Licenciement économique déguisé : décision du 7 octobre 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 07/05090

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Licenciement économique déguisé : décision du 7 octobre 2010 Cour d’appel de Paris RG n° 07/05090

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 07 Octobre 2010

(n° 1, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 07/05090

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2007 par le conseil de prud’hommes de PARIS section Encadrement RG n° 02/15515

APPELANT

Monsieur [R] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Cécile AIACH, avocat au barreau de PARIS, toque E.1366 substituée par Me EDELMAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SA EUROTRADIA INTERNATIONAL (ANCIENNEMENT OGA)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jeannie CREDOZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P 461

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Juillet 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Présidente

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Michèle BRONGNIART, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée, en date du 29 avril 1977, à effet du 1er juin 1977, M [R] [K] a été engagé par la société OGA, en qualité d’adjoint de direction de la délégation générale d’Orient, poste basé à [Localité 6].

Puis, aux termes d’un avenant au contrat de travail en date du 13 mars 1979, à effet du 1er mars 1979, M. [R] [K] a été détaché au [Localité 5], en Égypte, pour une période de deux ans renouvelable.

Par suite, le détachement du salarié a été renouvelé par période de deux ans, par tacite reconduction.

Le 10 juillet 1996, le comité d’entreprise de l’OGA a été informé et consulté sur le projet de fermeture du bureau du [Localité 5], dont M. [R] [K] était le seul salarié ;

La SA EUROTRADIA 1INTERNATIONAL, anicennement OGA, a convoqué M. [R] [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 juillet 1997. L’entretien préalable s’est finalement tenu le 19 septembre 1997.

Le 1er octobre 1997, l’employeur a sollicité, auprès de l’inspection du travail, l’autorisation de licencier le salarié, ce dernier étant délégué du personnel et membre de la délégation du personnel au comité d’entreprise. Cette autorisation lui a été accordée le 28 novembre 1997.

Par courrier recommandé, avec accusé de réception, en date du 4 décembre 1997, la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL a notifié à M. [R] [K] son licenciement pour faute grave.

Le 12 janvier 1998, le salarié a formé un recours gracieux à l’encontre de la décision de l’inspection du travail en date du 28 novembre 1997. Le 11 juin 1998, l’inspection du travail a confirmé la décision implicite de rejet.

Le 26 juin 1998, M. [R] [K] a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail.

Le 8 octobre 1998, M. [R] [K] a formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris contre la décision de l’inspection du travail en date du 28 novembre 1997 et le rejet du recours gracieux. Le 3 novembre 1998, l’autorité ministérielle a confirmé la décision de l’inspection du travail.

Par ordonnance du 25 mars 2000, le tribunal administratif a rejeté la requête du salarié pour irrecevabilité manifeste.

M. [R] [K] a interjeté appel de cette décision devant la cour administrative d’appel de Paris. Celle-ci a confirmé le jugement par un arrêt du 23 avril 2002. Le salarié s’est alors pourvu en cassation devant le conseil d’État qui a rendu une décision de rejet le 18 décembre 2002.

En l’état, la cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par M. [R] [K] du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris, le 4 mai 2007, qui, après avoir dit que son refus de rejoindre son poste à Paris était fautive, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.

Vu les conclusions en date du 1er juillet 2010, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [R] [K] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement déféré,

– de constater l’absence de faute grave,

en conséquence:

– de condamner la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL à lui payer les sommes suivantes:

* 82’015, 51 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 26’744,19 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 2574,41 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– de constater que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait du non-respect de la procédure de licenciement économique,

– de condamner la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL à lui payer la somme de

320’904 € à titre de dommages-intérêts en réparation de la violation de la procédure de licenciement économique,

– de condamner la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL à lui payer la somme de 50’000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation de son droit fondamental à une vie familiale,

– de condamner la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL à lui payer la somme de 5’000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 1er juillet 2010, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL demande à la cour :

– de se déclarer incompétente pour apprécier la régularité de la procédure de licenciement ainsi que le caractère réel et sérieux du motif de licenciement de M. [R] [K] ,

– de dire que les faits imputables à M. [R] [K] sont constitutifs d’une faute grave,

– de constater l’absence de violation du droit du salarié à une vie familiale,

par conséquent:

– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [R] [K] de l’intégralité de ses au titre de son licenciement,

– de débouter le salarié de ses demandes nouvelles devant la cour,

– de condamner M. [R] [K] à lui payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépenses.

SUR CE :

Considérant que le salarié a exercé les recours gracieux, hiérarchiques et contentieux relatifs à l’autorisation administrative de licenciement pour faute grave ;

Considérant que la cour, saisie du licenciement pour faute grave de M. [R] [K] autorisé par l’administration, est compétente pour apprécier le degré de gravité de la faute retenue à l’encontre du salariée ;

Considérant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce ; Qu’en l’espèce la lettre de licenciement est ainsi motivée :

‘L’avenant de mars 1979 à votre contrat de travail du 29 avril 1977 prévoit explicitement votre détachement au [Localité 5] et la possibilité pour l’ OGA d’y mettre fin en vous réintégrant au siège parisien de la société. En juillet 1996, en respectant le préavis contractuel, nous vous avons notifié la fin de votre détachement au [Localité 5] et votre retour en France.

