Licenciement disciplinaire : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01032

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Licenciement disciplinaire : 31 janvier 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01032

C4

N° RG 21/01032

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYUB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 31 JANVIER 2023

Appel d’une décision (N° RG F 20/00053)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 25 janvier 2021

suivant déclaration d’appel du 25 février 2021

APPELANTS :

Monsieur [F] [Z], agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur [G] [Z], son père, décédé le 19 août 2022,

né le 18 Juin 1985 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

Madame [P] [Z] agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur [G] [Z], son père, décédé le 19 août 2022,

née le 22 Avril 1987 à [Localité 11] ([Localité 11])

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Monsieur [H] [Z] agissant en qualité d’ayant droit de Monsieur [G] [Z], son père, décédé le 19 août 2022,

né le 30 Avril 2000 à [Localité 10] ([Localité 10])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentés par Me SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Catherine SUTER, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

INTIMEE :

S.A.S. CARS PHILIBERT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Olivier GELLER de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substitué par Me Hélène JACQUEMET, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 novembre 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 31 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 31 janvier 2023.

Exposé du litige :

M. [Z] a été engagé en qualité de conducteur de car dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 mars 2012 par la SAS CARS PHILIBERT.

M. [Z] a été convoqué à un entretien disciplinaire par lettre du 17 septembre 2019.

Par courrier du 14 décembre 2019, la SAS CARS PHILIBERT lui a notifié une mise à pied disciplinaire concernant la journée du 04 décembre 2019.

Par lettre du 15 novembre 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 novembre 2019.

M. [Z] a été élu le 05 décembre 2019 en qualité de membre suppléant du CSE.

Le 06 décembre 2019, M. [Z] a été licencié pour faute simple.

M. [Z] a saisi le Conseil de prud’hommes de Vienne en date du 06 mars 2020 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes outre une indemnisation au titre de l’exécution déloyale de son contrat de travail.

Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil des prud’hommes de Vienne, a :

Jugé que M. [Z] ne rapporte pas la preuve d’une exécution déloyale de son contrat de travail

Jugé que la SAS CARS PHILIBERT n’est redevable d’aucun rappel de salaire à M. [Z].

Jugé que la SAS CARS PHILIBERT n’a pas violé le statut protecteur de M. [Z]

Jugé que le licenciement de M. [Z] n’est pas entaché de nullité mais dénué de cause réelle et sérieuse

Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [Z] à la somme de 3 556,17 euros

Condamné la SAS CARS PHILIBERT à verser à M. [Z] les sommes de:

28 449,37 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de convocation de la partie défenderesse à la première audience ( signature de l’avis de réception ) sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts.

Condamné, en application des dispositions de l’article L 1235-4 du Code du travail, la SAS CARS PHILIPERT à rembourser à Pôle emploi, deux mois d’indemnité chômage perçues par M. [Z] à l’issue de son licenciement. Une copie certifiée conforme de la présente décision sera en conséquence adressée à cet organisme.

Débouté M. [Z] de ses demandes relatives:

à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

à un rappel de salaire ( temps à disposition ) du 1er décembre 2016 au 1er décembre 2019 et congés payés afférents

à des dommages et intérêts pour travail dissimulé

à l’indemnité pour violation du statut protecteur

à des dommages et intérêts pour licenciement nul

Débouté la SAS CARS PHILIBERT de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Condamné la SAS CARS PHILIBERT aux entiers dépens de l’instance.

Ordonné l’exécution provisoire sur l’entier jugement, au sens de l’article 515 du Code de procédure civile.

La décision a été notifiée aux parties et M. [Z] en a interjeté appel.

M. [Z] est décédé le 19 août 2022.

Ses ayants droit (M. [F] [Z], Mme [P] [Z] et M. [H] [Z]) sont intervenus à l’instance.

Par conclusions de reprise d’instance du 03 octobre 2022, les consorts [Z] demandent à la cour d’appel de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. [Z] ne rapportait pas la preuve d’une exécution déloyale du contrat de travail.

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la SAS CARS PHILIBERT n’était redevable d’aucun rappel de salaire à M. [Z].

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la SAS CARS PHILIBERT n’avait pas violé le statut protecteur de M. [Z].

Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [Z] n’était pas entaché de nullité mais dénué de cause réelle et sérieuse.

Infirmer le jugement en ce qu’il a fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [Z] à la somme de 3 556,17 €.

