Licenciement disciplinaire : 15 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06936

·

·

Licenciement disciplinaire : 15 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06936

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/06936 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MUAJ

[P]

C/

Société NOUVELLE C.G.V.L Société [C]

Société MJ SYNERGIE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 12 Septembre 2019

RG : F 18/00631

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 15 FEVRIER 2023

APPELANT :

[E] [P]

né le 14 juin 1972 à [Localité 16]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Claire DUPONT GUERINOT de la SELAS CELEV CONSEIL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIN substituée par Me Matthieu PROUSTEAU, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société NOUVELLE C.G.V.L

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Marion MECATTI, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lidwine MEYNET de la SELARL LYTEM AVOCAT, avocat au barreau de LYON

Société [C] représentée par Me [RS] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL

Le Britannia Bâtiment B,

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Marion MECATTI, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lidwine MEYNET de la SELARL LYTEM AVOCAT, avocat au barreau de LYON

Société MJ SYNERGIE représentée par Me [L] [HR] ou Me [MX] [A], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Marion MECATTI, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lidwine MEYNET de la SELARL LYTEM AVOCAT, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

[Adresse 6]

[Localité 8]

représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Décembre 2022

Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 février 2008, M. [E] [P] a été embauché en qualité de chauffeur poids lourds, par la société NOUVELLE CGVL, entreprise de transports routiers de marchandises. Le poste de M. [P] était basé dans le département de la Nièvre.

A compter du 2 juillet 2012, il a occupé le poste de formateur tuteur, en qualité d’agent de maîtrise, coefficient 165, groupe 3, le poste de travail étant désormais fixé au siège de l’entreprise, à [Localité 20]. Un véhicule de service a été mis à sa disposition ainsi qu’une carte de carburant.

A compter du 1er janvier 2013, il s’est vu confier le poste de formateur.

A compter du 2 mai 2014, M. [P] a occupé le poste de Responsable Formation, avec octroi de missions supplémentaires de délégué à la sécurité.

Après avoir bénéficié d’une formation afin de devenir moniteur interne d’entreprise en Formations Continues Obligatoires (FCO) marchandises courant 2015, il s’est vu confier, par avenant du 1er octobre 2015, l’animation et le passage des FCO auprès des chauffeurs de l’entreprise. Il est alors devenu cadre.

Au 1er mars 2016, un véhicule de fonction a été mis à sa disposition ainsi qu’une carte de carburant.

Au dernier état de ses fonctions, il bénéficiait d’un statut cadre, coefficient 106,5, groupe 3, selon la convention collective nationale des transports routiers.

Par lettre recommandée en date du 22 septembre 2017, la Société NOUVELLE CGVL a convoqué M. [P] à un entretien préalable en vue de son licenciement pour motif économique, fixé au 3 octobre 2017, puis repoussé au 6 octobre 2017. L’employeur a dispensé le salarié de l’exécution de ses fonctions à compter du 22 septembre 2017, en raison notamment des coûts engendrés par ses déplacements.

Le 2 octobre 2017, Monsieur [P] a décliné les cinq propositions de reclassement effectuées par la société nouvelle CGVL, et, ayant identifié des postes susceptibles de lui convenir, a demandé à l’employeur pourquoi ces postes ne lui avaient pas été proposés.

Le 3 octobre 2017, la société nouvelle CGVL a fait 13 nouvelles propositions de reclassement et a proposé à M. [P] de lui faire passer un test d’anglais (TOEIC).

Par courrier recommandé en date du 5 octobre 2017, la société NOUVELLE CGVL a informé M. [P] que la procédure pour motif économique était annulée et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire et sa convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement pour mesure disciplinaire, fixé le 16 octobre 2017.

Le 9 octobre 2017, M. [P] a été placé en arrêt de travail par son médecin traitant.

