ce que prévoit l’article R. 1452-2 du code du travail pour le demandeur.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de rejet de la pièce n°23 de l’employeur.
Il ne sera pas statué sur la demande de rejet des pièces salarié n°11-1 à 11-4 et 21 à 24 dont l’examen par la Cour était conditionné à l’infirmation du jugement entrepris et l’hypothèse d’un rejet de la pièce n°23 employeur.
Sur la nullité de la rupture du contrat de travail au titre de la discrimination relative à l’état de santé du salarié
M. [I] sollicite, à titre principal, que son licenciement soit déclaré nul du fait de son placement en arrêt de travail pour maladie, caractérisant une discrimination en raison de son état de santé.
Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment [‘] en raison de son état de santé ou de son handicap.’
En vertu de l’article L.1132-4 du code du travail, ‘Toute disposition ou tout acte pris à l’égard du salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul’.
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit que, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [I] expose le faisceau d’indices suivant faisant présumer selon lui une telle discrimination :
– le recours par la société à une rupture conventionnelle, preuve de l’absence de reproches réels à son encontre ;
– une absence de procédure disciplinaire antérieure, tout au long des sept ans qu’a duré la relation contractuelle ;
– le fait que le salarié était sensé rester encore un mois après la signature de la rupture conventionnelle, rendant incompatible l’existence d’une faute grave.
– le choix d’un licenciement pour faute grave à la suite de la réception de l’arrêt pour maladie professionnelle alors que la convocation ne mentionnait pas de motif disciplinaire ni de mise à pied conservatoire laissant envisager un licenciement pour insuffisance professionnelle.
L’existence d’une procédure de rupture conventionnelle est établie.
La convention de rupture conventionnelle prévoyait la réalisation par M. [I] de sa prestation de travail pendant un mois à compter de la signature de la convention.
L’absence de procédure disciplinaire antérieure est constante.
La procédure de licenciement a été engagée deux jours après la rétractation de M. [I] de son acceptation d’une rupture conventionnelle.
A la date du licenciement, l’employeur avait connaissance de l’arrêt de travail de M. [I] pour maladie professionnelle.
En l’espèce, le salarié présente des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte en raison de son état de santé.
Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Pour la société, l’antériorité de la rupture conventionnelle à l’état de santé du salarié, prouve que la rupture n’est pas liée à la santé. Elle invoque également la fraude de M. [I], expliquant que le médecin ayant examiné le salarié a été renvoyé par l’Ordre des médecins de [Localité 7] devant la Chambre disciplinaire de première instance de la région Ile-de-France, et qu’il a établi des certificats médicaux de complaisance. JC [R] soutient que le médecin de M. [I] aurait prescrit des arrêts maladie d’origine professionnelle à d’autres patients, salariés d’autres sociétés, qui présenteraient des similitudes avec le cas de M. [I], à savoir, des salariés manifestement en difficultés dont les employeurs entendaient se séparer.
Sur la fraude
Il ressort de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique que la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite.
En vertu des articles R. 4127-50 et R. 4127-76 du code de la santé publique, ‘le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit’ et ‘l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires’.
En l’espèce, si l’Ordre des médecins de [Localité 7], à la suite de la plainte de la société contre le docteur [Y], l’a renvoyé devant la Chambre disciplinaire de Première instance de la région Ile-de-France en s’associant à la plainte de la société JCDECAUX, il ressort des pièces de la procédure que l’affaire est toujours pendante devant la chambre disciplinaire, le dossier n’étant pas encore audiencé.
Il ressort des dix neuf attestations produites par l’employeur que l’ensemble des témoignages produits par la société JCDECAUX relèvent d’employeurs déclarant avoir été en conflit avec leurs salariés, et avoir été confrontés à des difficultés pour licencier ces derniers en raison selon eux de prescriptions, par ledit médecin psychiatre, d’arrêts faisant état de maladie professionnelle.
Les attestations de ces 19 employeurs concernant 23 salariés, sur une période de trois années, ne décrivent pas un modus operandi révélateur d’une fraude.
