Licenciement et Respect des Règles en Période de Crise Sanitaire : Évaluation des Motifs et Conséquences Financières

·

·

Licenciement et Respect des Règles en Période de Crise Sanitaire : Évaluation des Motifs et Conséquences Financières

Engagement de M. [W]

M. [W] a été recruté par la société Fillon technologies en tant que monteur emballeur à compter du 3 janvier 1995. Cette entreprise, qui emploie plus de cinquante salariés, est spécialisée dans la fabrication d’équipements pour la préparation de peintures en carrosserie et applique la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques et connexes d’Eure-et-Loir.

Licenciement de M. [W]

Le 24 avril 2020, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement, qui a eu lieu le 30 avril 2020. Il a été licencié le 6 mai 2020 pour des motifs jugés réels et sérieux, notamment son absence non justifiée le 15 avril 2020, des infractions aux règles de sécurité en fumant près des bennes à carton, et des déplacements non autorisés dans l’entreprise.

Contestations de M. [W]

M. [W] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Dreux, demandant le paiement de diverses sommes. Le 19 septembre 2022, le conseil a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser à M. [W] une indemnité de 38 855,52 euros, un abondement de 3 000 euros sur son compte personnel de formation, et 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel de l’employeur

La société Fillon technologies a interjeté appel de ce jugement le 8 décembre 2022, demandant l’infirmation de la décision et la confirmation de la légitimité de son licenciement. Elle a soutenu que le comportement de M. [W] avait été inacceptable et incompatible avec les valeurs de l’entreprise.

Arguments des parties

M. [W] a demandé la confirmation du jugement initial, tout en contestant le montant de l’indemnité. Il a soutenu que les faits reprochés étaient isolés et sans conséquence pour l’entreprise, et a demandé une indemnité plus élevée, arguant que le barème d’indemnisation était inconventionnel. De son côté, l’employeur a insisté sur la conformité du barème avec les normes légales et a demandé le déboutement de M. [W].

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que les griefs étaient établis mais que le licenciement était disproportionné par rapport aux faits reprochés. Elle a ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées à M. [W] et a statué sur les intérêts et les dépens, condamnant la société à verser 2 000 euros pour les frais irrépétibles.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse selon le Code du travail ?

Le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L.1232-1 du Code du travail. Cela signifie que le motif doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et imputables au salarié.

En cas de litige, l’article L.1235-1 précise que le juge doit apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en se basant sur les éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, pour qu’un licenciement soit valide, il est impératif que l’employeur puisse prouver que les faits reprochés au salarié sont avérés et suffisamment graves pour justifier une telle sanction.

Quels sont les droits du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatoire. Selon l’article L.1235-3 du Code du travail, cette indemnité est calculée en fonction de l’ancienneté du salarié et de son salaire.

Le montant de l’indemnité varie entre un minimum et un maximum, en fonction de l’ancienneté et du salaire mensuel. Pour un salarié ayant plus de 25 ans d’ancienneté, comme dans le cas de M. [W], l’indemnité peut atteindre jusqu’à 18 mois de salaire.

De plus, l’article L.1235-4 stipule que le juge peut ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d’indemnités.

Comment le juge évalue-t-il la proportionnalité de la sanction en cas de licenciement ?

Le juge évalue la proportionnalité de la sanction en tenant compte de la gravité des faits reprochés au salarié, de son ancienneté, de son comportement antérieur et des circonstances entourant le licenciement.

L’article L.1232-6 du Code du travail précise que l’employeur doit respecter le principe de proportionnalité dans la sanction disciplinaire. Ainsi, même si les faits sont établis, la sanction ultime du licenciement ne doit pas être disproportionnée par rapport à la faute commise.

Dans le cas de M. [W], bien que les griefs aient été établis, le juge a considéré que la sanction du licenciement était disproportionnée par rapport aux manquements reprochés, ce qui a conduit à la requalification de son licenciement.

