Licenciement disciplinaire : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02090

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Licenciement disciplinaire : 16 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02090

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02090 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSYC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° F 18/01029

APPELANT

Monsieur [G] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

INTIMEE

S.A.R.L. TEPIF LOKEA

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-françois KLATOVSKY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY et Madame Marie-Charlotte BEHR, greffière en préaffectation sur poste.

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

M. [G] [L] a été engagé par la société de transport d’enfants [Localité 2] Île de France (ci-après désignée la société Tepif) par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (27h13 mensuels) prenant effet le 2 septembre 2014 en qualité de chauffeur.

Par avenant prenant effet le 1er septembre 2015, M. [L] a été promu responsable de secteur IDF à temps plein (35 heures hebdomadaires).

Par avenant prenant effet le 15 mai 2017, l’employeur a confié à M. [L] les fonctions de responsable de parc en sus de celles de responsable de secteur IDF.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des transports routiers et activité auxiliaire du transport.

La société Tepif employait à titre habituel au moins onze salariés.

M. [L] a fait l’objet d’arrêts de travail de manière continue du 19 septembre 2017 au 28 février 2018, puis du 5 mars au 7 avril 2018.

Par courrier du 5 mars 2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 14 mars 2018 en vue d’un éventuel licenciement et a été mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 23 mars 2018, la société Tepif a notifié à M. [L] un licenciement pour faute grave.

Soutenant que son licenciement était nul en raison de faits de harcèlement moral dont il était victime, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes le 13 décembre 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Tepif au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 28 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :

Dit que la classification de M. [L] est conforme aux dispositions conventionnelles,

Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Fixé le salaire mensuel brut de M. [L] à la somme de 3.538 euros,

Condamné la société Tepif à payer à M. [L] les somme suivantes :

– 11.944 euros au titre du maintien de rémunération pendant la période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018,

– 2.618 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

– 261,80 euros de congés payés afférents,

– 3.317 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 7.076,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 707,66 euros de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 15 février 2019,

– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du prononcé du jugement,

Ordonné la remise des documents sociaux conformés au jugement,

Débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

Mis les entiers dépens à la charge de la partie défenderesse.

Le 4 mars 2020, M. [L] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 29 septembre 2022, M. [L] demande à la cour de :

Le recevoir en son appel,

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Tepif à lui verser la somme de 11.944 euros au titre du maintien de rémunération pendant la période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018,

Infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

Constater que les fonctions réellement exercées par lui correspondent au statut-cadre ‘ groupe 6,

En conséquence :

Fixer sa rémunération à 3.619,48 euros (minimum conventionnel),

Constaterla situation de harcèlement moral subi par lui,

En conséquence :

Requalifier son licenciement pour faute grave du salarié en licenciement nul,

A titre subsidiaire :

Requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

Condamner la société Tepif à lui verser les sommes suivantes:

– rappel de salaires sur minimum conventionnel de septembre 2015 à septembre 2018 : 32.629 euros,

– congés payés afférents : 3.263 euros,

– rappel de salaire sur 13 ème mois (2015 à 2018) : 3.770 euros,

– congés payés afférents : 377 euros,

– heures supplémentaires si la cour fait droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 13.877 euros et 1.388 euros de congés payés afférents,

– heures supplémentaires si la cour ne fait pas droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 8.743 euros et 874 euros de congés payés afférents,

– indemnité légale de licenciement si la cour fait droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 3.676 euros,

– indemnité légale de licenciement si la cour ne fait pas droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 3.317 euros,

– rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire si la cour fait droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 2.902 euros, outre 290 euros de congés payés afférents,

– rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire si la cour ne fait pas droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 2.618 euros, outre 262 euros de congés payés afférents,

– indemnité compensatrice de préavis si la cour fait droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 11.763 euros, outre 1.176 euros de congés payés afférents,

– indemnité compensatrice de préavis si la cour ne fait pas droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 10.614 euros, outre 1.061 euros de congés payés afférents,

– indemnité pour licenciement nul : 30.000 euros,

A titre subsidiaire :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si la cour fait droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 14.479 euros,

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si la cour ne fait pas droit à la demande de requalification au statut cadre-groupe 6 : 14.512 euros,

– article 700 du code de procédure civile : 3.600 euros,

Avec intérêts de droit (article 1153 du Code civil) à compter de l’introduction de l’instance et capitalisation des intérêts,

Ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard des documents sociaux conformes (attestation Pôle emploi, certificat de travail),

En tout état de cause,

Débouter la société Tepif de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 septembre 2022, la société Tepif demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [L] les sommes suivantes :

– 11.944 euros au titre du maintien de rémunération pendant la période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018,

– 2.618 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

– 261,80 euros de congés payés afférents,

– 3.317 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 7.076,60 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 707,66 euros de congés payés afférents,

– 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la classification de M. [L] est conforme aux dispositions conventionnelles,

– débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

En conséquence,

Débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

Ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 12 octobre 2022.

