Licenciement disciplinaire : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00067

·

·

Licenciement disciplinaire : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00067

ARRET N° 23/4

R.G : N° RG 21/00067 – N° Portalis DBWA-V-B7F-CG4T

Du 20/01/2023

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE

C/

[Y] EPOUSE [U]

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 20 JANVIER 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 28 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 18/00326

APPELANTE :

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE LA SA BRED BANQUE POPULAIRE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Alberte ROTSEN-MEYZINDI de la SELARL MATHURIN-BELIA & ROTSEN-MEYZINDI, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

Madame [M] [Y] EPOUSE [U]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-laure CAPGRAS, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 septembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

– Madame Anne FOUSSE, Conseillère

– Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 09 septembre 2022,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 25 novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour. Le délibéré a été prorogé aux 16 décembre 2022 et 20 janvier 2023.

ARRET : Contradictoire

****************

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [Y] [M] a été embauchée selon contrat à durée indéterminée à temps complet par le Crédit Martiniquais, le 1er juillet 1989 puis à compter du 1er octobre 1989 par la SA BRED.

Elle a occupé dernièrement, le poste de directrice d’agence multi-sites pour un salaire mensuel de 3 596,70 euros. Elle a été promue le 1er juin 2008, Directrice de succursale, impliquant la direction de trois agences soit celles de [Localité 7], de [Localité 6] et du [Localité 4] et aoccupé ce poste jusqu’a la rupture de son contrat de travail.

Par lettre du 14 juin 2018, la SA BRED a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 juin 2018.

Par lettre du 6 juillet 2018 réceptionnée le 11 juillet 2018, la SA BRED a notifié à Mme [Y] son licenciement pour faute grave comme suit:

‘Madame,

Par courrier remis en main propre en date du 14 juin 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 22 juin dernier.

Lors de cet entretien , nous vous avons exposé les motifs nous amenant à envisager une telle mesure. Les explications recueillies ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs suivants :

Vous êtes entrée à la BRED le 1er juin 2000 (avec une reprise de votre ancienneté au Crédit martiniquais depuis le 1er juillet 1989) et occupez en dernier lieu le poste de directrice de succursale.

Précédemment, vous dirigiez l’agence de [Localité 6].

Le 27 avril dernier, vous avez sollicité la délégation des engagements afin d’obtenir la validation d’une demande de virement émanant de Monsieur [F] [U] (compte n°238 04 7026) pour un montant de 39 592 euros en faveur de l’Anah (Agence nationale de l’habitat).
Outre le lien de famille évident entre vous et ce client, la délégation des engagements a constaté que l’ouverture de compte de Monsieur [U] était récente et approvisionnée par deux prêts accordés par la BRED d’un montant de 70 000 euros chacun.

La direction de la conformité a été alertée et des investigations ont été menées dans le cadre d’une mission d’inspection. Le rapport émis a confirmé de graves violations du règlement intérieur et des règles de procédures internes.

En premier lieu, nous avons constaté que vous intervenez régulièrement sur le fonctionnement des comptes de vos proches, c’est à dire les personnes physiques, morales avec lesquelles vous avez des liens privilégiés, familiaux, étroits, ou un intéret direct/indirect important à la réalisation de la transaction.

C’est notamment le cas de Monsieur [F] [U], votre conjoint.

Le 17 avril dernier, Madame [D] [J] ‘ Responsable de cliente particulier ‘ a procédé à l’ouverture d’un compte pour ce client (compte n°238 04 7026) sans recueillir les éléments habituels dans ce type de situation : les documents d’ouverture de compte et le carton de signature de son titulaire n’ont pas été signés. De la même manière, aucun avis d’imposition n’a été fourni.

Par ailleurs, ce compte a été ouvert sous un nouvel identifiant client alors que Monsieur [U] en possède déjà un.

Par la suite, deux prêts d’un montant de 70 000 euros chacun ont été initiés par cette collaboratrice sur le compte de votre conjoint.

Comme pour le dossier d’ouverture de compte, nous avons constaté que ces deux dossiers de crédit ont été montés sans aucun respect des règles applicables. A titre d’illustration :

aucun endettement n’a été repris dans le calcul de la capacité d’emprunt alors que Monsieur [U] détient pourtant d’autres prêts en cours.

Une incohérence flagrante entre le montant des revenus de ce client par rapport aux encours accordés a été relevée.

Par ailleurs, ce prêt a été fractionné, ce qui vous a permis de conserver ces encours dans le cadre des pouvoirs qui vous sont accordés et ainsi de valider vous-même ces deux opérations.

Lorsque nous avons interrogé Madame [J] sur les raisons l’ayant amenée à traiter ce dossier dans de telles conditions, elle nous a indiqué qu’elle avait agi selon vos instructions et qu’elle n’avait pas pu refuser une demande émanant de sa responsable hiérarchique.

Loin de vous contenter d’intervenir sur le compte de votre mari, le rapport d’enquête a établi que vous intervenez ou avez fait intervenir votre collaboratrice sur le compte d’autres clients appartenant à votre entourage personnel.

