Licenciement disciplinaire : 7 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01105

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Licenciement disciplinaire : 7 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01105

07 FEVRIER 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 20/01105 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FOE5

[B] [V]

/

Association FEDECI – FEDERATION NATIONALE DES CIBC

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de vichy, décision attaquée en date du 17 août 2020, enregistrée sous le n° 19/00012

Arrêt rendu ce SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [B] [V]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne cecile BLOCH de la SELARL ANNE CÉCILE BLOCH AVOCAT, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

Association FEDECI – FEDERATION NATIONALE DES CIBC association déclarée enregistrée sous le n° SIREN 437 696 26 3

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, subsituté par Me Philippe LECOYER, avocat de la SELARL BGLM, au barreau des HAUTES-ALPES, avocat plaidant

INTIMEE

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 21 Novembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

L’association FEDERATION NATIONALE DES CIBC (Centre Interinstitutionnels de Bilan de Compétences, ci-après désignée association FEDECI) est spécialisée dans la formation continue d’adultes.

Madame [R] [V], née le 9 octobre 1960, a été embauchée par l’association FEDECI pour la période du 21 septembre 2005 au 21 mars 2006, selon un contrat d’accompagnement dans l’emploi, en qualité de secrétaire. Ledit contrat a été renouvelé jusqu’au 21 septembre 2006. Le 22 septembre 2006, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet. Selon avenant au contrat de travail signé en date du 11 juillet 2013, Madame [V] occupe un poste de secrétaire-comptable depuis le 1er juillet 2013. Madame [R] [V] était affectée au siège de la fédération nationale des CIBC à [Localité 5] (03).

Le 4 janvier 2019, Madame [R] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger qu’elle a été victime de harcèlement moral et que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail outre obtenir diverses sommes au titre de l’indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 11 février 2019 (convocation de l’employeur défendeur le 11 janvier 2019) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par courrier daté du 25 septembre 2019, l’association FEDECI a notifié à Madame [R] [V] son licenciement.

Par jugement rendu contradictoirement le 17 août 2020, le conseil de prud’hommes de VICHY a :

– dit que l’association FEDECI a respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail ;

– dit que Madame [V] ne fait pas l’objet de harcèlement moral au sein de l’association FEDECI ;

– dit que le licenciement de Madame [V] pour faute lourde est justifié ;

– fait droit au paiement à Madame [V] de 16 jours congés payés et, en conséquence, condamné l’Association FEDECI, prise en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Madame [V] 1.461,28 euros bruts au titre des congés payées ;

– débouté Madame [V] de l’ensemble de ses autres demandes ;

– débouté Madame [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Madame [V] à payer à l’Association FEDECI 1a somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit que des sommes ci-dessus énoncées en brut devront éventuellement être déduites les charges sociales salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l’employeur ;

– condamné Madame [V] aux entiers dépens de la présente instance.

Le 4 septembre 2020, Madame [R] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières écritures notifiée à la cour le 21 juillet 2022 par Madame [R] [V],

Vu les dernières écritures notifiées à la cour le 6 octobre 2022 par l’association FEDECI,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 24 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [V] demande à la cour de réformer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de VICHY, sauf en ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées s’agissant de son rappel de congés payés, et de :

– dire que la FEDECI n’a pas respecté ses obligations de santé et de sécurité de ses salariés ;

– dire qu’elle est victime de harcèlement moral ;

– condamner la FEDECI à 13.000 euros de dommages et intérêts ;

– condamner la FEDECI à 2.199,93 euros au titre de préjudice économique ;

– constater qu’elle a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– au titre de son indemnité de licenciement : 7.565,90 euros outre 10% de congés payés ;

– au titre de l’indemnité compensatrice de préavis : 3,957.16 euros .

– au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 29.603,70 euros.

A titre subsidiaire, dire que le motif de son licenciement est injustifié et par conséquent condamner la FEDECI à payer au titre de son indemnité de licenciement : 7.565,90 euros outre 10% de congés payés ; au titre de l’indemnité compensatrice de préavis : 3.957,16 euros ;

– condamner la FEDECI à régler 134.70 euros au titre des rappels de salaire dus pour le

mois de septembre 2019 ;

– condamner la FEDECI à 725 euros au titre des frais de santé;

– condamner à 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner aux dépens.

Madame [V] soutient tout d’abord été victime de faits de harcèlement moral constitués :

* d’une diminution des tâches qui lui étaient initialement confiées à compter de l’arrivée de Madame [U], et ce en dépit des nombreuses alertes adressées tant à son employeur quant à l’absence de travail suffisant pour occuper son temps hebdomadaire de 35 heures, qu’à la médecine du travail. Elle considère avoir de la sorte subi une placardisation au bénéfice de Madame [U] ;

* d’une ambiance de travail délétère depuis l’arrivée de Madame [U] à raison d’un conflit existant entre elles. Elle précise que le médecin du travail avait sollicité de l’employeur qu’il organise l’intervention d’un professionnel afin d’apaiser les tensions existantes, mais que celui-ci n’a pas tous mis en oeuvre pour protéger sa santé et sa sécurité et a au contraire multiplié les reproches injustifiés à son encontre.

Elle considère par ailleurs que l’employeur ne justifie pas utilement avoir pris l’ensemble des mesures utiles à préserver sa santé et sa sécurité, et ce alors même qu’il est établi qu’il était dûment informé de sa souffrance au travail. Elle ajoute que cet état, médicalement constaté, a induit notamment un suivi psychologique.

Elle conteste ensuite le bien fondé de son licenciement, et explique notamment :

* ne pas avoir réalisé une commande de timbres qui aurait différé de celles qu’elle avait pour habitude de régulariser,

* s’être vue imputer, en 10 années d’ancienneté, un premier retard ne correspond qu’à une heure de retard au mois de septembre 2018 à raison d’une panne d’électricité et des problèmes médicaux qu’elle a rencontrés, les autres (au printemps 2019) étant imputables à des travaux dans la rue et en conséquence lui étant dès lors inopposables ;

* la commission de quelconques erreurs graves dans l’exécution de sa prestation de travail et ce alors même que l’employeur lui a manifestement opposé des mesures plus afin de la pousser à la faute ;

* ne pas avoir détourné des données de l’association étant expliqué que l’employeur avait parfaitement accès aux données litigieuse;

* ne pas avoir eu une quelconque intention de nuire à raison de l’enregistrement de son travail sur une clé usb qu’elle a commandée, étant expliqué qu’elle gérait habituellement l’approvisionnement des fournitures, qu’elle a de la sorte entendu protéger son travail, et qu’elle n’a jamais utilisé les extraits ainsi collectés dans son propre intérêt au détriment de l’association.

Dans ses dernières écritures, l’association FEDECI demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a écarté sa demande de sursis à statuer et l’a condamnée à payer à Madame [V] la somme de 1.461,28 euros bruts au titre des congés payés, et, par conséquent de :

– constater le bien fondé du licenciement pour faute lourde de Madame [V] ;

– débouter Madame [V] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

– condamner Madame [V] au paiement de la somme de 5.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’association FEDECI expose que le courrier de notification du licenciement pour faute lourde énumère et détaille les faits fautifs imputés à la salariée, sans toutefois les qualifier pénalement, dès lors qu’est seulement indiqué : ‘sous réserve des éventuelles suites pénales qui seront données à cette affaire, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde’. Elle rappelle à cet égard qu’en l’absence de mention des griefs, au sein de ce courrier, sous leur seule qualification pénale, la juridiction prud’homale n’est pas liée par le jugement correctionnel de relaxe de Madame [V] du chef d’abus de confiance.

L’intimée conteste ensuite que Madame [R] [V] ait fait l’objet d’une mise au placard à compter de l’arrivée de Madame [G] [U]. Elle indique à cet égard que si les relations entre la hiérarchie et la salariée étaient certes cordiales, il existait en revanche, dès avant l’embauche de Madame [U], des remarques orales et écrites dirigées à l’encontre de Madame [V] s’agissant de son attitude agressive à l’encontre des partenaires de l’entreprise et de sa hiérarchie ainsi que de la qualité de son travail, notamment l’absence de prise en compte des demandes ou décisions prises par ses supérieurs et l’absence d’information de ces derniers. Elle ajoute encore que la salariée a fait l’objet d’avertissements disciplinaires qu’elle n’a pas entendu contester. Elle indique enfin qu’aucune fonction ou tâche n’a été retirée à Madame [V] en suite de l’arrivée de Madame [U], et relève la dichotomie existante entre les fonctions respectives des deux salariées et précise que pour celles qui pouvaient être similaires (accueil téléphonique, traitement du courrier, secrétariat), le niveau d’autonomie de Madame [U] dans l’exercice de ses fonctions ainsi que son temps de travail (26 heures hebdomadaires) ne permettaient pas de dessaisir Madame [V] des fonctions qui étaient les siennes. Elle déduit de l’ensemble de ces éléments que la salariée n’apporte aucun élément laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

Elle réfute ensuite avoir commis de quelconques agissements fautifs, notamment au cours de l’arrêt maladie de la salariée et notamment avoir contrevenu à son obligation de paiement du salaire en temps utile. Elle fait valoir qu’elle n’a raisonnablement pu assurer à la date du 26 avril 2018 le paiement du salaire de Madame [V] dès lors que celle-ci était alors placée en arrêt maladie et qu’elle ne lui a communiqué le décompte des indemnités journalières de sécurité sociale que par courrier daté du 2 mai 2018, reçu par le cabinet d’expertise comptable le lendemain, étant précisé que celui-ci lui a communiqué le bulletin de paie de la salariée à la date du 7 mai suivant et qu’elle a alors immédiatement effectué le virement bancaire en faveur de la salariée.