Infirmer le jugement en ce qu’il a seulement condamné la SAS CARS PHILIBERT à verser à M. [Z] les sommes de :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle : 28 449,37 €

Article 700 du CPC : 2 000,00 €

Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes relatives :

à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

à un rappel de salaire (temps à disposition) du 1er décembre 2016 au 1er décembre 2019 et congés payés afférents

à des dommages et intérêts pour travail dissimulé

à l’indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur

aux dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur la base d’un salaire mensuel moyen de 3 776 € (moyenne des salaires de sept. à nov. 2019),

Dire que la Société CARS PHILIBERT n’a pas loyalement exécuté le contrat de travail

Condamner la Société CARS PHILIBERT à payer aux consorts [Z] en leur qualité d’ayants droit de M. [Z] les sommes de :

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 6 000,00 €

Rappel de salaire (temps à disposition) du 1 er décembre 2016 au 1 er décembre 2019: 39 835,80 €

Congés payés afférents : 3 983,58 €

Dommages et intérêts pour privation de contrepartie obligatoire en repos (nets) : 25 513,62 €

Dommages et intérêts pour travail dissimulé (nets) : 22 656,00 €

Dire le licenciement nul pour violation du statut protecteur

Condamner la Société CARS PHILIBERT à payer aux consorts [Z], en leur qualité d’ayants droit de M. [Z] les sommes de :

Indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur nette : 13 504,00 €

Dommages et intérêts pour licenciement nul (12 mois) nets : 45 312,00 €

A titre subsidiaire

Dire le licenciement nul pour violation de la liberté d’expression

Condamner la Société CARS PHILIBERT à payer aux consorts [Z], en leur qualité d’ayants droit de M. [Z] la somme nette de:

Dommages et intérêts pour licenciement nul (12 mois) nets : 45 312,00 €

A titre très subsidiaire

Dire le licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Condamner la Société CARS PHILIBERT à payer aux consorts [Z] en leur qualité d’ayants droit de M. [Z] les sommes de :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle (8 mois) nets : 30 000,00 €

En tout état de cause

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Société CARS PHILIBERT à payer à M. [Z] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC.

Condamner la Société CARS PHILIBERT à payer aux consorts [Z], en leur qualité d’ayants droit de M. [R] titre de la procédure d’appel :

Article 700 du CPC : 5 000,00 €

Condamner la Société CARS PHILIBERT aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions N°3 du 10 octobre 2022, la SAS CARS PHILIBERT demande à la cour d’appel de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] des chefs suivants:

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 6.000 €

Rappel de salaire (temps à disposition) du 1 er décembre 2016 au 1er décembre 2019 : 9.354 €

Congés payés afférents : 935,40 €

Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 22.656 €

Indemnité forfaitaire au titre de la violation du statut protecteur : 13.504 €

Dommages et intérêts pour licenciement nul : 45.312 €

Dommages et intérêts pour licenciement nul (12 mois) : 45.312 € (violation de la liberté d’expression).

Infirmer le jugement en ce qu’il a:

Condamné la SAS CARS PHILIBERT à verser à M. [Z] les sommes de :

28.449,37 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamné en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du Code du travail la SAS CARS PHILIBERT à rembourser à POLE EMPLOI deux mois d’indemnité chômage ;

Débouté la SAS CARS PHLIBERT de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamné la SAS CARS PHILIBERT aux entiers dépens de l’instance.

Débouter les ayants droit de M. [Z] de l’intégralité de leurs demandes.

Les condamner à verser à la société CARS PHILIBERT la somme de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner les ayants droit de M. [Z] à verser à la Société CARS PHILIBERT les entiers dépens d’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

Les ayants droits de M. [Z] soutiennent que l’employeur a manqué à son obligation de loyauté durant l’exécution du contrat de travail de M. [Z] puisqu’il n’a pas bénéficié d’une promotion dans les mêmes conditions que les autres salariés. Il est soutenu qu’il bénéficiait des conditions nécessaires et notamment du coefficient 155V pour bénéficier à l’instar de ses collègues placés dans la même situation, d’une promotion au poste de  « conducteur grand tourisme » le 1er mars 2018 et a été privé de l’augmentation consécutive de 90 € du salaire de base en découlant pendant 4 mois. Ils font également valoir qu’il a effectué de nombreuses heures « à disposition » pendant les visites et activités des clients, qui n’ont pas été rémunérées.

