Licenciement disciplinaire : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00261

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Licenciement disciplinaire : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00261

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 JANVIER 2023

N° RG 21/00261 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UIV7

AFFAIRE :

SELARL VILLA [E] en la personne de Me [R] [E] es qualités de mandataire judiciaire de la société MENUISERIE GENERALE BRACHET FRERES

C/

[D] [X]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : F 19/00070

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU

de l’ AARPI BEZARD GALY COUZINET

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SELARL VILLA [E] en la personne de Me [R] [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la société MENUISERIE GENERALE BRACHET FRERES

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par : Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000005 – et par : Me Mélina PEDROLETTI, constitué avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 –

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES en la personne de Me [O] [C] es qualités d’administrateur judiciaire de la société MENUISERIE GENERALE BRACHET FRERES,

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par : Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000005 – Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

S.A.S. MENUISERIE GENERALE BRACHET FRERES

N° SIRET : 348 575 572

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par : Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000005 – Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 –

APPELANTS

****************

Monsieur [D] [X]

né le 16 Septembre 1982 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par : Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l’AARPI BEZARD GALY COUZINET, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002 – N° du dossier 19883

INTIME

****************

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 98 substituée par Me Jeanne-Marie DELAUNAY avocat au barreau de Versailles

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant M. Thomas LE-MONNYER conseillé chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] a été engagé à compter du 19 septembre 2000 en qualité d’apprenti menuisier, par la société Menuiserie Générale Brachet Frères, selon contrat de travail à durée indéterminée. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de chargé d’affaires commercial particulier statut cadre soumis à un forfait jours.

Par lettre datée du 20 décembre 2018, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 janvier 2019, et lui a confirmé sa mise à pied à titre conservatoire, notifiée verbalement le 30 novembre précédent.

M. [X] se voyait prescrire un arrêt de travail à compter du 21 décembre 2018. À réception de l’arrêt maladie, l’employeur informait le salarié de la ‘suspension de la procédure disciplinaire’.

Convoqué une nouvelle fois le 28 décembre 2018 à un nouvel entretien préalable fixé au 17 janvier 2019, M. [X] a été licencié par lettre datée du 16 février 2019 énonçant une faute grave.

Contestant son licenciement, M. [X] a saisi, le 7 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Chartres aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s’est opposée aux demandes du requérant.

Par jugements en date des 12 février 2020, puis 27 janvier 2021, la société Brachet Frères a été successivement placée sous le régime de la sauvegarde par le tribunal de commerce d'[Localité 6], puis en redressement judiciaire.

Par jugement rendu le 14 janvier 2021, le conseil a statué comme suit :

Rejette les conclusions écrites de la société Brachet Frères, actuellement en plan de sauvegarde, Maître [R] [E] mandataire judiciaire et Maître [O] [C], administrateur judiciaire,

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la société Brachet Frères, actuellement en plan de sauvegarde, Maître [R] [E] mandataire judiciaire et Maître [O] [C], administrateur judiciaire à payer à M. [X] les sommes suivantes :

– 14 593 20 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 5 444,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 544,41 euros au titre des congés payés afférents.

– 6 895,86 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied, outre 689,58 euros au titre des congés payés afférents,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2019,

– 39 469,73 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8 170 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la situation professionnelle du salarié après son licenciement.

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

Ordonne à la société Brachet Frères, actuellement en plan de sauvegarde, Maître [R] [E] mandataire judiciaire et Maître [O] [C], administrateur judiciaire de remettre à M. [X] ses bulletins de salaire de novembre 2018 à février 2019 ainsi que son attestation Pôle Emploi et son certificat de travail rectifiés, l’ensemble de ces documents sous astreinte de 75 euros par jour à compter d’un délai de 15 jours suivant la notification du présent jugement,

Dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l’astreinte,

Condamne la société à rembourser à Pôle Emploi d’Eure et Loir l’équivalent de 6 mois d’indemnités chômage perçues ou éventuellement perçues par M. [X],

Dit que le salaire mensuel brut de M. [X] s’élève à la somme de 2 722,05 euros,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

Déboute M. [X] du surplus de ses demandes et la société de sa demande reconventionnelle,

Condamne la société aux entiers dépens qui comprendront les frais d’exécution éventuels.