C’est notamment le cas du compte de Madame [H] [P] (n° 934 00 8165). En effet, au mois d’octobre 2014, Madame [J] a initié sur le compte de cette cliente un prêt à la consommation que vous avez validé. La convention de trésorerie de cette cliente a été par ailleurs régulièrement modifiée (et notamment au mois de juillet et octobre 2014, aout 2015, mai 2016 et décembre 2016).

Au mois d’août 2015, cette cliente a bénéficié d’une extourne d’un montant de 300 euros.

Vous êtes également intervenue dans les dossiers de crédit de :

Madame [A] [O] (compte n°236 02 7689) pour laquelle vous avez initié puis accordé un prêt à la consommation au mois de septembre 2016, puis au mois de février 2017. Au mois de juillet 2017, vous avez porté la convention de découvert de cette cliente à 7000 euros.

Madame [K] (compte n° 439 03 2954) pour laquelle vous avez également accordé un prêt à la consommation au mois de décembre 2015.

Madame [B] [U] (compte n°338 04 6886) (prêt à la consommation accordé au mois d’avril 2018).

Madame [E] [Z] (compte n°121 94 3019) (prêt à la consommation accordé au mois de décembre 2013).

Madame [C] (compte n°921 94 1912) (prêt à la consommation accordé au mois de janvier 2017).

Madame [N] [U] (compte n°134 00 47) (ristournes)

Par ailleurs, nous avons observé qu’au moins trois clients auxquels vous avez accordé des encours bancaires vous ont prêté de l’argent.

C’est notamment le cas de :

Madame [S] (compte n°635 04 9641) à laquelle vous avez accordé un crédit à la consommation au mois de septembre dernier. Le 24 octobre 2017, vous lui avez fait un virement depuis votre compte personnel d’un montant de 5 000 euros en indiquant le motif ‘merci’.

Monsieur [T] (compte n°612 65 5403) auquel vous avez remboursé la somme de 5 000 euros le 24 octobre 2017. Au mois d’avril 2018, vous avez accordé à ce client un crédit à la consommation.

Lors de votre entretien, vous avez reconnu avoir enfreint les règles de procédure applicables à la BRED en accordant à votre conjoint deux lignes de crédit. Vous avez expliqué ne pas vous être rendue compte que vous vous placiez en situation de conflit d’intérets. Vous avez également indiqué regretter les difficultés que cette situation a pu causer à Madame [J] en la faisant intervenir sur le compte de votre conjoint.

Concernant les autres clients, vous avez précisé qu’ils faisaient tous partie de vos proches au sens du règlement intérieur. A titre d’exemples, vous avez indiqué que Madame [L] est votre mère et Madame [P] votre ex-belle-mère et Monsieur GERMANY, votre ex beau-frère.

Madame [S] est un agent immobilier avec lequel votre mari et vous avez vendu un bien à Monsieur [V]. Monsieur [T] est un client auquel votre mari aurait vendu un bateau avant que celui-ci ne se rétracte.

Lorsque nous vous avons fait observer que vous vous placiez également en situation de conflit d’intérets en traitant le dossier de vos proches, vous avez précisé que vous n’aviez pas le sentiment de vous être placée dans une telle situation, et n’avez pas semblé comprendre la difficulté que cela pouvait engendrer dans le traitement des demandes de ces clients.

Votre comportement est inacceptable.

En ouvrant des comptes de proches, en leur accordant des encours et avantages bancaires injustifiés, vous avez gravement porté atteinte aux règles de fonctionnement de l’entreprise, et notamment aux dispositions du règlement intérieur qui prévoit des dispositions relatives :

à la gestion des comptes de proches :

On entend par proches les personnes physiques ou morales avec lesquelles un collaborateur a des liens privilégiés, familiaux, étroits ou-un intéret direct/indirect-important à la réalisation de transaction, telles que, notamment définies dans le règlement général AMF.

Les collaborateurs doivent respecter les procédures et règles sur le fonctionnement des comptes clients. Ils ne peuvent pas procéder eux-mêmes à l’ouverture ni être gestionnaire du compte. Ils ne peuvent pas accorder un crédit ou un prêt, forcer des opérations, appliquer des conditions dérogatoires, restituer des agios, extourner des commisssions, modifier des dates de valeur standard.

Au conflit d’intéret :

Le collaborateur ne doit pas intervenir dans toute opération bancaire ou financière qui pourrait le placer en situation de conflit d’intéret. Un conflit d’intéret personnel se produit notamment lorsque le collaborateur, ou un membre de sa famille (cf : annexe 3), a un intéret personnel ou est engagé dans une activité susceptible d’affecter sa capacité à s’acquitter de ses fonctions d’une manière objective, impartiale et efficace.

A la déontologie :

Les activités bancaires et financières exigent de porter une attention toute particulière à la définition et au respect d’une stricte déontologie reposant sur un ensemble de règles de conduite individuelle ou collective dans le comportement quotidien de chacun.