Concernant ensuite l’avertissement notifié à la salariée le 11 octobre 2018, elle soutient que celui-ci était parfaitement fondé dès lors qu’il est matériellement établi qu’elle n’a pas satisfait aux directives qui lui avaient données dans le cadre d’un appel d’offre.

L’association FEDECI conteste avoir voulu discréditer la salariée et soutient qu’alors qu’elle dénonce à tort une diminution de sa charge de travail qui résulterait de la volonté de l’employeur, elle a en réalité refuser de nouvelles missions pourtant directement en lien avec celles inscrites au sein de sa fiche de poste.

Elle expose, s’agissant de la prétention adverse au terme de laquelle il lui serait donné des mesures davantage contraignantes afin de la pousser à la faute, que Madame [V] avait la mission d’assurer la préparation des bulletins de paie des salariés de l’entreprise mais devait, avant de les remettre aux salariés concernés et procéder aux virements afférents, obtenir en amont l’accord de la direction. Elle fait valoir que divers incidents ont été constatés, notamment sur les paies du mois de mai 2019, tous imputables à Madame [V].

L’association FEDECI fait ensuite valoir que la souffrance au travail prétendument ressentie par la salariée ne saurait lui être imputée en l’absence de tout élément objectif versé par Madame [V] en ce sens. Elle conteste également tout manquement dans la lutte contre le tabagisme en interne dès lors qu’elle n’a jamais été informée, au préalable, de quelconques plaintes en ce sens, à défaut de quoi elle aurait à l’évidence pris toutes les mesures qui s’imposaient. Elle ajoute avoir de même parfaitement satisfait à ses obligations au cours de l’épisode caniculaire de 2020. Elle considère plus largement avoir de la sorte parfaitement satisfait à son obligation de préserver la santé et la sécurité de ses travailleurs.

Concernant ensuite le bien fondé du licenciement notifié à la salariée pour faute lourde, elle rappelle les nombreux agissements fautifs commis par la salariée, à savoir des manquements graves dans la gestion de la sauvegarde des données informatiques de l’association, un tel manquement ayant nui à l’intégrité et au traçage de celles-ci, des faits de détournement de fichiers informatiques à caractère professionnel.

L’association FEDECI considère que de tels agissements attestent de la volonté de nuire à l’entreprise de la salariée et ont rendu impossible le maintien de son contrat de travail.

L’association FEDECI conteste ensuite toute erreur dans le montant du salaire tel qu’il ressort de l’attestation Pôle Emploi de la salariée pour le mois de septembre 2019. Elle explique que Madame [V] était redevable envers l’association d’un trop perçu dû à un maintien de salaire effectué à tort dès lors qu’elle avait en outre perçu des indemnités journalières de sécurité sociale.

Elle fait valoir que la salariée a été remplie de l’intégralité de ses droits en matière de congés payés dès lors que si il n’est pas contesté que la période de mise à pied de Madame [V] a couru sur une période au cours de laquelle elle avait posé ses congés payés, il s’infère en revanche des pièces de la procédure que lesdits congés lui ont été dûment réglés en sorte qu’elle ne saurait obtenir une quelconque indemnisation de ce chef.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Le dispositif des dernières conclusions de l’appelante est rédigé dans un style télégraphique assez peu précis, et parfois difficile à interpréter. La lecture de la partie ‘discussion’ de ces écritures permet toutefois de dégager les axes qui suivent.

Madame [V] confond l’obligation de sécurité et le harcèlement moral dans un même chapitre, avec des arguments et prétentions mélangés, aboutissant néanmoins à deux demandes communes de dommages-intérêts : 2.199,93 euros pour le préjudice économique (pertes de salaires liées aux arrêts maladie) et 13.000 euros pour les autres préjudices.

Madame [V] ne prétend ni à un licenciement nul en relation avec des faits de harcèlement moral, ni à un licenciement sans cause réelle et sérieuse en relation avec un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, mais à un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de griefs non justifiés par l’employeur, ou, à titre subsidiaire, à un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse mais aucunement sur une faute grave ou une faute lourde.

Dans le cadre du présent litige, il n’a jamais été question de prise d’acte de rupture du contrat de travail, pas plus que de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

– Sur le harcèlement moral et l’obligation de sécurité –

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-1 du code du travail : ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’.

Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-2 du code du travail : ‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’.

Tous les employeurs de droit privé sont tenus de respecter les règles de santé et de sécurité prescrites par le code du travail. L’employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d’une obligation de sécurité dans le cadre ou à l’occasion du travail. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l’employeur s’applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur doit exécuter son obligation de sécurité (conditions cumulatives) : – de façon générale vis-à-vis de tous ses salariés par les actions en matière d’évaluation, de prévention, de formation, d’information, d’adaptation (prévention du risque) ; – de façon particulière dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d’un salarié, en prenant les mesures immédiates propres à les faire cesser (cessation du risque).

La responsabilité de l’employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu’un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n’est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.

Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l’employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d’ouvrir rapidement une enquête. L’inertie de l’employeur en présence d’une situation susceptible d’être qualifiée de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu’il est tenu légalement d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l’auteur des faits dénoncés.

Le salarié peut solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-4 du code du travail , l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-5 du code du travail, tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-6 du code du travail, une procédure de médiation peut être mise en oeuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties. Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.

Selon les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Sont ainsi constitutifs d’une situation de harcèlement moral des agissements répétés subis par un salarié, au travail ou à l’occasion du travail, ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral suppose l’existence d’agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu’ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps. Le harcèlement moral se caractérise donc par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond. Un acte isolé ne répond pas à la définition du harcèlement moral.

L’auteur du harcèlement peut être l’employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l’entreprise. Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n’avait pas d’intention de nuire.

La loi n’exige pas la caractérisation ou démonstration d’un préjudice du salarié se disant victime pour retenir le harcèlement puisqu’il suffit que les agissements soient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La simple possibilité d’une atteinte aux droits ou à la dignité, d’une altération de la santé physique ou mentale, d’une atteinte à l’avenir professionnel du salarié suffit. Toutefois, le plus souvent, les faits de harcèlement moral ont un impact direct sur l’état de santé du salarié.

Par contre, il faut que le salarié qui se plaint de harcèlement moral ait personnellement été victime des agissements dénoncés. Le salarié qui n’a pas été personnellement victime d’une dégradation de ses conditions de travail à la suite des agissements de l’employeur, ou d’un supérieur hiérarchique, ou d’un autre salarié vis-à-vis de certains salariés n’est pas fondé à se prévaloir d’un manquement de l’employeur à ses obligations à son égard.

L’employeur est responsable des faits de harcèlement moral commis sur ses salariés par un autre salarié ou par un tiers exerçant une autorité de fait ou de droit sur ceux-ci.

La prévention du harcèlement (moral ou sexuel) à l’encontre des salariés de l’entreprise est confiée au chef d’entreprise à qui il appartient de prendre toute mesure en ce sens.

L’employeur est tenu à une obligation légale de sécurité lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement. Dans le cadre de son obligation de sécurité, l’employeur doit prévenir le harcèlement, moral ou sexuel, mais également réagir de façon rapide et adaptée pour faire cesser des faits de harcèlement avérés ou susceptibles d’avoir été commis.

L’obligation de sécurité de résultat de l’employeur étant désormais appréciée par rapport non à la réalisation du risque, soit la commission effective de faits de harcèlement à l’encontre d’un salarié, mais par rapport aux diligences de l’employeur, la responsabilité de ce dernier peut être ainsi écartée en matière de harcèlement, moral ou sexuel, s’il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et s’il a mis fin à la situation de harcèlement en prenant les mesures, immédiates et adaptées, propres à la faire cesser rapidement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement.