La Cour relève que la société JCDECAUX fait état de situations de salariés d’autres sociétés, dont elle ne connaît ni le dossier professionnel ni le dossier médical et pour lesquels elle ne précise pas plus si la décision de reconnaissance de caractère professionnel de leur maladie, qui ne relève pas du médecin prescripteur de l’arrêt maladie d’origine professionnel initial, a été reconnue par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie.
De même, la distance entre le domicile des salariés et le cabinet du médecin, que la Cour constate dans cinq cas, ne permet pas plus d’en déduire que les certificats ont été établis en fraude. La Cour relève notamment qu’un salarié domicilié à plusieurs milliers de kilomètres était en poste, pour une entreprise française, à l’étranger (Cameroun, Afrique), en qualité d’expatrié et que son employeur expose que c’est dans le cadre de son retour en France qu’il a consulté ledit médecin-psychiatre.
Enfin les délais relevés, allant de trois jours à moins d’un mois, entre la convocation de chacun des vingt-trois salariés à l’entretien préalable ou leur requête pour réintégration et la prescription des arrêts pour maladie professionnelle ne permettent pas plus d’accréditer l’argument de l’employeur selon lequel la fraude serait constituée à grande échelle.
La preuve d’une manoeuvre frauduleuse n’est pas caractérisée en l’espèce en l’état des pièces versées en procédure devant la juridiction de Céans et la SAS JC [R] sera déboutée de ses demandes tendant à voir rejeter les pièces communiquées le 14 mars 2024 par Monsieur [I] et à juger que la fraude de M. [I] corrompt tout.
Sur l’antériorité de la volonté de l’employeur de se séparer du salarié
Il ressort des pièces du dossier que l’initiative de la rupture est antérieure d’un mois à l’arrêt de travail pour maladie de M. [I]. Par ailleurs, ce n’est que parce que M. [I] s’est retracté à la suite de la signature de la rupture conventionnelle que l’employeur a convoqué son salarié à un entretien préalable à un licenciement, confirmant sa volonté antérieure de se séparer de M. [I].
Le fait pour l’employeur de proposer une rupture conventionnelle ne le prive pas, en cas d’échec de celle-ci, de son pouvoir de licencier.
Par ailleurs, l’absence de mise à pied conservatoire n’empêche pas l’employeur de licencier son salarié pour faute grave, d’autant que M. [I] était en l’espèce dispensé d’activité à compter de la réception par l’employeur de son droit à rétractation.
En ce que la volonté de l’employeur d’acter la rupture est antérieure à l’arrêt de travail pour maladie professionnelle, la discrimination en raison de l’état de santé n’est pas établie, d’autant que l’employeur n’a pas obligation de mentionner dans la convocation à un entretien préalable la nature du licenciement envisagé. Seul doit être précisé l’objet de la convocation.
Aussi l’employeur apporte-t-il des éléments objectifs permettant de justifier les faits matériels établis par M. [I] et prouve ainsi qu’il n’existe aucun lien entre l’état de santé de M. [I] et la volonté de rompre le contrat de travail.
M. [I] sera débouté de sa demande de nullité au titre de la discrimination et il sera ajouté au jugement entrepris de ce chef.
Sur la nullité de la rupture du contrat de travail au titre de la violation de l’article L. 1226-9 du code du travail
M. [I] sollicite, à titre subsidiaire, que son licenciement soit déclaré nul en raison de la suspension de son contrat de travail par un arrêt maladie d’origine professionnelle, en violation des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail.
L’employeur expose que l’arrêt médical de maladie professionnelle est un arrêt de complaisance et que la CPAM n’a pas reconnu le caractère professionnel de la maladie.
Sur l’existence d’un arrêt pour maladie professionnelle antérieur au licenciement
En application de l’article L.1226-7 du code du travail, ‘Le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie.’
L’article L.1226-9 du Code du travail dispose quant à lui que ‘Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie :
– soit d’une faute grave de l’intéressé,
– soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie’.
En vertu de l’article L. 1226-13 du code du travail, à défaut de faute grave, le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié en arrêt maladie pour cause professionnelle est nul.