Vous avez également enfreint les dispositions de notre politique de crédit qui précise clairement qu’il est interdit d’utiliser ses propres pouvoirs délégués au profit de ses ascendants, descendants, collatéraux; – de son conjoint ou de la personne avec laquelle vous vivez maritalement ou êtes pacsé, ainsi que de sa famille ; des affaires dans lesquelles vous (ou les personnes citées ci-dessus) détenez un pouvoir d’administration ou de gestion, des clients avec lesquels vous (ou les personnes citées ci-dessus) avez des relations d’affaires privées, notamment au plan juridique et/ou financier; et plus généralement, de toutes personnes avec lesquelles vous avez des liens personnels.

Votre comportement fautif, à ces divers titres, rend impossible le maintien de nos relations contractuelles, c’est la raison pour laquelle nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour faute grave.

Nous vous informons que si vous souhaitez utiliser la procédure de recours prévue à l’article 27-1 de la convention collective de la branche banque populaire, vous pouvez dans un délai de cinq jours calendaires à compter de la notification de la présente, saisir par lettre recommandée avec accusé de réception la commission paritaire de recours de branche ‘ [Adresse 2].

Vous avez également la possibilité de faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récepissé. Nous avons la faculé d’y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.

Enfin, vous pourrez bénéficier du maintien de vos droits à prévoyance et de la garantie complémentaire des frais de santé souscrite par notre entreprise pendant la durée de votre prise en charge par le régime d’assurance chomâge dans les conditions fixées selon les coditions visées à l’article L911-8 du code de la sécurité sociale. A cet effet, vous trouverez joint au présent courrier les deux formulaires d’adhésion qu’il convient, le cas échéant de nous retourner. Nous vous prions d’agréer Madame, l’expression de nos salutations distinguées’.

Par requête du 24 septembre 2018, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France en contestation de son licenciement. Elle sollicitait notamment l’annulation de son licenciement, sa réintégration avec paiement des salaires entre la rupture et la réintégration, à titre subsidiaire, des indemnités de licenciement, de préavis, de congés payés, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour rupture vexatoire.

Par jugement contradictoire du 28 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a :

Jugé que les faits reprochés à Mme [Y] dans la lettre de licenciement sont établis et qu’ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement justifiant la rupture de son contrat de travail,

Condamné la SA BRED, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [Y] les sommes suivantes:

*10 790 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

*57 769,12 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

*1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté Mme [Y] du surplus de sa demande,

Débouté la SA BRED de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SA BRED aux dépens de la présente instance,

Le conseil a, en effet, considéré que le licenciement Mme [Y] n’est pas nul puisqu’elle n’a pas été privée de son droit à saisir la commission paritaire de la banque chargée de donner un avis sur la mesure disciplinaire envisagée. Il a ainsi jugé que la saisine tardive par la salariée de cette commission a été sanctionnée par l’irrecevabilité de son recours, et que cette saisine hors délai n’est pas imputable à l’employeur. Il a ensuite considéré que le manquement professionnelle caractérisait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Néanmoins, le conseil de prud’hommes n’a pas retenu la qualification de faute grave et a donc condamné la SA BRED au paiement d’une indemnité de préavis et d’une indemnité conventionnelle de licenciement.

Par déclaration électronique du 23 mars 2021, la SA BRED a relevé appel du jugement dans les délais impartis.

Par conclusions d’appel, transmises par la voie électronique le 16 décembre 2021, la SA BRED demande à la cour statuant à nouveau de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement n’était pas nul et a débouté Mme [Y] de sa demande de réintrégration et de sa demande de rappel de salaire accessoire,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la même de sa demande de dommages et intérets pour rupture vexatoire,

La recevoir en son appel partiel,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas retenu la qualification de faute grave,

Dire que le licenciement est fondé sur une faute grave,

Débouter Mme [Y] des indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement),

Subsidiairement,

Confirmer la décision en ce qu’elle a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

Réformer le jugement en ce qu’il a retenu comme assiette de calcul l’indemnité conventionnelle de licenciement celle de l’article 26 de la convention collective de la branche banque populaire,

En conséquence,

Dire que seules les dispositions de l’article 27-2 s’appliquent au licenciement disciplinaire,

Par voie de conséquence,

Fixer à 37 608,36 euros le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

Débouter Mme [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamner à tous les dépens.

Au soutien de ses demandes et s’agissant de la portée de son recours partiel, LA SA BRED fait valoir que, les chefs de jugement critiqués se rattachent à la qualification de la faute par un lien indivisible dans la mesure où, elle est liée au régime juridique de la qualification de la faute.

LA BRED demande à ce que le jugement soit réformé sur la qualification de la faute mais également au regard de l’assiette de calcul retenue par le conseil de prud’hommes.

LA BRED argue que, pourtant informée par la lettre de licenciement, Mme [Y] a saisi la commission paritaire de recours en dehors du délai (de 5 jours), car la lettre lui a été présentée le 10 juillet, or, son recours a été notifié à la commission, le 16 juillet.

