Licenciement disciplinaire : 19 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/07004

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Licenciement disciplinaire : 19 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/07004

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

N° 2023/

NL/FP-D

Rôle N° RG 19/07004 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEF5S

[F] [D]

C/

S.E.L.A.R.L. GM

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

19 JANVIER 2023

à :

Me Fabien COLLADO, avocat au barreau de GRASSE

Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 14 Mars 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 16/00065.

APPELANTE

Madame [F] [D], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Fabien COLLADO, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. GM Prise en la personne de Maître [Z] [E], es qualité de

liquidateur judicaire de la SAS GHASSAN A.H SULAIMAN TRADING

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Marion CORNU, avocat au barreau de NANTES

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 5]

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Ghassan A.H Sulaiman Trading (la société) a exercé une activité de commerce de véhicules automobiles.

Suivant contrat à durée indéterminée, elle a engagé Mme [D] (la salariée) en qualité de réceptionniste/secrétaire commerciale à compter du 16 septembre 2013 au sein de la concession située à [Localité 3] ou de l’atelier situé à [Adresse 6] moyennant une rémunération annuelle brute de 30 880 euros pour une durée de travail hebdomadaire de 39 heures.

La convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile du cycle et des activités connexes a été applicable à la relation de travail.

En dernier lieu, la salariée a perçu une rémunération mensuelle brute de 2 573.34 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mars 2015, la société a convoqué la salariée le 20 mars 2015 en vue d’un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 mars 2015 comprenant six pages, la société a notifié à la salariée son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le 05 février 2016, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Cannes pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes, outre le remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte.

Par jugement rendu le 14 mars 2019, le conseil de prud’hommes a rejeté les demandes de la salariée, rejeté le surplus des demandes des parties et condamné la salariée aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l’appel formé le 25 avril 2019 par la salariée.

Par jugement rendu le 26 septembre 2019, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Ghassan A.H Sulaiman Trading.

Par jugement rendu le 10 mars 2020, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Ghassan A.H Sulaiman Trading et a désigné M. [E] en qualité de mandataire liquidateur de la société Ghassan A.H Sulaiman Trading (le mandataire liquidateur).

Le mandataire liquidateur et l’AGS-CGEA [Localité 5] sont intervenus à l’instance.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 04 novembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:

Réformer la décision de première instance en ce qu’elle a :

Débouté Madame [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Condamné Madame [D] aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau :

Constater la prescription des faits évoqués.

Constater que Mademoiselle [F] [D] n’a commis aucune faute et que l’insuffisance professionnelle est inexistante.

Dire le licenciement de Mademoiselle [F] [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS GHASSAN A.H SULAIMAN TRADING les sommes suivantes :

30.755,24 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la liquidation judiciaire de la SAS GHASSAN A.H SULAIMAN TRADING à remettre à Madame [F] [D] le reçu pour solde de tout compte et le dernier bulletin de salaire rectifié ainsi que l’attestation Pôle emploi ;

Condamner la liquidation judiciaire de la SAS GHASSAN A.H SULAIMAN TRADING à payer à Madame [F] [D] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC pour la procédure de première instance et d’appel ;

Condamner la liquidation judiciaire de la SAS GHASSAN A.H SULAIMAN TRADING aux dépens de l’instance ;

Constater l’intervention forcée de l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 5] lui rendant le jugement opposable ;

Constater que le CGEA fera l’avance de la somme à laquelle est évaluée le montant total calculé des créances garanties compte tenu du plafond dont l’exécution s’effectuera sur présentation d’un relevé du liquidateur et justificatif par celui-ci de l’absence de fonds entre ses mains pour procéder au paiement.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 15 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le mandataire liquidateur demande à la cour de:

DIRE ET JUGER Madame [D] mal fondée en son appel.

CONFIRMER le jugement rendu en première instance par le Conseil de Prud’hommes de Cannes le 14 mars 2019,

DEBOUTER Madame [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Madame [D] à payer à La SELARL GM, prise en la personne de Maître [Z] [E], es qualité de liquidateur de La SAS GHASSAN A.H. SULAIMAN TRADING la somme de 5 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Madame [D] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Maître Pierre-Yves IMPERATORE, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE,

Avocats associés aux offres de droit.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 27 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’AGS-CGEA [Localité 5] demande à la cour de:

À titre principal,

SUR LA MISE HORS DE CAUSE DU CGEA

Vu l’article 768 du CPC

JUGER que Madame [D] ne reprend aucune demande fixée au passif de la société et ne formule aucune demande opposable au CGEA

En conséquence,

PRONONCER la mise hors de cause du CGEA

JUGER qu’aucune demande ne pourra être garantie par le CGEA.

À titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Cannes en toutes ses dispositions.

En conséquence :

JUGER que Madame [D] est mal fondée en son appel

En conséquence,

DEBOUTER Madame [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

RAMENER les demandes indemnitaires de Madame [D] à de plus justes proportions

En tout état de cause,

JUGER que la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

JUGER que les dépens n’entrent pas dans le cadre de la garantie du CGEA ;

JUGER qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre du CGEA et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances ;

JUGER que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement ;

JUGER que la décision à intervenir sera opposable au CGEA dans les limites de la garantie légale et réglementaire et que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 07 novembre 2022.