Pour s’exonérer de sa responsabilité en cas de harcèlement (moral ou sexuel) caractérisé, l’employeur doit donc démontrer, d’une part, qu’il a tout mis en oeuvre avant les faits de harcèlement pour prévenir une telle situation, notamment des mesures de formation et d’information des salariés en matière de prévention, mais également qu’il a pris toutes les mesures pour faire cesser, de façon effective, adaptée et rapide, ce harcèlement (conditions cumulatives). Un employeur qui s’est borné à réagir lorsqu’il a eu connaissance des faits de harcèlement commis par l’un de ses collaborateurs, a donc manqué à son obligation de sécurité et il est sanctionnable en dépit des mesures qu’il a prises après avoir été mis au courant des agissements de harcèlement.

Le salarié se disant victime de harcèlement doit présenter des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. Il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux éventuellement produits, puis d’apprécier si les faits matériellement établis dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Sous ses conditions, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l’existence de harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d’ordre moral ou corporel, dont l’évaluation relève de la compétence du juge prud’homal. Le salarié n’est pas tenu de saisir le juge de la sécurité sociale pour statuer sur l’existence et le quantum du préjudice corporel invoqué comme en relation avec un harcèlement moral.

Les obligations résultant des articles L. 1132-1, L. 1152-1, L. 1153-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques. L’obligation de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels, notamment du risque de harcèlement, fondée sur l’application des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, est distincte de l’interdiction ou prohibition des agissements de harcèlement, prévue par les articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, et ne se confond pas avec elle. En conséquence, si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral et/ou sexuel), au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et au titre d’une discrimination.

La prise en charge de l’affection consécutive au harcèlement, moral ou sexuel, au titre de la maladie professionnelle ne s’oppose pas à l’attribution de dommages-intérêts à la victime pour les faits de harcèlement antérieurs à cette décision.

L’action judiciaire civile relative à des faits de harcèlement, moral ou sexuel, se prescrit par cinq ans (délai de droit commun de l’article 2224 du code civil). En cas de dommage corporel, l’action en réparation d’un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage (article 2226 du code civil).

En application de l’article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le salarié se disant victime d’agissements de harcèlement, moral ou sexuel, dispose donc d’un délai de cinq ans à compter du dernier fait établi, présenté ou invoqué, dans ce cadre pour saisir le juge prud’homal d’une action en reconnaissance et réparation de la situation de harcèlement.

Si le juge prud’homal constate que l’action du salarié au titre du harcèlement n’est pas prescrite, il doit analyser l’ensemble des faits invoqués par le salarié permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, quelle que soit la date de leur commission, et donc peu important la date à laquelle chacun des faits mentionnés a été commis. Autrement dit, s’il a été saisi dans le délai de cinq ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître le dernier fait de harcèlement, ou dans le délai de cinq ans à compter du jour de cessation de la situation de harcèlement, le juge prud’homal peut prendre en considération tous les faits et actes qui lui sont soumis pour caractériser le harcèlement, quand bien mêmes ils ont été commis hors le délai de prescription de cinq ans.

‘ En l’espèce, dans le cadre des débats sur l’existence ou non d’une situation de harcèlement moral avec manquement à l’obligation de sécurité, il est essentiellement fait état des relations entre Madame [R] [V] (secrétaire comptable), Madame [N] [U] (assistante de gestion), Madame [T] (coordinatrice), Monsieur [C] (délégué général) et Monsieur [M] (président) au sein de la structure de travail de [Localité 5].

Le 3 avril 2017, par courriel, Madame [R] [V] indiquait à sa hiérarchie qu’elle acceptait l’ajout à ses tâches d’une mission spécifique (FECBOP) mais que cela constituait une charge de travail supplémentaire, et ce alors qu’à compter du 1er janvier 2018 elle devrait également assurer le prélèvement à la source des impôts sur les revenus sur les bulletins de paie.

À compter du 1er septembre 2017, Monsieur [H] [C] a été nommé délégué général de l’association FEDECI.

À compter de novembre 2017, Madame [N] [U] a travaillé en qualité d’assistante de gestion au sein de la structure de [Localité 5], sous l’autorité hiérarchique de Madame [T] qui était sa tutrice et formatrice.

En janvier 2018, les relations étaient déjà conflictuelles, en tout cas tendues, entre Madame [N] [U] et Madame [R] [V]. Madame [N] [U] et Madame [R] [V] s’en plaignaient auprès de la hiérarchie.

Du 3 au 22 avril 2018, Madame [V] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie (mention de ‘burn out physique + psychologique – Décompensation diabétique + anxíodépression réactionnelle’ selon le médecin prescripteur). Cet arrêt de travail a fait l’objet de prolongations jusqu’au 19 mai 2018, le 21 avril 2018 pour ‘burn out physique et psychologique + décompensation diabétique ‘, le 28 avril 2018 pour ‘décompensation diabétique + hypertension suite à souffrance au travail – burnt out physique et psychologique’.

Par courrier daté du 11 avril 2018, Madame [R] [V] signalait au médecin du travail (ou service de santé au travail) sa situation de souffrance au travail qu’elle imputait à des faits de harcèlement moral de la part de Madame [N] [U] et de Monsieur [H] [C], salariés de l’association FEDECI.

Par courrier daté du 26 avril 2018, le médecin du travail a alerté une psychologue sociale et, à compter de mai 2018, Madame [R] [V] a consulté Madame [L], psychologue sociale, et Madame [K], psychologue.

En mai 2018, par courriels notamment, Madame [R] [V] a signalé à sa hiérarchie sa situation de souffrance psychologique en ce qu’elle se sentait évincée, rabaissée, humiliée, sous-employée, mise à l’écart, depuis le recrutement de Madame [N] [U].

Dans une longue lettre (recommandée) datée du 30 mai 2018, le président de l’association FEDECI a répondu au signalement de Madame [R] [V]. Il a indiqué notamment que le délégué général, Monsieur [C], n’avait fait que remplir sa mission de supérieur hiérarchique, que Madame [N] [U] avait été embauchée pour faire face à un besoin mais n’effectuait pas les mêmes taches que l’appelante, que Madame [R] [V] avait été légitimement ‘recadrée’ par son supérieur hiérarchique pour des comportements inadaptés, notamment à l’encontre de Madame [U], Madame [R] [V] avait elle-même indiqué qu’elle ne souhaitait pas encadrer Madame [U] ni exprimé un souhait ou un besoin particulier de formation. Il concluait qu’il était attentif à la souffrance de la salariée et allait se rapprocher du médecin du travail et diligenter une enquête interne. Copie de ce courrier était adressée au médecin du travail.

Monsieur [J], psychologue du travail, atteste être intervenu au sein de l’association FEDECI à la demande de l’employeur pour accompagner et résoudre une situation exprimée par Madame [R] [V] et d’autres salariés. Il indique qu’après des échanges préparatoires, il a organisé une rencontre le 12 juin 2018, mais sa mission n’a pas connu de suite.

Le 12 juillet 2018, Madame [R] [V] était reçue par le médecin du travail pour une visite à la demande de la salariée. Le médecin du travail ne faisait aucune observation particulière à l’issue.

Le 18 juillet 2018, par courriel, Madame [R] [V] signalait à Monsieur [C] qu’elle avait été agressée verbalement par Madame [U] qui entravait sa mission comptable et demandait à son supérieur hiérarchique de préciser les missions de chacune.

L’employeur proposait aux protagonistes que le 19 septembre 2018, le président et le trésorier reçoivent Mesdames [T], [V] et [U] à propos de la mésentente entre certains salariés.

Du 29 septembre au 14 octobre 2018, Madame [R] [V] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie (‘état anxio dépressif réactionnel + déséquilibre diabète’.

Par courrier recommandé daté du 11 octobre 2018, l’employeur, représenté par Monsieur [C], a notifié à Madame [R] [V] un avertissement pour ne pas avoir assisté Madame [T], coordinatrice, et ne pas avoir effectuer certaines diligences administratives dans les délais requis (réponse à un appel d’offre), et ce malgré les directives de sa hiérarchie en ce sens.

Par courrier daté du 12 novembre 2018, Madame [R] [V] indiquait à son employeur qu’elle se retrouvait ‘sans tâche ni mission à exécuter’ hors la comptabilité qui ne correspondait pas à un emploi à temps complet. Par courrier daté du 30 novembre 2018, le président l’association FEDECI répondait à la salariée de son incompréhension quant aux réclamations ainsi présentées en l’absence de toute modification de son contrat de travail et de l’intensité de ses missions.

Le 4 janvier 2019, Madame [R] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger qu’elle a été victime de harcèlement moral et que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.