L’employeur conteste avoir exécuté de manière déloyale le contrat de travail de M. [Z] et expose que la promotion litigieuse n’était pas uniquement conditionnée à l’ancienneté des salariés et que les ayants droits de M. [Z] ne rapportent pas la preuve d’un préjudice. Il conclut également que le temps de travail peut être de deux ordres: les temps à disposition ou les temps de coupure, ces derniers n’étant pas rémunérés à 100% et qu’il justifie de leur rémunération par la production des bulletins de salaire.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise. Il lui est notamment interdit d’abuser de ses fonctions pour s’octroyer un avantage particulier.

Sur l’absence de promotion :

Il ressort de l’avenant N°5 à l’accord sur l’aménagement du temps de travail du 16 mars 2018 dont il n’est contesté qu’il est bien applicable à la situation litigieuse, qu’il est créé un nouvel emploi de « conducteur grand tourisme confirmé » au coefficient 155 V (groupe 10), et que les conditions permettant de prétendre à ce coefficient sont définies comme suit :

Avoir exercé pendant au moins 8 ans la conduite d’un car, dont au moins 4 ans au coefficient 150V dans l’entreprise

Contribuer à la préparation et la cohérence du séjour

Participer à la promotion de l’offre commerciale de l’entreprise

Maîtriser une langue étrangère en lien avec l’activité commerciale de l’entreprise

Etre capable d’assurer une transmission des savoir-faire.

La SAS CARS PHILIBERT ne conteste pas que M. [Z] disposait de l’ancienneté au coefficient 150 V nécessaire à la promotion au poste de « conducteur grand tourisme confirmé ».

Il ne ressort pas de l’avenant susvisé, comme conclu, l’existence d’autres conditions que celles susvisées de manière exhaustive, et notamment la possibilité pour l’employeur d’accorder ou non cette promotion en fonction du comportement du salarié.

Par conséquent, il y a lieu de juger que l’employeur a manqué à l’exécution loyale du contrat de travail en n’accordant pas à M. [Z] la promotion au poste de « conducteur grand tourisme confirmé ».

Sur les heures supplémentaires non rémunérées :

S’agissant des heures supplémentaires, conformément à l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l’article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Par ailleurs, l’absence d’autorisation donnée par l’employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il ressort de l’accord sur la détermination et l’aménagement du temps de travail dans l’entreprise en date du 11 avril 2003, que « le temps à disposition » est constitué de périodes de simple présence, d’attente ou de disponibilité passée au lieu du travail ou dans le véhicule, qui ne permet pas au conducteur de fermer le véhicule, de s’en éloigner pour disposer d’une coupure pendant un temps défini. Ces temps de « mise à disposition » étant définis par l’entreprise au conducteur lors de chaque mission et récapitulés sur la fiche de travail ou le billet collectif. Il est convenu que les temps d’interruption entre 2 services ou vacations inférieurs à 15 minutes seront considérés comme des temps de mise à disposition. A contrario, les temps d’interruption ne répondant pas à la définition susvisée du temps de mise à disposition seront considérées comme des temps de coupure, ne rentrant pas dans le temps de travail effectif. Il est également précisé au paragraphe 5. 2 relatifs aux coupures, que les coupures dans tout autre lieu extérieur non aménagé et pour les journées intégralement travaillées dans les activités occasionnelles et touristiques sont indemnisés à 50 % du temps correspondant.

M. [Z] conteste le paiement à 50 % comme des temps de coupure visée au paragraphe 5. 2, du temps passé à la disposition permanente des clients, dont il indique avoir été l’unique interlocuteur lors des voyages qui correspondaient à 140 à 160 jours annuels essentiellement en Croatie. Il fait valoir qu’il devait rester à la disposition permanente des clients de 7 heures du matin, prise du car jusqu’à 19h30, retour de visite voir 21h30, retour du restaurant, car il était contraint d’assurer la mission complémentaire d’accompagnateur, faute de double équipage.

Au soutien de sa demande il verse aux débats :

l’attestation de M. [V], conducteur grand tourisme de 2014 à 2016 et retraité, qui atteste qu’il a démissionné à cause de malentendus concernant sa rémunération, en effet son employeur ne le payait que 7 heures par jour alors qu’il effectuait à peu près 14 heures par jour car les voyages devaient se faire à 2 personnes, accompagnatrice plus conducteur du véhicule, mais le conducteur était seul dans le car et devait assumer le bon déroulement du voyage, faire visiter les lieux prévus sur le programme du client, accompagner les clients durant toutes les visites et faire manger les clients dans les différents restaurants et hôtels. Il indique qu’il devait aussi faire l’entretien du véhicule, le nettoyage journalier et une fois les clients déposés dans le restaurant ou hôtel, aller garer le véhicule bien souvent à 30 minutes de là.