L’appelante ajoute que, la commission paritaire de recours est une entité indépendante sur laquelle elle n’a aucun pouvoir. L’employeur explique que, la mise en place d’un éventuel délai de distance ne serait pas possible, puisque, la commission paritaire de recours n’est pas une juridiction ayant le pouvoir de juger et de sanctionner.

De surcroit, la BRED rectifie l’erreur de ses premières conclusions et affirme l’existence d’une seule commission de recours. In fine, elle affirme qu’aucun des moyens de forme invoqués par Mme [Y] ne sont fondés.

L’employeur rappelle que le règlement intérieur est communiqué via l’intranet de la banque, et est à ce titre accessible à tous les salariés. Elle affirme que les opérations de controle sont prévues par la loi et que les faits reprochés à Mme [Y] sont des faits liés exclusivement à ses activités professionnelles. Selon elle, il n’y a pas eu atteinte à la vie privée de l’intimée. Elle ajoute que les faits de la vie privée peuvent être invoqués lorsqu’ils caractérisent un trouble dans l’exécution du contrat de travail.

Selon LA BRED, la seule gestion des comptes de son mari et de sa mère comme les concours qu’elle leur a accordés ou tenter d’accorder, suffisent à caractériser à double titre, un grave manquement déontologique, la plaçant ainsi, en situation de conflit d’intéret. LA BRED rappelle qu’elle a versé le rapport de la direction de la conformité et ses annexes devant les premiers juges dans leur intégralité et que, le principe du contradictoire a été parfaitement respecté. De surcroit, elle fait valoir que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont matériellement établis.

LA BRED rappelle que, c’est sur le terrain de la situation de surendettement que le préjudice pour la banque se constitue, même si les opérations ne sont pas frauduleuses. Elle explique d’ailleurs que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas retenu la qualification de faute grave, ces faits ayant rendu impossible le maintien de la relation contractuelle.

A titre subsidiaire, l’appelante sollicite de la cour que l’indemnité de licenciement soit calculée sur l’assiette résultant des dispositions de l’article 27-2 de la convention collective qui concerne les licenciements disciplinaires et non celles de l’article 26 de cette même convention qui concerne les licenciements non disciplinaires.

Finalement, selon La BRED l’ancienneté de Mme [Y] constitue une circonstance aggravante à ses manquements. Elle ajoute que la salariée ne produit aucun élément laissant penser que son licenciement a porté atteinte à son honneur, sa dignité, ni même au titre de sa perte de chance de retourver un emploi avec de telles responsabilités.

Aux termes de ses conclusions d’appel du 16 septembre 2021, Mme [Y] demande à la cour statuant à nouveau de :

Constater que l’appel principal de LA BRED est limité comme portant exclusivement sur les condamnations pécuniaires et non sur la qualification de licenciement,

Juger irrecevables les demandes de LA BRED en ce qu’elle sollicite d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la qualification de faute grave,

Juger recevable son appel incident limité à la nullité du licenciement, au caractère abusif et vexatoire du licenciement ainsi qu’au licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de formalisme du règlement intérieur,

A titre principal,

Infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a refusé d’annuler le licenciement, en ce qu’il a refusé de considérer abusif et vexatoire et subsidiairement de le qualifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Annuler son licenciement,

Ordonné sa réintégration,

Condamner LA BRED à lui payer les salaires dont elle a été privée au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture du contrat et sa réintégration (en l’état 136 674,60 euros à parfaire en fonction de la date de la réintégration),

A titre subsidiaire,

Dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

A titre encore plus subsidiaire,

Dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Constater sa non réintégration

Condamner LA BRED à lui payer les sommes suivantes :

*10 790,10 euros à titre d’indemnité de préavis,

*83 393,83 euros à titre d’indemnité de licenciement,

*104 304,30 euros à titre d’indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*4 675,70 euros à titre d’indemnité de congés payés,

Ordonner que LA BRED lui remette les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, certificat de travail) rectifiés,

En tout état de cause,

Dire que son licenciement est abusif et vexatoire,

Condamner LA BRED à lui payer la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice moral et d’image, au regard du caractère abusif et vexatoir du licenciement,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes

En tout état de cause,

– Condamner LA BRED à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, Mme [Y] fait valoir que, toute demande de LA BRED portant sur la qualification du licenciement doit être jugée irrecevable. Selon elle, la déclaration d’appel porte uniquement sur les condamnations pécuniaires. Elle ajoute que l’absence de faute grave ne peut plus être contestée, en cause d’appel.

L’intimée relève plusieurs irrégularités de procédure dans son licenciement telles que, la privation de son droit de se défendre devant la commission paritaire de recours, en violation de la convention collective. De même, elle déplore le fait qu’elle n’ait jamais été informée de recours devant deux instances différentes. La salariée affirme avoir dument saisi ladite commission dans le délai de 5 jours (ayant récupéré la lettre de licenciement le 11 juillet et effectué le recours le 16). Ainsi, elle fait valoir que, c’est sur la base d’une erreur que les premiers juges ont considéré le contraire. Par ailleurs, elle soutient qu’elle est en droit de bénéficier d’un délai de distance comme garantie d’un recours effectif, la commission paritaire de recours ayant son siège à [Localité 5].

