Licenciement disciplinaire : 7 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02292

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Licenciement disciplinaire : 7 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02292

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02292 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZSN

LR/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE (SECTION INDUSTRIE)

31 août 2020 RG :F19/00014

SAS MC CORMICK FRANCE

C/

[H]

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE (SECTION INDUSTRIE) en date du 31 Août 2020, N°F19/00014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

SAS MC CORMICK FRANCE inscrite au RCS sous le N° 622 980 027 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis

AGROPARC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me GOSSELIN Hélène, avocat au barreau de Marseille

INTIMÉE :

Madame [N] [H]

née le 17 Août 1964 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-baptiste TABIN , avocat au barreau D’AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [N] [H] a été engagée à compter du 2 mai 1989, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de préparatrice de commandes par la SAS MC Cormick France, spécialisée dans le marché des épices et des aides aux desserts.

La convention collective applicable est celle des cinq branches industries alimentaires diverses du 21 mars 2012.

Le 1er janvier 2007, Mme [N] [H] a été affectée au poste de conductrice banderolage.

Par avis du 12 juillet 2010, le médecin du travail a déclaré Mme [N] [H] inapte à son poste mais apte à un poste d’hôtesse d’accueil et d’assistante administrative.

Mme [N] [H] a été affectée au poste d’employée standardiste et percevait un salaire mensuel d’un montant de 1.893, 28 euros auquel s’ajoutait une prime d’ancienneté de 283,99 euros ainsi que d’autres sommes ponctuelles (primes de vacances, de RTT, prime annuelle).

Le 24 novembre 2017, Mme [N] [H] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire d’un jour.

Par courrier, du 11 juin 2018, Mme [N] [H] a été licenciée pour faute sérieuse aux motifs suivants :

– défaut de contrôle des visiteurs à l’accueil,

– non-respect des procédures en vigueur en matière de prise de congés payés,

– retards répétés dans la communication des données de gestion des temps au service paye.

Par requête, en date du 24 janvier 2019, Mme [N] [H] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange en annulation de la sanction disciplinaire, dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en condamnation de la SAS MC Cormick France au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 31 août 2020, le juge départiteur du conseil de prud’hommes d’Orange a :

– annulé la sanction de la mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2017,

– condamné la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] les sommes de 99, 33 euros bruts au titre du salaire indûment retenu et de 9,93 euros au titre des congés payés afférents,

– condamné la SAS MC Cormick France à délivrer à Mme [N] [H] un nouveau bulletin de salaire à date actuelle portant mention de cette régularisation,

– dit que le licenciement de Mme [N] [H] est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] la somme de 36 394 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS MC Cormick France aux entiers dépens,

– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

– rappelé la condamnation de l’employeur au paiement des sommes visées par les articles R1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l’article R1454-28.

– rejeté les autres demandes.

Par acte du 18 septembre 2020, la SAS MC Cormick France a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 mai 2021, la SAS MC Cormick France demande à la cour de :

– recevoir la SAS MC Cormick France dans ses conclusions d’appelante, les disant

bien fondées,

Ainsi,

– constater l’exécution loyale du contrat de travail par la SAS MC Cormick France,

– constater le bien-fondé de la mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2017,

– constater l’absence de tout usage abusif du pouvoir disciplinaire,

– constater le caractère réel et sérieux du licenciement de Mme [N] [H],

– constater l’exacte qualification du motif allégué,

– constater les demandes disproportionnées de Mme [N] [H] et l’application du barème légal institué par l’article L 1235-3 du code du travail,

– débouter de l’ensemble de ses demandes,

En conséquence,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange du 31 août 2020 en ce qu’il a :

– annulé la sanction de mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2017,

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] les sommes suivantes :

– 99,33 euros bruts au titre de salaire indûment retenu,

– 9,93 euros bruts à titre de congés payés afférents,

– 36.364 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange du 31 août 2020 en ce qu’il a débouté Mme [N] [H] de l’ensemble de ses autres demandes,

En tout état de cause :

– allouer à la SAS MC Cormick France une somme de 2 000 euros sur le fondement

de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [N] [H] aux entiers dépens.