Par courrier recommandé daté du 14 mai 2019, l’employeur, représenté par Monsieur [M], a notifié à Madame [R] [V] un avertissement pour avoir commis des erreurs sur des paiements de factures sans en aviser sa hiérarchie.

Du 27 juillet au 9 août 2019, Madame [R] [V] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie.

Par courrier recommandé daté du 29 juillet 2019, Monsieur [C], délégué général, signalait à Madame [R] [V] que des fichiers informatiques professionnels liés à l’activité de l’appelante avaient disparu, quoique travaillés sur un périphérique de stockage externe, lui demandant de fournir sans délai les fichiers manquants par voie postale, lui notifiant une mise à pied conservatoire, à effet immédiat mais avec maintien de la rémunération.

Par courrier recommandé daté du 31juillet 2019, Madame [R] [V] répondait qu’elle n’avait pas détourné de fichiers informatiques et qu’elle prenait acte de sa mise à pied.

Par courrier recommandé daté du 9 août 2019, l’employeur a convoqué Madame [R] [V] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 20 août 2019, auquel elle ne s’est pas rendue. Une nouvelle convocation lui a été adressée pour un entretien à la date du 16 septembre 2019. Madame [R] [V] ne s’étant pas présentée à l’entretien préalable, l’employeur la reconvoquait pour le 16 septembre 2019. Le licenciement de Madame [R] [V] pour motif disciplinaire a été notifié le 25 septembre 2019.

Parallèlement, considérant que Madame [R] [V] avait conservé des données de l’entreprise, l’association FEDECI a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de VICHY aux fins d’obtenir la condamnation de Madame [V] d’avoir à restituer, sous astreinte, le périphérique de stockage de l’entreprise ainsi que les fichiers manquants. Madame [R] [V] devait par ailleurs solliciter, reconventionnellement, des demandes afférentes à la remise des documents de fin de contrat. Le 10 septembre 2019, par l’intermédiaire de son avocat, Madame [R] [V] remettait à l’employeur une clé USB et l’autorisait à accéder aux dossiers se trouvant sur son poste de travail et identifiés comme personnels. En conséquence, l’association FEDECI s’est désistée de son action suivant un courrier recommandé avec avis de réception en date du 17 octobre 2019. Par ordonnance du 22 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de VICHY a donné acte aux parties du désistement de l’association FEDECI et constaté l’extinction d’instance et le dessaisissement de la juridiction.

Le 30 octobre 2019, Madame [R] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de VICHY aux fins d’obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaires, de voir condamner l’employeur à lui remettre ses documents de fin de contrat sous astreinte outre obtenir l’indemnisation du préjudice moral subi. Par ordonnance en date du 12 décembre 2019, la formation des référés du conseil de prud’hommes de VICHY a fait droit à la demande de Madame [V] s’agissant de la non-conformité de l’attestation Pôle Emploi et l’a déboutée de ses autres demandes à raison de l’existence d’une contestation sérieuse et l’a invité à mieux se pourvoir au fond.

‘ Malgré les nombreuses pièces produites par l’appelante, Madame [R] [V] présente finalement peu d’éléments objectifs (faits matériellement établis) pouvant laisser présumer une situation de harcèlement moral ou indiquer une violation par l’employeur de son obligation de sécurité.

Madame [R] [V] soutient qu’à compter de fin 2017 début 2018 elle a été agressée verbalement, humiliée, rabaissée, évincée, sous-employée, mise à l’écart. Mais aucun témoignage ou écrit n’est produit en ce sens et la cour ne dispose sur de tels agissements que des seuls dires de l’appelante.

Par contre, il apparaît objectivement que Madame [R] [V] a présenté à compter d’avril 2018 une situation médicale de souffrance psychologique. Ceux qui ont constaté cette détérioration de l’état de santé de la salariée n’en établissent pas directement la cause mais font état des dires de Madame [R] [V] sur une origine liée à des relations conflictuelles au travail. À la même époque, Madame [R] [V] a également signalé à sa hiérarchie une situation de stress en raison de problèmes personnels sans rapport avec le travail.

Il est établi également que les relations de travail entre Madame [R] [V] et Madame [U] étaient altérées dès le début de l’année 2018, et que l’appelante s’est plainte en conséquence auprès du médecin du travail et de l’employeur d’une situation de souffrance au travail et de harcèlement moral à compter d’avril-mai 2018.

Madame [R] [V] a fait l’objet de deux sanctions disciplinaires (11 octobre 2018 et 14 mai 2019).

Les tensions entre Madame [R] [V] et Madame [U] ainsi que celles entre l’appelante et sa hiérarchie peuvent constituer des agissements répétés au sens des principes susvisés.

Il sera donc considéré que Madame [R] [V] présente des éléments laissant présumer l’existence d’un harcèlement au regard d’une situation conflictuelle au travail entre janvier 2018 et juillet 2019, la salariée n’étant plus de façon effective à son poste de travail après le 29 juillet 2019.

Il incombe en conséquence à l’association FEDECI de démontrer que les agissements matériellement établis concernant Madame [R] [V] ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral.

‘ L’employeur établit que fin 2017 Madame [R] [V] exerçait de nombreuses tâches et avait signalé, dès avril 2017, une situation de surcharge de travail, à prendre notamment en compte avec le prélèvement à la source à compter de janvier 2018.

Il apparaît que c’est pour soulager Madame [R] [V], faire face à un accroissement de certaines tâches administratives et améliorer l’accueil, que l’employeur a confié, à compter de novembre 2017, certaines missions à Madame [U]. Madame [U] devait assister ou soulager Madame [V] pour quelques tâches administratives mais également exercer des fonctions sans rapport avec la fiche de poste de l’appelante.

Madame [R] [V] n’a pas émis de réserve ni protesté contre le recrutement d’une assistante de gestion mais, vu sa charge importante de travail, n’a pas voulu l’encadrer ni la former. Madame [T] a donc été désignée comme tutrice de Madame [U].

Madame [U] n’a pas été recrutée pour évincer ou mettre à l’écart Madame [R] [V]. Au regard des éléments d’appréciation dont la cour dispose, Madame [R] [V] n’a été ni évincée, ni sous-employée, ni mise à l’écart du fait de l’emploi de Madame [U]. Il n’est justifié d’aucune agression ou comportement inadapté à l’encontre de Madame [R] [V].

Par contre, il est établi que Madame [R] [V] a très mal vécu l’arrivée et l’intégration de Madame [U] au sein d’une petite structure de travail à [Localité 5]. Rapidement, l’appelante n’a eu de cesse de critiquer et de déprécier fortement sa collègue, notamment auprès de sa hiérarchie. Madame [U] s’est alors plainte du comportement de Madame [R] [V] à son égard. Ainsi, dès janvier 2018, les relations devenaient difficiles, voire conflictuelles, entre Madame [R] [V] et Madame [U], sans qu’il soit caractérisé la moindre agression, verbale ou physique, de part et d’autre.

L’employeur a été avisé de cette situation conflictuelle dès mars 2018 et d’une dénonciation de situation de harcèlement moral dès avril-mai 2018.

Madame [R] [V] a été en contact avec le médecin du travail qui a relevé les dires de la salariée mais n’a pas constaté d’anomalie ni émis des observations particulières, retenant l’aptitude sans réserve de l’appelante.

Madame [R] [V] a été écoutée par sa hiérarchie qui a répondu à chaque fois, de façon précise et circonstanciée, aux doléances de la salariée, a fait intervenir ponctuellement un psychologue du travail, a mené une enquête interne et proposé de recevoir contradictoirement les protagonistes pour apaiser les tensions.

Vu les éléments d’appréciations versés au dossier, il est objectivement apparu que la cause principale des tensions était le fait que Madame [R] [V] ne supportait pas sur un plan psychologique de voir intervenir une autre salariée dans ce qu’elle considérait comme sa sphère exclusive de travail. Madame [R] [V] se sentant, de façon totalement subjective, évincée ou sous-employée, et l’employeur ne pouvant la conforter objectivement dans sa position ni éviter les contacts entre des salariés devant impérativement échanger au sein d’une petite structure de travail, l’appelante a considéré qu’elle était désavouée par sa hiérarchie et les relations sont alors devenues plus difficiles également avec ses supérieurs hiérarchiques, notamment Messieurs [C] et [M].

Dans les échanges entre Madame [R] [V] et sa hiérarchie, ou avec ses collègues, la cour ne relève ni propos inadapté ni excès ni dénigrement ni pression particulière. Monsieur [C] donnait des instructions à Madame [R] [V], la félicitait de temps en temps pour la qualité de son travail, lui indiquait parfois une erreur ou un manquement à rectifier, toujours de façon correcte, strictement professionnelle et adaptée, sans excès de pouvoir ni de langage.