Il résulte de ces dispositions qu’une période de protection est instaurée par les articles L.1226-7 et L.1226-9 du code du travail, qui prohibent tout licenciement pendant les périodes de suspension du contrat de travail résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Cependant, il doit être rappelé que la protection instaurée par l’article L.1226-9 du code du travail en cas d’arrêt de travail d’origine professionnelle n’autorise l’employeur qu’à’rompre le contrat s’il justifie soit d’une faute grave, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou la maladie.
En l’espèce, M. [I] se voit prescrire un arrêt maladie initial portant la mention ‘maladie professionnelle’ le 21 mars 2018.
Le 23 mars 2018, son employeur réceptionne ledit arrêt maladie par lettre recommandée avec avis de réception et par courriel.
Il est ainsi établi par les pièces du dossier que l’employeur a bien été informé du caractère professionnel de l’arrêt de travail de M. [I] dès le 23 mars 2018.
Le 16 juillet 2018, près de 4 mois après le licenciement notifié le 29 mars 2018, l’employeur a été informé du refus de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [I] au titre des affections professionnelles.
C’est toutefois à tort que les premiers juges tirent de cette absence de reconnaissance de maladie professionnelle par la CPAM une absence de violation des règles protectrices relatives à la maladie professionnelle.
En effet, les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’employeur a connaissance de l’origine professionnelle de la maladie ou de l’accident au jour du licenciement, et ce peu important la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ultérieurement par la CPAM.
Par ailleurs, l’application de l’article L. 1226-9 du code du travail n’est pas subordonnée à l’accomplissement des formalités de déclaration par l’employeur ou le salarié de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle à la caisse primaire d’assurance maladie.
C’est ainsi en vain que la Société fait valoir n’avoir été informée de la demande de reconnaissance du caractère professionnel que postérieurement au licenciement par un courrier de la CPAM du 9 avril 2018, reçu le 13 avril 2018, soit plus de 15 jours après la notification du licenciement.
La connaissance du caractère professionnel de la maladie par l’employeur est établie dès que le salarié a envoyé un certificat médical portant la mention ‘maladie professionnelle’, soit le 23 mars 2018.
Par ailleurs, pour refuser le bénéfice des dispositions protectrices liées à la suspension du contrat de travail au titre d’un arrêt maladie prescrit sur un certificat ‘accident du travail/ maladie professionnelle’, dont a été dûment informé l’employeur avant la notification du licenciement, les juges doivent écarter tout lien, même partiel, entre la dégradation des conditions de travail du salarié et son arrêt de travail.
Or, il ressort des pièces médicales versées en procédure, également constaté dans le jugement non définitif du tribunal judiciaire de Nantes en date du 17 décembre 2021, que M. [I] produit un certificat médical initial et deux certificats de prolongation d’arrêt de travail du 21 mars 2018 au 20 septembre 2018 qui ont été établis par un psychiatre, et les prescriptions médicales de traitement antidépresseur et anxiolytique pour la même période.
Est également versé au débat un compte rendu détaillé d’examen psychologique et cognitif établi par Madame [N], psychologue et neuropsychologue le 4 octobre 2020 qui conclut à des ‘séquelles d’un état de stress post-traumatique important entraînant un préjudice psychologique majeur.’
Il produit par ailleurs également un mémoire établi par le Dr [P] le 26 octobre 2021 qui conclut à ‘une atteinte psychiatrique et psychologique majeure avec une déstabilisation profonde et durable’.
Il ressort par ailleurs du jugement du tribunal judiciaire de Nantes précité que les juges du pôle social ont infirmé la décision de la CPAM de ne pas reconnaître la maladie professionnelle en ce que les pièces médicales justifient ‘une incapacité permanente partielle de 25 % après avoir relevé des symptômes psycho-traumatiques spécifiques tel que cauchemars avec troubles du sommeil et réveils matinaux angoissés manifestations neuro-végétatives, échelle de l’état de stress post-traumatique élevé, syndrome psycho-traumatique de modéré à fort, symptômes psychiatriques, troubles thymiques, anxieux, conduites addictives, potentiel suicidaire associé et un retentissement cognitif, social, personnel et professionnel’. Le tribunal judicaire de Nantes expose que ‘ces éléments concordent sur l’importance du syndrome anxieux dépressif réactionnel de M. [I] consécutif à son licenciement et contredisent les conclusions du médecin conseil quant au retentissement de cet événement professionnel sur son état de santé et l’intensité de son état dépressif’.