M. [P] n’a pas assisté à l’entretien préalable du 16 octobre 2017.

Par courrier en date du 20 octobre 2017, Monsieur [P] a été licencié pour faute grave.

Par courrier en date du 5 décembre 2017, M. [E] [P] contestait l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés dans sa lettre de licenciement.

Par requête en date du 5 mars 2018, M.[P] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon pour contester son licenciement et solliciter la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire pour sa période de mise à pied, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 7 février 2019, la société NOUVELLE CGVL a été placée en redressement judiciaire, les SELARL BCM et AJ PARTENAIRES étant désignées coadministrateurs judiciaires, la SELARL MJ SYNERGIE MANDATAIRES JUDICIAIRES et Maître [DW] étant désignés comandataires judiciaires.

Par jugement en date du 12 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [E] [P] est fondé,

En conséquence,

– débouté Monsieur [E] [P] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté Monsieur [E] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires

– condamné Monsieur [E] [P] aux dépens de la présente instance.

Monsieur [P] a interjeté appel de ce jugement, le 8 octobre 2019.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 2 mars 2020, la société NOUVELLE CGVL a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL MJ SYNERGIE et la SELARL [C] étant désignées liquidateurs judiciaires.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 8 décembre 2022, M. [P] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il :

– a dit et jugé que son licenciement pour faute grave est fondé,

– l’a débouté de l’intégralité de ses demandes financières en sus de sa demande d’exécution provisoire de la décision à intervenir, d’avance des créances et de garantie du paiement par l’AGS / CGEA et de condamnation de la société NOUVELLE CGVL aux dépens,

– l’a condamné aux dépens.

STATUANT A NOUVEAU :

– de dire et juger que la faute grave invoquée à l’appui de son licenciement notifié par la société NOUVELLE CGVL n’est pas justifiée et par conséquent, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– de fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société NOUVELLE CGVL à concurrence des sommes suivantes :

-indemnité conventionnelle de licenciement (nette) : 10 254,93 euros

-indemnité compensatrice de préavis (brute) : 9 690 euros

-indemnité de congés payés sur préavis (brute) : 969 euros

-rappel de salaire pour la période de mise à pied (brut) : 1 366,17 euros

-congés payés afférents (bruts) : 136,62 euros

-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (nets) : 29 745,00 euros

-article 700 du Code de procédure civile : 2 500 euros

-de dire que l’AGS / CGEA devra procéder à l’avance de ces créances et en garantir le paiement,

-de condamner la Société NOUVELLE CGVL aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 2 juin 2020, la société NOUVELLE CGVL, la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de co-mandataire judiciaire et co-liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL et la SELARLU [C], ès qualités de co-mandataire judiciaire et co-liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL demandent à la cour :

A titre principal :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– constaté que Monsieur [E] [P] a commis des manquements graves à ses obligations professionnelles,

– dit et jugé que ces faits constituent une faute d’une particulière gravité empêchant son maintien dans l’entreprise même pendant la durée du préavis,

– par voie de conséquence, a débouté Monsieur [E] [P] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave :

– de dire et juger que ces faits constituent à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement,

– par voie de conséquence, de débouter Monsieur [P] de sa demande indemnitaire et de fixer la créance de Monsieur [P] au passif de la liquidation liquidation judiciaire de la société NOUVELLE CGVL à concurrence des sommes suivantes :

– 10 254,93 euros nets d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 9 690 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 960 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 366,17 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

– 136,62 euros bruts à titre de congés payés afférents,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement de Monsieur [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse :

– de constater le caractère exorbitant de la demande indemnitaire de Monsieur [E] [P] et l’absence de démonstration d’un préjudice professionnel,

– de cantonner une éventuelle condamnation à titre indemnitaire à trois mois de salaire bruts, soit 9 765 euros,

– de fixer la créance de Monsieur [P] au passif de la liquidation judiciaire de la Société NOUVELLE CGVL à concurrence cette somme de 9 765 euros.