La SAS MC Cormick France fait valoir que :

– S’agissant de la mise à pied disciplinaire et rappelant son obligation de sécurité, Mme [N] [H] avait déjà été reprise quant à la nécessité de respecter rigoureusement les dates butoirs des visites médicales afin de se tenir à jour alors que sa fiche de poste et la fiche d’objectifs 2017 faisaient bien mention du suivi de la planification des visites médicales. En outre, la salariée a multiplié les mensonges pour tenter de camoufler son manque de rigueur et le conseil de prud’hommes a retenu des courriels échangés avec le GMSI datant de plus de cinq mois après les faits reprochés. La procédure disciplinaire a été engagée moins de deux mois après que l’employeur a été informé des faits. M. [E] [T], son supérieur, a pour sa part également été sanctionné.

– L’employeur a toujours exécuté le contrat de travail de bonne foi et la salariée ne peut invoquer une surcharge de travail.

– S’agissant du licenciement, il a un caractère réel et sérieux en ce que Mme [N] [H] :

*pourtant formée, n’a pas respecté les consignes de sécurité en matière de contrôle de l’entrée sur le site de production, ce manquement n’étant pas isolé,

*a pris des congés sans respecter la procédure interne qu’elle connaissait parfaitement pour l’appliquer aux autres salariés,

*a accumulé des retards dans la communication des données de gestion au service paye, par manque de rigueur, cette mission si elle n’était pas sur la fiche de poste faisait partie de ses objectifs, lesquels n’ont jamais été contestés.

Enfin, les griefs reprochés ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle mais de fautes professionnelles et d’insubordination.

– Concernant la demande de dommages et intérêts : la salariée ne saurait remettre en cause le barème légal.

En l’état de ses dernières écritures du 15 juin 2021, contenant appel incident, Mme [N] [H] demande de :

– confirmer les dispositions suivantes du jugement du conseil de prud’hommes d’Orange :

– annule la sanction de la mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2017,

– condamne la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] les sommes de 99, 33 euros bruts au titre du salaire indûment retenu et de 9,93 euros au titre des congés payés afférents,

– condamne la SAS MC Cormick France à délivrer à Mme [N] [H] un nouveau bulletin de salaire à date actuelle portant mention de cette régularisation,

– dit que le licenciement de Mme [N] [H] est sans cause réelle et sérieuse,

– condamne la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne la SAS MC Cormick France aux entiers dépens,

– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

– réformer les autres dispositions du jugement du conseil de prud’hommes d’Orange,

Statuant à nouveau,

– condamner l’employeur à verser les sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour usage abusif du pouvoir disciplinaire : 2 000 euros nets,

– dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5 000 euros nets,

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 48485 euros nets,

– article 700 du code de procédure civile, au titre des frais d’appel : 2 000 euros nets,

– entiers dépens en cause d’appel.

Mme [N] [H] fait valoir que :

– S’agissant de la mise à pied disciplinaire : les retards concernant le planning des visites médicales résultaient des difficultés à obtenir des rendez-vous du service de la médecine du travail. Les faits sont en outre prescrits. La sanction disciplinaire est à l’origine au moins en partie de l’aggravation de son état de santé et l’employeur a abusé de son pouvoir disciplinaire, contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes.

– L’employeur n’a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi, la surchargeant de tâches notamment quant à la gestion des temps de travail dans le logiciel SAP Time et de missions qui ne faisaient pas partie de sa fiche de poste.

– Elle conteste ensuite point par point chacun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, indiquant qu’en tout état de cause, seul un licenciement non disciplinaire, pour une éventuelle insuffisance professionnelle aurait pu être prononcé.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 6 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 3 novembre 2022 à 16 heures et a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 17 novembre 2022 à 14 heures.

MOTIFS

Sur la mise à pied disciplinaire

L’article L. 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L. 1333-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

Mais, aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. »

Il est constant que le 30 octobre 2017, Mme [N] [H] a été destinataire d’une convocation à un entretien disciplinaire qui a eu lieu le 6 novembre suivant et que par courrier du 14 novembre, l’employeur lui a notifié une mise à pied d’une journée au motif d’une insuffisance d’attention et de rigueur dans l’organisation des visites médicales.