L’attestation de M. [X], conducteur grand tourisme de 2016 à novembre 2020 et chauffeur poids-lourds, qui explique que son activité principale était de conduire, d’accompagner et d’assister les clients de la SAS CARS PHILIBERT lors de séjours touristiques en France ou à l’étranger du 12 février 2016 au 16 novembre 2020. Il relate que ces séjours étaient en moyenne rémunérés sur la base de 7 heures de travail alors que la plupart du temps, le nombre d’heures était de 10 et 12 heures de travail voire plus. Sa journée type de travail commençait dès le matin vers 7 heures, 7h30, avant la prise en charge des clients pour aller chercher le car stationné plus ou moins loin du lieu d’hébergement, se poursuivait par la prise en charge des clients vers 8 heures/8h30 pour le départ de l’excursion de la journée. Pendant les visites, il ne pouvait pas toujours quitter le véhicule puisqu’il pouvait y avoir un client qui pour des raisons de santé ou simplement ne souhaitait pas faire la visite d’activité avec le groupe et préférait attendre le car qu’il ne pouvait fermer et quitter. Vers 18h30/19 heures de retour à l’hôtel une fois les clients déposés, il retournait stationner le car et effectuer le nettoyage intérieur et extérieur quotidien avant de rejoindre l’hôtel vers 19h30/19h45. Il devait ensuite accompagner les clients à pied depuis l’hôtel au restaurant si celui-ci ne se trouvait pas dans l’hôtel ou les assister lors de l’installation dans les chambres, et les raccompagner après le dîner vers 21 heures/21h30. Son activité principale lui ayant imposé entre 130 et 150 jours de déplacement.

L’attestation de Monsieur [K] ancien conducteur de tourisme du 2 octobre 2007 au 4 novembre 2020 au sein de la SAS CARS PHILIBERT, affirme que ses journées commençaient en moyenne vers 7 heures du matin à la prise en charge du véhicule et se terminaient aux environs de 19 heures à l’hôtel ou plus tard, s’il fallait accompagner les clients au restaurant. Son activité se décomposait dans la journée, d’attente, d’entretien du matériel et des clients qui ne faisaient pas l’excursion ou restaient dans le véhicule, l’obligeant ainsi à rester près de celui-ci. Il confirme que sur une journée de 12 heures d’amplitude seules 7 heures étaient rémunérées.

M. [L], conducteur grand tourisme de 2015 à 2018 et M. [T], conducteur grand tourisme de 2017 à 2021 confirment que les journées s’étalaient sur 10 à 12 heures de travail par jour voire bien au-delà et qu’ils restaient à disposition des clients fatigués ou ne désirant pas faire les visites, et les accompagnaient au restaurant en plus de maintenir le véhicule propre en fin de journée.

L’attestation de Madame [A], agent de planning de la SAS CARS PHILIBERT de 2007 à 2017, qui indique qu’elle a pu constater que les conducteurs voyages touristiques n’étaient pas rémunérés à la hauteur du temps de travail réellement effectué, que la journée de travail d’un conducteur ne s’arrêtait pas à la conduite, il devait être présent pour gérer la logistique, tels que, accompagner les clients sur les lieux de visite, le restaurant, gérer les billets pour les prestataires de services et anticiper le retour au véhicule de certains clients fatigués, ensuite gérer le stationnement du véhicule et un minimum de nettoyage pour la journée du lendemain. Elle indique également qu’à l’arrivée à l’hôtel le premier soir, il fallait qu’il gère la distribution des chambres, organise l’arrivée et l’installation au restaurant pour le repas du soir ainsi que le stationnement du véhicule et un minimum de nettoyage pour la journée du lendemain. Malgré l’amplitude de 14 heures toutes les tâches ne pouvaient être effectuées et il était demandé au conducteur d’effectuer les tâches après avoir enlevé leurs cartes tachygraphes.

Un décompte de 5 heures supplémentaires par jour d’une mise à disposition permanente pour une journée débutant à 7 heures et se terminant à 19 heures au minimum sur une période 150 jours par année sur 3 ans.

Les pièces ainsi produites par les ayants droit de M. [Z] constituent des éléments suffisamment précis qui sont de nature à étayer l’allégation selon laquelle le salarié a réalisé des heures supplémentaires « de mise à disposition » non rémunérées et pour permettre à l’employeur d’y répondre.