En tout état de cause :

– de débouter Monsieur [E] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– de condamner Monsieur [E] [P] aux entiers dépens de l’instance,

– de condamner Monsieur [E] [P] à titre reconventionnel au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à verser à la Société NOUVELLE CGVL la somme de 2 500 euros.

L’UNEDIC Délégation AGS CGEA, aux termes de ses conclusions, notifiée le 18 mars 2020, demande à la cour :

– de confirmer le jugement entrepris,

– subsidiairement, de minimiser dans de très sensibles proportions les sommes octroyées,

En toute hypothèse,

– de dire et juger que sa garantie n’intervient qu’à titre subsidiaire, en l’absence de fonds disponibles,

– de dire et juger qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du Code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du Code du travail,

– de dire et juger que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des éventuelles créances garanties, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du travail,

– de dire et juger qu’elle ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– de la dire et juger hors dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2022.

SUR CE,

Sur le licenciement pour faute grave :

Monsieur [P] fait valoir :

– que la décision de ne pas accompagner des conducteurs sur la partie conduite durant leur formation continue obligatoire est celle de l’entreprise et qu’il n’a fait que suivre les instructions données par la direction générale de la société,

– que la Direction des Ressources Humaines et la Direction Générale disposaient d’un libre accès aux plannings et à tous les accompagnements qu’il a faits et qu’il est donc totalement faux de soutenir que ces faits ont été révélés par un salarié le 5 octobre 2017,

– que les attestations produites par la société ne sont pas conformes au Code de procédure civile et attestent de la pression mise sur les autres salariés, ceux ayant refusé ayant été licenciés ;

– que sa clause d’exclusivité, rédigée dans des termes totalement généraux, sans préciser les activités visées, est illicite,

– que la société NOUVELLE CGVL a toujours été informée de l’existence de son auto-entreprise, créée en 2009 dans les espaces verts, soit bien avant la signature de son avenant du 2 juillet 2012, et que cela n’a jamais posé problème compte tenu de la nature de cette activité (non concurrente à SN CGVL) et de son faible volume,

– qu’il n’a jamais travaillé pour son compte pendant ses horaires de travail, ni avec les outils professionnels mis à sa disposition par la Société NOUVELLE CGVL,

– qu’il n’a finalement utilisé qu’une seule fois son adresse mail professionnelle en janvier 2013 pour envoyer une facture de 50 euros à un de ses clients,

– que le transfert de mails émanant de sa boîte professionnelle sur son adresse mail personnelle ne concerne qu’une dizaine de mails, et que son but était de poursuivre son activité quand son téléphone professionnel ou ses accès professionnels ne fonctionnaient plus,

– que les mails relatifs au dénigrement de collègues datent de juillet 2015 pour la plupart, soit de plus de deux ans avant son licenciement, et ne relèvent que d’une conversation privée avec un seul collègue de travail,

– qu’en aucun cas, il ne s’agit de propos injurieux, diffamatoires, dénigrants ou excessifs ou d’une volonté de porter atteinte aux intérêts de l’entreprise,

– qu’en le licenciant pour faute, la Société NOUVELLE CGVL a cru pouvoir économiser ses indemnités de rupture en détournant les règles du licenciement collectif pour motif économique et qu’il n’a d’ailleurs jamais été remplacé.

La société NOUVELLE CGVL, la SELARL MJ SYNERGIE et la SELARLU [C] font valoir :

– que l’employeur a appris que M. [P], chargé de faire passer la FCO aux chauffeurs, se contentait le plus souvent de l’enseignement théorique sur 4 jours et ne réalisait pas la journée de conduite qui fait pourtant partie intégrante de cette formation,

– que du mois de janvier à septembre 2017, 24 chauffeurs poids-lourds n’ont pas effectué leur journée de conduite et qu’à ce titre, leur formation n’est pas valide,