Dans ce courrier, l’employeur mentionne la date du 30 août 2017 comme étant celle de la découverte des faits.

Or, il ressort clairement du courriel du 30 août 2017, émanant du directeur de l’usine M. [S] [W], que le supérieur hiérarchique de Mme [N] [H], M. [E] [T], avait parfaitement connaissance des retards dans les rendez-vous de visite médicale mais n’en avait pas informé l’employeur.

Ainsi, dès lors que le supérieur hiérarchique de la salariée, chargé du contrôle de son activité, a eu connaissance des faits qui lui étaient imputés plus de deux mois avant l’engagement des poursuites, il convient de considérer que les faits sont prescrits.

Le conseil de prud’hommes, qui a justement relevé que le supérieur de Mme [N] [H] était non seulement informé mais qu’au surplus, il n’avait pas jugé utile d’en référer à sa direction, pouvait sur ce seul motif prononcer l’annulation de la sanction disciplinaire sans avoir à examiner si elle était justifiée ou proportionnée.

Il convient donc, par ces motifs, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé la sanction de mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2017.

C’est ensuite, par de justes motifs, que le premier juge a condamné la SAS MC Cormick France à payer la somme de 99,33 euros bruts au titre du salaire indûment retenu, outre celle de 9,93 euros bruts au titre des congés payés afférents ainsi qu’à délivrer à la salariée un nouveau bulletin de salaire à date actuelle portant mention de la régularisation. L’astreinte ayant justement été écartée.

S’agissant de la demande de dommages et intérêts motif pris d’un usage abusif du pouvoir disciplinaire et d’un burn out professionnel généré par la sanction injustifiée, le premier juge a encore justement considéré, après avoir examiné le certificat médical du 31 juillet 2018 qui faisait référence à un arrêt de travail du 15 novembre au 12 décembre 2017, que l’erreur d’appréciation que la société avait pu faire des faits fautifs et des responsabilités encourues ne s’analysait pas en un abus et que rien ne confirmait l’existence d’un lien direct avec la sanction, le médecin ne faisant que rapporter les propos de sa patiente et cette dernière ayant fait l’objet précédemment, du 10 au 29 octobre, d’un arrêt de travail sans relation avec une quelconque sanction.

Le jugement sera ici encore confirmé.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La lettre de licenciement du 12 juillet 2018 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

« Madame,

Nous vous avons reçu le 21 juin 2018 dans le cadre d’un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Cet entretien a eu lieu en présence de [S] [W], Directeur d’Usine, assisté de [X] [P],Responsable Ressources Humaines. Monsieur [L] [A] a également assisté à cet entretien à votre demande, en sa qualité de Délégué Syndical Central CGT.

Lors de l’entretien, nous vous avons exposé les faits suivants:

– Votre mission en tant qu’Employée Standard Accueil est, comme l’indique votre fiche de poste, de participer à la sécurité du site: en effet, l’accueil des visiteurs doit suivre une procédure spécifique qui implique que vous remettiez un badge à tout visiteur après vous être assurée de l’identité du visiteur en vérifiant sa pièce d’identité.

Cette procédure de contrôle d’identité des visiteurs vous a été rappelée à l’occasion de plusieurs audits, et une colonne Identité Visiteurs a d’ailleurs été rajoutée sur le registre d’accueil des visiteurs et intervenants externes afin de vous permettre de confirmer les vérifications d’identité réalisées.

Or nous avons constaté que cette colonne permettant d’assurer une traçabilité des contrôles d’identité réalisés n’était jamais remplie.

Un exercice d’intrusion réalisé sur le site le 15 mai 2018 par la société SI2P a confirmé l’absence de contrôle d’identité : cet exercice d’intrusion avait pour but d’apprécier les dispositions en place liées à la maîtrise des accès et aux conditions d’accueil et de sécurité sur le site. II ressort de cet exercice que, vous n’avez pas demandé sa pièce d’identité à la personne réalisant l’exercice alors qu’elle entrait pour la première fois sur le site. De plus, à aucun moment vous n’avez remis le livret d’accueil ni présenté les consignes de sécurité du site à ce visiteur.