Les deux avertissements notifiés à Madame [R] [V] sont justifiés par des fautes imputables à l’appelante qui sont établies par les pièces produites par l’employeur, mais également proportionnés. Madame [R] [V] n’a d’ailleurs jamais demandé l’annulation de ces sanctions disciplinaires, alors que le conseil de prud’hommes était saisi par ailleurs.

Mesdames [T] et [U] ont bénéficié d’une formation OPEN BADGE qui a été proposée également à l’appelante. Madame [R] [V] n’a jamais, notamment au cours des échanges avec sa hiérarchie et lors de l’entretien annuel, exprimé un souhait de formation ou un besoin particulier en rapport avec son poste de travail. Il n’est pas anormal qu’une nouvelle salariée comme Madame [U] bénéficie assez rapidement d’une formation particulière ou spécifique à son poste de travail.

C’est de façon tout à fait adaptée et licite que l’employeur a pu demander à Madame [R] [V] de justifier de ses arrêts de travail par la production des documents ad hoc dans les délais impartis, et que Monsieur [C] a pu signaler à la salariée plusieurs retards non justifiés et lui demander de prendre son poste à l’heure fixée par l’employeur.

La cour juge que l’association FEDECI démontre que les agissements matériellement établis dénoncés par Madame [R] [V] ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral. Elle considère également que l’employeur a réagi de façon adaptée au signalement d’une situation de souffrance psychologique, même s’il n’a pas été possible d’amener l’appelante à changer d’attitude et d’état d’esprit à l’égard de Madame [U]. La cour juge également que l’association FEDECI n’a pas manqué à son obligation de sécurité en l’espèce.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a dit que l’employeur a respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail et que Madame [V] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral au sein de l’association FEDECI. Madame [V] sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts dans ce cadre et le jugement confirmé également de ce chef.

– Sur le licenciement –

Le courrier de notification du licenciement, daté du 25 septembre 2019, est ainsi libellé :

‘Madame,

Nous avons eu à déplorer de votre part divers agissements constitutifs d’une faute lourde qui nous ont conduit à vous notifier une mise à pied à titre conservatoire avec maintien de votre rémunération et vous convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 20 août 2019.

Vous n’avez pas estimé devoir vous présenter à cet entretien. ce qui nous a conduit à vous convoquer à un nouvel entretien le 16 septembre 2019 afin de respecter le principe du contradictoire et de recueillir vos observations.

Vous n’avez pas non plus estimé devoir vous présenter à l’entretien du 16 septembre 2019 afin de nous fournir des explications sur vos agissements.

Vous avez été embauchée par la Fédération Nationale des CIBC aux’ termes d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, en qualité de secrétaire pour une durée allant du 21 septembre 2005 au 21 mars 2006. Ledit contrat a par la suite été renouvelé jusqu’au 21 septembre 2006. En date du 22 septembre 2006 vous avez été embauchée sous contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire. Aux termes d’un avenant en date du 1er juillet 2013 vos fonctions ont été modifiées et vous exercez depuis les fonctions de secrétaire-comptable.

Depuis quelques temps vous faites preuve d’un certain manque de loyauté envers notre association ainsi que d’un comportement délié de toute hiérarchie qui nous a conduit à vous notifier deux avertissements à savoir :

– Un premier en date du 11octobre 2018 pour des manquements délibérés dans le cadre d’une réponse à un appel d’offre

– Un deuxième en date du 14 mai 2019 pour manque de loyauté, défaut de prévenance et dissimulation aggravée d’une erreur commise de votre fait suite à une erreur de paiement de facture que vous nous avez délibérément dissimulée.

En outre, vous estimez devoir régulièrement arriver en retard sans en informer votre employeur ni solliciter la moindre excuse ni compensation.

Il apparaît au surplus que ces dernières semaines, vous avez adopté un comportement intolérable et ayant pour seul but de nuire à l’association qui rend votre maintien impossible au sein de notre société.

Nous avons ainsi été amenés à constater :

1- des manquements graves dans la gestion de la sauvegarde des données informatiques de l’association de nature à nuire à l’intégrité et au traçage celles-ci.

Dans le cadre de vos fonctions, et conformément à votre fiche de poste, vous êtes en charge d’assurer la sauvegarde journalière des données informatiques sur un disque dur externe. Il vous appartient également de procéder quotidiennement au changement de cassette de sauvegarde et ce afin de garantir la remontée des sauvegardes en cas de défaillance d’une cassette ou du serveur. Toutefois et alors même que cette tâche vous incombe et que vous l’effectuez depuis des années. vous avez estimé ne plus devoir procéder à ce changement de cassette entre le 16 juillet 2019 et le 23 juillet 2019 date de votre arrêt de travail.

Cette négligence a gravement nui à l’Association.

En effet le non-remplacement de la cassette de sauvegarde a privé l’Association du traçage de l’ensemble des opérations effectuées en informatique pour le compte de la Fédération Nationale des CIBC.

Par constat d’huissier en date du 30 juillet il est d’ailleurs noté que ‘La cassette de sauvegarde n’a pas été changée entre le 16 juillet et le 23 juillet 2019, date du départ de Madame [R] [V]’. Le constat d’huissier indique qu’ ‘ il y a bien un changement de comportement, les sauvegardes étant réalisées plus régulièrement jusqu’ici.’

Par ailleurs. il nous a été signalé en date du 9 juillet 2019 que de nombreux fichiers présents sur le serveur se trouvaient inexploitables du fait de l’existence de conflit de versions pour un même fichier.

Après des recherches effectuées par l’assistance en charge de la gestion de notre serveur Netexplorer il s’est avéré que cette défaillance était due à un arrêt anormal du logiciel de réplication des données entre le 20 mai et le 9 juillet 2019, logiciel dont vous avez la seule gestion.

Une telle mise en arrêt des réplications semble être d’origine intentionnelle et vous est en tout état de cause imputable dans la mesure où, en cas de dysfonctionnement une alerte apparaît systématiquement sur l’écran du serveur et que vous n’avez pas estimé devoir alerter tant la Direction que l’administrateur Réseau d’un tel dysfonctionnement.

Ces agissements intentionnels ont gravement nui au processus de sauvegarde des données de l’Association et ont de nouveau empêché un traçage précis des opérations intervenues sur lesdites données.

Plus encore, de nombreux conflits de fichiers ont été générés et la Fédération Nationale des CIBC a dû faire face à une importante perte de données.

2- Des faits de détournement de fichiers informatiques à caractère professionnel

Le 26 juillet 2019 le Délégué Général a été alerté par les salariées de vichy de ce que

l’ensemble de vos données professionnelles étaient absentes du serveur.

En l’état et en votre absence, la Fédération Nationale des CIBC s’est trouvée dans l’impossibilité d’accéder aux fichiers récents pourtant nécessaires à la gestion de l’activité.

Nous avons en outre constaté que seul un fichier dénommé ‘FLO DOSSIERS PERSONNELS’ était accessible sur le serveur.

Après avoir consulté l’historique des derniers fichiers professionnels modifiés par vos soins, il s’est avéré que des dossiers personnels à l’Association avaient été stockés sur un dossier intitulé ‘1A FICHIERS PERSONNELS [R]’ d’un périphérique extérieur, à savoir une clé USB.

Cette clé USB était toutefois introuvable.

Il est ici à préciser qu’au mois d’avril 2019 vous aviez procédé sans l’aval de votre Direction à la commande de 2 clés USB.

Vous avez ainsi cru devoir stocker les données comptables et, de manière générale les données relatives à l’administration de la Fédération Nationale des CIBC sur une clé USB en votre possession et à laquelle la Fédération Nationale des CIBC n’a pas accès et ce sans avoir consulté ni informé votre Direction.

Il vous a dés lors été enjoint par deux courriers RAR d’adresser sans délai les fichiers

manquants, injonction à laquelle vous n’avez pas estimé devoir déférer.

Eu égard à ces faits d’une importante gravité, le délégué Général présent à [Localité 5], afait appel en date du 30 juillet 2019 à un Huissier de Justice afin qu’il soit procédé à la constatation de ces manquements.

Ainsi, il ressort du procès-verbal de constat que :

– ‘ Le serveur de la Fédération se compose d’un espace commun et d’un espace propre à chaque salariée.

– L’espace propre à Madame [R] [V] se compose au jour du constat de 2 dossiers : un dossier portant la mention ‘personnel’ et’ un dossier comportant 3 logos de la Fédération.

– Un contrôle par simple sondage relève qu’au 17 juin 2019 et 8 juillet 2019, l’historique de sauvegarde sur le serveur montre que ces seuls fichiers existent sur le serveur dans l’espace de Madame [R] [V].