Quelles sont les conséquences financières d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Les conséquences financières d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse incluent le versement d’une indemnité compensatoire, comme mentionné précédemment.

En plus de l’indemnité pour licenciement injustifié, le salarié peut également demander des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier. L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’accorder une somme pour couvrir les frais irrépétibles engagés par le salarié dans le cadre de la procédure.

Dans le cas de M. [W], le tribunal a condamné la société Fillon technologies à lui verser une indemnité de 38 855,52 euros, ainsi qu’un abondement sur son compte personnel de formation et des frais au titre de l’article 700.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de formation professionnelle ?

L’article L.6323-13 du Code du travail impose à l’employeur d’assurer un suivi des entretiens professionnels et de garantir que les salariés bénéficient de formations adéquates. Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, si un salarié n’a pas bénéficié d’entretiens et de formations sur une période de six ans, un abondement doit être inscrit à son compte personnel de formation.

Dans le cas de M. [W], l’employeur n’a pas pu justifier qu’il avait bénéficié de formations suffisantes, ce qui a conduit à la décision de lui accorder un abondement de 3 000 euros sur son compte personnel de formation.

L’employeur doit donc veiller à respecter ces obligations pour éviter des sanctions financières.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
22/03596
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 DECEMBRE 2024

N° RG 22/03596

N° Portalis DBV3-V-B7G-VR3K

AFFAIRE :

Société FILLON TECHNOLOGIES

C/

[C] [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 septembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DREUX

Section : I

N° RG : F 21/00026

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Chantal DE CARFORT

Me David METIN

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société FILLON TECHNOLOGIES

N° SIRET: 420 213 225

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant: Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

Plaidant : Me Carla DI FAZIO PERRIN de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0301

APPELANTE

Monsieur [C] [W]

né le 31 août 1968 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

INTIME

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [W] a été engagé par la société Fillon technologies, en qualité de monteur emballeur, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 3 janvier 1995.

Cette société est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation des équipements utilisés dans la préparation des peintures en carrosserie et apporte un support technique aux fabricants de peinture, constructeurs et distributeurs automobiles. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de cinquante salariés. Elle applique la convention collective industries métallurgiques, mécaniques et connexes d’Eure-et-Loir.

Par lettre du 24 avril 2020, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 30 avril 2020.

M. [W] a été licencié par lettre du 6 mai 2020 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

‘ En applicationdes dispositions du code du travail, nous vous avons convoqué par lettre remise en main propre du 24 avril 2020 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement, fixé le 30 avril 2020 à 12 heures, afin de vous exposer les différents motifs ayant conduit la société à envisager cette sanction.

Lors de cet entretien, vous n’avez pas souhaité être assisté par un membre du CSE ni un membre de la société, comme le prévoit le code du travail.

Monsieur [D] [O], votre supérieur hiérarchique a assisté à la réunion, compte tenu de la nature des faits qui vous sont reprochés.

« Lors de cet entretien vous ont été exposés les faits ci-après :

‘ Il est préalablement rappelé que l’entreprise a repris son activité depuis le 14 avril 2020, dans un contexte de crise sanitaire majeure (COVID 19). Que cette reprise n’a pu être effective qu’accompagnée de mesures exceptionnelles destinées à assurer la sécurité de tous les collaborateurs.

‘ Le 15 avril 2020, vous deviez reprendre votre poste aux horaires qui vous avaient été communiqués par votre chef de service. Or, vous ne vous êtes pas présenté le 15, sans prévenir ni avertir votre employeur, entraînant une désorganisation de votre service. Cette désorganisation a eu pour conséquence de devoir réorganiser les équipes. Cette réorganisation vous a été communiquée par votre chef de service. Vous vous êtes présenté le16 avril au matin alors que du fait de la réorganisation vous n’étiez plus attendu que le 17 avril au matin.