MOTIFS :

Sur la demande de reclassification et le rappel de salaire :

M. [L] expose qu’à compter du 1er septembre 2015, il a été nommé responsable de secteur IDF et que cet emploi correspondait à un emploi de ‘directeur d’un reseau de transports de voyageurs’ bénéficiant, selon le dispositif de ses écritures, du ‘statut-cadre groupe 6″ et, selon la partie discussion de ses conclusions, du ‘statut-cadre niveau 6″.

Il reproche à l’employeur de l’avoir maintenu, au moment de sa promotion en tant que responsable de secteur IDF, au coefficient 136 correspondant à un emploi de non-cadre.

Il sollicite ainsi un rappel de salaire sur la période du 1er septembre 2015 au 18 septembre 2017 d’un montant de 32.629 euros déterminé par la différence entre le salaire minimum conventionnel qu’il auraît du percevoir en tant que ‘directeur d’un réseau de transports de voyageurs’ et celui qui lui a été versé sur cette période. Il sollicite également la somme de 3.263 euros de congés payés afférents.

M. [L] expose qu’il encadrait 50 chauffeurs à compter de septembre 2015, puis 75 chauffeurs une année plus tard et enfin 95 chauffeurs à compter de septembre 2017. Il expose également qu’il gérait un parc de 250 véhicules et ne pouvait ainsi, comme l’affirme l’employeur, relever de la classification d’agent de maîtrise dans la mesure où, selon la convention collective applicable, le chef de secteur-agent de maîtrise ‘ne prend pas d’initiatives concernant l’emploi des véhicules, n’est pas responsable de leur entretien et peut avoir jusqu’à 10 véhicules dans son secteur’. Il expose enfin que son remplaçant disposait du statut cadre.

A l’appui de ses allégations, il produit notamment des attestations de chauffeurs (MM. [H], [Y], [W] et Mme [N]) et d’une attestation de la responsable des marchés publics (Mme [L]) affirmant que M. [L] était leur reponsable direct.

En défense, l’employeur s’oppose aux demandes du salarié. Il reconnaît qu’au moment de sa promotion, M. [L] aurait dû être classé en tant qu’agent de maîtrise mais non en tant que cadre. Il soutient également que le salaire perçu par M. [L] était néamoins au-dessus du minimum conventionnel applicable aux agents de maîtrise, que le salarié était sous la responsabilité directe du responsable d’exploitation, que les missions de l’appelant n’incluaient ni les relations commerciales, ni l’établissement des prix, ni la communication avec les partenaires et que M. [L] n’avait pas la responsabilité directe des chauffeurs.

***

Il est constant qu’il appartient au salarié qui demande le bénéfice d’une classification de démontrer qu’il a accompli de manière effective, les tâches relevant de la classification sollicitée et qu’il disposait des diplômes ou connaissances équivalentes requis par la classification conventionnelle.

En premier lieu, l’article 2 de l’accord du 30 octobre 1951, constitutif de l’annexe IV de la convention collective applicable, stipule :

‘sont considérés comme ingénieurs et cadres pour l’application de la présente convention nationale annexe les collaborateurs qui répondent aux deux conditions suivantes :

1° Posséder une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière résultant soit d’études sanctionnées par un diplôme des écoles spécialisées (1) soit d’une expérience professionnelle équivalente,

2° Occuper dans l’entreprise, à l’exclusion des emplois définis dans les conventions annexes n°s 1, 2 et 3, un des emplois définis dans la nomenclature visée à l’article 3 ci-dessous ou pouvant leur être assimilés. Ces emplois comportent généralement des pouvoirs de décision et de commandement ou des responsabilités équivalentes.

Les directeurs généraux et les directeurs d’entreprise ne sont pas visés par la présente convention.

(1) Les diplômes ou écoles visés sont notamment :

Les diplômes d’ingénieurs reconnus par la loi,

Les maîtrises universitaires délivrées par les facultés françaises,

L’école des hautes études commerciales,

L’école libre des sciences politiques,

Les instituts d’études politiques créés par l’ordonnance du 9 octobre 1945,

L’école supérieure des sciences économiques et commerciales,

L’école supérieure de commerce de [Localité 2],

Les écoles supérieures de commerce régionales,

L’école supérieure des transports’.

L’article 3 du même accord stipule que ‘les différents emplois qui peuvent être occupés par des ingénieurs et cadres sont répartis en sept groupes conformément à la nomenclature des groupes jointe à la présente convention nationale annexe’.

En application de ce dernier texte, un second accord du 30 octobre 1951 a été annexé à la convention collective applicable pour définir les sept groupes d’ingénieurs et cadres.

L’article 2 de ce second accord a ainsi prévu au sein du groupe 2 la fonction de ‘Directeur d’un réseau de transports de voyageurs’ ainsi défini par ce texte : ‘6.Agent chargé d’assurer, au point de vue technique, administratif et commercial, la direction des divers services d’un réseau dans le cadre des directives qui lui sont données par l’employeur lui-même ou par l’administration centrale ; est chargé dans les mêmes conditions des relations extérieures : a autorité sur l’ensemble du personnel du réseau, reçoit les délégués du personnel, peut assumer par délégation de l’employeur la présidence du comité d’entreprise ou d’établissement’.