Ces derniers éléments constituent un écart grave par rapport aux procédures Sécurité en place sur le site.

Cet écart, qui laisse la possibilité à un visiteur non identifié de pénétrer sur le site et notamment dans des zones sensibles de production, aurait pu avoir des conséquences graves notre activité et sur la sécurité alimentaire des produits que nous conditionnons.

Vous êtes parfaitement au courant de l’obligation de respecter ces consignes de sécurité, qui vous ont été rappelées à plusieurs reprises.

L’incident du 15 mai 2018 est constitutif d’une faute sérieuse dans l’exercice de votre mission.

Nous avons également évoqué au cours de notre entretien d’autres faits fautifs:

– Non-respect du règlement intérieur concernant la prise de congés : vous avez été absente la semaine du 22 au 25 mai 2018 : pourtant, alors que le Règlement Intérieur précise que ‘toute absence (…) doit, qu’elle qu’en soit la durée, faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la Direction au plus tard la veille et doit être justifiée’, vous n’avez présenté votre bon de congés pour la semaine du 22 au 25 mai 2018 que le 4 juin 2018 à votre manager, soit près de 2 semaines après le début de cette absence.

De même, vous n’avez jamais régularisé votre absence du 30 avril 2018, et ce malgré le courriel de relance que vous avez reçu à ce sujet le 2 mai 2018.

Ces faits constituent un manquement par rapport aux procédures en vigueur dans l’entreprise, procédures que vous connaissez pourtant parfaitement en tant qu’Employée Standard Accueil : en effet, votre poste consiste entre autres à collecter dans les délais tous les bons de congés des collaborateurs du site, et à alerter les managers en cas d’écart par rapport à cette procédure.

– Retards répétés dans la communication des données de gestion des temps au Service Paye: au cours des mois de mai et juin 2018, vous avez été relancée, à plusieurs reprises par le Service EMEA Payroll (Service Paye centralisé) au sujet de la gestion de SAP Times, gestion qui fait partie de vos attributions et qui est intégrée dans vos objectifs individuels : le 14 mai 2018, le service EMEA Payroll vous a sollicitée pour que vous indiquiez le motif d’absences à qualifier datant de fin 2017, et de février et mars 2018.

Une demande similaire vous a été adressée le 19 juin 2018 pour préciser le motif des ‘absences à qualifier’ datant d’avril et de mai 2018 : suite à cette nouvelle relance, vous avez finalement communiqué au service EMEA Payroll 2 motifs d’absences datant respectivement des 22 et 23 avril 2018, alors que ces corrections auraient dû intervenir en principe fin avril et en tout état de cause au plus tard au cours du mois de mai 2018.

Le Service EMEA Payroll doit vous relancer de façon très régulière alors que vous connaissez pourtant les exigences du processus de gestion des temps : comme cela est précisé dans vos objectifs individuels, la gestion de SAP Times implique ‘d’imprimer tous les jours la liste des anomalies, et envoyer un message aux managers pour les personnes sans pointage et contrôler le suivi de ces absences injustifiées’.

Au vu de ces éléments, il semble que vous n’avez pas assuré le suivi systématique et rigoureux des anomalies sur les mois de février, mars, avril et mai 2018 : alors que vous devez réaliser ce suivi de façon quotidienne et hebdomadaire, ce n’est que suite aux relances du Service EMEA Payroll que vous avez finalement mis à jour SAP Times plusieurs semaines voire plusieurs mois après l’absence d’un collaborateur.

Cette situation n’est pas admissible : comme vous le savez le suivi de SAP Times nécessite une rigueur et un contrôle quotidiens, ces éléments ayant un impact direct sur les compteurs de modulation et la paie des collaborateurs du site. En ne réalisant pas ce suivi de façon quotidienne et hebdomadaire, vous vous mettez une nouvelle fois en défaut par rapport aux pré-requis du poste que vous occupez.