– que l’analyse de l’agenda Outlook de M.[P] corrobore le fait que les mentions des jours de conduite dans les livrets de ces salariés sont fausses et qu’à ces dates, M. [P] était affecté à d’autres tâches ou travaillait de chez lui,

– que Monsieur [P] a donc gravement manqué à ses obligations professionnelles et à son obligation de loyauté,

– qu’antérieurement au 5 octobre 2017, elle n’avait aucune raison de penser que le salarié ne faisait pas son travail et de vérifier que les journées de formation qu’il déclarait n’étaient pas réalisées,

– que M. [P] a menti aux chauffeurs en leur disant que cette journée pratique de conduite n’était pas nécessaire à la validation de leur FCO,

– que le salarié ne démontre aucunement les prétendues man’uvres de la Direction qui l’auraient contraint de commettre ces manquements,

– que M. [P] a créé le 1er août 2009, une société appelée Les Services de Chaillou sans la prévenir ni solliciter d’autorisation

– que les avenants à son contrat de travail signés en juillet 2012 et le 1er janvier 2013 contiennent une clause d’exclusivité, interdisant l’exercice d’une activité professionnelle, ce qui est proportionné et justifié par rapport au but recherché dans la mesure où M. [P] exerçait ses fonctions administratives à son domicile et disposait d’une totale liberté dans l’exécution des tâches lui incombant,

– qu’au moment de la mise à pied conservatoire de M. [P], elle a découvert qu’il travaillait pour sa société en utilisant les outils professionnels, et notamment sa messagerie, mis à sa disposition et ce, également pendant les heures de travail,

– que M. [P] ne peut invoquer une violation de sa vie privée dans la mesure où ses mails ont été envoyés depuis sa messagerie professionnelle, avec l’ordinateur qu’elle lui avait mis à disposition et pendant ses journées de travail,

– qu’elle a découvert que depuis plusieurs années, il transférait des mails émanant de sa boîte professionnelle sur son adresse mail personnelle alors qu’il s’agissait de données appartenant à l’entreprise et comprenant des données personnelles des salariés,

– que, ces agissements ne peuvent s’expliquer par une panne de téléphone, dont , au demeurant, le salarié ne rapporte pas la preuve

– que le salarié est tenu par une clause de secret professionnel dont le non-respect constitue une faute grave justifiant la rupture du contrat,

– que les actions de dénigrement de ses collègues et même de ses supérieurs hiérarchiques auprès d’autres collègues, en utilisant la messagerie professionnelle, de la part d’un cadre, ont nécessairement des conséquences préjudiciables en termes de management et d’ambiance de travail,

– qu’elle ne conteste pas la suppression du poste de M. [P] dans la mesure où elle avait dans un premier temps initié une procédure de licenciement pour motif économique et que ce n’est qu’à la découverte des faits d’une particulière gravité que la procédure de licenciement a pris une orientation disciplinaire,

L’UNEDIC Délégation AGS CGEA CHALON-SUR-SAONE fait valoir :

– que l’employeur rapporte la preuve de la réalité et de la matérialité des griefs reprochés qui, pris individuellement, suffisent à caractériser la faute grave,

– qu’il est manifeste que M. [P] a manqué à l’exécution de ses fonctions salariées en se dispensant d’assurer les journées de conduite faisant partie de la FCO aux chauffeurs de la société SN CGVL et que cela résulte des attestations produites par lesdits chauffeurs et de l’agenda de M. [P],

– qu’il est patent que M. [P] a constitué le 1er août 2009 une société Les services de Chaillou et en a poursuivi l’exploitation en violation de sa clause d’exclusivité,

– que l’employeur prouve encore que M. [P] s’est transmis par mail à destination de son adresse personnelle des éléments professionnels caractérisant la violation de la clause de son contrat de travail « secret professionnel »,

– que la société SN CGVL verse aux débats des mails qui établissent le dénigrement par M. [P] de ses collègues de travail,

***

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Les griefs faits dans la lettre de licenciement sont au nombre de 4 :

1/ Le manquement dans l’exécution de ses fonctions :

« Salarié au sein de la SN CGVL depuis le 27/08/2008, en dernier lieu en qualité de Responsable Formation, vous êtes tenu à une obligation de loyauté envers votre employeur. Cette dernière découle directement du devoir qui est le vôtre d’exécuter votre contrat de travail de bonne foi. A ce titre, vous ne devez pas avoir de comportements susceptibles de porter atteinte et préjudice à votre employeur.