‘ Le 23 avril 2020 vous avez été surpris en train de fumer une cigarette, en dehors des heures de pause, près des bennes en carton. Or nous vous rappelons que :

o Fumer près des bennes à carton est officiellement interdit pour d’évidentes raisons de sécurité, notamment en matière d’incendie

o Vous ne respectiez pas les heures de pause

o Vous ne respectiez pas les consignes mises en place dans le cadre du COVID19, règlementant les horaires de pauses et autorisations de fumer

‘ Enfin, toujours dans le cadre des mesures exceptionnelles liées à la reprise d’activité en période d’urgence sanitaire, vous avez été aperçu à de très nombreuses reprises vous balader dans l’entreprise entre différents services, sans motifs valables ou avec des motifs inacceptables, alors même que des règles très précises régissent les déplacements, prévoyant notamment que chaque collaborateur doit rester à son poste, y compris pendant les temps de pauses.

Nous vous avons demandé de nous apporter des précisions quant à vos agissements et vous nous avez répondu :

‘ Concernant le 1er point : vous n’aviez pas de voiture et n’avez donc pas pu venir. Vous affirmez avoir prévenu la personne qui devait covoiturer avec vous, mais vous reconnaissez n’avoir pas prévenu votre supérieur hiérarchique, ni la DRH de la société.

‘ Concernant le 2nd point : vous reconnaissez les faits et expliquez que vous étiez allé jeter des cartons à la benne et que vous en avez profité pour fumer une cigarette.

‘ Concernant le 3e point : vous n’apportez aucune explication concernant votre attitude.

Lors de l’entretien préalable du 24 avril 2020, vous avez reconnu les faits présentés.

Or, nous attendons de nos collaborateurs qu’ils exécutent leur contrat de travail de bonne foi, ce qui inclut qu’ils respectent strictement le règlement intérieur, les règles de sécurité inhérentes à leur poste et à l’entreprise et ne se rendent pas fautifs d’agissements contraires aux intérêts et à la sécurité des autres salariés et de l’entreprise.

Votre comportement tel que précisé ci-dessus est inadmissible et incompatible avec les valeurs que notre entreprise souhaite véhiculer en son sein et qui reposent sur la confiance et le respect des règles en vigueur dans l’entreprise.

L’entreprise ne peut malheureusement que constater que vous refusez de reconnaitre la gravité de vos agissements car lors de votre entretien préalable, tout en reconnaissant les faits qui vous sont reprochés, vous les avez minimisés ;

Vous n’avez donc pas pris la pleine mesure de vos agissements, qui ne peuvent être tolérés dans l’entreprise.

C’est pourquoi, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs fautifs évoqués ci-dessus.

La première présentation par la poste de la présente marquera donc le point de départ de votre préavis de deux mois.Nous vous informons que nous vous dispensons d’exécuter ledit préavis.’.

Par requête du 23 février 2021, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Dreux aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 19 septembre 2022, le conseil de prud’hommes de Dreux, en sa formation de départage,(section industrie) a :

– Déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [W]

– Condamné la SAS Fillon technologies à lui payer :

– la somme de 38 855,52 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la somme de 3 000 euros à titre d’abondement sur le compte personnel de formation de M. [W]

– la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné l’exécution provisoire de la décision dans la limite de 9 mois de salaires, en application de l’article R 1454-28 du code du travail ( moyenne de salaire brut retenue 2 158,64euros)

– Condamné la SAS Fillon technologies aux dépens de la présente instance

– Débouté les parties de leurs autres chefs de demande.

Par déclaration adressée au greffe le 8 décembre 2022, l’employeur a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Fillon technologies demande à la cour de:

– Débouter M. [W] de son appel incident et de sa demande d’infirmation du jugement,

portant sur le quantum de l’indemnité octroyée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Infirmer le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes de Dreux le 19 septembre 2022 en ce qu’il a :

– Déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [W] ;

– Condamné la Société Fillon technologies à lui payer :

. la somme de 38 855,52 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

. la somme de 3 000 euros à titre d’abondement sur le compte personnel de formation de M. [W] ;

. la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la Société Fillon technologies aux dépens ;

– Débouté la Société Fillon technologies de ses demandes.