Pour Mme [Y] ces irrégulariés de forme ont pour conséquence de rendre nul et sans cause réelle et sérieuse, son licenciement.

Elle souligne également que les éléments mentionnés dans la lettre de licenciement portent atteinte au respect de sa vie privée; de même que l’absence d’opposabilité du règlement intérieur faute de preuve contraire. Cette dernière, dément tout conflit d’intéret, et affirme n’être proche avec aucune des personnes citées, hormis son mari et sa mère.

Mme [Y] exprime qu’aucun des faits reprochés n’ont porté préjudice à la banque, d’autant que selon elle, les dossiers ne constituent pas des opérations frauduleuses, ce que reconnait LA BRED. Finalement elle affirme s’agissant des crédits accordés à son mari qu’il s’agissait d’une erreur qui a été rectifiée.

Elle fait valoir que les attestations fournies par l’appelante émanent des membres de la direction, ce qui suggère selon elle, une absence de neutralité.

Mme [Y] rappelle son élogieuse carrière professionnelle dans la banque. Selon elle, son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires et brutales.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2022.

MOTIFS

– Sur la portée de l’appel de la SA BRED

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile dans sa version issue du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017 «l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible».

L’article 901 du même code dispose que «la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les articles 2° et 3 ° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité:

‘.

4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible».

Il est admis que seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Aussi lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.

En l’espèce, la déclaration d’appel mentionne :

appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués suivant :

condamne la SA BRED prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [Y] [M] les sommes suivantes :

1/ 10790,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

2/ 57 769,12 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

3/ 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appel défère à la Cour le chef de jugement qui la condamne au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité conventionnelle de licenciement, en ne reconnaissant pas l’existence d’une faute grave. La teneur de la déclaration d’appel doit être regardée comme emportant la critique du rejet de la faute grave, les chefs de demandes liés au préavis et à l’indemnité de licenciement se rattachent par un lien indivisible à la qualification de la faute,

C’est donc à tort que l’intimée considère que l’appel doit être limité aux condamnations pécuniaires sans porter sur la qualification de la faute et que les demandes d’infirmation du jugement en ce qu’il rejette la faute grave sont irrecevables.

– Sur la nullité du licenciement opposé par Mme [Y]

Mme [Y] soutient en premier lieu qu’elle aurait été privée d’une garantie de fond, puisqu’elle aurait bien respecté le délai de saisine de la commission de recours paritaire et que l’employeur n’aurait pas observé à la lettre les règles conventionnelles imposées par la convention collective avant de prendre sa décision.

L’article 27-1 de la convention collective de la Banque Populaire du 1er juillet 2005 relatif à la procédure de licenciement pour motif disciplinaire stipule que  «le salarié dispose d’un délai de 5 jours calendaires, à compter de la notification du licenciement pour, s’il le souhaite saisir par lettre recommandée avec accusé de réception la commission paritaire de recours de branche. Ce recours est suspensif sauf si le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour faute lourde. Toutefois ce caractère suspensif ne saurait se prolonger au delà d’une durée de 30 jours calendaires à partir de la date de la saisine de la commission paritaire de recours de branche. Le licenciement ne pourra donc être effectif qu’après l’avis de la commission saisie s’il a été demandé par le salarié sanctionné. L’avis devra être communiqué dans les 30 jours calendaires qui suivent la saisine.

Toute procédure judiciaire, concernant le même litige, engagée par le salarié avant que la commission paritaire de branche-formation recours, n’ait rendu un avis, met fin à la procédure de recours».

L’article 6-5-1 relatif aux modalités de saisine stipule que «cette saisine s’effectue par lettre recommandée, avec accusé de réception auprès du secrétariat de l’instance de recours, dans un délai de 5 jours calendaires, à compter de la notification du licenciement pour faute ou de la rétrogradation impliquant un changement de poste… Toute saisine qui intervient en dehors des cas et modalités strictement prévus ci dessus est écartée par le secrétariat assuré par l’organe centra. Les délégués syndicaux reçoivent copie du courrier adressé par le salarié. Le recours est suspensif s’il est recevable, sauf si le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour faute lourde. Toutefois ce caractère suspensif ne saurait se prolonger au delà d’une durée de 30 jours calendaires à partir de la date de saisine de l’instance. ‘.».

En l’espèce la lettre de licenciement du 6 juillet 2018 notifiée le 10 juillet suivant informe la salariée de la possibilité d’utiliser la procédure de recours prévue à l’article 27-1 de ladite convention collective et le délai de 5 jours calendaires prévu pour saisir la commission paritaire de recours de branche à compter de la notification de la lettre de licenciement, de même que les modalités de cette saisine par lettre recommandée avec accusé de réception.