– La consultation de l’historique des derniers fichiers modifiés depuis son poste ainsi que leur localisation ( cible du lien ) et auxquels elle a accédé montre que depuis plusieurs semaines, sur les jours et heures où la salariée est normalement sur poste de travail, elle accède et travaille sur des fichiers à caractère professionnel word et excel et pdf depuis un périphérique de stockage externe clé USB par ex dans un dossier portant la mention ‘personnel’.

Les constats établissent l’existence de ces faits depuis le 2 juillet 2019.

Au regard des noms des fichiers qui apparaissant dans l’historique des fichiers modifiés depuis le 2 juillet 2019 d’une part et de le connaissance que la Fédération Nationale, des CIBC peut avoir de ces fichiers [version papier ou version ancienne connue] d’autre part. les données à caractère personnel de l’Association [sans que la liste soit exhaustive] suivantes, sont concernées par l’usage abusif du périphérique par vos soins à savoir:

– Les fichiers ‘année 2019 RECAPT PAIEMT COTIS DOC’ et ‘COTISATION 2018 RECAPITULATIF PAIEMENTS’et le dossier ‘TABLEAU 2019 COTIS DOCS RECAP’.

Ces fichiers sont en effet absents du serveur et ont été travaillés respectivement par vous-même les 17 juillet à 15h31 et le 17 juillet à la même heure et 23 juillet 2019 à 9h46 et stockés sur un périphérique externe de stockage.

Ils concernent le suivi des cotisations et dossiers d’adhésions des membres du réseau de la FEDERATION NATIONALE DES CIBC.

L’absence de ces données a empêché la FÉDÉRATION NATIONALE DES CIBC de tenir à jour la liste des adhérents réguliers et donc de fonctionnement statutaire et régulier des instances, le contrôle de l’accès à ses services et l’exploitation régulière de la marque CIBC.

– Le dossier ‘FACTURATION’ le fichier « RECAP FACTURES POUR GROUPES INTERMARCHE CLEA’, ‘TABLEAU VAE DENTAIRES 2018″, ‘FACTURATION LICENCES CLEA 2018″, ‘ACTALIANS VAE ARCHI et HDJ branches sortantes dossiers non soldés mars 2019″.

De la même manière, ces fichiers sont absents du serveur et ont été travaillés par vous-même respectivement les 18 juillet 2019 à 9h56, 18 juillet 2019 à la même heure, 17 juillet à 11h33, 16 juillet 11h20 et 11h11. et stockés sur un périphérique externe de stockage.

En l’absence de ces données, la Fédération Nationale des CIBC s’est trouvée dans l’impassibilité d’honorer ses factures et de relancer ses créanciers.

La Fédération Nationale des CIBC s’est vue contrainte de suspendre les paiements au risque d’encourir des pénalités financières importantes, des paiements indus, des mises en difficulté de ses propres sous-traitants s’agissant du paiement de prestations réalisées par les CIBC, et une perte de confiance de ses partenaires, s’agissant du paiement de prestations réalisées par des prestataires externes au réseau.

Il s’est également avéré impossible de suivre les commandes effectives en cours faisant ainsi peser un risque d’engager des prestations sans vérifier leur régularité.

En l’absence de ces données, la Fédération Nationale des CIBC s’est trouvée donc dans l’impossibilité de rendre compte de ses activités aux commanditaires et à ses partenaires.

– Les fichiers d’arrêtés de compte

La FÉDÉRATION NATIONALE DES CIBC n’a trouvé aucune trace des fichiers d’arrêtés de comptes que vous avez vous-même commandités par mail du 4 juillet 2019 et édités le 9 juillet 2019, sans en solliciter l’autorisation de votre direction ni même l’en informer.

L’absence de ces informations a ainsi empêché la FÉDÉRATION NATIONALE DES CIBC de tracer et de vérifier les opérations de clôture des comptes qui ont été réalisées et l’a empêché de garantir la sincérité de le continuité de ses exercices comptables 2018-2019.

– L’ensemble des fichiers et archives de la fédération

Compte tenu de l’urgence de la situation. nous nous sommes vus contraints de saisir en référé le conseil de prud’hommes de Vichy le 9 septembre 2019 afin qu’un huissier soit désigné en vue de constater la teneur des éléments contenus dans te fichier dénommé « Flo dossiers personnels » sur votre ordinateur au sein de la Fédération et que vous soyez condamnée, sous astreinte. à restituer la clé USB ainsi que l’ensemble des fichiers manquants dont vous étiez détentrice et que vous avez détournés.

A réception de la notification de cette procédure, votre conseil écrivait par courrier officiel à notre conseil afin de lui adresser une clé USB et d’autoriser la Fédération à accéder aux dossiers se trouvant sur votre poste de travail identifiés comme personnels.

Compte tenu du flou de cette correspondance, aucune précision n’étant apportée quant à la possibilité d’accéder aux dossiers personnels présents sur la clé USB, notre conseil écrivait à votre avocat afin que nous soyons autorisés à accéder à cette partie de la clé USB.

Par mail officiel en date du 19 septembre 2019, votre conseil nous faisait part de votre courrier nous autorisant d’accéder aux données personnelles contenues sur le clé.

Ces données personnelles étaient ouvertes le 20 septembre 2619 en présence d’un huissier qui constatait ta présence de plus de 8000 fichiers présents sur cette clé, fichiers correspondants à ceux absents du serveur que nous recherchions depuis votre départ et pour lesquels nous vous avons à maintes reprises interrogée.

Il a été nécessaire d’initier une procédure de référé pour qu’enfin vous estimiez devoir restituer les fichiers des données administratives et comptables, propriété de l’Association.

Nous constations. en outre que de nombreux fichiers comportent des données à caractère personnel.

Ainsi, figurent notamment sur ces fichiers la carte nationale d’identité de l’ancien et de l’actuel Président, un relevé d’identité bancaire du Président, des informations sur la vie privée du Directeur Général, des listes de bénéficiaires de prestations délivrées par la Fédération, information, par ailleurs soumise au secret professionnel.

La violation de ces données, du fait d’un stockage sur un périphérique extérieur conduit à une perte de la maîtrise de leur confidentialité et constitue là encore une violation de vos obligations contractuelles liées à l’obligation de secret professionnel.

Ces fichiers avaient été enregistrés sur la clé USB1e 10 septembre 2019 ce qui permetde conclure que cette clé ne correspond pas à celle qui a permis le prélèvement des fichiers le 23 juillet dernier.

En effet, nous avons pu faire constater par huissier en date du 16 septembre 2019 que ‘ la salariée a quitté l’entreprise le 23 juillet 2019 au soir, or la date de création des fichiers sur le périphérique est le 10 septembre à 11h10, il s’avère donc que le contenu du support a été édité ou déplacé au cours de la période allant du 24 juillet au 10 septembre 11h10″ d’une part. L’expert informatique nous assistant, ajoute que ‘ la réalisation d”une telle opération requiert un support tiers pour stocker, même de manière temporaire, les données copiées’.

Il s’avère des lors indéniable que, comme nous le supputions depuis le 26 juillet 2019, vous vous êtes permise de supprimer dans l’ordinateur de la Fédération la plupart des fichiers utiles à son fonctionnement pour les récupérer sur une clé USB, dans un fichier personnel, que vous avez emporté à votre domicile en refusant délibérément de les restituer dès les premières demandes que nous vous avons formulées et ce dans le but manifestement de nuire au fonctionnement normal de l’Association.

Sous réserve des éventuelles suites pénales qui seront données à cette affaire, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde.

Compte tenu de la gravité des agissements fautifs au surplus commis dans l’intention de nuire à l’Association qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

Cette mesure prend donc effet immédiatement, et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de la présente lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Vous pourrez vous présenter le même jour à nos bureaux pur percevoir les sommes restant dues au titre de salaire et d’indemnité de congés pavés et retirer votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi.

Nous vous indiquons par ailleurs que vous avez la possibilité de bénéficier du maintien de votre couverture prévoyance pendant un délai qui ne saurait excéder la durée de votre contrat de travail, durée en toute hypothèse plafonnée à douze mois tout au plus a compter de la date de cessation de votre contrat de travail, à condition que vous soyez bénéficiaire de l’assurance chômage pendant toute cette durée.

A ce titre, vous aurez l’obligation de justifier auprès de l’assureur de votre prise charge par le régime l’assurance chômage ainsi que de la cessation du versement des allocations du régime assurance-chômage. si elle intervient avant la fin de la période de maintien des garanties.

Le maintien de votre couverture prévoyance cessera de plein droit au terme de la durée maximum sus-indiquée ou en ces de reprise d’un nouvel emploi.