Or, des faits d’une particulière gravité nous ont été révélés par un salarié le 05/10/2017 nous entrainant à vous signifier votre mise at pied conservatoire immédiate.

En effet, alors que l’entreprise vous avait financé une formation de 7 320 euros vous permettant d’être agréé pour dispenser des Formations Continues Obligatoires à nos conducteurs, laquelle repose sur 4 jours de théorie et une journée de conduite pratiques en accompagnement, nous avons découvert que pour de nombreux conducteurs, vous n’aviez pas réalisé ladite journée de conduite. Pour le cacher vous avez indiqué de fausses dates sur les livrets alors que ces derniers font foi pour la délivrance des FCO.

Nous avons repris les formations que vous aviez dispensées et les avons comparées avec votre emploi du temps. Nous avons ainsi pu nous rendre compte, à titre d ‘exemples que :

– Le 04/01 vous avez indiqué avoir réalisé un accompagnement sur [Localité 9] alors qu’en fait vous vous trouviez à [Localité 22] le jour en question

– Le 11/03 vous avez indiqué avoir réalisé un accompagnement sur le 69 alors qu’il s ‘agissait d’un samedi et que vous ne travailliez pas.

– Vous avez même été jusqu’à indiquer un accompagnement durant vos congés payés.

Cette liste n’est pas exhaustive et ne représente que quelques exemples parmi l’ensemble des accompagnements conducteurs que vous avez prétendus avoir effectués alors qu’il n ‘en n ‘était rien.

Cette journée de conduite fait partie intégrante de la formation et de sa validation comme vous le savez. En ne la réalisant pas, la validité de la FCO de nos conducteurs peut être remise en cause alors que cette formation est obligatoire pour la conduite.

Le risque pour l’entreprise est considérable et gravissime puisque la validité de la FCO de nos chauffeurs est remise en cause.

Pour arriver à votre fin, vous avez en outre dupé les conducteurs en leur disant qu’il n’était pas nécessaire de faire cette journée de conduite pour valider leur FCO. Vous avez donc trompé leur confiance.

Il va de soi que votre mépris de votre obligation de loyauté vis-à-vis de notre entreprise est particulièrement grave et inacceptable compte-tenu de votre statut de cadre et de Responsable Formation. »

Il résulte des dispositions combinées des articles R3314-10 et R3314-11 du code des transports que tout conducteur mentionné à l’article R. 3314-1 doit suivre un stage de formation continue obligatoire, d’une durée de 35 heures, tous les cinq ans, le premier stage ayant lieu cinq ans après l’obtention de la qualification initiale et que, lorsqu’il est réalisé en entreprise par un moniteur d’entreprise, le stage peut également être organisé sur une période maximale de trois mois, en deux sessions comportant un jour consacré à la partie pratique de la conduite et quatre jours consécutifs pour le reste du programme.