La Cour, qui n’est pas liée par les décisions de la CPAM et du tribunal judiciaire, constate au vu des pièces médicales versées en procédure, que tout lien, même partiel, entre la dégradation des conditions de travail du salarié et son arrêt de travail, ne peut être écarté, et que ce n’est que par voie d’affirmation que l’employeur expose que le certificat médical initial de maladie professionnelle constitue un certificat de complaisance.
C’est ainsi en vain que l’employeur demande à la Cour d’écarter le bénéfice de la protection.
La Cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le contrat de travail de M. [I] n’était pas suspendu du fait d’un arrêt de travail pour maladie professionnelle au moment du licenciement.
En l’espèce, compte tenu de ce que M. [I] était bien en arrêt de travail d’origine professionnelle, son employeur ne pouvait le licencier que pour une faute grave.
Sur la faute grave
Le 29 mars 2019, M. [I] se voyait notifier son licenciement pour faute grave.
En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’appelant dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.
L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.
Pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté.
La lettre de licenciement du 29 mars 2018, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes :
‘[…]
Vous avez été engagé par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 juillet 2011. Vous occupez la fonction de directeur régional.
Dans ce cadre, vous avez notamment les responsabilités suivantes :
– être le représentant de JC [R] dans votre région d’affectation. La Bretagne Pays de la [Localité 5] ;
– être actif auprès des élus et des fonctionnaires locaux afin de développer l’encrage local de JC [R] dans la perspective de gagner de nouveaux marchés ;
– développer le courant d’affaires existant et prospecter les collectivités d’intérêt.
Nos exigences à votre égard étaient proportionnelles à votre niveau de responsabilité et à votre parcours professionnel. Nous attendions de vous que les sujets relevant de votre domaine de responsabilité soient gérés de manière efficace et engagée afin que l’implantation de JC [R] dans votre région Bretagne Pays de la [Localité 5] soit significativement améliorée et permette une stratégie de “conquête” .
Pourtant, nous sommes contraints de constater un certain nombre d’insuffisance qui illustrent les graves manquements que vous avez commis dans l’exécution de votre contrat de travail.
Lors de l’entretien annuel de l’année 2016, nous vous avions déjà fait part des graves insuffisances que nous avions constaté dans votre gestion de la région
.
Votre responsabilité première en tant que directeur régional et de vous assurer que la position de JC [R] n’est pas contestée localement dans toutes les villes au sein desquelles nous sommes implantés. Cette responsabilité doit se traduire par un engagement quotidien de votre part pour entretenir les liens tissés avec les représentants locaux et anticiper au mieux les attentes.
Pourtant les marchés de mobilier urbain des villes de [Localité 11] puis [Localité 13] ont été successivement perdu en 2015 et 2016 alors que nous étions solidement implantés sur ces territoires depuis plusieurs années.
Ces pertes de marché ont eu des conséquences importantes pour l’entreprise, d’autant plus qu’elles ont eu pour effet de renforcer des concurrents directs de JC [R].
Vous n’aviez à aucun moment alerté votre direction sur les difficultés rencontrées. Bien au contraire, aux interpellations de votre directeur général, vous répondiez de manière très assurée quant à une issue favorable attendue. Ceci n’a pas permis d’intervention de la direction générale ni une adaptation de l’offre et du positionnement de JC [R] sur ces deux appels d’offres.
Lors de l’entretien annuel 2016, il vous a été indiqué que de telles pertes n’étaient que la conséquence de votre manque d’implication et d’engagement au quotidien. Il vous a clairement été demandé de modifier votre attitude et de vous impliquer davantage au sein de toutes les villes cibles de votre région afin d’être davantage visible aux yeux des différentes collectivités. Cette implication devait notamment ce matérialiser par des déplacements accrus hors de [Localité 6] !
Pourtant au cours de l’année 2017, ainsi que pendant les premiers mois de l’année 2018, force est de constater que vous n’avez pas tenu compte de nos demandes.
Votre comportement c’est même aggravé, confinant à une forme de désinvolture absolument inacceptable pour un cadre de votre niveau.
