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Nos Conseils:
– Vérifiez toujours la recevabilité des demandes à l’encontre de votre entreprise, en vous assurant que les arguments avancés par le salarié ne sont pas fondés sur des éléments erronés ou non pertinents. |
→ Résumé de l’affaireM. J a été engagé en tant qu’assistant commercial par la SARL T en 2010, puis à temps partiel par la SAS In visio en 2016. Il a été licencié pour motif économique par la SARL T en 2020 et a fait l’objet d’une rupture conventionnelle avec la SAS In visio en 2021. M. J a saisi le conseil des prud’hommes pour contester son licenciement et demander des indemnités. Le conseil des prud’hommes a jugé le licenciement régulier, mais M. J a interjeté appel. Il demande à la cour d’appel de reconnaître l’irrégularité de son licenciement, de constater un co-emploi avec la SAS In visio, de reconnaître un travail dissimulé et d’obtenir des indemnités et des rappels de salaire. La SARL T et la SAS In visio demandent à la cour d’appel de confirmer le jugement du conseil des prud’hommes.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 13 JUIN 2024
N° RG 22/01825 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HDPS
[C] [J]
C/ SARL [T] agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
demeurant es qualité audit siège
etc…
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNEMASSE en date du 22 Septembre 2022, RG F 20/00148
Appelant
M. [C] [J]
né le 10 Octobre 1968 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Marie-pierre LAMY-FERRAS, avocat au barreau d’ANNECY
Intimées
SARL [T] agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
demeurant es qualité audit siège
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Audrey BOLLONJEON de la SELARL BOLLONJEON, avocat au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Sébastien BOUVIER de la SELAS RTA AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
S.A.S. IN VISIO agissant poursuites et diligences de son représentant légal
en exercice, demeurant es qualité audit siège
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Audrey BOLLONJEON de la SELARL BOLLONJEON, avocat au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Sébastien BOUVIER de la SELAS RTA AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Mars 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
Exposé du litige’:
M.[J] a été engagé le 10 juin 2010 en qualité d’assistant commercial en contrat à durée indéterminée par la SARL [T] (activité de négoce d’articles de sport). Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions d’assistant commercial et marketing.
M.[J] a été engagé à compter du 10 février 2016 par la SAS In visio (design et conception de produits de sport) à temps partiel (4 heures par semaine) en contrat à durée indéterminée pour exercer à hauteur de 4 heures par semaine les fonctions de responsable marketing étant précisé à l’article 2 du contrat qu’il pourra être amené à effectuer des heures complémentaires à la durée du travail prévue.
Ces deux sociétés dont dirigées par M. [S] [T].
Le 22 juillet 2020, M.[J] a été convoqué à un entretien préalable par la SARL [T] en vue de son licenciement pour motif économique et il a été licencié pour motif économique en date du’11 août 2020 par la SARL [T].
Le 15 avril 2021, le contrat de travail avec la SAS In visio a fait l’objet d’une rupture conventionnelle.
M.[J] a saisi le conseil des prud’hommes de d’Annemasse, en date du’2 juin 2022 aux fins de contester la régularité et le bien-fondé de son licenciement économique, voir reconnaitre une situation co-emploi avec la SAS In visio, de travail dissimulé et obtenir les indemnités afférentes outre des rappels de salaire.
La SAS In visio est intervenue volontairement à l’instance.
Par jugement du’22 septembre 2022, le conseil des prud’hommes de d’Annemasse, a’:
– Dit que la procédure de licenciement est régulière,
– Dit que le licenciement pour motif économique est fondé,
– Débouté M.[J] de l’ensemble de ses demandes,
– Condamné M.[J] aux dépens.
La décision a été notifiée aux parties et M.[J] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 21 octobre 2022 à l’encontre de la SARL [T] et la SAS In visio.