MOTIFS

1 – Sur la rupture du contrat de travail

En cas de litige reposant sur un licenciement notifié en raison d’un motif personnel pour cause réelle et sérieuse, les limites en sont fixées par la lettre de licenciement; le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Il découle du contrat de travail que le salarié est tenu de respecter ses collègues de travail.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement comprenant six pages que la société reproche à la salariée quatre griefs qui sont intitulés comme suit:

– des menaces envers sa collègue Mme [Y] et la perturbation de son travail;

– un non-respect de la hiérarchie et des règles/procédures internes;

– une attitude déplaisante et hautaine et un manque de courtoisie à l’égard de clients;

– de nombreuses erreurs et des manquements dans l’accomplissement de son travail.

S’agissant du grief reposant sur le comportement de la salariée à l’égard de Mme [Y], la lettre de licenciement énonce:

‘(…)

1. Menaces à votre collègue Madame [Y] et perturbation de son travail

Vous avez fait preuve d’un comportement agressif et totalement déplacé à l’égard de votre collègue Madame [Y], Secrétaire Après-Vente, l’importunant dans son travail et allant jusqu’à la menacer, pendant le temps et sur le lieu de travail.

Le 4 février dernier, pour des raisons d’ordre privé, vous n’avez cessé de rappeler sur le standard de la concession.

Dérangée par vos appels incessants et sans lien avec le travail, Madame [Y] a décidé de ne plus vous répondre sur le standard. Vous avez alors essayé de passer par un autre poste de la concession, celui de Monsieur [K], Manager du site de [Localité 7], qui était déjà en ligne. L’appel a donc été récupéré par le standard, et Madame [Y] a alors été obligée de vous sommer de cesser de l’importuner sur son lieu et pendant ses heures de travail.

Non satisfaite de la situation, vous avez alors envoyé des SMS à Madame [Y], contenant des propos inappropriés, tels que ” Ecoute moi bien ma grande voire grossiers, par exemple ” je ne suis pas du genre à me branler sur la vie des autres s, ainsi que des intimidations, comme moi aussij’ai des gros dossiers bien lourds “.

Exaspérée, Madame [Y] vous a demandé d’arrêter, mais vous avez persisté et l’avez insulté, lui écrivant par exemple ‘tu es une focue et une jalouse ! Y a pas plus comère que toi ! ” va jouer avec des gens comme toi pauvre fille puis ” tu me fais vraiment de la peine à ton âge ! Allez bouge ! Y a de quoi été jalouse y a qu’à voir le chaos qu’est ta vie.

Surtout, vous avez menacé Madame [Y] ” viens si t une femme je suis au Campon’ puis quelque minutes plus tard ‘ et bien alors où es tu ‘ tu es attendue ”.

Madame [Y] en a été perturbée au point de vouloir démissionner de la société, et a été reçue en pleurs par Monsieur [K] à qui elle a expliqué la situation.

Monsieur [K] a alors décidé d’alerter la supérieure de Madame [Y], Madame [I] [L], Manager Après-Vente, qui était alors en séminaire en Italie.

Par la suite, Madame [Y] a fait le nécessaire auprès de son opérateur téléphonique afin de ne plus pouvoir ni recevoir d’appels, ni de messages de votre part.

Ces propos déplacés et menaçants à l’égard de votre collègue constituent clairement une faute de votre part.

(…)’.

La société verse aux débats les SMS qui sont cités dans la lettre de licenciement.

La salariée conteste le grief en soutenant qu’elle n’est pas à l’initiative des propos en cause et qu’elle a répondu aux propos malveillants que Mme [Y] lui a tenus sur sa vie privée; qu’elle n’a formulé aucune menace.

Elle verse aux débats les SMS qu’elle a reçus de Mme [Y] le 04 février 2015.

La cour dit après analyse des messages reproduits ci-dessus dans la lettre de licenciement que la salariée a tenu à l’égard de Mme [Y], qui est sa collègue de travail, des propos insultants et menaçants.

Et force est de constater que la salariée n’explique pas en quoi les messages que lui a adressés Mme [Y] seraient à son égard malveillants, étant précisé qu’il ressort de leur analyse que Mme [Y] demande en réalité à la salariée de ne plus l’importuner au motif qu’elle n’est pas concernée par les difficultés rencontrées par la salariée avec un dénommé [U], Mme [Y] concluant par la formule suivante:’Merci de votre compréhension’ .

Il s’ensuit que les messages de Mme [Y] dont se prévaut la salariée ne sont pas de nature à ôter le caractère insultant et menaçant aux propres messages de cette dernière.

Il est donc établi que la salariée a insulté et menacé sa collègue de travail.

Dès lors, elle a commis des faits qui caractérisent des manquements à ses obligations découlant de son contrat de travail.

Ces manquements sont d’une gravité suffisante pour justifier à eux seuls, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus des griefs, la rupture du contrat de travail.

Dans ces conditions, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la salariée tendant à voir juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris celle au titre de la remise des documents de rupture rectifiés.

2 – Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la salariée les dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée est condamnée aux dépens d’appel.

Le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire devant la présente juridiction statuant en matière prud’homale, la demande au titre de l’article 699 du code de procédure civile est rejetée.

L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif, la demande présentée de ce chef par la salariée étant rejetée.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Mme [D] à payer à M. [E] en qualité de mandataire liquidateur de la société Ghassan A.H Sulaiman Trading la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel,

REJETTE la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée par Mme [D],

CONDAMNE Mme [D] aux dépens d’appel,

REJETTE la demande de M. [E] en qualité de mandataire liquidateur de la société Ghassan A.H Sulaiman Trading au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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