Par conséquent :

– Juger que le licenciement de M. [W] est parfaitement justifié ;

– Juger que le barème prévu par l’article L.1235-3 du code du travail est applicable ;

En conséquence,

– Débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

– Condamner M. [W] à verser à la Société de la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [W] aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître de Carfort, Avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [W] demande à la cour de :

– Recevoir M. [W] en ses demandes et l’y déclarer bien fondée ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– L’infirmer sur le quantum de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, et statuant à nouveau,

– Condamner la SAS Fillon technologies à verser à M. [W] les sommes suivantes :

A titre principal :

– Juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable,

– Condamner en conséquence la SAS Fillon technologies à verser à M. [W] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 52 000 euros nets de CSG CRDS et de charges sociales,

A titre subsidiaire, en cas d’application du plafonnement,

– Condamner en conséquence la SAS Fillon technologies à verser à M. [W] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 39 934 euros nets de CSG-CRDS et de charges sociales.

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Fillon technologies à verser un abondement de 3 000 euros sur le compte personnel de formation de M. [W] ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Fillon technologies à verser à M. [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la SAS Fillon technologies à verser à M. [W] la somme de 2 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020,

– Condamner la SAS Fillon technologies aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.

– Débouter la SAS Fillon technologies de l’ensemble de ses demandes.

Y ajoutant,

– Condamner la SAS Fillon technologies à verser M. [W] la somme de 2 800 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020,

– Condamner la SAS Fillon technologies aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.

– Débouter la SAS Fillon technologies de l’ensemble de ses demandes.

MOTIFS

L’employeur fait valoir que le comportement du salarié s’est considérablement dégradé en 2020 après une première période de confinement, que la société a mis en place dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19 un ensemble de règles strictes de sécurité en vue de la reprise de l’activité le 14 avril 2020 et qui ont été largement diffusées à l’ensemble des collaborateurs, le salarié signant dans ce cadre une charte de bonne conduite complémentaire. Il ajoute que le salarié était par ailleurs soumis, comme l’ensemble des autres collaborateurs, aux règles concernant les heures de pauses ainsi qu’à celles édictées par le règlement intérieur, dont il avait parfaitement connaissance mais que peu de temps après la reprise de l’activité et en dépit des règles qu’il était censé respecter, le salarié a été à l’origine de plusieurs incidents en violation de celles-ci.

Le salarié réplique que les premiers juges ont estimé à juste titre que deux des trois griefs n’étaient pas établis et que le dernier ne saurait justifier le licenciement. Il soutient que la société devait tenir compte de la nature des faits reprochés, des éléments de contexte et de l’attitude de l’employeur, qu’il comptait plus de 26 ans d’ancienneté au cours desquels il s’est toujours investi dans l’intérêt de l’employeur auquel il a toujours donné entière satisfaction, et que les faits repris dans la lettre de licenciement sont isolés et sans conséquence préjudiciable pour l’entreprise. Il ajoute que l’employeur a voulu se débarrasser du salarié dès lors que la crise sanitaire a impacté l’activité de la société, le salarié n’ayant pas été remplacé.

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Au cas présent, l’employeur reproche au salarié dans la lettre de licenciement un non- respect des horaires, des temps de pause et des consignes de sécurité notamment les consignes de sécurité renforcées relatives au Covid 19.

En sa qualité de monteur emballeur, le salarié qui justifiait alors de 25 ans d’ancienneté dans cette fonction et était âgé de 52 ans, avait pour mission d’assembler et d’emballer les produits commercialisés par l’entreprise.