La SAS CARS PHILIBERT se contente de contester la véracité des témoignages sans en démontrer la fausseté et le fait que le salarié devait demeurer à proximité du car pendant le temps de coupure, constituant ainsi du temps de mise à disposition, et affirme que le salarié a été rémunéré pour les temps de coupure. Elle ne produit aucun élément permettant de distinguer avec exactitude les temps de mise à disposition et les temps de coupure aux égards non seulement aux attestations détaillées et concordantes d’anciens salariés exerçant les mêmes fonctions et de la gestionnaire de planning, Mme [A] qui confirme la pratique de l’entreprise et le défaut de paiement des temps de mise à disposition des chauffeurs.

En considération de ces éléments, il convient de condamner la SAS CARS PHILIBERT à payer à M. [Z] la somme de 26 122,80 € pour la période de janvier 2017 à décembre 2019 outre 2 612,28 € de congés payés afférents par voie d’infirmation du jugement déféré.

Compte tenu de l’absence de rémunération des heures supplémentaires de « mise à disposition » de M. [Z] et du défaut légitime de promotion, il convient de juger que la SAS CARS PHILIBERT a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de M. [Z] et de la condamner à payer à ses ayants droit la somme de 1 000 € à ce titre par voie d’infirmation du jugement déféré.

Sur le travail dissimulé :

Moyens des parties :

M. [Z] soutient que l’employeur s’est rendu coupable de travail dissimulé. En effet, il expose que la circonstance que l’employeur exigeait que le salarié travaille bien au-delà des 7 heures rémunérées, caractérise l’élément intentionnel du travail dissimulé, le temps alloué ne pouvait permettre de réaliser toutes les tâches et le jour du retour, les cartes tachygraphes étaient enlevées à la demande de l’employeur comme le confirme la gestionnaire de plannings.

L’employeur conteste la réalisation d’heures supplémentaires par M. [Z] et le travail dissimulé.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 du code du travail dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l’article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l’employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n’est exigible qu’en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d’un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l’indemnité de mise à la retraite.

En l’espèce, il a été jugé que la SAS CARS PHILIBERT ne rémunérait pas ou qualifiait intentionnellement du « temps de mise à disposition » supplémentaire en temps « de coupure » et exigeait des conducteurs le retrait du chronotachygraphe alors que le temps de travail n’était pas terminé induisant ainsi le non-paiement de travail effectif, comme attesté par Mme [A], gestionnaire des plannings qui confirme les attestations des différents conducteurs de cars et indique : « en tant que régulateur nous demandons aux conducteurs d’effectuer sans carte les tâches annexes pour éviter le problème de RSE ‘ ».

Il convient par voie d’infirmation du jugement déféré, de condamner la SAS CARS PHILIBERT à payer aux ayants droits de M. [Z], la somme de 22 600 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la nullité du licenciement :

Les ayants droits de M. [Z] soutiennent que son licenciement est nul du fait de la violation du statut protecteur du salarié et expose que le 27 octobre 2019, M. [Z] apparaissait parmi les 14 candidats CFDT de la liste du premier tour des élections au CSE du 3 décembre 2019 en qualité de suppléant, qui a été transmise à la direction qui réclamait que les candidats soient moins nombreux. Une seconde liste ayant été transmise le 18 novembre 2019 mentionnant la candidature de M. [Z] explicitement. Ils soutiennent que l’employeur a ainsi violé le statut protecteur du salarié en s’abstenant de demander l’autorisation de licencier à l’inspection du travail.

De plus, l’employeur a violé le droit à la liberté d’expression du salarié, celui-ci étant en droit d’exprimer des doléances strictement professionnelles aux fins de voir respecter ses droits en matière de durée du travail.

La SAS CARS PHILIBERT soutient que le licenciement est licite et bien fondé.

Elle conteste avoir violé le statut protecteur du salarié et soutient qu’à la date de l’engagement de la procédure de licenciement de M. [Z], elle n’avait pas connaissance de sa candidature au CSE, le courrier en date du 27 octobre 2019 ayant été adressé à l’ensemble des candidats au CSE mais non porté à la connaissance de l’employeur. Elle conteste avoir réclamé que les candidats soient moins nombreux et avoir reçu une liste transmise le 27 octobre 2019. Les courriels en date du 18 novembre 2019 ne sont pas adressés à la direction et en tout état de cause sont postérieurs à l’engagement de la procédure de licenciement. Le courrier destiné à la direction est daté du 19 novembre 2019 donc postérieurement à la convocation de M. [Z] à un entretien. Subsidiairement, elle fait observer que le préjudice de M. [Z] n’est pas démontré.