Dans le dispositif de ses conclusions, M. [L] sollicite sa reclassification au statut cadre groupe 6 sans préciser à partir de quelle date cette reclassification doit produire ces effets.

Dans la partie discussion de ses conclusions, le salarié estime qu’à compter du 1er septembre 2015, date à laquelle il a été promu responsable de secteur IDF, il exerçait en réalité les fonctions de ‘directeur de réseau de transport de voyageurs’ au sens du second accord du 30 octobre 1951, correspondant selon ses écritures à la qualification de ‘cadre, niveau 6″ sans autre précision.

Dans la mesure où M. [L] ne se réfère dans ses conclusions qu’aux fonctions de ‘directeur de réseau de transports de voyageurs’ au sens de l’accord précité pour fonder sa demande de reclassification, il convient dès lors de considérer qu’il sollicite en l’espèce sa reclassification au groupe 2, 6° de l’accord précité correspondant à la fonction de ‘directeur de réseau de transports de voyageurs’ et non au groupe 6 du même accord comme cela est mentionné dans le dispositif de ses écritures.

En deuxième lieu, il ressort des textes conventionnels précités que l’accès au statut de cadre nécessite que le salarié possède ‘une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière résultant soit d’études sanctionnées par un diplôme des écoles spécialisées soit d’une expérience professionnelle équivalente’.

Or, il n’est ni allégué ni justifié par M. [L] que celui-ci disposait d’un diplôme délivré par l’une des école spécialisée mentionnées dans la convention collective ou d’une expérience professionnelle équivalente.

Par suite, M. [L] ne peut se prévaloir des fonctions de cadre puisqu’il n’établit pas remplir les critères de diplôme ou d’expérience professionnelle équivalente prescrits par la convention collective.

Dès lors, il ne peut se prévaloir de la classification sollicité au groupe 2, 6° de l’annexe précitée, celle-ci impliquant au préalable le respect des conditions posées par la convention collective pour occuper un poste de cadre.

En outre, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que M. [L], qui avait un supérieur hiérarchique en la personne du responsable d’exploitation, disposait d’une délégation de pouvoir de l’employeur, recevait les délégués du personnel et assumait les relations extérieures de l’entreprise comme le stipule la définition de l’emploi de ‘directeur d’un réseau de transports de voyageurs’ dans l’accord du 30 octobre 1951 précité.

***

Il se déduit de ce qui précède que M. [L] n’établit pas avoir occupé au cours de la période concernée les fonctions de ‘directeur d’un réseau de transports de voyageurs’ au sens de la convention collective applicable. Il sera donc débouté de ses demandes à ce titre et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les heures supplémentaires :

De manière générale, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [L] soutient que ses horaires étaient de 8h30 à 12h30 et de 14h00 à 18h00 bien que son contrat de travail ne le mentionne pas et qu’il a ainsi travaillé 40 heures par semaine et non 35 heures hebdomadaires comme cela est stipulé dans son contrat de travail. Il soutient ainsi avoir réalisé, entre le 31 août 2015 et le 24 septembre 2017, cinq heures supplémentaires toutes les semaines qui ne lui ont pas été payées par l’employeur et qui n’ont pas donné lieu à un repos compensateur.

Il demande ainsi à la cour de condamner la société Tepif à lui verser les sommes suivantes:

– 13.877 euros et 1.388 euros de congés payés afférents si la cour fait droit à sa demande de reclassification au groupe 2, 6° de l’accord du 30 octobre 1951 précité,

– 8.743 euros et 874 euros de congés payés afférents si la cour ne fait pas droit à sa demande de reclassification.

A l’appui de ses demandes, M. [L] produit un décompte mentionnant hebdomadairement entre le 31 août 2015 et le 24 septembre 2017 le nombre de jours travaillés, le nombre d’heures supplémentaires accomplies et la valeur de celles-ci compte tenu des majorations applicables.

Le salarié produit également :

– le contrat de travail de Mme [K], gestionnaire de marchés publics au sein de la société, qui stipule une durée hebdomadaire de 39 heures et non de 35 heures comme mentionné dans son contrat de travail,

– une attestation par laquelle Mme [L] a indiqué que ‘les horaires demandés par l’employeur et applicables à toute l’équipe présente au siège étaient de 8h30 à 12h30 et de 14h à 18h’,

– des courriers et courriels par lesquels M. [L] faisait état auprès de l’employeur du non-paiement de ses heures supplémentaires.

Il se déduit de ce qui précède que M. [L] présente, à l’appui de ses demandes, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société Tepif, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, laquelle ne peut se borner à critiquer les éléments produits par le salarié et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.

En défense, la société Tepif reproche au salarié de procéder par voie d’affirmation sans apporter le moindre élément de preuve et d’avoir produit en première instance des pièces contradictoires. Elle indique également que la demande de l’appelant est excessive et qu’elle lui a réglé des heures supplémentaires comme en attestent ses bulletins de paye d’août et octobre 2017 versés aux débats.