Par conclusions du’19 janvier 2023, M.[J] demande à la cour d’appel de’:
– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’Annemasse ;
Et Statuant à nouveau :
Au titre du licenciement de M.[J] :
– Constater l’irrégularité affectant la procédure de licenciement ;
– En conséquence, Condamner la SARL [T] à lui régler la somme de 2.632,87 euros net ;
– Constater que la SARL [T] et la SAS In visio font partie d’un groupe ;
– Constater que la cessation d’activité repose sur une faute de l’employeur ou à tout le moins sa légèreté blâmable ;
– Constater que le poste de M.[J] n’a pas été supprimé ;
– Constater que la cessation d’activité n’est pas intervenue en 2020 mais en 2016 et que le motif économique du licenciement n’est donc pas justifié, l’activité de la SARL [T] ayant été transférée à la SAS In visio sans transfert du contrat de travail de M.[J] ;
– Constater en conséquence que le motif économique du licenciement de M.[J] n’est pas justifié ;
– Constater que la SARL [T] n’a pas respecté son obligation de reclassement, puisque M.[J] aurait dû être reclassé au sein de la SAS In visio, au poste qu’il occupait officiellement à temps partiel et officieusement à temps plein ;
– Constater que M.[J] effectuait la totalité de son temps de travail au sein de la SAS In visio et à son seul profit ;
– En conséquence, Constater que son licenciement pour motif économique est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
– Et Condamner in solidum la SARL [T] et la SAS In visio à lui verser la somme de 25.670 euros nets à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices subis ;
Au titre de l’exécution du contrat de travail :
– Constater que M.[J] a pour employeur la SARL [T] et la SAS In visio
– Constater que M.[J] exerce en réalité la totalité de son activité au sein de la SAS In visio , sans mise à disposition régulière, et sans transfert, et que la SAS In visio est en réalité le seul employeur de M.[J]
– En conséquence, Constater que les Sociétés [T] et IN VISIO se sont rendues coupables de travail dissimulé par dissimulation de salarié ;
– les Condamner in solidum à lui verser à la somme de 15.402 euros nets à titre d’indemnisation relative au travail dissimulé ;
– Constater que la SARL [T] et la SAS In visio n’ont pas appliqué la rémunération correcte à M.[J] compte tenu des fonctions réellement exercées ;
– En conséquence, Condamner in solidum la SARL [T] et la SAS In visio à lui verser la somme de 11.695,32 bruts à titre de rappels de salaire outre 1.169,53 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
– Constater que la somme de 300 euros intitulée « remboursement de frais » constitue une augmentation de salaire déguisée ;
– En conséquence, Condamner in solidum la SARL [T] et la SAS In visio à verser la somme de 5.100 euros à titre de rappel de salaire correspondant au salaire non versé à Monsieur [J] pendant 17 mois ;
En tout état de cause :
– Condamner in solidum la SARL [T] et la SAS In visio à verser M.[J] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que la même somme pour la première instance;
– Condamner in solidum la SARL [T] et la SAS In visio aux dépens ;
– Juger que les sommes allouées à M.[J] porteront intérêt au taux légal en application des articles 1153-1 et 1154 du Code civil.
Par conclusions du 19 avril 2023, la SARL [T] et la SAS In visio demandent à la cour d’appel de’:
– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’Hommes d’Annemasse le 22 septembre 2022 en ce qu’il a :
– Jugé la procédure de licenciement régulière
– Jugé le licenciement pour motif économique fondé
– Débouté M.[J] de l’ensemble de ses demandes.
– Juger que la SAS In visio et M.[J] ont procédé à la rupture conventionnelle du contrat qui les liait.
– Juger M.[J] irrecevable à former quelque demande que ce soit à l’encontre de la SAS In visio
– Juger que M.[J] n’a à aucun moment été placé dans une situation de co-emploi entre la SARL [T] et la SAS In visio
– Juger que la SARL [T] n’appartient à aucun groupe de société.
– Juger que la SARL [T] a cessé toute activité.
– Juger que M.[J] ne rapporte nullement la preuve, qui lui incombe, du préjudice qu’il aurait subi en raison d’une prétendue irrégularité ayant affecté son licenciement.
– Juger le licenciement pour cause économique de M.[J] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
– Juger qu’aucune infraction au titre du travail dissimulé ne saurait être formulée et retenue à l’encontre de la SARL [T] et la SAS In visio, l’élément intentionnel n’étant nullement caractérisé.
– Juger que M.[J] ne saurait formuler quelque rappel de salaire et remboursement de frais que ce soit
En conséquence,
– Débouter M.[J] de l’intégralité de ses fins, demandes et conclusions.