Si le salarié n’a pas été sanctionné au cours des trois années qui ont précédé le licenciement, il ressort du dossier que l’employeur a conclu lors de l’entretien annuel d’évaluation de l’exercice 2016 à une ‘performance insuffisante, doit être attentif aux axes d’amélioration’, l’employeur préconisant, en tant qu’axes d’amélioration, de la régularité dans son travail et de ‘respecter sa présence à son poste de travail.’. L’employeur formule au salarié le même type de reproches l’année suivante.

L’employeur produit ensuite aux débats les pièces suivantes :

– la dernière version du règlement intérieur de la société en date du 11 décembre 2018 et qui précise notamment en son article 1.4 que ‘les sorties pendant le temps de travail doivent être exceptionnelles. Elles sont subordonnées à une autorisation délivrée par le chef de service’ et en son article 2.2 ‘il est interdit de fumer sur les lieux de travail à l’exception des emplacements réservés aux fumeurs’, la directrice des ressources humaines ayant adressé par courriel du 19 décembre 2018 à l’ensemble des salariés les nouvelles versions du règlement intérieur et de la charte informatique, les informant de la remise individuelle en version papier en janvier 2019, ce que le salarié ne conteste plus,

– le courriel du 13 novembre 2019 de la directrice des ressources humaines adressé à l’ensemble des personnels de la société leur demandant de prendre connaissance de la note de service relatives aux règles de pauses pour le travail en équipe, les salariés concernés bénéficiant d’une pause par demi-journée à 11h et à 19h, de 30 minutes, ce temps étant considéré comme du travail effectif rémunéré,

– le courriel du 9 avril 2020 du président directeur général qui communique aux salariés la nouvelle liste de règles et autres procédures Covid-19 en vue d’une reprise partielle le 14 avril 2020, qui organise de manière très détaillée la reprise de travail à compter de cette date, et comprend notamment la consigne suivante :’Aucun rassemblement n’est toléré sur le site, et la tournée de politesse est à proscrire’,

– le courriel du 15 avril 2020 du directeur industriel groupe qui explique notamment concernant les mesures Covid-19 que ‘ il est interdit de fumer sur le site en dehors de la pause de midi, même après le départ des équipes en fin de journée’,

– le complément de charte de bonne conduite Covid-19 signé par le salarié qui indique qu’il s’engage à respecter les règles barrières définies par les autorités sanitaires et les mesures complémentaires liées au bon fonctionnement de l’entreprise dont : ‘Respecter scrupuleusement les modalités de prise de pause avec comme changement Pour le travail en équipe, la pause de 30 mn est scindée en 1 pause de 10 min et 1 pause de 20 mn (‘.) Pour les fumeurs, il est désormais possible de fumer pendant les pauses aux lieux autorisés en respectant les règles de distanciation sociale. Le bon déroulement se fera sous couvert des chefs d’équipe, chefs de secteurs et responsables de service. (…)’.

– Sur l’absence de reprise le 15 avril 2020

Dans ce contexte très encadré par l’employeur, il n’est pas contesté que le salarié ne s’est pas présenté à son poste de travail le 15 avril 2020, M. [X], un supérieur hiérarchique du salarié relatant dans deux attestations du 18 mai 2021 l’avoir prévenu par téléphone de ses horaires et jours travaillés lors de sa reprise d’activité et que l’intéressé ‘n’est pas venu travailler le mercredi 15 avril 2020 alors qu’il était attendu, mais il s’est présenté le jeudi 16 avril 2020 alors qu’il devait être en récupération. Je l’ai renvoyé chez lui lors de son arrivée pour la prise de température liée au COVID 19, et avant de badger sa présence. Il est ensuite venu le vendredi 17 avril et a pris son poste comme prévu.’ et ensuite que :

‘Ses horaires étaient :

– Jour de récupération le mardi 14 avril 2020 ;

– Présence le mercredi 15 avril 2020 de 8h à 16h45 ;

– Jour de récupération le jeudi 16 avril 2020 ;

– Présence le vendredi 17 avril 2020 de 8h à 15h45″.