Aux termes de l’article 668 du code de procédure civile, sous réserve de l’article 647-1, la date de la notification par voie postale, est à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.

Or si la lettre de licenciement du 6 juillet a été notifiée par voie postale le 10 juillet 2018 et réceptionnée par la salariée le 11 juillet 2018 (pièce n° 3 de Mme [Y]). Le point de départ du délai de 5 jours calendaires a donc commencé le 11 juillet 2018 date à laquelle elle a eu connaissance de son licenciement pour faute grave de sorte que l’intéressée pouvait exercer son recours devant la commission jusqu’au 16 juillet 2018.

C’est donc à tort que le secrétariat de ladite commission lui opposait l’irrecevabilité de sa sisine au motif d’une notification du licenciement en date du 10 juillet 2018 et le non respect du délai calendaire de 5 jours.

Il était constant sous la jurisprudence antérieure à l’article L 1235-2 dans sa version issue de l’ordonnance 2017 ‘ 1387 du 22 septembre 2017 qu’à défaut pour l’employeur d’informer le salarié lorsque celui ci dispose d’un recours suspensif devant une telle commission conventionnelle, qui s’analyse en une garantie de fond, le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse et n’était pas sanctionné par la nullité de celui ci.

En l’espèce, le refus de la commission paritaire d’examiner le recours de la salariée ne résulte pas d’un manquement de l’employeur, lequel a bien rempli son obligation d’information de la salariée sur l’existence d’une voie de recours dans sa lettre de licenciement. Le licenciement n’est donc pas d’emblée dénué de cause réelle et sérieuse dès lors que l’employeur n’a pas manqué à son obligation d’information de cette faculté de recours.

En effet il n’est pas contesté et il ressort de l’article 6-5-2 de la convention collective de la banque populaire que l’instance de recours est une instance indépendante composée d’une délégation des organisations syndicales et d’une délégation représentant les employeurs.

Ainsi le moyen selon lequel l’employeur aurait privé la salariée d’une garantie de fond ce qui aurait pour effet d’entrainer la nullité du licenciement est inopérant.

Mme [Y] oppose un deuxième moyen de nullité du licenciement. Elle prétend qu’elle n’aurait jamais été informée par son employeur de la possibilité de recours devant deux instances différentes, à savoir soit la commission paritaire de la branche banque populaire évoquée ci dessus, soit la commission paritaire de recours interne à l’entreprise prévue par l’article 27-1 de la convention collective du personnel des banques du 10 janvier 2000.

Elle soutient que la consultation d’une de ces deux commissions constitue pour le salarié une garantie de fond qui oblige l’employeur à informer le salarié de tous recours suspensifs dont il dispose, d’autant que la BRED lui oppose la seule responsabilité de l’instance paritaire de recours de branche en ce qu’elle a jugé irrecevable son recours.

Cependant ce texte de la convention collective du personnel des banques n’est pas applicable aux banques populaires, lesquelles disposent de leur convention collective du 1er juillet juillet 2015, laquelle ne prévoit qu’une seule commission paritaire de la Branche banque populaire mentionnée aux articles 6 et 27-1 précités.

Ce second moyen de nullité du licenciement est également écarté.

– Sur le moyen tiré d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

* en raison de l’absence de preuve de respect des formalités relative à communication du règlement intérieur

Mme [Y] soutient que le règlement intérieur qui constitue le seul fondement normatif de son licenciement ne lui est pas opposable. Elle précise que préalablement à l’entrée en vigueur d’un règlement intérieur, l’employeur doit recueillir l’avis du comité d’entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) ainsi que l’avis du CHSCT pour les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité, qu’il doit être communiqué à l’inspecteur du travail et porté en outre à la connaissance des salariés et déposé au greffe du Conseil de Prud’hommes dans le ressort duquel l’entreprise ou l’établissement est situé.

Cependant la SA BRED produit aux débats les règlements intérieurs des années 2016 à 2018, leur transmission aux salariés via l’intranet de la banque, mais aussi leur transmission à l’inspection du travail accompagnée de l’avis du comité central d’entreprise, aux CHSCT de la BRED, ainsi que le justificatif de leur enregistrement au greffe du Conseil de Prud’hommes.

La Cour considère que le respect du formalisme prévu par les articles L 1321-4 du code du travail est suffisamment démontré.

* en raison de la violation des libertés fondamentales, de l’atteinte au respect de la vie privée, de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense

Mme [Y] soutient alors que le rapport interne de la Direction des risques et de la Conformité sur laquelle la BRED fonde ses griefs ne lui a pas été communiqué dans son intégralité du moins avant la notification de son licenciement et que les éléments mentionnés dans le courrier de licenciement portent atteinte au respect de la vie privée. Elle conteste avoir reconnu durant l’entretien préalable que l’ensemble des clients visés dans le rapport feraient partie de ses proches.