Le 21 janvier 2021, la société Menuiserie Générale Brachet Frères, la SELARL AJ Associés, ès qualité d’administrateur judiciaire, et Maître [E], ès qualités de mandataire judiciaire, ont relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par jugement en date du 21 avril 2021, le tribunal de commerce d'[Localité 6] a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. La Selarl Villa [E] a été désignée en qualité de liquidateur de la société Menuiserie Générales Brachet Frères, mission conduite par Maître [R] [E], laquelle intervient volontairement à l’instance d’appel.

L’AGS CGEA a été assignée en intervention forcée le 13 juillet 2021.

Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 novembre 2022.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 23 septembre 2022, la Selarl Villa [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Menuiserie Générale Brachet Frères, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les conclusions écrites de la société, dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamné en conséquence la société à payer à M. [X] les sommes (énoncées au jugement ci-dessus détaillées), ordonné à la société de remettre à M. [X] ses bulletins de salaire de novembre 2018 à février 2019 ainsi que son attestation Pôle Emploi et son certificat de travail rectifiés, l’ensemble de ces documents sous astreinte, condamné la société à rembourser à Pôle Emploi d’Eure et Loir l’équivalent de 6 mois d’indemnités chômage perçues ou éventuellement perçues par M. [X], et de :

Déclarer que le licenciement pour faute grave est justifié.

Débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes.

Condamner M. [X] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont le montant sera recouvré en frais privilégiés de procédure collective.

Le mandataire liquidateur de la société Menuiserie Générale Brachet Frères critique le jugement déféré en ce qu’il a jugé le licenciement injustifié faute pour l’employeur d’avoir notifié sa décision dans le mois suivant le premier entretien auquel le salarié avait été convoqué. Il fait valoir que le licenciement a bien été notifié au salarié dans le délai d’un mois suivant l’entretien préalable, lequel s’est régulièrement tenu le 17 janvier 2019, la première convocation à un entretien ayant été légitimement suspendue à réception de l’arrêt pour maladie professionnelle transmis par le salarié le 21 décembre.

Il plaide en outre que la mise à pied conservatoire notifiée le 20 décembre 2018, nécessitée par les investigations à mener sur les manquements du salarié, ne recèle aucune ambiguïté sur son caractère conservatoire. Tout en concédant que celle-ci a débuté dès le 30 novembre 2018, il soutient que cette mesure n’a jamais perdu son caractère conservatoire de sorte qu’aucune double sanction n’a été prononcée contre le salarié.

Il estime enfin rapporter la preuve des manquements reprochés justifiant le licenciement prononcé.

‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 3 août 2022, M. [X] demande à la cour de :

Déclarer mal fondée la Selarl Villa [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Menuiserie Générale Brachet Frères en son appel,

La débouter,

Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a en conséquence fixé sa créance aux sommes de :

– 14 593,20 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 5 444,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 544,41 euros au titre des congés payés afférents,

– 6 895,86 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied

– 689,58 au titre des congés payés afférents avec intérêt au taux légal à compter du 13 mars 2019,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de 1ère instance.

Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a ordonné la remise d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un certificat de travail rectifiés et des bulletins de salaire de novembre 2018 à février 2019, sous astreinte de 75 euros/jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant la notification du jugement ainsi que le remboursement à Pôle Emploi de l’équivalent de 6 mois d’indemnité de chômage perçues,

Le déclarer recevable et bien-fondé en son appel incident et y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné l’employeur à lui verser une somme de 39 469,73 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 8 170 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la situation professionnelle du salarié après licenciement,

Fixer sa créance aux sommes suivantes :

– 80 661 euros à titre indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA d'[Localité 6],

Dire que l’intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l’introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil et condamner la Selarl Villa [E] en la personne de Maître [R] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société aux entiers dépens.

Faisant valoir qu’il n’avait pas sollicité le report du premier entretien préalable, auquel il avait été convoqué, M. [X] reproche à l’employeur de ne pas avoir respecté le délai d’un mois prescrit par l’article L. 1332-2 du code du travail pour prononcer le licenciement disciplinaire de sorte que c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement injustifié.

Invoquant en outre le fait d’avoir été mis à pied verbalement dès le 30 novembre 2018, date à laquelle il indique avoir dû restituer ordinateur, téléphone et véhicule mis à disposition par l’entreprise, ce dont il s’est ému vainement par lettre recommandée avec avis de réception notifiées à l’employeur les 11 et 14 décembre 2018, sollicitant en outre le versement de son salaire de novembre, l’intimé soutient que cette mesure a perdu son caractère conservatoire en sorte qu’elle s’analyse en une mise à pied disciplinaire et prive les griefs reprochés de tout caractère sérieux, la règle non bis in idem s’opposant à ce que la société puisse se prévaloir de griefs d’ores et déjà sanctionnés, manquements dont il conteste, par ailleurs, la réalité.

‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 8 octobre 2021, par lesquelles elle s’associe aux écritures du mandataire liquidateur, l’ AGS CGEA d’ [Localité 6] demande à la cour de :

Réformer le jugement du 3 décembre 2020, Débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes,

Ordonner la restitution entre les mains de Maître [E], ès qualités de liquidateur de la société de la somme de 51 357,25 euros versée au titre de l’exécution provisoire du jugement infirmé, la somme de 46 204,30 euros étant consignée à la caisse des dépôts et consignations,

Subsidiairement :

Ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonner la compensation avec les sommes déjà versées à ce titre,

En tout état de cause :

Débouter M. [X] de sa demande « en réparation du préjudice subi en raison de l’âge et de la situation vis-à-vis de l’emploi »,

Mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure.

Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L 622-28 du code du commerce.

Fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société.

Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail.

Juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le Mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de relever que les parties s’accordent pour voir le jugement infirmé en ce qu’il a fixé au passif de la société la somme de 8 170 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la situation professionnelle du salarié après son licenciement.

Par ailleurs, aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n’est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n’auraient pas été reprises dans ce dispositif. Il ne sera donc pas statué sur la demande formée par le salarié dans ses dernières conclusions mais non reprise dans leur dispositif tendant à se voir allouer des dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux circonstances du licenciement.

I – Sur le licenciement :

Convoqué initialement le 20 décembre 2018, à un entretien préalable fixé au 9 janvier suivant, puis de nouveau le 28 décembre pour un nouvel entretien fixé au 17 janvier 2019, M. [X] a été licencié par lettre du 16 février 2019, énonçant les motifs suivants :

« Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements fautifs. En effet, le vendredi 30 novembre 2018 je vous ai convoqué à mon bureau afin de vous signifier une mise à pied à titre conservatoire, suite à des agissements et des faits qui ont été mis à ma connaissance par des clients et des personnels de l’entreprise.

Au regard de la gravité des informations, j’ai dû prendre la décision immédiate de la mise à pied à titre conservatoire afin de vous protéger, protéger l’entreprise et ses salariés le temps nécessaire aux enquêtes pour vérifier les dires des personnes et ensuite attendre l’entretien programmé avec vous obtenir les explications ou réponses sur ces faits.

Les faits retenus pour faute grave sont les suivants :

– Relation clientèle déplorable occasionnant une perte d’image,

– Nombreuses erreurs de cotations ou commandes occasionnant d’importants désordres,

– Non-respect des consignes,

– Différends avec le personnel dont 1 avec une très forte gravité.

Ces comportements sont inacceptables et inadmissibles d’autant au regard de votre statut.

Cette conduite est intolérable et met en cause la bonne marche de notre entreprise.

Nous déplorons de même le fait que vous ne vous soyez pas manifesté à la convocation pour entretien préalable du 17 janvier 2019 à 16h30. Nous n’avons donc pas pu recueillir vos explications fasse aux différents agissements et par ce fait ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet : nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. […] »

Il résulte des dispositions de l’article L.1332-2 du code du travail qu’un licenciement disciplinaire doit être notifié dans le délai d’un mois à compter de la date fixée pour l’entretien préalable.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.

En outre, en application du principe ‘non bis in idem’, dès lors que le salarié a déjà été sanctionné pour des faits considérés comme fautifs par l’employeur, les mêmes faits ne peuvent fonder un licenciement.

En l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant que le licenciement n’avait été prononcé que le 16 février 2019, plus d’un mois après la date du premier entretien préalable auquel l’employeur avait convoqué le salarié, fixé au 9 janvier 2019, a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que, faute pour l’employeur d’alléguer et a fortiori de justifier que le salarié, qui s’était contenté de transmettre son arrêt maladie, peu important le caractère professionnel de cet arrêt, aurait sollicité report de cet entretien et, la décision de l’employeur de ‘suspendre la procédure disciplinaire’ étant inopérante, sa décision de convoquer M. [X] à un nouvel entretien fixé au 17 janvier 2019 était inopposable à ce dernier, de sorte que le mandataire liquidateur n’est pas fondé à soutenir que ce licenciement a été prononcé dans le mois suivant l’entretien préalable.

Sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de la requalification de la mise à pied conservatoire en sanction disciplinaire et du principe ‘non bis in idem’, en vertu duquel l’employeur ne pouvait licencier le salarié pour des faits d’ores et déjà sanctionnés où dont il avait eu connaissance avant la dite sanction, et d’apprécier au fond les griefs reprochés à l’intéressé, par ce seul motif de droit le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

II – Sur l’indemnisation du licenciement :

Au jour de la rupture, M. [X] âgé de 36 ans bénéficiait d’une ancienneté de 18 ans et 6 mois au sein de la société Menuiseries Générales Brachet Frères qui employait plus de dix salariés. Il percevait un salaire brut mensuel de 2 722,05 euros.

La société ne conteste pas les montants des sommes allouées au salarié par le conseil tenant compte de son ancienneté et de son salaire au titre de la période de mise à pied, de l’indemnité de préavis, des congés payés y afférents, de l’indemnité de licenciement. Le jugement sera confirmé de ces chefs sauf à fixer ces créances au passif.

En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 14,5 mois de salaire brut.

Le salarié établit s’être inscrit à Pôle-emploi, avoir suivi une formation en création d’entreprise ACTIV-CREA-Conseiller en réparation de l’habitat, et avoir retrouvé un emploi en CDD du 7 septembre 2020 au 6 mars 2021, avant de conclure un contrat de travail à durée indéterminée le 7 mars 2021.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. Elles ne sont pas non plus contraires aux dispositions de l’article 4 de cette même Convention, qui prévoit qu’un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, puisque précisément l’article L.1253-3 sanctionne l’absence de motif valable de licenciement.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail.

En l’état des éléments communiqués, la somme de 39 469,73 euros allouée par les premiers juges constitue l’indemnisation de l’ensemble des préjudices subis par le salarié consécutivement à la perte injustifiée de son emploi. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

III – Sur les demandes accessoires :

La demande de communication des derniers bulletins de salaire et des documents de fin de contrat, justifiée, a été légitimement accueillie par les premiers juges. En revanche, l’astreinte qui n’était pas nécessaire à en garantir l’exécution sera infirmée.

Par application de l’article L. 622-7 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de dettes connexes et emporte également de plein droit interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Aux termes de l’article L. 622-21 du même code, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant : 1° à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent […].

Par suite, le jugement sera réformé en ce qu’il a condamné la société au paiement de ces sommes, nonobstant la mesure de sauvegarde dont elle bénéficiait, les créances devant être inscrites au passif de la procédure collective.

Il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur la demande tendant à condamner M. [X] à rembourser les sommes payées en exécution du jugement infirmé ; en effet, le présent arrêt infirmatif constitue le titre en vertu duquel ces sommes pourront être recouvrées à défaut de restitution spontanée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– d’une part, jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– d’autre part, évalué les sommes revenant à M. [X] aux titres de rappel de salaire sur la période de la mise à pied injustifiée et de congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– et, enfin, ordonné à la société Brachet Frères, Maîtres [R] [E] et Maître [O] [C], ès qualités, de remettre à M. [X] ses bulletins de salaire de novembre 2018 à février 2019 ainsi que son attestation Pôle Emploi et son certificat de travail rectifiés,

L’infirme en ce qu’il a alloué à M. [X] une somme de 8 170 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la situation professionnelle du salarié après son licenciement et en ce qu’il a assorti l’injonction de communication des bulletins de salaire et documents de fin de contrat d’une astreinte,

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Constate l’accord des parties pour considérer que la somme de 8 170 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la situation professionnelle du salarié après son licenciement n’est pas due à M. [X],

Rejette la demande d’astreinte,

Réforme le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement des autres sommes allouées au salarié,

Vu l’ouverture de la procédure collective,

Fixe au passif de la société Menuiseries Générales Brachet Frères les sommes suivantes :

– 14 593 20 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 5 444,10 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 544,41 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 6 895,86 euros bruts à titre de rappel de salaire durant la mise à pied, outre 689,58 euros bruts au titre des congés payés afférents,

outre intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2019 et jusqu’à l’ouverture de la procédure collective,

– 39 469,73 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances nées antérieurement,

Donne acte à l’AGS – CGEA de son intervention et de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article de l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Rappelle que le présent arrêt constitue le titre en vertu duquel M. [X] est tenu de rembourser à l’employeur les sommes versées par ce dernier en exécution du jugement infirmé.

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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