Les premiers juges ont relevé que ce témoignage rédigé plus d’une année après les faits était surprenant en ce que le témoin a pu se souvenir avec autant de précision des horaires de travail du salarié et de l’avoir prévenu, le salarié indiquant qu’il avait été prévenu par son frère de la date de reprise et de ce qu’il ne pouvait pas se déplacer faute de disposer d’un véhicule, les premiers juges ayant retenu qu’il n’est pas établi que le salarié ait été informé de la date de reprise, de la nouvelle organisation mise en place, l’employeur ne justifiant pas de la désorganisation engendrée par l’absence du salarié.

Toutefois, en indiquant qu’il n’a pas pu se rendre à son travail faute d’avoir à sa disposition le véhicule qu’il avait prêté à sa fille ce jour-là et du fait que son épouse sortait d’hospitalisation, le salarié reconnaît ainsi avoir été informé de la date de reprise. Or, il n’établit pas avoir prévenu son supérieur hiérarchique de son absence ni qu’il ne devait pas se présenter le 16 avril mais le 17 avril 2020.

En outre, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 23 février 2021 de sorte que le témoin ne pouvait pas fournir une attestation avant que l’employeur n’ait eu connaissance de cette instance et le fait que le témoignage de M. [X] soit si précis, même une année après les faits, ne présente rien de surprenant contrairement à ce qu’ont relevé les premiers juges.

Enfin, il n’est pas utile que l’employeur justifie matériellement que l’absence du salarié a désorganisé le service, dès lors que cette désorganisation résulte nécessairement de toute absence d’un des salariés dans le cas de travail en équipe, comme en l’espèce.

Le premier grief est donc établi.

– Sur le le fait d’avoir fumé une cigarette en dehors des heures de pause près de la benne à carton le 23 avril 2020

Le salarié ne conteste pas la matérialité des faits mais leur caractère fautif, expliquant qu’il était seul et ne ‘ dérangeait personne’ , que la benne était très haute et qu’il n’existait donc pas de risque d’incendie.

Il ressort de ce qui a été précédemment rappelé que l’employeur a mis en place des consignes très strictes relatives aux heures de pause en général, puis lors de la reprise du travail après le premier confinement, y compris pour les fumeurs, règles que le salarié n’a pas respectées, quand bien même il justifie que la benne à côté de laquelle il a fumé était effectivement haute, ce qui ne l’autorisait toutefois pas à ne pas respecter les consignes de sécurité.

Si les premiers juges ont retenu que le salarié a fumé à une heure proche de son heure de pause, soit à 18h heures au lieu de 19 heures, le salarié a toutefois contrevenu aux horaires de pause des équpes de travail, n’a pas sollicité au préalable une autorisation d’un responsable, comme prévu dans les consignes, pour fumerdans un lieu non prévu à cet effet par .

Le second grief est donc établi.

– Sur le fait de s’être ‘ baladé’ à de nombreuses reprises dans différents services sans motifs

Le salarié qui affirme qu’il était nécessaire de se déplacer à différents points de l’atelier afin d’accomplir son travail est contredit par le témoignage produit par l’employeur de M. [W], son supérieur hiérarchique qui atteste que ‘ J’ai malheureusement à plusieurs reprises constaté et repris Monsieur [C] [W] sur ses déplacements répétitifs dans l’usine et non justifiés pour les besoins de sa fonction. Je lui ai également signifié à chaque fois qu’il était en violation avec les règles internes en vigueur.’.

La cour relève que le salarié ne produit aucune pièce justifiant la nécessité de ses déplacements, que l’employeur avait réduit en raison de l’épidémie de Covid-19. Il ressort du dossier que le salarié s’est, a minima, librement déplacé pour aller fumer le 23 avril 2020, en dehors de l’heure de pause autorisée.