La perte de marché telle que Le [E] et [Localité 8] ont confirmé le caractère nettement insuffisant du travail fait auprès de ces deux municipalités. Vous vous êtes totalement désintéressé de la gestion de ces deux dossiers et n’avait rien mis en ‘uvre pour convaincre les décideurs.
De manière plus générale, nous constatons une totale démobilisation de votre part alors que nous attendions au contraire de vous que vous redoubliez des forces suite à la perte de ces différents marchés.
Des villes cibles comme [Localité 12], [Localité 9] et [Localité 4], dont les marchés de mobilier urbain arrivent bientôt à expiration et dans lesquelles JC [R] est jusqu’à présent insuffisamment implanté, auraient dû constituer vos priorités absolues au cours des derniers mois.
Nous constatons au contraire qu’aucun effort particulier n’a encore été réalisé sur ces villes, alors que le développement de relation publique est un processus lent qui doit être anticipé.
Vous n’avez effectué que trop peu de déplacements au cours des deux derniers mois.
Votre comportement est d’autant plus grave que vous êtes un expert des marchés publics et que vous savez pertinemment qu’un appel d’offre ne peut être remporté sans une forte anticipation et une implication sans faille pour activer vos réseaux locaux.
Ces faits et manquements auraient néanmoins pu expliquer par une présence accrue sur les marchés en cours de mise en place. Pourtant, des remontées négatives récentes de [Localité 6] Métropole ont démontré que votre manque d’implication c’est également révélée dans le cadre de ce marché. Le déploiement du marché a en effet été particulièrement poussif, ce qui a placé JC [R] en position de forte fragilité.
Il est évident que vous n’avez pas joué le rôle d’impulsion qui revient normalement à un directeur régional dans ces circonstances.
Aujourd’hui, vos manquements et vos négligences ont pris une telle ampleur qu’ils sont constitutifs d’une faute contractuelle d’une particulière gravité.
Nous ne pouvons pas accepter qu’un cadre ayant un niveau de responsabilité telle que le vôtre ne s’implique pas davantage dans son rôle et soit totalement défaillant dans l’exécution de sa mission première qui est de développer l’implantation locale de JC [R]. Cela est d’autant moins acceptable dans le contexte de concurrence extrêmement forte que traverse JC [R], qui nécessite au contraire une mobilisation de tous les instants de ces équipes dirigeantes.
Nous avons déjà évoqué ces sujets avec vous.
Alors que nous pensions que vous alliez prendre en compte nos remarques et vous ressaisir, votre comportement n’a en réalité fait qu’empirer au point qu’aujourd’hui vous exécutez vos missions avec un manque d’engagement qui n’est plus tolérable.
En négligeant ostensiblement nos recommandations, en faisant de la passivité une ligne de conduite, vous avez mis en danger l’activité de l’entreprise dans la région dont vous aviez la responsabilité.
Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Il prend effet immédiatement et vous n’effectuerez ni préavis, ni percevrez d’indemnité.
[…]’
Les griefs invoqués par l’employeur au soutien de la faute grave sont ainsi :
– une perte de marchés
– des marchés arrivant à expiration
– des remontées négatives
– une désinvolture, un manque d’implication.
Sur le grief tiré de la perte de marchés
Le salarié invoque la prescription des faits.
L’article L.1332-4 du code du travail dispose que ‘Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales’.
A l’instar des premiers juges, la Cour relève que M. [I] a été licencié par courrier en date du 29 mars 2018, soit plus de deux ans après la perte du marché de [Localité 11] (2015) et plus d’un an après la perte du marché de [Localité 13] (2016).
Toutefois, l’employeur peut, en cas de réitération des faits fautifs, invoquer au soutien du licenciement des faits antérieurs similaires à ceux compris dans le délai de 2 mois de la prescription.
En l’espèce, les derniers manquements reprochés à M. [I] ont été portés à la connaissance de la société courant février 2018 s’agissant de sa gestion du marché [Localité 6] Métropole.
Les faits ne sont ainsi pas prescrits.