Il n’est pas contesté que le rapport a été communiqué tant devant le Conseil de Prud’hommes que devant la Cour et il est constant en application de l’article L 1232-3 du code du travail que si l’employeur doit indiquer au cours de l’entretien préalable au salarié le motif de la sanction envisagée et recueillir ses explications il n’a pas obligation de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction.

Il est produit aux débats l’attestation de Mme [X] [G] gestionnaire des ressources humaines au sein de la BRED, qui indique avoir assisté M. [W] [R] lors de l’entretien préalable au licenciement de Mme [Y] et affirme que celle-ci interrogée sur ses liens de parentés ou de proximité avec certains des clients pour lesquels elle est intervenue, a confirmé que ces personnes faisaient partie de son entourage personnel, soit de sa famille directe, soit de sa belle famille ou de son ex belle famille.

Le grief relatif à la violation de sa vie privée n’apparait pas plus pertinent dès lors que le motif du licenciement consiste précisément dans la gestion des comptes de ses proches, l’octroi de prêt ou de facilités à ces proches (conjoint, mère,) et à des clients pouvant être qualifiés de proches en dépit des règles de déontologie et la plaçant dans une situation de conflit d’intérêts. L’enquête qui n’a porté que sur les manquements professionnelles ne caractérise nullement une violation de sa vie privée.

Ces moyens de défense sont donc jugés inopérants et rejetés.

– Sur les motifs du licenciement

Il résulte des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importante telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté, mais elle peut résulter de la nature des fonctions exercées et du risque encouru par l’entreprise qui, par le comportement du salarié peut se trouver en situation d’activité irrégulière.

A défaut de caractériser une faute grave comme le prétend l’employeur le juge doit rechercher si les faits reprochés au salarié ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche à Mme [Y] de graves violations du règlement intérieur et des règles de procédures internes, des interventions régulières sur le fonctionnement des comptes de proches avec lesquelles elle entretient des liens privilégiés, familiaux, étroits notamment M. [U] son conjoint, Mme [L] sa mère, Mme [P] son ex belle mère, … en enfreignant pour certains les règles de procédure applicables à la BRED, en se plaçant pour les autres en situation de conflit d’intérêts et d’avoir manqué ainsi aux règles de déontologie prévues au titre III du règlement intérieurs concernant les dispositions relatives à la gestion des comptes de proches et aux conflits d’intérêts.

Il lui est reproché en gérant les comptes de proches de leur avoir procuré des crédits, des avantages bancaires injustifiés.

Entre autres griefs il lui est notamment reproché d’avoir donné ordre à une collaboratrice de procéder à l’ouverture de compte pour son conjoint sans recueillir les éléments habituels, documents d’ouverture de compte, carton de signature, avis d’imposition, ce sous un nouvel identifiant client, alors que l’intéressé en possédait déjà un, de lui avoir accordé sous couvert de cette collaboratrice deux crédits de 70 000 euros chacun soit 140 000 euros sans respect des règles applicables, (endettement non précisé dans la capacité d’emprunt, incohérences entre le montant des revenus par rapport aux encours accordés) et en fractionnant le prêt en deux, afin de les conserver dans le cadre des pouvoirs qui lui étaient accordés et de les valider elle même).

La lettre de licenciement mentionne d’autres exemples, celui de prêt à la consommation accordé à Mme [P], validé par ses soins, outre la remise d’une extourne de 300 euros, son intervention dans les dossiers de crédits accordés à d’autres proches mentionnés, dont certains lui avaient prêté de l’argent la plaçant ainsi dans une situation de conflits d’intérêts.

Le licenciement a été prononcé pour faute grave.

Au soutien de ces griefs, la SA BRED produit :

– les documents regroupant l’ensemble des règles et devoirs qui régissent la déontologie, l’éthique et la conduite ainsi que les procédures internes, desquelles il ressort l’interdiction d’utiliser ses pouvoirs au profit des ascendants collatéraux descendants conjoint, clients avec lesquels il est entretenu des liens personnels; le règlement intérieur, et son titre III intitulé «déontologie» comprenant un paragraphe sur le conflit d’intérêt, les comptes des proches des salariés, la définition des proches et l’interdiction les concernant de procéder à l’ouverture de leur compte, de gérer ces comptes, d’accorder un prêt, de forcer des opérations, appliquer des conditions dérogatoires de restituer des agios, d’extourner des commissions, etc…

– le rapport de la direction de la conformité et des risques du 19 juin 2018 accompagné de ses 15 annexes, qui analyse le compte du conjoint de la salarié, relève l’absence de documents d’usage à l’ouverture du compte, de signature et d’avis d’imposition; les 2 prêts de 70 000 euros chacun initiés par une collaboratrice de la salariée mais validés par cette dernière, le fractionnement de ces prêts, ainsi que l’analyse des comptes des autres proches avec les observations sur les prêts éventuellement faits par ces clients à Mme [Y], la plaçant en conflit d’intérêt, les autorisations de découvert accordées en inadéquation avec les revenus du client, les extournes et restitutions accordées et leurs dates.