– Condamner M.[J] à payer à Monsieur [T] une indemnité de 3 000 € en vertu des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
– Condamner M.[J] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le’5 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
Sur la recevabilité des demandes à l’encontre de la SAS In visio’:
Moyens des parties :
La SAS In visio soutient que M.[J] est irrecevable à formuler des demandes à son encontre. Elle expose qu’elle a fait droit à la demande de M.[J] au cours de l’année 2021 tendant à la rupture conventionnelle du contrat à durée indéterminée à temps partiel qui les liait, que cette rupture été homologuée par la DIRECCTE et est définitive. M.[J] n’ayant formulé aucun recours à l’encontre de la rupture conventionnelle.
Sur ce,
La SAS In visio justifie, ce qui n’est pas contesté par le salarié, que M. [J] a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail par courrier du 1er décembre 2020, que la rupture conventionnelle a été conclue le 19 mars 2021 prévoyant une indemnité de 34500 €, qu’elle a été validée par la DRECCTE et a pris effet au 15 avril 2021.
Toutefois, il convient de noter que les demandes de M. [J] à l’encontre de la SAS In visio ne se fondent pas sur le contrat de travail ayant existé entre les parties, mais sur le co-emploi allégué par le salarié entre la SARL [T] et la SAS In visio au cours de l’exécution des deux contrats de travail en parallèle et avant la rupture conventionnelle litigieuse.
Il convient dès lors de débouter la SAS In visio de son exception d’irrecevabilité à ce titre.
Sur le bien-fondé du licenciement économique’:
Moyens des parties :
Sur l’existence d’un groupe’:
M.[J] soutient d’une part que la SARL [T] et la SAS In visio forment un groupe, M. [S] [T] détenant le capital de la SAS In visio à 70% et sa s’ur, Mme [V] [O] à 30 %. Il détient également au moins une fraction du capital si ce n’est la totalité de la SARL [T] qui porte son nom lui conférant la majorité des droits de vote à l’AG. Il exerce en sa qualité de personne physique donc un contrôle sur les deux sociétés. Il est le président de l’une et le gérant de l’autre. Les deux sociétés ont leurs sièges sociaux à la même adresse. Ces sociétés sont gérées en tant que sociétés appartenant au même groupe.
M. [T] a en raison des difficultés économiques de la SARL [T] , demandé à son équipe travaillant au sein de la SARL [T] de travailler pour la SAS In visio dès 2014 (courriel adressé aux salariés de la Société [T] le 6 mai 2014). Il existe une réelle confusion entre la gestion des deux structures. M. [T] précise même que « c’est l’ensemble de nos compétences justement qui permet d’assurer la vie de la boîte et du groupe ». C’est la SAS In visio qui décidait de la stratégie de la SARL [T] par l’intermédiaire de M. [T] qui a tout fait pour la favoriser au détriment de la SARL [T].
La SARL [T] répond qu’elle n’appartient à aucun groupe et que M.[J] n’est pas en situation de co-emploi. Elle expose que le seul fait que le dirigeant des deux sociétés soit le même et que la SAS In visio a effectivement commandé des missions commerciales et administratives à la SARL [T] ne permet pas de démontrer la situation de co-emploi alléguée. Les deux sociétés n’ont aucun lien capitalistique. La situation de triple confusion d’intérêt, d’activité et de direction n’est pas démontrée.
Sur le motif économique’:
M.[J] soulève l’existence d’une légèreté blâmable de la part de M. [T] et soutient que la dégradation de l’activité de la SARL [T] est en réalité le fait de l’employeur, M. [S] [T]. Il expose que la SARL [T] a perdu progressivement les marques qu’elle distribuait, en raison de sa très mauvaise réputation et la perte de confiance des marques distribuées, imputable à une très mauvaise gestion ainsi qu’aux mensonges du gérant, ce qui a entraîné les difficultés financières de la Société. Des erreurs apparemment volontaires de déclarations en douane ont été réalisées. M. [T] s’est alors désintéressé de la SARL [T] pour se consacrer à des activités immobilières, ce péril profitant à la SAS In visio qui ne souffrait pas de la même réputation. La SARL [T] a été totalement vidée de sa substance depuis 2016.
La SARL [T] conteste toute légèreté blâmable et soutient pour sa part que la cessation d’activité est un motif économique autonome qui légitime le licenciement et ce, quand bien même la société qui licencie fait partie d’un groupe. Or, elle affirme justifier d’une cessation complète de son activité et qu’en dépit des efforts employés, sa situation a continué à se dégrader.