En premier lieu, la société qui critique les éléments avancés par M. [L] ne produit aucun document récapitulant le temps de travail que celui-ci aurait accompli, ni ne justifie de quelle manière elle mesurait son temps de travail, alors qu’il lui appartient d’établir les documents nécessaires en ce sens.

En deuxième lieu, afin de démontrer que la demande du salarié est excessive, la société produit tout d’abord la copie de 26 documents dénommés ‘rapport temps morts’ et qui ont été, selon l’intimée, établis grâce au système de géolocalisation dont est équipé le véhicule de service de M. [L]. Ces documents précisent ainsi les heures de départ et d’arrivée au domicile du salarié au cours de 26 journées sur la période du 8 février au 29 juin 2016. L’employeur déduit de ces éléments certaines contradictions entre ces rapports et les affirmations du salarié selon lesquelles il aurait travaillé huit heures par jours. Ainsi, par exemple, le rapport ‘temps mort’ de la journée du 22 avril 2016 mentionne qu’il a travaillé 4 heures au lieu des 8 heures alléguées.

Néanmoins, comme le relève justement l’appelant, il n’est nullement justifié par l’employeur que ces rapports ont bien été établis à partir d’un système de géolocalisation embarqué sur son véhicule de service.

De même, selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Ainsi, l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût -il moins efficace que la géolocalisation, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

Or, comme le relève justement le salarié, l’employeur n’allégue ni ne justifie dans ses écritures que le système de géolocalisation ainsi mis en oeuvre était le seul moyen permettant d’assurer le contrôle de la durée du travail de M. [L].

Il se déduit de ce qui précède que les rapports produits par l’employeur ne peuvent fonder une minoration des heures supplémentaires alléguées par l’appelant.

En troisième lieu, l’employeur produit également :

– une attestation par laquelle M. [E], employé du garage MBA, a affirmé que M. [L] passait plusieurs fois par semaine au garage entre 8h45 et 9h15,

– une attestation par laquelle M. [B] a affirmé que par moment il remplaçait M. [L] dans ses tournées.

Néanmoins, contrairement aux affirmations de l’employeur, ces attestations ne permettent nullement de démontrer que le salarié ne réalisait pas les 8 heures de travail quotidien alléguées au cours de la période concernée.

En quatrième lieu, l’employeur soutient que le salarié était en formation du 1er au 4 mars 2016, qu’il n’a pas travaillé les 5 et 6 mai 2016, ainsi que les 15 et 16 juin 2016 et n’a donc pu, à ces dates, effectuer des heures supplémentaires. Le salarié ne contredisant pas ces affirmations dans ses écritures, les heures supplémentaires concernant ces journées seront, dès lors, déduites de son décompte.

En cinquième lieu, si comme l’affirme l’employeur le bulletin de paye d’octobre 2017 mentionne le paiement au titre de ce mois de la somme de 174,95 euros en raison des heures supplémentaires réalisées, cet argument est inopérant en l’espèce puisque le décompte du salarié s’arrête au 24 septembre 2017 comme il a été dit précédemment.

En revanche, comme l’affirme la société, le bulletin d’août 2017 mentionne bien le paiement de la somme de 942,06 euros au titre des heures supplémentaires.M. [L] ne contestant pas cette mention, ce montant sera déduit de sa demande pécuniaire au titre des heures supplémentaires.

En sixième et dernier lieu, compte tenu des développements précédents, seule sera examinée en l’espèce la demande du salarié concernant l’hypothèse dans laquelle la cour ne ferait pas droit à sa demande de reclassification au groupe 2, 6° de l’accord du 30 octobre 1951 précité.

***

Au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que le salarié a bien accompli des heures supplémentaires au-delà de la durée contractuelle convenue, mais pour un montant moindre compte tenu notamment des heures supplémentaires déjà rémunérées.

Il lui sera ainsi alloué la somme de 7.200 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 720 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le rappel de prime de 13ème mois :

Dans ses conclusions (p.21), M. [L] reconnaît que l’employeur lui a versé la prime de 13ème mois qui lui était due au titre de la convention collective applicable après l’avoir mis en demeure de le faire.

Toutefois, il demande à la cour de condamner la société Tepif à lui verser une prime de 13ème calculée à partir du minimum conventionnel qu’il aurait perçu s’il avait bénéficié d’une classification au groupe 2, 6° de l’accord du 30 octobre 1951 précité. Il sollicite ainsi la somme de 3.770 euros à titre de rappel de salaire, outre 377 euros de congés payés afférents.

Néanmoins, il ressort des développements précédents que la demande de reclassification de M. [L] a été rejetée.

Par suite, la demande salariale au titre du 13ème mois sera également rejetée et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le rappel de salaire au titre du maintien de rémunération pendant la période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018 :

Au préalable, il ressort des bulletins de paye de juin, juillet et août 2017, précédants le début de la période d’arrêt de travail du salarié commençant le 19 septembre 2017, que le salaire mensuel brut de M. [L] doit être fixé à la somme de 3.650 euros, celle-ci prenant en compte les rappels de salaire alloués à l’appelant par la cour dans les développements précédents et ce, au titre des heures supplémentaires réalisées.