Par courrier en date du 15 février 2016, la SAS JC [R] informait M. [I] de l’octroi de sa prime contractuelle de 10 000 € en ces termes : ‘Nous avons le plaisir de vous informer que votre prime contractuelle d ‘un montant de 10 000 € bruts vous sera versée sur votre salaire du mois de février 2016. Cette prime vous est attribuée au titre de vos performances et de vos résultats de l’année 2015. ‘
Par courrier en date du 15 février 2017, la SAS JCDECAUX informait M. [I] de l’octroi d’une prime de 25 000 € en ces termes : ‘Nous avons le plaisir de vous informer qu’une prime exceptionnelle de 25 000 € brut vous est attribuée au titre de votre mobilisation et de votre implication dans vos missions au cours de l’année 2016.’
Enfin, l’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave, après avoir attribué à M. [I] une prime de 10 000 € au titre des performances et des résultats de l’année 2015, ainsi qu’une prime de 25 000 € au titre de sa mobilisation et de son implication dans ses missions au cours de l’année 2016, se contente d’affirmer que M. [I] est responsable de la perte de ces marchés sans jamais produire de pièce en ce sens.
Dès lors, la responsabilité de M. [I] dans la perte des marchés de mobilier urbain des villes de [Localité 11] et [Localité 13] n’est pas démontrée.
Le grief n’est pas caractérisé.
Sur le grief tiré de l’expiration des marchés
L’employeur reproche à M. [I] d’avoir fait montre de désinvolture dans la gestion des marchés de Le [E] et [Localité 8].
L’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave, ne produit aucune pièce permettant de relever que le travail effectué auprès des municipalités pré-citées était insuffisant.
En conséquence, la responsabilité de M. [I] n’est pas plus démontrée.
Ce grief ne peut dès lors prospérer.
Sur le grief tiré de la désinvolture et du manque d’implication
L’employeur se contente d’affirmer avoir constaté une totale démobilisation de la part de M. [I], sans produire à l’appui de cette allégation la moindre pièce de nature à accréditer cette totale démobilisation.
Concernant les ‘efforts particuliers’ que M. [I] n’aurait pas réalisé pour le développement de relations publiques avec les villes de St Nazaire, [Localité 9] et [Localité 4] dans l’objectif du renouvellement prochain des marchés de mobilier urbain, là aussi, la SAS JC [R] se contente de procéder par voie d’affirmation sans expliquer quels efforts auraient dû être réalisés et ne produit aucune pièce probante au soutien dudit grief.
En conséquence, la démobilisation de M. [I] et le manque d’investissement sur les villes de St Nazaire, [Localité 9] et [Localité 4] ne sont pas démontrés.
Il ne ressort par ailleurs pas des attributions systématiques du bonus du salarié en raison, notamment ‘de sa mobilisation et de son implication dans ses missions’, tout au long de la relation contractuelle, qu’une quelconque désinvolture puisse lui être imputée.
C’est de surcroît à tort que l’employeur expose que le fait que le 26 mars 2018, M. [I] ne se soit pas présenté à l’entretien préalable, confirme sa ‘désinvolture et son absence totale de justification sur les faits reprochés’ en ce qu’il a été précédemment établi par la Cour que la société JC [R] avait connaissance de l’arrêt de travail de M. [I] depuis le 23 mars 2018. L’employeur ne peut donc valablement tirer de l’absence de M. [I] audit entretien un fait confirmant une désinvolture alléguée.
Sur le grief tiré des remontées négatives récentes de [Localité 6] Métropole
L’employeur expose dans la lettre de licenciement que ‘des remontées négatives récentes de [Localité 6] métropole ont démontré que [son] manque d ‘implication s ‘est également révélé dans le cadre de ce marché. Le déploiement du marché a en effet été particulièrement poussif ce qui a placé JC [R] en position de forte fragilité. Il est évident [qu’il n’a pas] joué le rôle d’impulsion qui revient normalement à un directeur Régional dans ces circonstances. ‘
A l’appui de ses affirmations, la SAS JCDECAUX produit l’attestation de M. [X] du 29 juillet 2019, dans laquelle il est fait état de plusieurs réunions (les 13 mars, 27 mars et 16 avril 2018) de coordination avec les différents services de la société JC [R] et les interlocuteurs de [Localité 6] Métropole.