La SAS CARS PHILIBERT conteste également avoir violé la liberté d’expression du salarié et fait valoir qu’il adoptait un comportement déloyal à l’égard de ses collègues de travail et une attitude discourtoise envers la clientèle.

Sur ce,

L’article L. 2411-5 du code du travail dispose que le licenciement d’un membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au comité social et économique, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

L’ancien membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique ainsi que l’ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n’est pas reconduit dans ses fonctions lors du renouvellement du comité bénéficient également de cette protection pendant les six premiers mois suivant l’expiration de leur mandat ou la disparition de l’institution

Il ressort des dispositions de l’article L. 2411-7 du code du travail que l’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

En l’espèce, les ayants droits de M. [Z] qui concluent que la SAS CARS PHILIBERT a été informée par mail dès le 27 octobre 2019 de la candidature de M. [Z], produisent deux mails comportant la liste des candidats. Toutefois il ne résulte pas de la liste des destinataires de ces deux mails que l’employeur en a été destinataire en plus des candidats à l’élection au CSE. Il n’est pas justifié par ailleurs comme conclu que la direction ait réclamé que les candidats soient moins nombreux induisant le transfert d’une seconde liste le 18 novembre 2019.

Par conséquent il convient de confirmer la décision déférée qui a jugé que la SAS CARS PHILIBERT n’a pas violé le statut protecteur de M. [Z] et de débouter les ayants droits de M. [Z] des demandes à ce titre.

Il résulte de l’article L. 2281-3 du code du travail que le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors d’elle de sa liberté d’expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie en raison de l’exercice, par le salarié de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Toutefois, des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs peuvent caractériser un abus par le salarié de sa liberté d’expression.

Il n’est pas contesté que la SAS CARS PHILIBERT a reproché à M. [Z], comme fondant son licenciement, le non-respect de sa hiérarchie, de ses collègues, et d’adopter un ton « dédaigneux, insolant, arrogant et dénigrant constituant une forme de violence au travail », et des propos « adressés sur un ton inapproprié et inutilement agressif » à une commerciale du groupe.

Il lui est ainsi reproché d’avoir tenu des propos discourtois et d’avoir adopté un comportement irrespectueux à l’encontre de Madame [D], commerciale le 15 juillet 2019, en la menaçant de ne pas venir travailler le lendemain. Cette dernière n’atteste pas dans la procédure

Il est également reproché le caractère irrespectueux des propos de M. [Z] à l’encontre de Mme [E] le 15 novembre 2019. Cette dernière atteste qu’elle a fait part à son responsable, M. [C], le 15 août 2019, du comportement de M. [Z] à son égard et pour le dossier d’une collègue le jour même et qu’elle s’en plainte oralement. Elle décrit un comportement de M. [Z] non professionnel et une façon de parler très désagréable, sur un ton « sec et cynique » pour lui demander sans justification de modifier son billet collectif car il souhaitait être mis à disposition. Elle précise que le rapport imposant de M. [Z] l’a totalement décontenancé et la soumis un état de stress.

Il lui est enfin reproché d’avoir, le 26 novembre 2019 agressé verbalement, M. [O], directeur d’exploitation, à l’occasion de l’entretien préalable, ladite agression étant constituée par le ton employé par le salarié qualifié de « élevé, brutal et sec », le salarié tentant de lui imposer un rapport de force et de s’imposer face à son supérieur hiérarchique.

Toutefois, il ne ressort pas de ces griefs, le reproche à l’encontre de M. [Z] d’avoir adopté des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, mais uniquement d’avoir adopté un ton inadapté dans le cadre de ses relations professionnelles avec ses collègues et responsables hiérarchiques.

Par conséquent, le moyen soulevé par les ayants droits de M. [Z] fondé sur la violation par la SAS CARS PHILIBERT de la liberté d’expression est inopérant.

Il convient de débouter les ayants droits de M. [Z] de leur demande de nullité du licenciement de M. [Z] et les demandes afférentes par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Moyens des parties :

Les ayants droits de M. [Z] soutiennent que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Ils exposent que M. [Z] a fait l’objet de deux sanctions pour les mêmes faits, à savoir une mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2019 et un licenciement disciplinaire, violant ainsi la règle « non bis in idem ».

Ils font également valoir que, déjà sanctionnés, les griefs allégués s’avèrent fantaisistes, illicites au regard de son droit d’expression sur ses conditions de rémunération, la lettre de licenciement manquant de consistance. Ils contestent par ailleurs les griefs allégués.