Enfin, nous vous rappelons que vous avez tait l’objet au mois de novembre 2017 d’une mise à pied d’une journée suite à des écarts liés à l’organisation des visites médicales pour le personnel du site. Ces écarts avaient déjà mis à risque la sécurité de nos collaborateurs.

A la suite de cette mise à pied, nous attendions de votre part un changement fondamental.

Vous comprendrez que ces nouveaux écarts par rapport à des procédures qui sont le coeur même de votre poste mettent en danger le bon fonctionnement et la sécurité du site avec les conséquences graves que cela implique. Les explications recueillies au cours de notre entretien du 21 juin 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute sérieuse. »

L’employeur s’est donc fondé sur trois griefs pour licencier sa salariée, étant indiqué au préalable que la référence à la mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2017 est inopérante dans la mesure où la sanction a été annulée.

– Sur le non respect des consignes de sécurité concernant l’accueil des visiteurs

Il est reproché ici à la salariée de ne pas avoir respecté la procédure d’entrée sur le site en ne demandant pas la pièce d’identité et en ne la consignant pas dans le cahier, ainsi qu’en n’informant pas la personne extérieure concernée sur les risques et règles en matière de sécurité.

Il ressort des pièces versées et notamment des absences enregistrées que Mme [N] [H], dont l’une des missions consistait à assurer l’accueil physique des personnes, était bien présente sur son lieu de travail le 15 mai 2018.

Pour autant, les faits reprochés ont été constatés lors d’un exercice d’intrusion réalisé par la société Si2P dont le but était d’apprécier les dispositions organisationnelles et techniques en place et de proposer des améliorations tant sur la maîtrise des accès, les conditions d’accueil et de protection des zones sensibles.

Le rapport conclut ainsi pour la partie « accueil », « l’hôtesse, en confiance et concentrée sur autre chose, n’a pas demandé à JP Martinez sa carte d’identité alors que ce dernier venait pour la 1ère fois sur site; qu’à aucun moment le livret d’accueil et les consignes de sécurité n’ont été présentés/proposés. Une sensibilisation de l’hôtesse d’accueil aux règles de sûreté doit être renouvelée régulièrement (périodicité à définir) ».

Manifestement, l’objectif de « l’intrus » était de piéger le personnel puisqu’ensuite il s’est rendu dans la zone de production avec une charlotte de couleur bleue (couleur attitrée des salariés) sans badge apparent, sans les équipements individuels de protection obligatoires. Il n’a d’ailleurs jamais été interpellé et a pu pénétrer également dans la zone de stockage par un accès dont deux ferme-portes automatiques ne fonctionnaient pas correctement. Les failles étaient donc collectives, or, seule Mme [N] [H] a été sanctionnée pour les faits qui se sont produits ce jour-là.

Il ressort certes d’un audit précédent du 29 juin 2016, que Mme [N] [H] ne conteste pas précisément, que « la validation du contrôle d’identité n’est pas réalisée ». Elle était par ailleurs informée de la procédure d’accueil des visiteurs en place dans l’entreprise depuis 2012 et avait suivi une formation « Food défense, risque malveillance » le 18 janvier 2016.

Pour autant, le dernier entretien professionnel de Mme [N] [H], qui s’est déroulé le 28 février 2018, soit un peu plus de deux mois avant les faits reprochés, fait ressortir à la rubrique « respecter et faire respecter la sécurité de McC : visiteurs et salariés du groupe McC » des objectifs conformes aux attentes et la note de performance de 2 sur 3.

Dès lors, ce manquement par la salariée aux règles de sécurité en vigueur dans l’entreprise, isolé, constaté dans le cadre d’un exercice d’intrusion ayant pour but de piéger le personnel, dont d’ailleurs aucun membre n’a, en dehors de Mme [N] [H], été sanctionné et alors que la salariée venait d’être évaluée de manière satisfaisante s’agissant du respect de la sécurité du site lors du récent entretien annuel d’évaluation, ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il n’a pas retenu ce motif.