La Cour rappelle que M. [I] a été convoqué à un entretien préalable par courrier du 16 mars 2018 et licencié par courrier du 29 mars 2018. A la lecture de ces dates, force est de constater, ainsi que l’ont justement fait les premiers juges, que les réunions des 27 mars et 16 avril 2018 sont toutes deux postérieures à la date de la convocation à l’entretien préalable et que la réunion du 16 avril est postérieure au licenciement de monsieur [I].
Il ressort par ailleurs de cette attestation que M. [I] n’aurait pas mis en place une procédure de pilotage structurée afin d’organiser l’exécution du contrat avec [Localité 6] Métropole, entraînant ainsi un retard important dans l’exécution du chantier exposant la société JC [R] à des risques de pénalités financières significatives.
Concernant ces mêmes retards, dans une interview du 19 mars 2018 à FRANCE BLEU produite en procédure (pièce 23 salarié), M. [Z] [M], vice-président de [Localité 6] Métropole et adjoint au Maire à la ville de [Localité 6], indiquait : ‘Nous ne sommes pas maîtres des dates de fins de contrat et nous avons des obligations juridiques pour la mise en ‘uvre des compétitions (entre les opérateurs ndlr) “. A la question : ‘Les travaux sont longs ‘ “, M. [M] répondait :
‘Oui mais ça a pris du retard a cause des conditions climatiques, des bisbilles entre les opérateurs et des questions aussi de réseaux d’alimentation électriques avec parfois de la fibre et techniquement ça n’était pas si simple que ça. ”
A la question :”Bisbilles ” entre opérateurs ‘ “, M. [M] répondait :
‘Concernant les “bisbilles” entre les opérateurs, le sortant non renouvelé la société CLEAR CHANNEL et le gagnant de l’appel d’offre de la société JC [R] ne se font pas de cadeaux. La société CLEAR CHANNEL a enlevé un peu précipitamment des abribus que la société JC [R] n’était pas tout à fait prête à remplacer. ”
De toute évidence, M [M], dans son interview du 19 mars 2018, ne fait pas porter la responsabilité des retards à la SAS JC [R], mais indique clairement comme responsables les conditions climatiques, les difficultés liées aux réseaux d’alimentation électriques et de la fibre, l’enlèvement précipité par la société CLEAR CHANNEL des abribus tout en indiquant que la société JC [R] n’était pas tout à fait prête à remplacer ces abribus.
Par ailleurs, les articles de presse produits par la société JC [R] ne visent pas directement M. [I].
Enfin, M. [I] produit de nombreux messages de sympathie reçus lors de son départ de ses interlocuteurs [Localité 6] Métropole, qui exposent avoir apprécié travailler avec lui.
Aucun fait ne peut être directement imputé à M. [I], ainsi qu’aucune faute revêtant un caractère de gravité et de déloyauté.
Il ressort des pièces du dossier qu’une faute grave a été artificiellement invoquée par l’employeur dans le seul but de faire échec à la prohibition de la rupture du contrat de travail par l’employeur au cours d’une période de suspension du contrat de travail.
De même, l’employeur échoue à démontrer en quoi les manquements allégués relèveraient d’une déloyauté.
Par conséquent, aucune faute grave ne peut être retenue à l’encontre du salarié et l’employeur ne prouve pas plus l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié pendant la période de suspension dudit contrat.
Le licenciement de M. [I] est dès lors nul et le jugement entrepris sera infirmé à ce titre.
Sur les conséquences de la nullité du licenciement de M. [I]
M. [I] sollicite sa réintégration dans son poste de directeur régional Bretagne – Pays de la [Localité 5] ou dans un poste équivalent au sein de JC [R], et ce dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard.
La société JC [R] expose que le fait pour un salarié d’avoir retrouvé un emploi dans une autre entreprise constitue une impossibilité matérielle de réintégration. Elle précise que M. [I] était lié à la société JC [R] par une obligation de fidélité et d’exclusivité stipulée dans son contrat de travail. Elle ajoute que si la Cour devait prononcer la réintégration elle confirmerait qu’il y a lieu de déduire les revenus de remplacement perçus depuis la rupture du contrat de travail.