La SAS CARS PHILIBERT fait valoir pour sa part que le comportement fautif constitué par le non-respect des procédures internes du 5 novembre 2019, a été réitéré en suite de la notification dans la journée du 14 novembre 2019 de la mise à pied disciplinaire, et notamment, dès le jeudi 14 novembre 2019 dans la nuit, le salarié ayant communiqué directement le numéro de portable de son responsable à un client.

Sur ce,

Aux termes des dispositions des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le caractère fautif d’un comportement imputable à un salarié n’est pas subordonné à l’existence d’un préjudice subi par l’employeur.

Sur le respect du principe « non bis in idem » :

Il est de principe qu’un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires. Ainsi, lorsque l’employeur notifie une sanction disciplinaire, il épuise son pouvoir de sanction disciplinaire et il ne peut donc faire état, pour justifier la mesure de licenciement, de faits antérieurs à la sanction prononcée. Toutefois, l’employeur peut invoquer à l’appui de licenciement des faits antérieurs déjà sanctionnés sous réserve que les faits invoqués remontent à moins de 3 ans et qu’il se borne à invoquer la réitération par le salarié des faits fautifs.

En l’espèce, il est reproché à M. [Z] dans la lettre de licenciement du 6 décembre 2019, un comportement désinvolte s’agissant des demandes et rappels à l’ordres oraux qui lui sont adressés et la contestation quasi systématique des consignes du travail transmises par son responsable, ainsi qu’une attitude irrespectueuse (ton dédaigneux, insolant, arrogant et dénigrant) dans ses relations professionnelles constituée par le non-respect des personnes et notamment des excès de colère.

Il n’est pas contesté que le salarié a été mis à pied disciplinaire en date du 14 novembre 2019 pour avoir :

Le 15 juillet 2019, menacé de ne pas revenir travailler le lendemain auprès de Madame [D], commerciale du groupe au mépris des instructions qui lui avaient été données,

Le 11 août 2019, avoir dépassé les limitations de vitesse autorisée ayant eu pour conséquence un avis de contravention,

Le 1er août 2019, ne pas avoir respecté les instructions et avoir opéré un retour anticipé à 20h15 au lieu de 20h30, alors qu’il lui avait été accordé une demi-heure par le service de régulation à sa demande,

malgré plusieurs rappels à l’ordre (avertissement ou plusieurs excès de vitesse en février 2018 et un rappel à l’ordre en avril 2018 pour comportement inapproprié vis-à-vis de la clientèle).

Il ne ressort pas de la lettre de licenciement du 6 décembre 2019 que les faits susvisés par la mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2019, soient de nouveau visés.

S’il est évoqué, le non-respect d’une consigne le 5 novembre 2019 et le 12 novembre 2019, soit antérieurement à la mise à pied disciplinaire du 14 novembre 2019 (pose de congés tardive par SMS et absence au rendez-vous fixé chez le fournisseur de tenue de travail) et non sanctionnés par celle-ci, c’est aux fins d’invoquer la réitération du non-respect des consignes postérieurement à la mise à pied, dans la nuit 14 au 15 et le 19 novembre 2019. Le principe « non bis in idem » n’étant donc pas applicable en l’espèce.

Sur la matérialité des griefs reprochés à M. [Z] :

S’agissant de son comportement et du ton adopté dans les rapports avec ses collègues et responsables, les ayants droits de M. [Z] font valoir que M. [Z] a seulement et uniquement déploré de manière réitérée mais sans agressivité à l’égard de ses collègues, la qualité de certaines feuilles de route et l’omission des temps à disposition. Or, il ne ressort pas par ailleurs des attestations versées par l’employeur et déjà évoquées par la cour, dans le cadre de la liberté d’expression du salarié, des éléments suffisamment précis pour démontrer le ton et le comportement, professionnellement inadaptés de M. [Z] dans le contexte conflictuel déjà évoqué. Ces faits ne sont pas établis.

S’agissant du grief de non-respect réitéré des consignes par M. [Z] :

Sur la pose d’un jour de congé le 5 novembre pour le 8 novembre, il ne ressort pas du SMS du 5 novembre à 21 Heures 13, que M. [Z] ait imposé son jour de congé, mais qu’il s’inquiétait uniquement que le jour « qu’il lui semblait avoir posé » n’avait pas été pris en compte et qu’il sollicitait une vérification, admettant ensuite l’hypothèse qu’il n’avait peut-être pas fait la demande. Or, il résulte du règlement intérieur de l’employeur (article 11) que le salarié doit remplir un bon de congé et doit en faire la demande au minimum 48 heures à l’avance. Il est donc établi que M. [Z] n’a pas rempli de bon de congé.