Sur le co-emploi’:
M.[J] soutient qu’il a été licencié le 11 aout 2020 pour le motif de cessation d’activité et que cette cessation doit s’apprécier au moment du licenciement sinon le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il expose qu’en réalité, c’est à partir de 2010, suite aux nombreuses pertes de contrats de distribution que l’activité de la SARL [T] a décliné, notamment suite à la perte du contrat de la marque ZOOT en 2011. Malgré ses difficultés financières, la société n’a pas été fermée et a tenté de se diversifier après 2012 sur d’autres marchés (running) et vers d’autres types de magasins). M. [T] a ainsi fait le choix de la maintenir artificiellement en raison de son compte fournisseur qu’elle détenait auprès de l’enseigne Décathlon mais elle n’a jamais obtenu de nouveaux contrats de distribution auprès de cette enseigne. M. [T] a ensuite volontairement décidé en 2016, l’arrêt complet de l’activité la SARL [T] au profit de la SAS In visio. M.[J] a ensuite travaillé officieusement pour la SAS In visio. M. [T] a caché la procédure de sauvegarde jusqu’en 2016 mais M.[J] a exigé un contrat de travail pour la SAS In visio afin d’éviter un licenciement en cas de liquidation.
Le véritable lien de subordination existait avec la SAS In visio sur la base d’un temps de travail à temps complet. Il se trouvait dans une situation de coemploi.
La SARL [T] et la SAS In visio font valoir que le salarié ne conteste pas la cessation d’activité de la SARL [T] qui constitue un motif économique autonome de licenciement. Elles contestent par ailleurs toute légèreté blâmable de la part de M. [T], qu’il ait délaissé l’activité de la SARL [T] et commis quelque erreur lors de déclaration en douane qui aurait entrainé un contrôle fiscal. Il a au contraire multiplié les efforts afin de maintenir l’activité et pérenniser l’emploi. Il s’est porté caution à titre personnel des engagements de la société auprès d’établissements bancaires et a apporté à la société une somme de 300.000 € afin de la maintenir en activité.
Sur la légèreté blâmable’:
M. [J] soutient que la dégradation de l’activité de la SARL [T] est en réalité de fait de M. [S] [T] son dirigeant qui a perdu progressivement les marques distribuées en raison d’une mauvaise gestion et de ses mensonges notamment des erreurs volontaires de déclaration en douane. M. [T] ayant délaissé l’activité au profit de la SAS In visio pour se consacrer à son activité immobilière.
La SARL [T] conteste et fait valoir que le licenciement est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et que la cessation complète d’activité en résultant est un motif économique autonome. En dépit des efforts déployés, la situation n’a cessé de se dégrader et les chiffres d’affaires de s’effondrer depuis 2015, ce que le salarié ne conteste pas. Aucune faute de quelque nature que ce soit n’étant imputable à M. [T].
Sur la date de cessation d’activité’:
M. [J] soutient que la cessation d’activité doit s’apprécier au moment du licenciement et que si elle n’est pas concomitante, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Or, dans les faits la SARL [T] n’avait plus d’activité commerciale et ne facturait plus de prestations depuis 2016, de nombreuses pertes de contrats de distribution ayant eu lieu depuis 2010. Elle a tenté de poursuivre son activité en se diversifiant sur d’autres marchés passant du cycle au triathlon puis au running à partir de 2012, M. [T] ayant fait le choix de la maintenir artificiellement en raison de son compte fournisseur qu’elle détenait auprès de l’enseigne Decathlon jusqu’en 2016.
Sur l’absence de suppression du poste et le non-respect de l’obligation de reclassement’:
M.[J] soutient au visa de l’article L. 1233-4 du Code du travail, que travaillant en réalité à temps complet pour la SAS In visio, il aurait été tout à fait possible de lui proposer son poste en reclassement et de régulariser la situation illégale de travail dissimulé. Il a été remplacé et son poste n’a pas été supprimé (M. [N]). En tout état de cause au-delà de la notion de co-emploi, il avait deux employeurs.
La SARL [T] soutient pour sa part qu’elle n’appartient à aucun groupe et que M.[J] n’était pas en situation de co-emploi et était le dernier salarié de la société sans possibilité de le reclasser du fait de la cessation d’activité. Par ailleurs il n’existait aucun emploi disponible au sein de la SAS In visio non plus.
Sur ce,
Sur l’appartenance de la SARL [T] à un groupe’:
Il est désormais de principe que la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L.’2331-1 du Code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.