Vous êtes enfin déliée ce tout engagement de non-concurrence que vous auriez pu être amenée à souscrire au bénéfice de l’entreprise.

Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de notre considération distinguée.

Pour la Fédération Nationale des CIBC,

Son Président,

[X] [D]’.

Selon l’attestation Pôle Emploi établie par l’employeur, Madame [R] [V] a été employée par l’association FEDECI du 22 septembre 2006 au 25 septembre 2019, mais les bulletins de paie mentionnent une ancienneté au 21 septembre 2005. Elle a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 936,25 euros mais ni indemnité de licenciement ni indemnité compensatrice de préavis.

Vu les termes du courrier susvisé, l’association FEDECI a clairement notifié à Madame [R] [V] un licenciement pour motif disciplinaire en relevant l’existence d’une faute lourde commise par la salariée.

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux ou d’autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c’est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l’existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c’est-à-dire que les faits invoqués par l’employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c’est-à-dire en raison d’une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.

Si l’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu’il considère comme fautif, il doit s’agir d’un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d’autres personnes, même proches.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité de licenciement, du préavis ou de l’indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l’employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu’il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l’indemnité compensatrice de congés payés reste due.

La sanction disciplinaire prononcée par l’employeur, y compris une mesure de licenciement, ne doit pas être disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l’employeur à l’encontre du salarié n’est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.

La faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis. La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d’un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à avertissement préalable. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l’employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l’employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n’aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l’indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.

La faute lourde est celle commise par le salarié avec ou dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Cet élément peut résulter directement de la nature de l’acte commis par le salarié, mais il ne suffit pas que le comportement reproché au salarié ait été préjudiciable à l’entreprise pour caractériser une faute lourde. La disqualification de la faute lourde ne prive pas nécessairement le licenciement de cause réelle et sérieuse, et les juges peuvent même décider que les faits reprochés justifient un licenciement pour faute grave ou constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. Seule la faute lourde permet l’engagement de la responsabilité pécuniaire du salarié et peut fonder une action en dommages-intérêts contre ce dernier.

En cas de faute grave ou lourde, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l’employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l’employeur, en revanche, d’établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail : ‘Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.’.

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires (date de convocation à l’entretien préalable ou de prononcé d’une mise à pied conservatoire / date de présentation de la lettre recommandée ou de remise de la lettre simple pour une sanction ne nécessitant pas un entretien préalable) au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction disciplinaire au-delà du délai de deux mois, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai, l’employeur pouvant ainsi invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique. Toutefois, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

– Sur la décision rendue en matière pénale –

Aux termes des articles 378 et 379 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ; le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge ; à l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité d’un sursis à statuer, et ce dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Dans l’attente de la décision du tribunal correctionnel de CUSSET, l’association FEDECI avait demandé le sursis à statuer au premier juge qui l’a refusé.

En cause d’appel, l’association FEDECI ne sollicite plus une décision de sursis à statuer mais fait valoir que le principe ‘le criminel tient le civil en état’ n’est pas applicable en l’espèce, et que la cour n’est pas liée par la décision pénale de relaxe.

Il existe un principe selon lequel l’autorité de la chose jugée au pénal s’impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale.

En conséquence, les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé, et il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif.

L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision, elle s’impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale.

Mais l’autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’à ce qui a été nécessairement et certainement jugé.

Si les faits allégués par l’employeur à l’appui du licenciement sont différents, ou pour partie distincts, de ceux portés à la connaissance du juge pénal, le jugement de relaxe intervenu de ce chef ne s’impose pas au juge prud’homal dans le cadre de l’appréciation du fondement de la rupture du contrat de travail.

Le principe de l’autorité de la chose jugée au pénal exclut que le juge prud’homal puisse retenir, pour caractériser la faute du salarié, qu’elle soit grave ou en tout cas constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, des faits que le juge pénal a tenus pour non établis, mais la décision de relaxe ne fait pas obstacle à ce que le juge prud’homal apprécie les mêmes faits sous l’angle d’une exécution fautive du contrat de travail et leur reconnaisse éventuellement un caractère suffisant pour emporter la privation du préavis. En résumé, l’absence de caractère délictueux des faits n’exclut pas qu’ils relèvent d’un comportement fautif du salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

En l’espèce, le 14 octobre 2019, l’association FEDECI a déposé plainte du chef d’abus de confiance à l’encontre de Madame [V]. Une enquête pénale a été effectuée. Madame [V] a été placée en garde à vue le 17 novembre 2020.

Madame [V] a été citée par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel de CUSSET pour avoir, du 1er avril 2019 au 17 novembre 2020, détourné des fichiers informatiques et des données au préjudice de l’association FEDECI, notamment en stockant ces fichiers sur un périphérique externe que la prévenue n’a pas voulu restituer à son employeur dans le but de lui nuire (prévention d’abus de confiance). L’association FEDECI s’est constituée partie civile.

Par jugement du 3 février 2022 (audience du 16 décembre 2021), le tribunal correctionnel de CUSSET a relaxé Madame [V] des fins de la poursuite et débouté l’association FEDECI de ses demandes.

Relatant de façon précise les différents éléments de l’enquête pénale, le tribunal correctionnel a largement motivé sa décision sur le plan pénal en relevant notamment que :

– de nombreux courriels accréditent la version Madame [V] selon laquelle des problèmes de sauvegarde avaient déjà été constatés et signalés auparavant, ce qui justifiait une sauvegarde et un travail de la salariée pouvant être effectués ponctuellement sur clé USB, sans aucune interdiction apparente de la part de l’employeur ;

– le détournement de données et l’intention de nuire ne sont absolument pas caractérisés concernant Madame [V], tant l’élément matériel que l’élément moral font défaut ;

– le grief de l’employeur concernant la suppression de fichiers sur le serveur par Madame [V] n’est étayé d’aucun élément probant ;

– l’accès au serveur était partagé par plusieurs employés et l’accès au fichier de chacun des employés était partagé par tous.

Il n’est pas justifié ni même prétendu qu’un recours aurait été interjeté à l’encontre du jugement rendu le 3 février 2022.

– Sur l’appréciation des griefs –

En l’espèce, vu les termes de la lettre de licenciement, les griefs invoqués par l’employeur à l’encontre de la salariée sont les suivants :

1- des retards réguliers sans en informer l’employeur ni solliciter la moindre excuse ni opérer compensation ;

2- un défaut de sauvegarde journalière des données informatiques sur un disque dur externe entre le 16 juillet 2019 et le 23 juillet 2019, négligence ayant gravement nui à l’association qui a été privée du traçage de l’ensemble des opérations effectuées en informatique pour le compte de la Fédération Nationale des CIBC ;

3- un arrêt anormal du logiciel de réplication des données du serveur Netexplorer entre le 20 mai et le 9 juillet 2019, avec pour conséquence que de nombreux fichiers présents sur le serveur se trouvaient inexploitables du fait de l’existence de conflit de versions pour un même fichier, alors qu’en cas de dysfonctionnement une alerte apparaît systématiquement sur l’écran du serveur ;

4- un détournement de fichiers informatiques à caractère professionnel qui ont été stockés, sans autorisation ni information de la direction sur un dossier intitulé ‘1A FICHIERS PERSONNELS [R]’ d’un périphérique extérieur, à savoir une clé USB introuvable et en la seule possession de la salariée, avec impossibilité pour l’employeur d’accéder aux fichiers récents nécessaires à la gestion de l’activité, ayant pour conséquence l’impossibilité pour l’association d’honorer ses factures et de relancer ses créanciers, une suspension des paiements au risque d’encourir des pénalités financières importantes, des paiements indus, des mises en difficulté des sous-traitants, une perte de confiance de ses partenaires s’agissant du paiement de prestations réalisées par des prestataires externes au réseau, l’impossibilité de suivre les commandes effectives en cours.

Il échet de rappeler qu’à compter du 24 juillet 2019 (mention de bulletin de paie non contestée), Madame [R] [V] était en arrêt de travail pour cause de maladie puis en situation de mise à pied conservatoire et congé.

Selon sa fiche de poste, Madame [R] [V] a notamment pour tâche la ‘sauvegarde des données sur un disque dur externe’, sans autre précision. Il n’est justifié d’aucune consigne donnée à Madame [R] [V] s’agissant de la fréquence de la sauvegarde.

Pour justifier du licenciement, l’employeur produit essentiellement un constat d’huissier de justice en date du 20 août 2019 (sa pièce 71) qui aurait été réalisé sur le poste informatique utilisé habituellement par Madame [R] [V] au sein de l’association FEDECI (indication donnée par l’employeur).