La société Nouvelle CGVL verse aux débats :

La convention de formation « moniteur interne d’entreprise en FCO marchandises » de M. [P], en date du 26 août 2015 ;

Le compte rendu d’entretien professionnel daté du 18 janvier 2017, qui rappelle les principales missions du salarié, parmi lesquelles figure « animation et passage des FCO en interne auprès des chauffeurs de l’entreprise » ;

24 « fiches récapitulatives de suivi de formation à la pratique de la conduite » pour l’année 2017, sur lesquelles sont portés, une date, l’immatriculation du véhicule, une durée de conduite, une durée des commentaires pédagogiques ainsi que la signature du stagiaire et du formateur ;

Le procès-verbal de constat du 19 octobre 2017 dressé par Me [R], huissier de justice, qui a pris des clichés photographiques du calendrier Outlook se trouvant sur l’ordinateur professionnel de M. [P] ;

Un compte rendu d’entretien entre M. [T], salarié de la SN CGVL et Mme [BB], DRH établi par cette dernière et daté du 5 octobre 2016 et selon lequel, ce salarié « de passage pour un convoyage à [Localité 13] » et, après avoir demandé des renseignements sur son permis SPL qu’il devait passer prochainement a expliqué, « au sujet de sa dernière FCO qu’il avait passée du 30 mai 2017 au 2 juin 2017 inclus à [Localité 13], qu’il n’avait jamais effectué la journée de conduite avec M. [P]. Ce dernier lui aurait dit que cela n’était pas nécessaire puisque M. [T] était déjà depuis un petit moment dans l’entreprise et qu’il avait l’habitude de conduire. Ainsi, M. [P] a indiqué une date de conduite sur le livret de formation faisant foi pour la délivrance de la FCO qui ne correspondait à une réelle journée d’accompagnement en conduite auprès de M. [T]. Il a fait signer M. [T] qui lui a fait confiance et n’a pas remis en cause son explication. »

5 comptes rendus d’entretien postérieurs au licenciement, datés des 27/10/2017, 14/06/2018 et 15/06/2018, selon le même processus : Mme [BB], DRH ou Mme [M], RRH, mènent l’entretien et interrogent le salarié sur sa dernière FCO, celui-ci reconnaît n’avoir pas effectué la journée de conduite et avoir signé le livret en fin de session.

La fiche de suivi de formation du 4 janvier 2017 correspond à la salariée Mme [IA] [G], qui a suivi la formation théorique FCO entre le 17 et le 20 janvier 2017 : il est mentionné une durée totale de formation pratique de 3h01. Il n’est pas contesté que le lieu de travail de Mme [IA] est [Localité 9].

L’agenda OUTLOOK de M. [P] mentionne qu’il se trouvait ce jour-là, de 9 heures à 11 heures à [Localité 22].

Une fiche, datée du 11 mars 2017, a été remplie (durée totale de la formation : 4h42) et signée par le stagiaire (M. [TD]) et le formateur. Le 11 mars 2017 est un samedi.

Une fiche a été remplie le 28 août 2017 (salarié M. [Z] [U], durée de la formation : 2h54). L’agenda Outlook de M. [P] mentionne « congés payés » pour la semaine du 28 août 2017.

Le salarié n’était donc pas en activité, de sorte qu’il n’a pas pu dispenser de formation ce jour-là.

L’employeur a récapitulé, pour les 24 salariés, ayant suivi la formation théorique FCO en 2017, le jour de la formation pratique tel qu’il figure sur la fiche de formation à la pratique, le lieu de travail de chaque salarié ([Localité 13], [Localité 18], [Localité 17], [Localité 10], [Localité 21], [Localité 19]’) ou le département (03, 52, 21, 44′), et l’a rapproché de l’emploi du temps de M. [P] : pour seulement deux salariés sur 24 (M. [H], le 11/01 et M. [Y] le 9/01/17), il est inscrit sur l’emploi du temps « accompagnements », ce qui est compatible avec la dispensation de la formation pratique. Pour les autres salariés, l’agenda Outlook mentionne un lieu de travail incompatible avec une présence du formateur auprès du conducteur ou pas d’indication (ni lieu de travail de M. [P] ni accompagnements).