L’article L.1235-3-1 du Code du travail prévoit qu’en cas de nullité du licenciement le salarié est en droit de demander la poursuite de son contrat de travail.
Dès lors que la nullité du licenciement est constatée, l’employeur est tenu de faire droit à la demande de réintégration du salarié.
Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.
Il ressort de ces dispositions que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi, les revenus que le salarié a tirés d’une autre activité, s’il a travaillé pour un autre employeur dans l’intervalle, ainsi que le revenu de remplacement, versé par FRANCE TRAVAIL, qui lui a été servi au cours de cette période, sauf en cas d’atteinte au droit à la protection de la santé du salarié.
En ce que la Cour n’a pas retenu la discrimination en raison de son état de santé, il ne sera pas fait droit à la demande de M. [I] consistant à ne pas déduire les revenus de remplacement, la violation des articles L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail ne se rattachant pas au droit à la protection de la santé garanti constitutionnellement, contrairement à un licenciement discriminatoire en raison de l’état de santé du salarié.
Le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail, sauf lorsqu’il a occupé un autre emploi durant cette période, ce qui est le cas en l’espèce.
C’est à tort que l’employeur affirme que le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur est de nature à le priver de son droit à réintégration, dès lors que l’employeur ne justifie pas que la réintégration du salarié est matériellement impossible.
La clause d’exclusivité n’est pas plus un obstacle matériel à la réintégration de M. [I] au sein de la société JCDECAUX. Il appartient en effet aux parties de tirer toutes les conséquences nécessaires à la réintégration de M. [I] au sein de la société sans qu’il soit besoin de condamner M. [I] à justifier de la rupture de son contrat de travail auprès de son employeur actuel en versant au débat son courrier de rupture (démission, licenciement ou autre) ainsi que les documents de fin de contrat et la justification du paiement de son solde de tout compte.
La SAS JC [R] est déboutée de cette demande tout comme elle sera déboutée de sa demande tendant à l’autoriser à prendre toutes les mesures auprès de l’employeur de Monsieur [I] pour s’assurer de la rupture effective du contrat de travail.
La Cour ordonne par conséquent la réintégration de M. [I] dans son poste de Directeur Régional Bretagne – Pays de la [Localité 5] ou dans un poste équivalent au sein de JC [R], et ce dans un délai de 3 mois à compter de la présente décision, sous peine d’une astreinte de 50 € par jour de retard.
Au vu des indemnités journalières perçues par M. [I] des mois de mars à octobre 2018, de ses compléments versés par son assurance prévoyance sur la même période, puis de ses revenus salariés entre les mois d’octobre 2018 et le mois de mai 2024, M. [I] a perçu 599.049,95 euros de revenus de remplacement sur la période considérée.
Il aurait perçu, sur une période de 74 mois allant du 1er avril 2018 au 30 mai 2024, la somme de 723.546,84 euros.
Dès lors, la société JC [R] est condamnée à verser, au titre des salaires sur la période considérée, la somme de 124.496,89 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 et à l’échéance de chaque mois.
La SAS JC [R] est également condamnée à verser la somme de 9.777,66 euros par mois, au titre des rappels de salaires dont il pourrait être privé, à compter du 1er juin 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 et à l’échéance de chaque mois et jusqu’à sa réintégration effective, somme de laquelle devront être déduits les éventuels revenus de remplacement à intervenir.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Concernant les stocks options, si JC [R] produit un document faisant état de la non-attribution de stocks options au titre des années 2018, 2019 et 2020, il n’en est rien pour les années 2021, 2022 et 2023.
JC [R] indique que désormais, il ne s’agit plus de stocks options mais d’actions de performance.
M. [I] qui est réputé n’avoir jamais quitté son emploi, devra bénéficier des évolutions intervenues et, dès lors, se voir attribuer les mêmes avantages que ses homologues.
La Cour condamne la société JC [R] a attribuer à M. [I] les actions de performance qu’elle a consenti aux autres directeurs régionaux, au besoin par une moyenne de l’ensemble des versements consentis aux directeurs régionaux, pour les années 2021, 2022 et 2023.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur l’anatocisme
En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre la somme déjà allouée au titre de la première instance.
L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.