La cour relève que l’huissier n’a pas opéré véritablement de constatation directe mais fait état, de façon hachée et peu compréhensible pour qui n’est pas spécialisé en informatique, de ce qu’il voit sur l’écran ainsi que des observations effectuées par des personnes présentes (Monsieur [D] et Monsieur [C] de l’association FEDECI ainsi que Monsieur [F], prestataire informatique indépendant mais apparemment appelé par l’employeur) à partir d’opérations informatiques effectuées à la seule initiative de Monsieur [F].

De tels ‘constats’, accompagnés de captures d’écran sans signification évidente, opérés hors la présence de Madame [R] [V], environ un mois après que la salariée ait pu accéder pour la dernière fois à son poste informatique ainsi qu’aux ordinateurs et serveur de l’entreprise, n’ont pas une valeur probante significative dans le cadre du présent litige, en tout cas pas une valeur sensiblement supérieure aux affirmations de l’employeur en ce sens.

Dans son jugement du 3 février 2022, le tribunal correctionnel notamment fait état des témoignages de Monsieur [Z], Mesdames [T] et [U]. Il en résulte que si Madame [R] [V] était chargée habituellement de la sauvegarde informatique (à défaut Madame [U]), aucune consigne particulière n’avait été délivrée par l’employeur en la matière (pas d’interdiction d’utilisation d’une clé USB). Certains témoins ont relevé des conflits de dossiers et incidents concernant l’utilisation du serveur ainsi que des pertes d’accès ou de fichiers. Il apparaît également que les salariés avaient échangé leurs codes d’accès à leurs sessions et partageaient des fichiers.

Par ailleurs, bien avant la période considérée dans la lettre de licenciement, Madame [R] [V] avait signalé (cf courriels et captures d’écran) des difficultés pour effectuer la sauvegarde sur disquette (jusqu’à deux semaines d’interruption en raison de dysfonctionnements informatiques), des suppressions intempestives de fichiers sur le serveur et des pertes de données, notamment du fait du mauvais état du matériel informatique.

Madame [A], formatrice informatique, témoigne que le 9 juillet 2019, elle a généré des fichiers et effectué une sauvegarde avec Madame [R] [V], constatant que l’appelante avait effectué une sauvegarde sur clé USB qui a été scotchée dans une boîte d’archives. Elle ajoute que depuis avril 2019 Monsieur [C] était l’administrateur du logiciel et avait accès à tous les postes d’utilisateurs.

‘ L’employeur ne précise pas dans la lettre de licenciement les retards relevés à l’encontre de Madame [R] [V] et les seuls élément d’appréciation donc la cour dispose à ce sujet sont antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement et non susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ce premier grief sera écarté.

‘ Il n’est nullement établi que Madame [R] [V] n’avait pas le droit d’utiliser des clés USB dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ou d’effectuer des sauvegardes sur clé USB, notamment en cas de dysfonctionnement du système de sauvegarde sur disque dur externe. Il n’est pas plus démontré que Madame [R] [V] avait reçu instruction de sa hiérarchie d’effectuer une sauvegarde journalière ou selon une fréquence déterminée. Madame [A] témoigne d’une sauvegarde effectuée par l’appelante le 9 juillet 2019. Le défaut de sauvegarde journalière entre le 16 juillet 2019 et le 23 juillet 2019 par négligence relevé par l’employeur à l’encontre de Madame [R] [V] n’est pas matériellement établi alors que le doute doit profiter à la salariée. Ce grief sera écarté.

‘ Vu les observations susvisées, il n’est pas démontré qu’un arrêt anormal du logiciel de réplication des données du serveur Netexplorer entre le 20 mai et le 9 juillet 2019, à le supposer réel, serait imputable à Madame [R] [V] qui n’était pas la seule à y avoir accès. Il n’est pas plus justifié que la salariée aurait négligé une alerte informatique en ce sens. Ce grief sera écarté.

‘ Madame [R] [V] n’a pas commis de faute en sauvegardant ses fichiers professionnels sur une clé USB, vu notamment les incidents et dysfonctionnements informatiques relevés précédemment par certains salariés de l’association dont l’appelante.

Alors que les codes d’accès et fichiers informatiques étaient partagés, que d’autres salariés pouvaient avoir accès au poste informatique de Madame [R] [V] lorsqu’elle n’était pas présente, les détournements et suppressions de fichiers informatiques à caractère professionnel relevés par l’employeur, à les supposer réels sur le serveur de l’association et réalisables par un salarié du niveau hiérarchique de Madame [R] [V] ne peuvent être en l’état imputés à Madame [R] [V] alors que le doute doit profiter à la salariée. Sur ce point, la cour fait la même analyse des éléments du dossier que le juge pénal dans sa décision du 3 février 2022. Ce grief sera écarté.

Les griefs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement ne sont pas retenus par la cour comme matériellement établis ou susceptibles de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

– Sur les conséquences –

La cour juge le licenciement de Madame [R] [V] sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

La rémunération mensuelle brute de référence pour Madame [R] [V] étant de 1.973,58 euros, avec une ancienneté au 21 septembre 2005 (14 ans), il sera fait droit à la demande de l’appelante afin de voir condamner l’association FEDECI à lui payer les sommes de 3.947,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 394,72 euros au titre des congés payés afférents, de 7.565,90 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

Compte tenu du montant du salaire mensuel brut de la salariée (cf supra), de l’âge de Madame [R] [V] au jour du licenciement (59 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (14 ans), il lui sera alloué la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur les congés payés –

Sur ce point, les parties ne produisent que les bulletins de paie d’août 2019 et de septembre 2019 qui mentionnent seulement 11,24 jours de congés payés acquis mais non pris en août 2019.

Lorsqu’un salarié fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, laquelle a pour effet de suspendre le contrat de travail, il ne peut, pendant cette période, valablement prendre ses congés payés, peu important que leur date ait été décidée antérieurement à la mesure de mise à pied.

En l’espèce, Madame [R] [V] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, mais avec maintien de la rémunération, à compter du 29 juillet 2019 et jusqu’au jour du licenciement (25 septembre 2019).

Madame [R] [V] n’était donc pas en mesure de prendre 16 jours de congés payés, du 10 août au 3 septembre 2019, comme indiqué sur les bulletins de paie. Toutefois, l’employeur lui a maintenu intégralement sa rémunération pendant cette période, ce qui correspond au montant de l’indemnité compensatrice de congés payés due à ce titre à la salariée au jour de la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera donc infirmé en ce que le conseil de prud’hommes a fait droit au paiement à Madame [V] de 16 jours congés payés et, en conséquence, condamné l’association FEDECI à payer à Madame [V] 1.461,28 euros bruts.

– Sur la demande de rappel de salaire –

Sur ce point, les parties ne produisent que les bulletins de paie d’août 2019 et de septembre 2019.

Madame [R] [V] sera déboutée de sa demande de rappel de salaire pour le mois de septembre 2019 alors qu’il n’est pas contesté l’existence d’un trop perçu pour le mois d’août 2019 (maintien de la rémunération mensuelle par l’employeur alors qu’absence pour maladie du 24 juillet au 9 août 2019 et paiement d’indemnités journalières à la salariée) et que le calcul effectué sur ces deux mois consécutifs permet de constater que l’appelante a été, au final, remplie de ses droits en matière de rémunération contractuelle. Le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties sur ce point.

– Sur la demande concernant des frais de santé –

Sur ce point également, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle adopte, a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en déboutant Madame [R] [V] de sa demande au titre des frais de santé.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

L’association FEDECI sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser à Madame [R] [V] une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Infirme le jugement en ce qu’il a dit justifié le licenciement pour faute lourde, et, statuant à nouveau de ce chef, dit le licenciement de Madame [R] [V] sans cause réelle et sérieuse ;

– Infirme le jugement en ce qu’il a condamné l’association FEDERATION NATIONALE DES CIBC (FEDECI) à payer à Madame [V] la somme de 1.461,28 euros bruts au titre des congés payés, et, statuant à nouveau de ce chef, déboute Madame [R] [V] de sa demande de paiement de 16 jours de congés payés ;

– Infirme le jugement en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance, et, statuant à nouveau, condamne l’association FEDERATION NATIONALE DES CIBC (FEDECI) aux dépens de première instance ;

– Réformant, condamne l’association FEDERATION NATIONALE DES CIBC (FEDECI) à payer à Madame [R] [V] les sommes suivantes :

* 3.947,16 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 394,72 euros au titre des congés payés afférents,

* 7.565,90 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 20.000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Y ajoutant, condamne l’association FEDERATION NATIONALE DES CIBC (FEDECI) à payer à Madame [R] [V] une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne l’association FEDERATION NATIONALE DES CIBC (FEDECI) à payer à Madame [R] [V] aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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