Le salarié ne conteste pas n’avoir pas dispensé la formation pratique et, pour justifier avoir agi ainsi sur consigne de son employeur, verse aux débats les attestations de :

[F] [V], ancien salarié de la société nouvelle CGVL, qui déclare avoir suivi la formation théorique FCO, à [Localité 13], en juin 2016 et avoir « assisté au coup de fil de Mme [I] [MN], indiquant à M. [P] d’attendre pour effectuer les accompagnements, suite à la mauvaise santé financière de l’entreprise» ; le salarié ne dit pas que sa journée de formation pratique n’a pas eu lieu ;

Une attestation de [K] [N], conducteur, il déclare que sa formation FCO était programmée sur la période de mars 2017 mais que son responsable hiérarchique M. [J], en janvier 2017 lui a indiqué que celle-ci devait être validée sans passer par les jours obligatoires enseignés par M. [P], que, comme il a refusé, la formation a été maintenue mais qu’il ne l’a pas faite car il a été licencié au mois de février 2017 ;

Un mail du 2 octobre 2017 de M. [W], et l’attestation de ce salarié en date du 5 février 2019 dont les contenus sont identiques « je certifie ne pas avoir passé ma FCO par la voie normale, c’est à dire avoir suivi les 5 jours de formations en interne. Salarié des transports CGVL de juin 2016 à février 2018, j’aurai dû effectivement la passer en fin d’année 2016. A la demande de la direction, et au vu de mon poste dans l’entreprise (Responsable d’exploitations sur le site de [Localité 11]), la direction m’a obligé à ne pas me rendre au siège pour effectuer cette formation FCO. M. [P] [E] responsable formation, n’était pas d’accord avec la direction, mais cette dernière l’a obligé à opérer ainsi. Ma FCO a donc été renouvelée de cette façon » ; toutefois, la fiche de poste de responsable d’exploitation, versée aux débats par la société nouvelle CGVL, n’inclut pas la conduite d’un poids-lourd, de sorte que M. [W] n’était pas soumis à une formation continue obligatoire ;

Un mail de Mme [D] [BB], DRH, en date du 9 novembre 2016, adressé notamment à [E] [P] attirant l’attention sur la situation financière de l’entreprise et demandant à chaque service de faire des économies et notamment sur les déplacements et s’agissant plus particulièrement de M. [P] « [E], comme vu ensemble, le maximum doit être fait de chez vous. Vous venez bien évidemment la semaine entière à [Localité 13], quand il y a une FCO. Pour les réunions sinistralité, cela se fera à distance. Et validez également avec moi les venues sur [Localité 13]. »

Il ne peut être déduit du mail de Mme [BB] du 9 novembre 2016 une directive de cette dernière de ne pas procéder aux journées de formation pratique. Du reste, quelques jours auparavant, le 4 novembre 2016, Mme [BB] avait adressé un mail à M. [P] « 2 choses que je voulais voir avec vous : [‘] Egalement, au niveau dépenses, [I] nous a demandé de faire des économies chacun sur nos parties. Car au niveau des résultats, ce n’est pas ça. Du coup, il faut vraiment réduire les postes de dépense, tout confondus. De ce fait, elle nous demande d’optimiser les déplacements des membres de nos services. Du coup, vous venez bien évidement pour les FCO la semaine entière. Et après, j’aimerai sur un même mois, vous groupiez sur 2/3 jours d’affilée votre venue sur [Localité 13] plutôt de venir quelques jours sur des semaines qui se suivent. Je pense que de toute façon avec les visites des entrepôts + les accompagnements, vous allez être pas mal sur les sites.

Je vous laisse y réfléchir et on en parle de vive voix la semaine pro. ».

Ainsi, les « accompagnements » sont abordés sans toutefois être identifiés comme un poste sur lequel il peut être fait des économies.

Il en résulte que M. [P] n’établit pas qu’il a reçu consigne de ne pas effectuer la journée de formation pratique.

Le grief est démontré par l’employeur.

