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RG N° 11/04154
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 12 SEPTEMBRE 2012
Appel d’une décision (N° RG 09/01771)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 21 juillet 2011
suivant déclaration d’appel du 08 Août 2011
APPELANT :
Monsieur [K] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Laurent LAFON (avocat au barreau d’AURILLAC)
INTIMÉE :
La SA KING JOUETS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Bernard GALLIZIA (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Astrid RAULY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Melle Sophie ROCHARD, Greffier.
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 Juin 2012,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 12 Septembre 2012.
L’arrêt a été rendu le 12 Septembre 2012.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG : 11/4154AR
[K] [Y] a été embauché par la société KING JOUETS, en qualité de chargé de la gestion des systèmes d’alarme et d’incendie, statut cadre niveau 7 de la convention collective étendue des entreprises de commerce de gros, de jouets, bimbeloterie, bazars. Il était placé sous l’autorité de M.[S].
Le 8 octobre 2008, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été signée, qui a été réputée acquise le 17 novembre 2008.
Le 22 mai 2009, [K] [Y] a dénoncé la rupture conventionnelle et a précisé qu’il n’avait pas signé son solde de tout compte.
Le 28 mai 2009, la société KING JOUETS s’est étonnée de l’absence de moyens dans le courrier qui justifierait une contestation de la rupture conventionnelle.
Par courrier du 7 juin 2009, [K] [Y] a évoqué un ensemble de faits.
Par courrier du 19 juin 2009, la société KING JOUETS, a répondu aux allégations du salarié.
Par jugement du 21 juillet 2011, le conseil des prud’hommes de Grenoble a dit que les demandes de [K] [Y] sont infondées et que la rupture conventionnelle n’était pas entachée de vice de consentement et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné à payer la somme de 700€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Appel de cette décision a été interjeté le 8 août 2011 par [K] [Y].
Par conclusions régulièrement déposées, [K] [Y] sollicite l’infirmation de la décision entreprise et demande à la cour de :
– dire que la sociétéKING JOUETS n’a pas respecté avec loyauté des obligations découlant du contrat de travail en ne le protégeant pas des agissements dont il a été victime dans le cadre de l’accomplissement de ses missions et en ne lui donnant pas les moyens de les réaliser dans des conditions de dignité
– annuler pour vice du consentement la rupture conventionnelle du 8 octobre 2008
– dire que cette rupture s’affiche comme un licenciement économique déguisé ou à défaut comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner la société KING JOUETS, à lui payer :
– 16000 € dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– 10000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 4000 € pour non-respect de l’obligation de le convoquer à un entretien préalable
– 4000 €d’indemnités de préavis
– 1000 € d’indemnités pour non-respect des règles relatives à la notification du licenciement économique
– 1000 € d’indemnités pour non énonciation du motif économique
– 1000 € d’indemnités pour non consultation des représentants du personnel
– 1000 € d’indemnités pour non-respect de l’ordre de licenciement
– 1000€d’indemnités pour non-respect des règles relatives au plan de sauvegarde
– 1000 € d’indemnités pour non respect de la priorité de réembauchage
– 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-condamner la société KING JOUETS, à lui remettre les bulletins de paye correspondant aux condamnations sous astreintes de 50 € par jour de retard.
Il fait valoir que dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail il a déploré certains dysfonctionnements liés à l’attitude d’un de ses chefs de chantier et à l’attitude de sa hiérarchie au sein de l’entreprise ; qu’il lui a ainsi été demandé de prendre des risques professionnels (monter sur une échelle à plus de 8 m de haut) ; que ses responsabilités lui étaient sans cesse rappelées ; qu’il lui a été attribué un véhicule KANGOO non équipé des barres de toit indispensables à l’exercice de son activité ; que l’employeur a rechigné à lui rembourser l’achat de ces barres ; qu’il lui a été reproché de ne pas saisir ses frais à la semaine; qu’il a dû jouer le rôle de financeur de KING JOUETS pour remplir sa mission et de solliciter le remboursement de sommes conséquentes ; que l’outillage dont l’employeur lui avait demandé d’établir la liste ne lui a jamais été fourni ; qu’il réalisait des horaires de 70 à 72 heures par semaine ; qu’il ne pouvait même plus prendre ses congés ; que la rupture a eu lieu le dans un contexte de relations tendues, alors qu’il avait de sérieux problèmes de trésorerie liés aux conditions d’exécution du contrat de travail et au retard d’un remboursement de ses frais ; que la dégradation de ses relations avec les fournisseurs était humiliante.
Il souligne que son départ s’est produit dans un contexte économique morose pour la société; que dans le cadre du premier entretien, il était assisté par son supérieur hiérarchique direct, qui disposait d’actions au sein de la société ; que la société ne disposait pas de représentants du personnel.