– Sur le non-respect du règlement intérieur concernant la prise de congés

Il est ici reproché à la salariée d’avoir été absente du 22 au 25 mai 2018 sans avoir demandé d’autorisation auprès de la direction conformément à la procédure en vigueur dans l’entreprise et de n’avoir présenté le bon de congé que près de deux semaines après le début de cette absence mais également de n’avoir jamais régularisé son absence du 30 avril 2018 malgré un courriel de relance, d’autant que son poste consiste précisément à collecter dans les délais les bons de congés des collaborateurs du site et à alerter les managers en cas d’écart par rapport à cette procédure.

L’article 14 du règlement intérieur de l’entreprise invoqué prévoit « Sauf cas de force majeure, le salarié absent pour cause de maladie ou d’accident doit avertir l’employeur dans les 48 heures et fournir un justificatif dans les trois jours. Toute absence ayant une autre cause doit, quelle qu’en soit la durée, faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la Direction au plus tard la veille et doit être justifiée ».

Or, si la salariée n’a pas adressé le « bon congés » habituel dans les délais, il ressort du courriel du 5 juin 2018 qu’il s’agit manifestement d’un simple oubli.

En outre, la cour ne voit pas, formellement, en quoi la salariée n’a pas respecté le règlement intérieur dans la mesure où elle avait adressé, par courriel du 17 janvier 2018, bien réceptionné par l’employeur, un « rappel sur ses congés » visant notamment la période du 22 mai 2018 au 25 mai 2018.

La SAS MC Cormick France n’invoque d’ailleurs aucun désordre dans l’organisation de l’entreprise en raison de cette période de congés payés et avait donc manifestement pu prendre toutes les dispositions nécessaires depuis le mois de janvier pour assurer le remplacement de sa salariée, ce qui démontre que sa demande de congés avait été acceptée.

S’agissant de l’absence du 30 avril 2018, l’intimée ne produit pas le courriel de relance prétendu et si Mme [N] [H] ne fournit pas sur ce point d’explications dans ses conclusions, il ressort du bulletin de salaire du mois d’avril 2018 que seuls sont déduits les quatre jours de congés payés du 3 au 6 mais non l’absence reprochée du 30.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le seul oubli de la transmission d’un « bon congé » dans les délais et une absence injustifiée ne sauraient constituer un motif réel et sérieux de licenciement alors qu’il n’est fait état depuis 1989, soit en 29 ans, d’aucune autre absence ou irrégularité dans la prise de congés par Mme [N] [H].

 

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté ce grief.

– Sur les retards répétés dans la communication des données de gestion des temps au Service Paye (SAP Times)

Il est reproché ici à la salariée des retards répétés dans la saisie des motifs d’absences dans le logiciel de gestion et de suivi des temps de travail des salariés malgré la connaissance par elle des procédures applicables, nécessitant de lui adresser des relances.

Il ressort en effet du courriel du 14 mai 2018, adressé par Mme [D] [K], des retards dans les absences à justifier. Toutefois, en réponse, M. [O] [C] s’étonnait que ces difficultés ne remontent que maintenant, après sept mois. Il indiquait également avoir discuté ce même jour avec Mme [N] [H] et lui avoir demandé de l’alerter en fin de mois s’il lui manquait des informations. Il ressort d’ailleurs des courriels que produit l’intimée qu’elle ne recevait pas systématiquement les informations nécessaires pour effectuer les incrémentations dans le logiciel SAP Time et devait elle-même solliciter la responsable RH.

L’entretien d’évaluation « de la performance » pour l’année 2017 fait en effet mention de « plusieurs erreurs/écarts dans le suivi SAP Time au cours de l’année. Le rapport d’entretien du 28 février 2018 mentionne que l’objectif SAP Time consistait à :

-imprimer l’état de pointage tous les lundis de chaque semaine et à remettre aux managers

-imprimer tous les jours la liste des anomalies et envoyer un message aux managers pour les personnes sans pointages et contrôler le suivi de ces absences injustifiées

-saisir et contrôler toutes les justifications d’horaires, CP, RC, modulation, changements variables suite aux messages des managers

Or, ni la fiche de poste d’hôtesse d’accueil remise en 2010 à la salariée, ni la « description d’emploi » d’agent d’accueil datée du 28 juin 2011 ne mentionnent la gestion SAP Time des salariés (170 en ce qui concerne le site de [Localité 5] 1) parmi les attributions.