Le renvoi des dispositions susvisées aux dispositions du code du commerce pour définir la notion de groupe s’agissant de l’appréciation du périmètre de reclassement, fait non seulement référence à l’approche capitalistique, mais également à la notion d’influence dominante en vertu d’un contrat ou des statuts.
L’influence dominante d’une société sur une autre se caractérise lorsqu’elle détient au moins 10 % du capital, et ce lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique.
En l’espèce, il ressort des statuts de la SAS In visio versés aux débats que la société a pour objet’ «’le conseil en commercialisation en implantation et distribution de marques, d’articles et de produits de sport notamment l’aide , le développement, l’assistance au design et à la fabrication de tous produits, en toute matière et no le marketing et la promotion de produits et d’articles de sport.’; toutes activités liées aux produits textiles, à l’habillement et aux équipements de sports…’».
M. [S] [T] détient 70 % du capital de la société et sa s’ur , Mme [V] [T], 30 % et M. [S] [T] est le président de la SAS In visio et Mme [V] [T], directeur général.
La SARL [T] n’est donc pas partie au capital de la SAS In visio mais a le même dirigeant, M. [S] [T] qui détient 70 % du capital de la SAS In visio et la majorité du capital de la SARL [T].
Il convient dès lors de juger que la SARL [T] et la SAS In visio ne formaient pas un groupe au sens des dispositions susvisées et de la jurisprudence applicable.
Sur le co-emploi’:
Faute de l’existence d’un groupe composé de la SARL [T] et de la SAS In visio et donc d’un co-emploi sociétaire pouvant en découler, et s’agissant d’un éventuel co-emploi subordonné, il doit être noté que M. [J] disposait d’un second contrat de travail avec la SAS In visio et qu’il ne peut donc de ce fait arguer d’un co-emploi correspondant à une situation dans laquelle il serait sous la subordination de plusieurs employeurs, malgré l’existence d’un contrat de travail avec un seul des deux employeurs.
Sur la cessation d’activité et l’existence d’une légèreté blâmable’:
L’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er avril 2018 énonce que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
La cessation complète de l’entreprise peut ainsi constituer une cause économique de licenciement quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l’employeur. Aucune condition liée à des difficultés économique préexistante n’a à être démontrée s’agissant de ce motif économique.
En l’espèce, M. [J] ne conteste pas l’existence des difficultés économique de la SARL [T] mais invoque la légèreté blâmable de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité de la société.
Il verse au soutien de ses prétentions, les attestations de’:
– M. [L], ancien commercial pour la SARL [T] et la SAS In visio qui témoigne avoir pu constater au cours de ses démarches téléphoniques auprès des détaillants, la très mauvaise réputation de l’entreprise [T] identifiée comme fournisseur peu fiable et que par manque de trésorerie, les déplacements commerciaux en magasins ont rapidement été annulés.
– M. [I], ancien commercial, qui expose que la perte de la distribution de la marque principale de la SARL [T], Zoot a été justifiée par M. [T] de manière différente en interne, auprès des fournisseurs et des clients et qu’il a appris lors d’une réunion en mai 2011 que la marchandise était disponible sur leur entrepôt européen mais que M. [T] n’en avait pas fait le règlement. Il confirme les grosses difficultés de trésorerie de la société, «’non livraison de la marchandise commandée, ruptures de stock permanente sur toutes les marques distribuées, avance de trésorerie personnelle lors des déplacement commerciaux, règlement en cash…’»
– M. [K], ancien salarié, qui explique que la société a, à partir de 2010 régulièrement perdu la distribution de ses marques de vélo, triathlon, diététiques, running et accessoires. «’les erreurs volontaires de déclarations en douane nous ont amenées je crois à un redressement fiscal’» (sic) et les difficultés de financement étaient souvent évoquées par M. [T]. Les magasins étaient souvent déçus du fait des retards de livraison et des nombreux reliquats de commande…’»
Toutefois, faute d’éléments objectifs démontrant que des fautes ou des erreurs volontaires de gestion de M. [T] aux fins de mettre fin à l’activité de l’entreprise, M. [J] échoue à démontrer la légèreté blâmable de l’employeur ayant conduit à la cessation de l’activité.
Sur la date de cessation d’activité de la SARL [T]’:
La cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu’il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d’activité quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l’employeur et que la réalité du motif du licenciement s’apprécie à la date de son prononcé.