Il fait valoir que la rupture conventionnelle dont il a fait l’objet est entachée d’un vice du consentement puisqu’il a été trompé à un double titre ; que la rupture conventionnelle a été obtenue en raison de sa lassitude du fait d’une exécution déloyale du contrat de travail par la société, trop satisfaite de se séparer d’un salarié pour éviter une procédure de licenciement pour motif économique.
Il rappelle que la rupture conventionnelle doit garantir la liberté du consentement des parties et ne doit pas permettre à la société de s’affranchir des règles du licenciement économique et intervenir en fraude des droits des salariés.
Il soutient que la rupture a été forcée du fait de :
– la déloyauté de l’employeur qui a entraîné une lassitude de sa part
– de l’utilisation de cette lassitude pour lui extorquer par contrainte morale voire astuce un consentement à une rupture conventionnelle
– du détournement des règles d’ordre public du licenciement économique.
Il explique qu’il a été en outre floué sur ses droits ASSEDIC qui ne tiennent pas compte de la part variable de son salaire .
Il souligne qu’il a été contraint de prendre des risques corporels inadmissibles ; qu’il a été privé de tous moyens, notamment financiers pour mener à bien sa mission ; que tout cela a généré un stress ; qu’il a été trompé par le directeur des relations humaines sur le véritable montant de ses droits à allocations ASSEDIC.
Il soutient que les véritables raisons de l’attitude de la société, qui avait de plus en plus de mal à obtenir des marchandises auprès de ses fournisseurs, sont économiques ; que la société est à l’origine de la proposition de rupture ; qu’il n’est pas envisageable qu’il se soit contenté d’une indemnité financière de 1600€ pour solde de tout compte ce qui démontre qu’il a été contraint d’accepter la solution de la rupture conventionnelle unilatéralement proposée par l’employeur ; que son consentement, donné par lassitude, ne procède pas d’une volonté libre et éclairée ; que l’attitude de l’employeur caractérise une véritable contrainte morale constitutive de pression et de violences.
Il allègue qu’il a été soumis à des ordres de M. [N] qui l’ont entravé dans sa liberté d’action ; qu’il a été privé de moyens (véhicule de fonction dépourvu de barres de toit – remise tardive d’une carte Euros Master – retards dans le remboursement des frais générant des soucis bancaires).
Il constate que son travail a été remis en cause alors qu’il ne possédait pas de tous les éléments pour traiter les chantiers et qu’il était toujours par monts et vaux ; que la société avait du mal à régler ses fournisseurs.
La société KING JOUETS, intimée, sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de [K] [Y] à lui payer 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la rupture conventionnelle a été approuvée par la direction départementale du travail ; que l’information du salarié a été préservée par plusieurs entretiens, le 26 septembre 2008 et le 8 octobre 2008 ; que le salarié avait pendant toute cette période la possibilité de se renseigner et n’a pas utilisé la faculté de rétractation prévue par la loi.
Elle souligne que la rupture conventionnelle s’analysant comme une convention, il doit démontrer le vice du consentement et ne peut invoquer que l’erreur, la violence ou le dol ; qu’aucun des reproches qu’il adresse à son employeur n’est constitutif d’un vice du consentement ; que le seul élément qu’il invoque est le fait que le représentant de l’employeur l’aurait inexactement informé sur le montant des allocations qu’il allait percevoir ; que ce reproche ne résulte d’aucun élément ; que le seul document versé aux débats est un mail du 15 décembre 2008, postérieur à la signature de la convention ; qu’il pouvait se renseigner auprès de Pôle emploi ou d’un conseil.
Elle soutient que la déloyauté de l’employeur, à supposer qu’elle soit établie, ne peut autoriser le salarié a invoquer le vice du consentement ; que la cour ne peut requalifier la rupture en licenciement économique ; qu’au demeurant la société n’a procédé à aucun licenciement économique en 2008,2009 ou 2010.