En premier lieu, M. [L] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 11.944 euros à titre de maintien de rémunération pendant la période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018.

Ni le salarié dans ses écritures ni le conseil de prud’hommes dans les motifs de sa décision attaquée ne précisent la disposition de la convention collective sur laquelle ils se fondent pour affirmer que M. [L] disposait, d’une part, du maintien total de sa rémunération entre le 19 septembre et le 19 novembre 2017 et, d’autre part, du maintien de 75% de sa rémunération du 20 novembre 2017 au 20 février 2018.

En défense, la société Tepif demande l’infirmation du jugement sur ce point sans produire le moindre argumentaire à cette fin.

Selon l’article 17 bis de l’accord du 27 février 1951 relatif aux employés constitutif de l’annexe II de la convention collective applicable, chaque maladie constatée conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article donne lieu, après application d’un délai de franchise de 5 jours, au versement d’un complément de rémunération assurant les garanties de ressources suivantes.

Après 3 ans d’ancienneté, le salarié bénéficie de :

– 100 % de sa rémunération du 6e au 40e jour d’arrêt,

– 75 % de sa rémunération du 41e au 70e jour d’arrêt.

Il ressort des pièces versées aux débats que le 19 septembre 2017, M. [L] disposait d’une ancienneté de trois ans. Par suite, il pouvait bénéficier du dispositif conventionnel de garantie de rémunération précité à compter du début de sa période d’arrêt de travail.

Il résulte des stipulations précitées que M. [L] devait bénéficier :

– d’un maintien total de sa rémunération du 24 septembre 2017 au 29 octobre 2017, soit la somme de 4.250 euros bruts,

– d’un maintien de 75% de sa rémunération du 30 octobre au 30 novembre 2017, soit le versement de 2.737,5 euros bruts.

Ainsi, en application des dispositions conventionnelles susmentionnées, M. [L] devait bénéficier de la somme de 6.987,5 euros bruts, outre 698,75 euros bruts de congés payés afférents, soit la somme totale de 7.686,25 euros bruts et non la somme de 11.944 euros comme sollicitée par le salarié et accordée par le jugement attaqué.

En deuxième lieu, nonobstant la délivrance d’un bulletin de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables.

En l’espèce, il n’est nullement par l’employeur qu’il a versé au salarié la somme de 7.686,25 euros bruts au titre du maintien de sa rémunération.

Dès lors, la société en reste redevable.

En troisième et dernier lieu, M. [L] sollicite dans la partie discussion de ses écritures un complément de salaire de 1.670 euros dans l’hypothèse où la cour ferait droit à sa demande de reclassification au groupe 2, 6° de l’accord du 30 octobre 1951 précité.

Néanmoins, cette demande ne figure pas au dispositif des dernières écritures du salarié qui seul saisit la cour en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile. Par suite, la cour n’en est pas saisie.

***

Il résulte de ce qui précède que la société Tepif sera condamnée à verser à M. [L] la somme de 7.686,25 euros bruts au titre du maintien de rémunération pendant la période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018. Le jugement sera infirmé en conséquence sur le quantum.

Sur le harcèlement moral :

M. [L] soutient avoir fait l’objet de harcèlement moral de la part de l’employeur.

En défense, l’employeur conteste tout harcèlement moral.

***

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

***

S’agissant de la dégradation de son état de santé, M. [L] produit :

– des arrêts de travail portant sur la période du 19 septembre 2017 au 28 février 2018 mais n’indiquant pas le motif de ces arrêts,

– des arrêts de travail portant sur la période du 5 mars au 7 avril 2018 pour ‘syndrome anxio dépressif réactionnel suite à un harcèlement au travail, majoré à la reprise des fonctions après arrêt maladie’,

– des prescriptions médicales d’Atarax pour la période de septembre 2017 à septembre 2018,

– un certificat médical par lequel le docteur [M], médecin généraliste a attesté que M. [L] présentait depuis septembre 2017 un état de burn-out ayant nécessité la prise d’anxiolytiques.

***

En premier lieu, M. [L] affirme qu’il a fait l’objet de brimades de la part de l’employeur.

A l’appui de ses allégations, le salarié se réfère à :

– un courriel du 5 septembre 2017 par lequel il reproche à l’employeur des faits de harcèlement moral à son encontre et plus précisément d’avoir demandé à l’équipe administrative et notamment à Mme [C] [Z] de le surveiller pour faire remonter des fautes professionnelles le concernant, ce que cette dernière lui avait d’ailleurs avoué,

– une attestation par laquelle Mme [P], salariée de l’entreprise au cours du mois de septembre 2017, a affirmé qu’elle a été témoin de moqueries du service administratif à son encontre (sans autre précision), que Mme [A] lui avait demandée de surveiller ses moindres faits et gestes et que le service administratif encombrait son bureau de post-it et de feuilles sans lien avec le recrutement des chauffeurs,

– une attestation par laquelle M. [S], salarié de l’entreprise depuis septembre 2016, a affirmé que ‘le service administratif et Mme [A] ont rempli le bureau de M. [L] de post-it et de charge de travail alors que tout le monde savait que M. [L] était sur la mission de recrutement’.