En définitive, l’employeur justifie de la matérialité des trois griefs mais la sanction prise par l’employeur est disproportionné aux faits de sorte que les manquements ne justifient pas la sanction ultime que constitue le licenciement.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le salarié soutient, à titre principal, l’inconventionnalité du barème applicable à l’indemnisation du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce qu’il y a lieu de reconnaître l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne, le Comité Européen des droits sociaux ayant énoncé par décision du 29 juillet 2022 une position inverse à celle de la Cour de cassation laquelle se réfère pour l’essentiel à l’article L.1235-3-1 du code du travail dans la motivation de son arrêt du 11 mai 2022 pour conclure que l’article L.1235-3 respecterait le droit à une indemnité adéquate garanti par l’article 10 de la de la Convention n°158 de l’OIT. Il sollicite à ce titre le versement de 52 000 euros nets de CSG-CRDS ( 24 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts. Il invoque avoir subi différents préjudices résultant d’un préjudice financier, une dégradation de son niveau de vie, outre un préjudice moral résultant de l’humiliation du chômage. A titre subsidiaire, le salarié demande une indemnisation qui s’élève à la somme de 39 934 euros nets de CSG-CRDS (18,5 mois de salaire).

L’employeur objecte que les trois juridictions françaises ont confirmé à plusieurs reprises que le barème figurant à l’article L.1235-3 du code du travail est conforme à l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et à la Charte sociale européenne ainsi qu’à l’article 6§1 de la CEDH. Il soutient que l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble (RG n°21/02048) ayant écarté l’application du barème d’indemnisation dont se prévaut le salarié reste minoritaire et isolé. Il ajoute que la décision du Comité Européen des droits sociaux du 5 juillet 2022,publiée le 30 novembre 2022, selon laquelle le barème serait contraire à la Charte sociale européenne, n’a pas d’effet en droit interne, la Cour de Cassation ayant réaffirmé l’applicabilité du barème dans un arrêt postérieur à cette décision, du 1er février 2023 (Soc., 1 février 2023, pourvoi n° 21-21.011).

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

En l’espèce le salarié a acquis une ancienneté de 25 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement plus de onze salariés. Le montant maximal de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 18 mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, publié), les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.247, publié).

La cour ajoutera simplement ici que la formation plénière de la chambre sociale, dans son arrêt n°21-14.490 précité, n’a pas suivi l’avis de l’avocate générale qui, pour proposer à la Cour de rejeter le pourvoi, exposait que « l’application du barème aux salariés ayant une ancienneté inférieure ou égale à cinq ans et des chefs de préjudice spécifiques pourrait s’analyser comme une discrimination indirecte au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. », ajoutant que « Dans le cas d’espèce d’une salariée âgée de plus de 50 ans, ayant une ancienneté de trois années et qui n’a pas retrouvé d’emploi après quatre ans, il est manifeste que le préjudice est plus important que pour un salarié âgé d’une trentaine d’années. A cet égard, il faut noter que 55% des chômeurs de 50 ans et plus le restent pendant plus d’un an, tandis que cette situation ne concerne que 20,6 % des 15-24 ans et 35,9 % des 25-49 ans » (cf avis de l’avocate générale sous le pourvoi n°21-14.490 publié sur le site internet de la Cour de cassation).

Mais ce moyen, tiré de l’existence d’un caractère discriminatoire de la disposition légale critiquée, a été écarté par la jurisprudence précitée, rendue dans une formation solennelle de la Cour de cassation, au terme d’un arrêt revêtu de la plus haute publication, qui, s’impose à la présente cour. De nombreux arrêts de la chambre sociale rendus en formation restreinte (notamment Soc., 1er février 2023, pourvoi nº 21-21.011 ; Soc., 11 octobre 2023, pourvoi n°21-24.857) ont, depuis, été rendus en application de la doctrine de la Cour de cassation énoncée dans les arrêts publiés précités, et qu’il appartient à la présente cour de respecter, conformément à son office et au principe de sécurité juridique qui constitue une garantie fondamentale pour le justiciable.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié ( 2158,64 euros bruts, moyenne des douze derniers de salaire précédant le licenciement), de son âge (51 ans), de son ancienneté ( 25 années complètes), de son état de santé, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, dont il ressort:

– qu’il souffre d’une paresthésie des mains et des pieds d’évolution ascendante suivant certificat médical du centre hospitalier de [Localité 5] le 11 mai 2023,

– qu’il a perçu des indemnités France Travail (anciennement dénommée Pôle Emploi) du 1er octobre 2022 au 15 mars 2023 pour un montant brut journalier de 17,90 euros ,

– qu’il est bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA)depuis le 23 janvier 2023,

– qu’il justifie percevoir avec sa compagne, le couple n’ayant pas d’enfants mineurs à charge, des prestations de la Caf (aide personnalisée au logement et le RSA) pour un montant mensuel de 448,33 euros jusqu’en juin 2023 puis uniquement pour un montant de 230,50 euros à compter du mois d’août 2023, le RSA ne leur étant plus versé, il y a lieu de confirmer le jugement et de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 38 855,52 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.

Sur la demande d’abondement sur le compte personnel de formation

L’employeur expose qu’il verse aux débats les entretiens professionnels dont le salarié a bénéficiés en 2016 et 2018 et que le salarié a suivi des formations.

Le salarié affirme que les comptes-rendus d’entretien professionnel sont succincts et que le l’employeur ne justifie pas de formations autres que celles conditionnant l’exercice de ses fonctions.

L’article L.6323-13 du code du travail prévoit que dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le salarié n’a pas bénéficié, durant les six ans précédant l’entretien mentionné au II de l’article L. 6315-1, des entretiens prévus au même article L. 6315-1 et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2, un abondement est inscrit à son compte dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat et l’entreprise verse, dans le cadre de ses contributions au titre de la formation professionnelle, une somme dont le montant, fixé par décret en Conseil d’Etat, ne peut excéder six fois le montant annuel mentionné à l’article L. 6323-11. Le salarié est informé de ce versement.

Au cas présent, les entretiens d’évaluation produits au dossier en 2017 et 2018 ne font mention d’aucune formation dispensée au cours de l’année écoulée.

En revanche, l’entretien professionnel en février 2016 indique que le salarié a suivi une formation en ‘ recyclage’ sans davantage d’information, l’entretien professionnel du 31 mars 2018 précisant qu’aucune formation n’a été dispensée au salarié au cours des deux dernières années.

L’employeur produit ensuite le titre d’habilitation électrique sur les bancs d’essai moteur délivré au salarié le 16 juillet 2019 à l’issue du stage organisé du 10 au 12 juillet 2019 mais n établit pas que le salarié a évolué sur son poste, en ce qu’il aurait obtenu la qualification de monteur emballeur habilitation électrique après cette formation, les bulletins de paye faisant mention jusqu’à la rupture de ce que le salarié a toujours occupé l’emploi de monteur emballeur au niveau II et coefficient 170.

Dès lors, l’employeur ne justifie pas que le salarié a bénéficié d’un entretien professionnel distinct de l’entretien d’évaluation et d’une formation de nature à exclure l’abondement supplémentaire de 3 000 euros prévu aux articles L. 6323-13 et R.6323-3 du code du travail.

La décision du conseil de prud’hommes sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné l’employeur au paiement de la somme de 3 000 euros de ce chef.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et, par voie de confirmation, les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens d’appel sont à la charge de l’employeur, partie succombante.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel. L’employeur est débouté de sa demande à ce titre.

En revanche, la présente juridiction ne peut pas se prononcer sur le sort des frais de l’exécution forcée, lesquels sont régis par l’article L. 111-8 au code des procédures civiles d’exécution et soumis, en cas de contestation, au juge de l’exécution.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

ORDONNE d’office le remboursement par la société Fillon technologies aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [W] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

DIT qu’il n’appartient pas à la présente juridiction de statuer sur la demande relative aux frais d’exécution,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Fillon technologies à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Fillon technologies aux dépens d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x