À titre subsidiaire elle souligne que les reproches qui lui sont faits ne sont pas fondés ainsi qu’il résulte de la lettre du 19 juin 2009 ; que M.[Y] n’était pas sous la subordination de M.[N] et qu’on voit mal pourquoi il aurait dû appliquer les injonctions de celui-ci; qu’en ce qui concerne le véhicule mis à sa disposition, le nécessaire a été fait pour les barres de toit ; que c’est le salarié qui a pris l’initiative de les acheter lui-même et que celles-ci lui ont été remboursées ; que s’agissant des pneus, il a dû solliciter, comme c’est l’usage au sein de l’entreprise, une carte auprès d’un fournisseur attitré qu’il a obtenue sans difficulté ; qu’il n’a pas respecté les procédures en vigueur au sein de l’entreprise en matière de remboursement de frais alors qu’elles lui ont été rappelées à diverses reprises ;
Elle estime que le salarié fait grand cas des difficultés qu’il aurait rencontrées avec certains fournisseurs alors que ces difficultés résultent de son fait ; que le service travaux dispose d’une secrétaire à [Localité 6] mais que le salarié s’entêtait à transmettre les travaux de secrétariat à [Localité 5] ;
DISCUSSION
Attendu que la rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie; que la rupture conventionnelle est exclusive du licenciement ou de la démission et ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ;
Qu’elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat et est soumise aux dispositions impératives fixées par le Code du travail destinées à garantir la liberté du consentement des parties ;
Qu’elle peut intervenir alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains de ses salariés ;
que la rupture conventionnelle ne nécessite pas l’établissement d’un plan de sauvegarde ;
Que l’employeur et le salarié conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens ;
Qu’aucun formalisme particulier n’est nécessaire pour entamer les négociations ; qu’il n’est nul besoin d’une convocation à un entretien préalable ou d’une convocation des délégués du personnel ; que les parties souhaitant convenir d’une rupture conventionnelle se rencontrent lors d’un ou plusieurs entretiens, selon leur choix ;
Qu’au cours de cet entretien (ou de ces entretiens), le salarié peut se faire assister :
-soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel (par exemple, un délégué du personnel ou un membre élu du comité d’entreprise) ou tout autre salarié ;
-soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative ;
Attendu que la convention de rupture élaborée entre l’employeur et le salarié définit les conditions de cette rupture, notamment le montant de « l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle » qui sera versée au salarié et fixe également la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’autorité administrative ;
Attendu qu’afin d’éviter les décisions trop hâtives, et afin de permettre à chaque partie de mesurer la portée de sa décision, la loi impose un délai minimum entre la signature de la convention et sa transmission à l’autorité administrative pour homologation ou pour autorisation et permet à chaque partie de revenir sur sa décision durant ce délai ;
Qu’ainsi, à compter de la date de signature de la convention par l’employeur et le salarié, l’un et l’autre disposent d’un délai de 15 jours pour exercer ce droit de rétractation ;
Attendu qu’à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative compétente ; que l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables ; qu’à défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise ;
Qu’il n’est donc nul besoin de procéder à l’énonciation du motifs de la rupture et encore moins à la notification d’un licenciement ;
Attendu qu’ainsi que le relève justement le Conseil des Prud’hommes celui qui prétend obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle doit démontrer que le consentement est vicié et invoquer l’erreur, la violence ou le dol ;
Attendu qu’en l’espèce la rupture conventionnelle n’a été dénoncée par le salarié que le 22 mai 2009 soit plus de 7 mois après sa signature dans les termes suivants : « Je fais suite à ma lettre recommandée du cinq février 2009 et suite au rapport d’audit social que j’ai fait effectué .
L’analyse complète de ce dernier fait ressortir qu’à ce jour, je dénonce la rupture conventionnelle (…) »;
Attendu que le salarié n’a invoqué aucun vice du consentement ; qu’il s’est contenté d’invoquer un rapport dont il a refusé la communication à son employeur ( courrier du 07 juin 2009 ) ;
Qu’il ressort des pièces qu’il a communiquées et notamment de l’échange mail du 14 et 15 décembre et des courriers de janvier et février 2009 que le motif de cette dénonciation est le non paiement de ses frais et le montant des prestations Assedic ;
Que si les motifs de la rupture conventionnelle ont été détaillés dans le courrier du 07 juin 2009, il n’est ni soutenu ni démontré qu’ils auraient entraîné une altération du discernement du salarié ;
Que la « lassitude » alléguée par le salarié à la suite de difficultés dans le cadre de l’exécution du contrat de travail qui, selon lui, serait à l’origine de la rupture, ne peut être assimilée à un vice du consentement ;
Attendu qu’aucune procédure disciplinaire n’était en cours ; qu’il n’est pas valablement démontré que le salarié aurait fait l’objet de pressions ou de manoeuvres ni que le salarié ait été contraint d’accepter la rupture conventionnelle du fait de la déloyauté de l’employeur ;
Attendu que le salarié qui soutient qu’il aurait été mal renseigné sur ses droits avait tout loisir entre la signature de la convention et son homologation de le faire ;
Qu’il a été régulièrement assisté, à sa demande, par M. [S], qui était son supérieur hiérarchique et dont il n’a pas été soutenu qu’il ignorait les fonctions et la participation dans l’entreprise ;
Attendu qu’aucun « préavis » n’est prévu dans le cadre de la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, ce terme étant réservé au licenciement et à la démission ;
Que les règles du licenciement ne s’appliquent pas à la rupture conventionnelle ;
Attendu qu’il convient par conséquent de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
Attendu qu’il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société KING JOUET de ses demandes reconventionnelles ;
Attendu que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 21 juillet 2011 du Conseil des Prud’hommes de Grenoble.
Déboute la société KING JOUET de sa demande sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne [K] [Y] aux dépens.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame HAMON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président
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