En défense, la société conteste les propos des deux témoins et estime que ceux-ci sont motivés par l’intention de lui nuire.

L’employeur produit également :

– une attestation par laquelle Mme [Z] a nié avoir tenu les propos rapportés par le salarié dans son courriel précité du 5 septembre 2017,

– une attestation par laquelle Mme [T], chargée des ressources humaines au pôle administratif a affirmé que celui-ci n’était pas chargé de surveiller M. [L].

Il ressort de l’imprécision des attestation de Mme [P] et de M. [S], contredites par celles de Mmes [Z] et [T], que les faits de brimade allégués par le salarié dans ses écritures et dans son courriel du 5 septembre 2017 ne sont pas établis.

En deuxième lieu, M. [L] soutient que l’employeur l’a rétrogradé le 18 septembre 2017 en lui retirant son poste de responsable de parc.

Il en justifie en produisant sa lettre de licenciement qui mentionne : ‘Après avoir constaté de nombreuses erreurs dans la réalisation de votre fonction de responsable de parc, le 18 septembre 2017 je vous ai fait part de ma décision de vous affecter à votre mission d’origine, chef de secteur IDF’.

Ce fait qui n’est pas contesté par la société est donc établi.

En troisième lieu, le salarié reproche à l’employeur de ne pas avoir tenu compte de sa promotion en tant que responsable de secteur IDF en septembre 2015 en le laissant à la même classification que celle qu’il occupait en tant que chauffeur lors de son embauche. Il soutient également que la société ne lui a pas versé le salaire minimum conventionnel lié à ces nouvelles fonctions.

En l’espèce, il ressort des développements précédents que M. [L] a été débouté de sa demande de reclassification en tant que cadre.

Toutefois, comme il a été dit précédemment, la société a reconnu dans ses écritures (p.8) qu’elle aurait dû augmenter la classification de son salarié suite à son changement de poste en septembre 2015 en lui attribuant la classification d’agent de maîtrise, tout en établissant que le salaire qu’elle lui a versé à compter de cette date correspondait au salaire minimum conventionnel des agents de maîtrise.

Par suite, est seulement établi le fait que le salarié n’a pas été reclassé en tant qu’agent de maîtrise lors de sa promotion en septembre 2015.

En quatrième lieu, le salarié soutient que l’employeur ne lui a pas versé la rémunération qui lui était due pendant sa période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018.

La cour ayant fait droit dans les développements précédents à la demande de l’appelant à ce titre, il s’en déduit que ce fait est établi.

En cinquième lieu, le salarié soutient que l’employeur lui a pris sans son accord ses outils de travail (téléphone portable et véhicule de fonction) pendant sa période d’arrêt maladie et qu’il ne les lui a pas restitués à son retour le 1er mars 2018.

Toutefois, l’employeur justifie par des échanges mails avec le salarié qu’il lui a demandé la restitution de ses outils de travail en septembre et octobre 2017, ce que ce dernier avait accepté.

En revanche, il n’est ni allégué ni justifié que ces outils de travail ont été remis au salarié lors de sa reprise de poste le 1er mars 2018, l’employeur se référant seulement à l’attestation de M. [J] selon laquelle ce dernier a installé ce jour-là le salarié dans un bureau équipé d’un poste de travail.

Il s’en déduit qu’est seulement établi le fait que les outils de travail du salarié (téléphone portable et véhicule de fonction) ne lui ont pas été remis par l’employeur le 1er mars 2018, jour de sa reprise.

En sixième et dernier lieu, M. [L] soutient qu’au cours de l’entretien du 5 mars 2018, le gérant de l’entreprise l’a bousculé.

Toutefois, le salarié n’entend établir ces faits que par ses propres déclarations retranscrites notamment dans un procès-verbal de gendarmerie, alors que l’employeur les conteste et produit les attestations de MM. [J] et [V], présents au moment des faits et affirmant tous deux ne pas avoir été témoins de cette agression.

Il s’en déduit que ces faits ne sont pas établis.

***

Il résulte de ce qui précède que sont matériellement établis les faits suivants :

– l’employeur a supprimé au salarié ses fonctions de responsable de parc le 18 septembre 2017,

– le salarié n’a pas été reclassé en tant qu’agent de maîtrise lors de sa promotion en septembre 2015,

– l’employeur n’a pas versé au salarié la rémunération qui lui était due pendant sa période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018,

– les outils de travail du salarié (téléphone portable et véhicule de fonction) ne lui ont pas été remis par l’employeur le 1er mars 2018, jour de sa reprise,

Les pièces médicales produites et les éléments de faits matériellement établis précités permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

***

En premier lieu, l’employeur soutient lui avoir retiré ses fonctions de responsable de parc car le salarié se plaignait de sa charge de travail. Il expose également que M. [L]pouvait refuser cette rétrogradation se traduisant par la modification de son contrat de travail.