Nous vous avons proposé plusieurs postes à [Localité 6] et en dernier lieu la poursuite pure et simple à notre siège des fonctions que vous occupez au [Localité 5].

Le 2 juillet 1997 vous avait rejeté cette offre comme les précédentes. Vous refusez délibérément de réintégrer le siège malgré l’obligation qui vous en est faite par votre contrat.

Après consultation du comité d’entreprise, nous avons demandé à M. l’inspecteur du travail l’autorisation de vous licencier. Après enquête contradictoire, Monsieur l’inspecteur du travail a, par sa décision du 27 novembre 1997, autorisé votre licenciement.

Votre attitude étant incompatible avec notre maintien dans la société, par la présente lettre, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité.’;

Considérant que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié , qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail , d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur ;

Que c’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire et à lui seul de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [R] [K] même pendant la durée du préavis ;

Considérant que, pour infirmation, M. [R] [K] soutient qu’il était basé au [Localité 5] sur le fondement d’une clause de détachement devenue caduque ; que le détachement ne pouvant excéder une durée de six années et étant au [Localité 5] de 1979 à 1997, il devait bénéficier dès 1985 du statut d’expatrié, de sorte que l’employeur ne pouvait plus se fonder sur l’avenant du 13 mars 1979 pour exiger son retour à [Localité 6], lequel constituait une modification unilatérale d’un élément essentiel de son contrat de travail ; qu’enfin, il s’agit en l’espèce d’un licenciement économique déguisé qui porte atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui pose le principe du droit au respect de la vie privée et familiale; qu’en effet, vivant depuis 18 ans avec son épouse au [Localité 5], la décision de l’entreprise de le rapatrier à [Localité 6] portait atteinte à son droit au respect d’une vie privée ;

Considérant que l’avenant au contrat de travail de M. [R] [K], en date du 13 mars 1979, qui prévoyait l’affectation du salarié à la délégation Égypte de la société, en qualité de délégué régional, disposait : ‘ la durée de votre séjour est fixée à deux ans à compter du 1er mars 1979 et s’achèvera pour la première année, le 28 février 1981. Elle sera renouvelée à la fin de chaque séjour pour deux ans par tacite reconduction à moins que l’une ou l’autre des parties décide d’y mettre fin en en faisant part au moins six mois avant la fin de chaque période de détachement. À l’issue de chaque période de détachement, vous serez réintégré au siège de [Localité 6]’;

Considérant, cependant, ainsi que le soutien de la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL, que la circonstance que M. [R] [K] ait été détaché au bureau du [Localité 5] pour une durée supérieure à celle autorisée par les dispositions de l’article L 761-2 du code de sécurité sociale est, en raison du principe d’autonomie du droit de la sécurité sociale par rapport au droit du travail, sans incidence sur la validité de la clause du contrat de travail organisant une mobilité entre l’Égypte et la France ;

Considérant que, en application de l’avenant au contrat de travail en date du 13 mars 1979, la SA EUROTRADIA INTERNATIONAL a notifié au salarié, par courrier du 12 juillet 1996, la fin de son détachement au [Localité 5] à compter du 28 février 1997 et lui a annoncé son retour en France; qu’un préavis supérieur à celui prévu par le contrat de travail a été respecté ;

Qu’il n’est pas contesté par M. [R] [K] , aux termes de ses écritures d’avoir refusé de quitter son poste basé au [Localité 5] pour un autre à [Localité 6];

Que les courriers entre le salarié et l’employeur, produits aux débats, établissent que le salarié, a refusé et exprimé son désaccord quant à la décision de la direction de fermer le bureau du [Localité 5] pour des motifs tenant à sa vie personnelle ;

Qu’en réalité, M. [R] [K] ayant fait sa vie au [Localité 5] depuis de nombreuses années, n’acceptait pas l’idée de revenir en métropole; que ce refus, explicité par le salarié, constitue néanmoins une violation grave des obligations contractuelles du salarié résultant de l’avenant du 13 mars 1979, lequel prévoyait une possibilité de mettre fin au détachement et alors que l’employeur justifie avoir présenté à M. [R] [K], par écrit, quatre offres de poste au siège, conformes à sa classification ; Que dès lors la thèse du licenciement économique déguisé du salarié est battue en brèche par cette circonstance ;

Considérant, en ce qui concerne la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, soutenue pour la première fois en cause d’appel, que l’appelant ne caractérise pas en quoi, la fin du détachement, contractuellement prévu, porterait atteinte à des obligations familiales impérieuses ; Que M. [R] [K] se contente d’alléguer, sans autre précision, que son départ d’Égypte s’analyserait comme une atteinte au respect de sa vie privée, ainsi qu’à son libre choix de domicile ;

Considérant, en conséquence, que le refus délibéré et injustifié de M. [R] [K] de se conformer à une clause de mobilité constitue une faute grave; qu’il convient donc de confirmer le jugement déféré ;

Considérant que ni l’équité ni la situation économique respective des parties ne justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE M. [R] [K] aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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