En l’espèce, il ressort de l’attestation de M. [G], expert comptable, que la SARL [T] a vu son chiffre d’affaires diminuer drastiquement de 463210 € en 2015 à 36000 € en 2019, l’activité de négoce ayant progressivement décliné depuis 2015 pour arriver à 0 en 2019.
Il ne peut être déduit de cette baisse d’activité régulière, que l’activité de la société avait déjà complètement cessé, M. [J] ayant d’ailleurs continué à être rémunéré conformément à son contrat de travail et n’étant pas contesté que des tentatives de de diversifications sur d’autres produits de sport pour préserver des marchés avaient été lancées par la SARL [T] en vain, rien n’imposant à l’employeur de cesser son activité.
Il n’est par ailleurs pas allégué que l’activité de la société n’a pas perduré après le licenciement économique pour cessation d’activité.
Sur la suppression du poste et le reclassement’:
Il n’y a pas manquement à l’obligation de reclassement interne si aucun poste, en rapport avec les compétences des salariés licenciés, n’est disponible dans la société liquidée et au sein des entreprises du groupe de reclassement permettant une permutation du personnel.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’activité de la SARL [T] a cessé et qu’il n’y avait donc plus de poste à pourvoir aux fins de reclassement et que le poste de M. [J] a été supprimé au sein de la SARL [T].
Il a été jugé que la SARL [T] ne faisait pas partie d’un groupe et qu’il n’existait aucun lien capitalistique entre la SARL [T] et la SAS In visio ni co-emploi, le seul fait de disposer du même gérant ne suffisant pas démontrer l’existence d’un groupe. La SAS In visio n’étant pas dans l’obligation de de reclasser M. [J] qui disposait au surplus d’ores et déjà d’un contrat de travail à temps partiel au sein de l’entreprise.
Il convient de confirmer le jugement déféré et de juger le licenciement économique de M. [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Sur la régularité de la procédure de licenciement de M.[J] pour motif économique ‘:
Moyens des parties :
M.[J] soutient au visa de l’alinéa 5 de l’article L. 1235-2 du code du travail, qu’il été convoqué à son entretien préalable au licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception n°1E00208879255 du 22 juillet 2020 présentée et reçue le 27 juillet 2020 pour un entretien préalable fixé le 31 juillet 2020 et que le délai de 5 jours ouvrables n’a pas été respecté. Il soutient que le non-respect de ce délai lui a causé un préjudice puisqu’il n’a notamment pas eu le temps de contacter un conseiller du salarié afin de se faire assister pendant l’entretien et en pleine période de vacances scolaires et de crise sanitaire, il devait garder ses enfants dont l’un souffre d’épilepsie, rendant l’organisation difficile puisque sa femme travaillait.
La SARL [T] soutient avoir respecté la procédure de licenciement en convoquant M.[J] 5 jours ouvrables avant la tenue de l’entretien et il ne peut pas prétendre à des dommages et intérêts sans justifier d’un quelconque préjudice à ce titre.
Sur ce,
En application des dispositions de l’article L.1235-2 du code du travail, si le licenciement survient sans que la procédure ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, l’indemnité accordée au salarié est d’un mois de salaire maximum.
Il en ressort que si le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le salarié n’est pas fondé à cumuler l’indemnité susvisée avec une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L. 1232-2 du code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation. L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1235-2 alinéa 5 du code du travail que dans sa rédaction applicable au litige dispose que si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Il est de principe que le non-respect du délai constitue une irrégularité entrainant nécessairement un préjudice pour le salarié.
Le délai de cinq jours s’écoule entre la date de première présentation de la lettre de convocation à l’entretien préalable et la date effective de l’entretien, ces deux jours ne comptant pas. Le dimanche et les jours fériés ne doivent pas non plus être comptés dans ce délai. Lorsque le délai de cinq jours ouvrables’expire un samedi,’un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est’prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.'(Article R.1231-1).
En l’espèce, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier date du 22 juillet 2020 déposé à la poste le 27 juillet 2020 et «’distribué à son destinataire contre sa signature’» selon la poste, ce jour ne comptant dans le délai de 5 jours. L’entretien étant fixé au 31 juillet 2020, le délai de 5 jours n’a donc pas été respecté. Il convient dès lors de condamner la SARL [T] à lui verse la somme de 2045,41 € à titre de dommages et intérêts à ce titre (1 mois de salaire).