Néanmoins, il ressort des éléments versés aux débats que par avenant prenant effet le 15 mai 2017, l’employeur a confié à M. [L] les fonctions de responsable de parc en sus de celles de responsable de secteur IDF.

Or, il n’est ni allégué ni justifié par la société que le salarié a donné son accord à la modification de son contrat de travail le 18 septembre 2017 se traduisant par la suppression de ses fonctions de responsable de parc.

En outre, non seulement l’employeur ne démontre pas que le salarié lui a demandé la suppression de ces fonctions en raison d’une surcharge de travail, mais il n’explique pas la raison pour laquelle il a indiqué dans la lettre de licenciement que cette suppression était motivée par de nombreuses erreurs de gestion du salarié et non par une surcharge de travail comme cela est uniquement mentionné dans ses écritures.

Il résulte de ce qui précède que la suppression du poste de responsable de parc par l’employeur n’est pas justifiée par une cause objective.

En deuxième lieu, la société Tepif ne justifie par aucune cause objective le fait que :

– le salarié n’a pas été reclassé en tant qu’agent de maîtrise lors de sa promotion en septembre 2015,

– M. [L] n’a pas perçu la rémunération qui lui était due pendant sa période d’arrêt maladie du 19 septembre 2017 au 20 février 2018,

– les outils de travail de l’appelant (téléphone portable et véhicule de fonction) ne lui ont pas été remis par l’employeur le 1er mars 2018, jour de sa reprise.

***

Il résulte de ce qui précède que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [L] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral dénoncé par le salarié est donc établi.

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

La lettre de licenciement du 23 mars 2018 pour faute grave reproche au salarié deux séries de griefs qui vont être examinées successivement.

En premier lieu, l’employeur reproche à M. [L] une mauvaise gestion du parc de véhicules de la société dont il avait la charge se traduisant par les faits suivants :

– les véhicules mis à la disposition de quatre chauffeurs de l’entreprise n’ont pas été récupérés suite à leur départ sans autre précision,

– seuls six des neuf véhicules commandés par le salarié ont été livrés,

– l’acheminement d’un véhicule auto-école sans le faire déséquiper préalablement,

– la reception par l’employeur de contraventions non dénoncées par le salarié,

– le dépassement des dates de contrôle technique de cinq véhicules.

En défense, le salarié soutient que ces faits sont prescrits et non établis.

L’article L.1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Le point de départ du délai de deux mois est le jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.

En l’espèce, il est constant que, d’une part, les faits reprochés au salarié ont été commis avant le 19 septembre 2017, date à partir de laquelle ce dernier a fait l’objet d’une période continue d’arrêts de travail jusqu’au 28 février 2018 et, d’autre part, la procédure de licenciement disciplinaire a été engagée à l’encontre de l’appelant au cours du mois de sa reprise, en mars 2018.

Il s’en déduit que ces griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ont été commis plus de deux mois avant l’engagement par la société des poursuites disciplinaires à l’encontre du salarié.

Afin de s’opposer au moyen tiré de la prescription de ces griefs soulevé par M. [L], l’employeur soutient qu’il n’en a eu connaissance qu’au moment du remplacement du salarié au cours de sa période d’arrêt maladie de septembre 2017 à fin février 2018.

Néanmoins, la société ne fait que procéder par voie d’affirmation en l’espèce, ne précisant nullement dans ses écritures à quelle date elle a eu connaissance des faits litigieux. En outre, il ne ressort pas des pièces versés aux débats que la société n’a eu connaissance de ces faits que dans le délai de deux mois précédant l’engagement des poursuites disciplinaires. Au contraire, certains éléments produits permettent de révéler que l’employeur a nécessairement eu connaissance de ces faits au-delà du délai de deux mois précité. Ainsi, par exemple, il ressort des avis de contravention produits qu’il a réglé le 18 septembre 2017 les contraventions non dénoncées par le salarié.

Il se déduit de ce qui précède que l’employeur n’établit pas n’avoir eu connaissance des faits litigieux que dans le délai de deux mois précédant l’engagement des poursuites disciplinaires

Par suite, les griefs reprochés au salarié sont prescrits.

En second lieu, l’employeur reproche au salarié d’avoir au cours d’un entretien du 4 septembre 2017 menacé M. [A], dirigeant de la société, en le pointant du doigt avec une attitude agressive en lui disant : ‘si vous n’avez pas peur de l’autre (en parlant de M. [R] [U]), vous devriez avoir peur de moi’.

Le salarié soutient que ces faits sont prescrits et ne sont pas établis.

En l’espèce, non seulement les faits sont prescrits, mais au surplus ils ne sont justifiés par aucun élément versé aux débats.

***

Il se déduit de ce qui précède que les griefs reprochés au salarié dans la lettre de licenciement sont prescrits.

Dès lors, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de nullité du licenciement du fait du harcèlement subi :

M. [L] demande à la cour d’annuler son licenciement au motif que celui-ci a été prononcé dans un contexte de harcèlement moral.