Il n’est pas contesté que M. [Z] ne s’est pas rendu au rendez-vous prévu le 12 novembre pour échanger sa tenue de travail, la coupe ayant été modifiée et les ayants droits de M. [Z] ne démontrent pas comme conclu, qu’il ne pouvait s’y rendre à cause d’un trajet à effectuer pour l’employeur, ou qu’il ait informé ce dernier que le rendez-vous ne convenait pas eu égard à son planning afin de se voir fixer une autre date, l’uniforme choisi par l’employeur étant obligatoire. Ce fait est établi.

Il n’est pas contesté que M. [Z] a donné, le 14 novembre au soir, le n° de téléphone personnel de son responsable, M. [M], à un client afin qu’il le contacte directement durant la nuit pour savoir si le service prévu en Suisse le lendemain, 15 novembre 2019, était maintenu, compte tenu des conditions climatiques, et non le N° d’astreinte ou de la régulation. Toutefois, il ne ressort pas du règlement intérieur versé aux débats par la SAS CARS PHILIBERT qu’un protocole particulier était prévu en cas de conditions extraordinaires de circulation comme conclu et qu’il lui était interdit de donner le N° de téléphone du responsable d’exploitation. La matérialité de ce fait n’est pas établie.

M. [Z] ne conteste pas être remonté au dépôt le 19 novembre 2019 avec le car au lieu d’attendre la relève d’un autre conducteur comme la consigne le prévoyait. Les ayants droits de M. [Z] ne justifient pas que M. [Z] ait appelé M. [I] pour s’organiser ni que les clients souhaitaient rentrer plus tôt en raison d’intempéries comme conclu. Ce fait est établi.

Il en résulte que compte tenu des faits reprochés établis, à savoir le non respect de certaines consignes, comme remplir un bon de congé alors même que la demande a été faite par SMS par ailleurs plus de 48 heures à l’avance comme prévu par le règlement intérieur, être rentré au dépôt plus tôt que prévu et avoir manqué le rendez-vous pour adapter la nouvelle tenue de travail, dont il ne lui est pas reproché de ne pas la porter conformément aux dispositions du règlement intérieur, le licenciement constitue une sanction disproportionnée et n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.

Il convient de confirmer également la décision déférée quant au quantum des dommages et intérêts alloués aux ayants droits de M. [Z] à ce titre compte tenu de son âge au jour du licenciement (57 ans) et de sa situation professionnelle postérieure jusqu’avant son décès en août 2022.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il convient de confirmer le jugement déféré.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE M. [Z] et ses ayants droits recevables en leur appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

Dit et jugé que la SAS CARS PHILIBERT n’a pas violé le statut protecteur de M. [Z]

Dit et jugé que le licenciement de M. [Z] n’est pas entaché de nullité mais dénué de cause réelle et sérieuse

Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [Z] à la somme de 3 556,17 euros

Condamné la SAS CARS PHILIBERT à verser à M. [Z] les sommes de:

28 449,37 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de convocation de la partie défenderesse à la première audience (signature de l’avis de réception ) sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts.

Condamné, en application des dispositions de l’article L 1235-4 du Code du travail, la SAS CARS PHILIPERT à rembourser à Pôle emploi, deux mois d’indemnité chômage perçues par M. [Z] à l’issue de son licenciement. Une copie certifiée conforme de la présente décision sera en conséquence adressée à cet organisme.

Débouté M. [Z] de ses demandes relatives:

à l’indemnité pour violation du statut protecteur

à des dommages et intérêts pour licenciement nul

Débouté la SAS CARS PHILIBERT de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Condamné la SAS CARS PHILIBERT aux entiers dépens de l’instance

Ordonné l’exécution provisoire sur l’entier jugement, au sens de l’article 515 du Code de procédure civile.

L’INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

Y ajoutant,

DIT que la SAS CARS PHILIBERT a manqué à l’exécution loyale du contrat de travail de M. [Z],

CONDAMNE la SAS CARS PHILIBERT à payer aux ayants droits de M. [Z] les sommes suivantes :

26 122, 80 € au titre des heures supplémentaires de mise à disposition pour la période de janvier 2017 à décembre 2019 outre 2 612,28 € de congés payés afférents,

1 000 € d’indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail,

22 600 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

CONDAMNE la SAS CARS PHILIBERT à payer aux ayants droits de M. [Z] la somme de 2 500 € à sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE la SAS CARS PHILIBERT aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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