Sur le prêt de main d”uvre illicite et la demande au titre du travail dissimulé’:
Moyens des parties :
M.[J] soutient qu’alors qu’il a été embauché par la SARL [T] mais qu’il travaillait en réalité pour le compte de la SAS In visio uniquement, étant rappelé que la SARL [T] n’avait plus d’activité commerciale depuis 2016, cette situation correspondant à une mise à disposition sans que celle-ci n’ait été régularisée par la signature d’un avenant à son contrat de travail et par une convention de mise à disposition entre la SARL [T] et la SAS In visio.
De plus une ligne de mise à disposition de personnel apparait sur les bilans de la SARL [T] pour les années 2017 à 2020 sachant que seul M.[J] était salarié de la SARL [T] sur ces périodes à l’exception de M. [L] qui cumulait également 2 contrats auprès de la SARL [T] et la SAS In visio.
Ce prêt de main d”uvre est d’autant plus illicite que, à la lecture du bilan, la SARL [T] a refacturé la somme de 36.000 € sur l’exercice 2019 à la SAS In visio au titre de la mise à disposition de personnel, alors même qu’elle ne verse au salarié qu’un montant de 32.228 € de salaire, augmenté des charges sociales (24.808 + 7.401). Elle fait donc une opération illicite de prêt de main d”uvre puisqu’elle retire des bénéfices de la mise à disposition de main d”uvre, ce qui est totalement interdit et répréhensible pénalement.
M.[J] soutient que la confusion entre les deux sociétés a entraîné une situation de travail dissimulé. La SAS In visio étant devenu son employeur de fait pendant sa mise à disposition irrégulière a commis le délit de travail dissimulé par dissimulation de salarié. Elle bénéficiait de la totalité de son activité tout en se soustrayant aux déclarations sociales et fiscales. Cette dissimulation ne peut être qu’intentionnelle, la SAS In visio ayant été alertée par M.[J].
La SARL [T] et la SAS In visio contestent le travail dissimulé. M.[J] ne peut prétendre que la confusion entre les deux sociétés aurait entraîné une situation de travail dissimulé. Il le peut d’autant moins que les situations de travail dissimulé sont décrites aux articles L. 8221-3 à L. 8221-5 du Code du Travail. Or, il ne résulte d’aucune de ces dispositions légales que le fait de placer le salarié dans une situation de co-emploi entrainerait une situation de travail dissimulé. Au surplus, il ne caractérise pas l’intention de l’employeur de créer une situation de travail dissimulé.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur’:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche’;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie’;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité en application des dispositions de l’article L.’8221-3 du code du travail, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n’a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d’une partie de son chiffre d’affaires ou de ses revenus ou de la continuation d’activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l’article’L. 613-4’du code de la sécurité sociale ;
3° Soit s’est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur de ces derniers exerce dans l’Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
En application des dispositions de l’article L.8241-2 du code du travail,’les opérations de prêt de main-d”uvre à but non lucratif sont autorisées.
Dans ce cas, les’articles L. 1251-21 à L. 1251-24, les 2° et 3° de l’article L. 2312-6, le 9° du II de l’article L. 2312-26’et l’article L. 5221-4’du présent code ainsi que les’articles L. 412-3 à L. 412-7’du code de la sécurité sociale sont applicables.
Le prêt de main-d”uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :
1° L’accord du salarié concerné ;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.
Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.
Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.
La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d’un mandat représentatif.
Pendant la période de prêt de main-d”uvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.
Le comité social et économique est consulté préalablement à la mise en ‘uvre d’un prêt de main-d”uvre et informé des différentes conventions signées.
Le comité de l’entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l’entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de’l’article L. 4154-2.
Le comité social et économique de l’entreprise utilisatrice est informé et consulté préalablement à l’accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d”uvre.
L’entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d”uvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l’une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d”uvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d”uvre à l’initiative de l’une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement.
En application des dispositions de l’article L. 8243-1 du code du travail’que le fait de procéder à une opération de prêt illicite de main-d’oeuvre en méconnaissance des dispositions des dispositions suscitées, est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.
En l’espèce, il est constant que M. [J] travaillait à temps plein pour la SARL [T] depuis le 10 juin 2010 et qu’il a été embauché par la SAS In visio à compter du 10 février 2016 pour 4 heures par semaine. La SARL [T] et la SAS In visio ayant le même dirigeant et les activités de ces deux sociétés étant non seulement complémentaires, mais l’objet social général de la SAS In visio permettant d’opérer dans le même secteur d’activité que la SARL [T]. Il doit être noté qu’il ressort des éléments versés aux débats que l’activité de la SARL [T] a commencé à pérécliter à compter de 2016.