La société s’oppose à cette demande.

Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En premier lieu, il ressort des développements précédents que le licenciement pour faute grave notifié au salarié le 23 mars 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le harcèlement moral dénoncé par l’appelant est établi.

En second lieu, il ressort des mêmes développements que les faits à l’origine du harcèlement moral reconnu par la cour ont été commis par l’employeur entre le 1er septembre 2015 et le 1er mars 2018 et que les derniers faits sont survenus peu de temps avant l’engagement par l’employeur de la procédure disciplinaire à l’encontre du salarié, la société n’ayant pas hésité à se fonder sur des faits prescrits pour justifier le licenciement litigieux.

Il se déduit de cette chronologie que le licenciement prononcé à l’encontre de M. [L] s’inscrit dans le contexte de harcèlement moral reconnu par la cour dans les développements précédents.

Par suite, le licenciement doit être annulé du fait du harcèlement moral avéré.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

Au préalable, comme il a été dit précédemment, la rémunération mensuelle brute du salarié doit être fixée à la somme de 3.650 euros. De même, la société Tepif employait à titre habituel au moins onze salariés. Enfin, l’ancienneté de M. [L] à la date de son licenciement était de 3 ans, 6 mois et 21 jours.

En premier lieu, M. [L] demande à la cour de condamner l’employeur à lui verser la somme de 30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit, en application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à la cause, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au vu des éléments d’appréciation dont dispose la cour, et notamment de l’âge du salarié (27 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté dans l’entreprise, de sa rémunération moyenne brute et du fait qu’il est demeuré 9 mois au chômage, le préjudice résultant du licenciement nul sera fixé à la somme de 22.500 euros.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En deuxième lieu et dans la mesure où la cour a rejeté la demande de reclassement de M. [L], celui-ci sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Tepif à lui verser les sommes suivantes :

– 2.618 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

– 261,80 euros de congés payés afférents,

– 3.317 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.

En défense, la société Tepif ne conteste pas dans ses écritures les montants ainsi alloués par le conseil de prud’hommes.

Par suite, le jugement sera confirmé de ces chefs, précision faite que les sommes prononcées au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents sont exprimées en brut.

En troisième lieu, le conseil de prud’hommes a alloué au salarié la somme de 7.076,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, outre 707,66 euros de congés payés afférents.

Dans la mesure où la cour a rejeté sa demande de reclassement, M. [L] sollicite la somme de 10.614 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.061 euros de congés payés afférents.

Il ressort des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail et des stipulations concordantes de l’article 5 de la convention collective applicable que M. [L] est fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis de deux mois.

Il lui sera ainsi alloué la somme de 7.300 euros bruts à ce titre, outre 730 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence sur le quantum.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Selon les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, notamment dans le cas prévu à l’article L. 1152-3, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

La nullité du licenciement du salarié ayant été prononcée en application du l’article L. 1152-3, il y a lieu d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance :

S’agissant de la demande formée par la société Tepif en restitution des sommes versées au titre de l’exécution du jugement, il est constant que l’arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de la décision de première instance, sans qu’il soit nécessaire d’en faire expressément mention.

En outre, il ressort des développements précédents que les sommes allouées au titre du présent arrêt sont d’un montant supérieur à celles prononcées par le conseil de prud’hommes au titre du jugement attaqué.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande formée par la société Tepif.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande du salarié tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu’il y ait de prononcer une astreinte.

La société Tepif qui succombe partiellement, est condamnée à verser à M. [L] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

La société Tepif doit supporter les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement :

– sur le quantum des sommes prononcées au titre du rappel de salaire pour maintien de rémunération, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

– en ce qu’il a débouté M. [G] [L] de sa demande d’annulation du licenciement et de ses demandes pécuniaires au titre du licenciement nul, des heures supplémentaires et des congés payés afférents,

– en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– en ce qu’il a fixé le salaire mensuel brut de M. [G] [L] à la somme de 3.538 euros,

CONFIRME le jugement pour le surplus, précision faite que les sommes prononcées au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et des congés payés afférents sont exprimées en brut

Statuant à nouveau sur les chef infirmés et y ajoutant :

DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande formée par la société de transport d’enfants [Localité 2] Île de France aux fins de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

PRONONCE la nullité du licenciement pour faute grave notifié par la société de transport d’enfants [Localité 2] Île de France à M. [G] [L],

CONDAMNE la société de transport d’enfants [Localité 2] Île de France à verser à M. [G] [L] les sommes suivantes :

– 7.200 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées,

– 720 euros bruts de congés payés afférents,

– 22.500 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 7.686,25 euros bruts de rappel de salaire au titre du maintien de la rémunération,

– 7.300 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 730 euros bruts de congés payés afférents,

– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

ORDONNE à la société de transport d’enfants [Localité 2] Île de France de remettre à M. [G] [L] un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à l’arrêt,

DIT n’y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société de transport d’enfants [Localité 2] Île de France aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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