Il s’agissait donc d’une charge de travail supplémentaire par rapport aux missions habituelles de l’agent d’accueil déjà prévues pour un travail à temps plein ainsi : assurer l’accueil physique, gérer les appels téléphoniques, mettre à jour les outils de communication de bienvenue, gérer le courrier et les colis, gérer l’affichage, travaux administratifs simples, réception des commandes dans SAP, assurer le suivi des heures de délégation des IRP, organiser les visites médicales des salariés.

L’intimée produit d’ailleurs une pétition signée par douze salariés certifiant avoir constaté l’état de stress de Mme [N] [H], son mal-être, ses plaintes de surcharge de travail.

En tout état de cause, les reproches ici concernaient la « performance » et donc les qualités professionnelles de la salariée, c’est-à-dire une éventuelle insuffisance professionnelle qui ne relève pas du licenciement disciplinaire.

Il ressort en effet tant du courriel du 2 novembre 2017 que de celui du 10 janvier 2018 que le directeur de l’usine reprochait à la salariée un manque d’efficacité et de rigueur mais aucunement une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée. Mme [G] [Z], responsable des ressources humaines de janvier 2008 à juin 2016, ne relève en réalité que des problèmes de rigueur et de priorisation.

Il résulte suffisamment de ce qui précède que l’employeur n’a pas établi, à l’occasion de la présente instance, la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l’article L. 1235-1 du code du travail, le licenciement de Mme [N] [H].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [N] [H] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L.1235-3 telles qu’issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de Mme [N] [H] ( 2424,28 euros en moyenne) et de son ancienneté en années complètes (29 années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [N] [H] doit être évaluée à la somme de 36 364 euros correspondant à l’équivalent de 15 mois de salaire brut.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a justement évalué cette indemnité.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Le premier juge a justement considéré, au regard des éléments produits par la salariée, que la surcharge de travail invoquée ne pouvait s’analyser en une exécution déloyale du contrat de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de 5000 euros.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Mme [N] [H] fait valoir qu’elle avait en première instance explicitement formulé des demandes de condamnations « brutes » concernant les rappels de salaire et de congés payés et « nettes » s’agissant des demandes de dommages et intérêts mais que le conseil de prud’hommes s’il a mentionné le caractère « brut » des condamnations de nature salariale n’a pas mentionné le caractère « net » des condamnations aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle précise que l’employeur a prélevé sur la somme la CSG/CRDS dans le cadre de l’exécution provisoire de la décision. Elle ajoute que si l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit un plafond basé sur le « montant brut du salaire », il est précisé que le montant de la condamnation prononcée est « à la charge de l’employeur », ce qui implique qu’il est nécessairement « net » au profit du salarié. Elle sollicite néanmoins la précision par la cour afin d’éviter tout litige ou difficulté d’interprétation et sollicite au dispositif de ses conclusions la réformation du jugement et des condamnations en « nets ».

En réalité, lorsque le juge ne se prononce pas, les condamnations doivent s’entendre en « brut ».

En outre, il résulte de l’article L. 1235-3 du code du travail que les montants minimaux et maximaux de l’indemnité sont « exprimés en mois de salaire brut », de sorte qu’il s’en déduit que le salarié ne peut prétendre qu’à une indemnité maximale exprimée en « brut ».

Dès lors, la somme accordée de 36 364 euros doit s’entendre également en « brut ».

Enfin, concernant l’article 700 du code de procédure civile, la cour n’a pas à préciser, s’agissant d’une indemnité.

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de la SAS MC Cormick France et l’équité justifie d’accorder à l’intimée la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Confirme le jugement rendu le 31 août 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

-Précise que la condamnation aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s’entend en « brut »,

– Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

– Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s’agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,

– Rejette le surplus des demandes,

– Condamne la SAS MC Cormick France à payer à Mme [N] [H] la somme de 2000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la SAS MC Cormick France aux dépens d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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