Aucune convention de mise à disposition de M. [J] au bénéfice de la SAS In visio n’a été signée ni avenant à son contrat de travail.
Aux termes de l’attestation de M. [G], expert-comptable, lorsque l’activité de négoce d’articles de sport entreprise par la SARL [T] a progressivement commencé à péricliter à partir de 2016, «’le personnel restant a réalisé des missions commerciales et administratives que la SARL [T] a facturées à d’autres sociétés’»(sic).
Il apparaît sur les bilans des exercices 2017, 2018 et 2019, une mise à disposition de personnel à la SAS In visio alors qu’il n’est pas contesté que M. [J] était le seul salarié de la SARL [T] à cette période (M. [L] disposait de contrats de travail à temps équivalent dans les deux sociétés) et le montant des sommes reversés en 2019 au titre des salaires par la SAS In visio (32228 €) est inférieur à celui facturé pour la mise à disposition du personnel.
Il ressort par ailleurs des échanges mails de mai 2016 entre [S] [T], M. [J] et le personnel de la SAS In visio, qu’il envisage désormais clairement «’d’équilibrer ses projets’» après la perte d’une autre marque par la SARL [T], qu’il faut «’combler le vide et la perte de du chiffre d’affaires’» et «’qu’il vaut encore mieux travailler ensemble afin de trouver de nouveaux clients’» opérant désormais une confusion entre le personnel des deux sociétés.
M.[K], expose que salarié depuis 2008 de la SARL [T], il a, à partir de 2013, participé aux activités de l’entreprise In visio à partir de 2013 en plus de ses tâches logistiques.
M.[L], recruté en qualité de commercial en 2016 par deux contrats de 10,5 heures par semaine pour la SARL [T] et la SAS In visio, témoigne que l’intégralité de la facturation client était faite sous l’entité In visio/sports vision et qu’il a toujours utilisé la base de données clients In visio pour la saisie administrative, l’essentiel de ses communications clients était faite sous l’identité [Courriel 3].
Il ressort de l’analyse de ces éléments que M. [J] a été mis à disposition de la SAS In visio par la SARL [T] de façon illicite en plus de son contrat de travail de 4 heures par semaine de manière intentionnelle, le travail dissimulé étant par conséquent constitué à l’encontre de la SAS In visio.
Il convient dès lors de condamner la SAS In visio à lui verser la somme de 15402 € à ce titre par voie d’infirmation du jugement déféré.
Sur les demandes de rappel de salaires:
Moyens des parties :
M.[J] soutient que compte tenu de la situation de travail illégal, M.[J] effectuait l’intégralité de son temps de travail pour la SAS In visio. Il sollicite le rappel de salaires pour un temps complet et le paiement de la somme de 300 € pour la période de mars à juillet 2020 correspondant à son augmentation déguisée en remboursement de frais.
La SARL [T] et la SAS In visio contestent tout co-emploi.
Sur ce,
Il ressort des éléments versés aux débats et notamment des échanges de mails, que si M. [J] a été effectivement mis à disposition de manière illicite de la SAS In visio par son employeur et exécutait ses prestations de travail quasiment à temps complet pour la SAS In visio compte tenu de la baisse progressive d’activité de SARL [T], il a néanmoins été rémunéré par la SARL [T] avec qui il s’était manifestement mis d’accord avec lui pour conserver sa rémunération par le biais du contrat de travail de 4 heures par semaine pour la SAS In visio et le remboursement de frais de déplacement indus de 300 € par mois jusqu’au mois de février 2020. Il ne justifie pas ne pas avoir perçu la rémunération prévue par son contrat de travail jusqu’à cette date.
Il convient toutefois de condamner in solidum la SARL [T] et la SAS In visio à lui payer la somme de 1500 € au titre de ces frais constituant en réalité un complément de salaire qui n’a pas été versé entre mars et juillet 2020 outre 150 € de congés payés afférents .
Il convient dès lors de réformer le jugement déféré sur ce point.
Sur les demandes accessoires’:
Il convient d’infirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La SARL [T] et la SAS In visio parties perdantes qui seront condamnées in solidum aux dépens et déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devront payer à Mme [D] in solidum la somme de 2500 € au titre de ses frais irrépétibles.