– les échanges de courriers entre Mme [J] collaboratrice, M [R] et M. [I] auteur dudit rapport, liés aux investigations, desquels il ressort que la collaboratrice a agi à la demande de la directrice..

– l’attestation de Mme [D] [J] précisant que Mme [Y] lui avait demandé d’ouvrir un compte au nom de son mari M. [U] afin de monter deux prêts de 70 000 euros chacun; qu’elle lui avait transmis un mail dans lequel figurait le commentaire à associer à ces prêts, que Mme [Y] a récupéré les offres de prêts et qu’elle n’a pas reçu M. [U] au sujet de ces financements,

– le mail de Mme [Y] en date du 25 avril 2018, adressé à la collaboratrice Mme [J] demandant de traiter la demande de crédit de son conjoint M. [U], en signalant l’urgence, ce qui confirme les dires de cette collaboratrice et l’instruction donnée ;

– l’attestation de Mme [G], responsable des ressources humaines ayant assisté M. [R] directeur régional lors de l’entretien préalable indiquant que la salariée avait reconnu avoir agi en défaut de conformité, notamment en ce qui concerne un prêt octroyé à son conjoint,

– les bulletins de salaire et fiche de poste de Mme [Y] faisant apparaître le numéro d’agent de cette dernière 111787 et de PEO 9258, mentionnés sur les opérations de gestion des comptes clients figurant parmi ces proches (pièce 15 annexe 1; annexe 2; annexe 3, annexe 4….).

Par la production de ses éléments, la SA BRED établit la preuve que Mme [Y] est effectivement intervenue dans la gestion des comptes de différents proches, en leur accordant des prêts et ou découverts bancaires sans respect des procédures applicables notamment de demandes des pièces nécessaires, ou en les scindant (2 prêts de 70000 euros à M. [U] son conjoint) de manière à les maintenir dans son pouvoir de décision. Elle démontre les man’uvres contraires à toute déontologie, plaçant la salariée dans une situation de conflit d’intérêts évident en contradiction avec les dispositions du règlement intérieur.

Certes après instruction, la direction des engagements n’a pas donné suite à la demande de crédit de son mari et a alerté la direction des risques et de la conformité, invalidant la demande de prêt. Cependant Mme [Y] ne peut de bonne foi prétendre avoir validé par erreur la demande de crédit faite au profit de son mari, puis après avoir constaté ensuite une difficulté et demandé au service d’annuler cette demande de crédit, alors que c’est elle qui donnait les éléments pour instruire ce dossier, lui donnait instruction de traiter la demande, et la validait.

Enfin au delà de l’intervention au profit de son mari, les investigations ont permis d’établir qu’elle intervenait également sur les comptes d’autres proches notamment à titre d’exemple celui de Mme [P] son ex belle mère en lui accordant et validant un prêt à la consommation, et intervenant directement dans la gestion du compte de cette dernière pour lui accorder une extourne de 300 euros.

Ces actes et manquements à la déontologie, apparaissent particulièrement graves au regard de l’ancienneté de Mme [Y], de son parcours professionnel, de ses responsabilités requérant un comportement exemplaire au plan de la déontologie et de la minimisation de sa faute à l’évocation par l’employeur de la situation de conflits d’intérêts lors de l’entretien préalable, caractérisant le risque à la maintenir au sein de l’entreprise.

C’est donc à tort que le Conseil de Prud’hommes, bien que constatant que la salariée avait fait preuve de malice pour accorder un prêt de 140 000 euros à son mari en se retranchant derrière sa collègue Mme [J] pour tenter de minimiser la portée de son acte, avait manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi, a disqualifié la faute grave en faute simple.

Le jugement est infirmé sur ce point et la faute imputée à Mme [Y] qualifiée de grave, privative d’indemnité de préavis et d’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail.

– Sur la demande de congés payés :

La demande de congés payés n’est pas motivée en fait et il ressort du solde de tout compte que Mme [Y] a été remplie de ses droits. Cette demande est donc rejetée comme en première instance.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire

Le seul fait pour l’employeur d’avoir fait diligenter une enquête interne, pour apprécier les manquements d’un salarié ne constitue pas une faute et ne caractérise pas un licenciement vexatoire. Mme [Y] ne justifie pas plus d’un préjudice distinct de celui découlant de la perte de son emploi.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il rejette cette demande de dommages et intérêts .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

REJETTE la fin de non recevoir visant à écarter l’examen de la qualification de la faute reprochée à Mme [Y],

INFIRME partiellement le jugement en ce qu’il rejette la qualification de faute grave et condamne la SA BRED à payer à Mme [Y] les sommes de :

-10790, 10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-57769,12 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

En conséquence,

DIT que le licenciement est fondé sur une faute grave, justifiant la rupture de son contrat de travail,

DEBOUTE Mme [Y] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, et d’indemnité conventionnelle de licenciement,

DEBOUTE Mme [Y] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [Y] aux dépens de première instance et d’appel,

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x