2/ le non-respect de la clause d’exclusivité et le manquement à l’obligation de loyauté :

« Votre manquement à votre obligation de loyauté va par ailleurs encore plus loin puisque suite à votre mise à pied conservatoire et afin d’assurer la continuité du service, nous avons dû travailler depuis votre session informatique professionnelle et nous nous sommes aperçus que vous possédiez une société à votre nom, élément que vous n’aviez jamais porté à notre connaissance, en mépris de la clause d’exclusivité figurant dans vos avenants à votre contrat de travail.

Il s’avère que vous travailliez pour cette dernière depuis les outils professionnels mis à votre disposition par l’entreprise et ce, pendant les heures de travail rémunérées par CGVL.

Ainsi, et à titre d’exemple parmi d ‘autres :

– Le vendredi 11 septembre 2015 à 10 h 01 : envoi d ‘un devis pour le compte de votre entreprise,

– Le mardi 26 février 2013 à 17 h 09 : envoi d’un devis pour le compte de votre entreprise,

– Le lundi 21 janvier 2013 à 14 h 10 : envoi d’une facture pour le compte de votre entreprise.

– Etc.

Par ailleurs, durant les périodes de congés au cours de l’année 2017, donc payées par CGVL, vous avez vraisemblablement effectué des prestations pour votre entreprise en chantiers.

Vous avez donc d’une part utilisé les moyens de votre employeur à des fins personnelles mais n’avez également pas exécuté votre contrat de travail de bonne foi. »

Aux termes de l’article L1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

L’avenant au contrat de travail, signé le 2 juillet 2012 contient une clause selon laquelle « le salarié s’engage à consacrer professionnellement toute son activité et tous ses soins à la Société, l’exercice de toute activité professionnelle soit pour son compte soit pour le compte d’un tiers lui étant interdite. »

Il est constant que M. [P] a créé une activité dénommée « les services du Chaillou » en 2009.

La clause d’exclusivité est rédigée en termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié et ne permet pas dès lors de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail est justifiée et proportionnée.

La société nouvelle GCVL, ne peut reprocher, en vertu de cette clause d’exclusivité, au salarié d’avoir exercé son activité pendant ses congés, grief au demeurant hypothétique et non démontré par l’employeur.

En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La société nouvelle CGVL verse aux débats :

4 mails envoyés de l’adresse mail professionnelle « [Courriel 12] » à l’adresse « [Courriel 15] », expédiés entre le 26 février 2013 et le 11 septembre 2015 avec, en pièce jointe un devis ou une facture afférente à l’activité « les services de Chaillou », sans contenu à l’exception de celui du 14 avril 2014, vraisemblablement adressé à sa compagne « peux-tu me l’imprimer et donner à Intermarché, mon amour ‘» et, en pièce jointe une facture au nom d’Intermarché à [Localité 5] ( domicile du salarié) ;

2 mails, en date du 18 mai 2016 et 27 mars 2017 de transmission à l’adresse « [Courriel 14] » de mails reçu sur sa boite mail professionnelle et ayant trait à une activité de travaux : le premier ayant pour objet « devis chantier placo » et le second pour objet « date dispo » ; les mails émanent d’un ami ;

Un mail du 21 janvier 2013 adressé à partir de la boite mail professionnelle avec en pièce jointe une facture à destination des Pompes Funèbres JOLY à [Localité 5], d’un montant de 50 euros.

Ces courriels n’étaient pas identifiés comme étant personnels et l’exercice d’une activité professionnelle autre pendant le temps de travail ne relève pas de la vie privée du salarié.

En utilisant les moyens obtenus dans le cadre de son travail pour développer une autre activité pendant le temps de travail, le salarié a manqué à son obligation de loyauté.

Le grief de manquement à l’obligation de loyauté est établi.

3/le transfert de mails émanant de sa boîte professionnelle sur son adresse mail personnelle

« En outre, comme évoqué précédemment, lorsque nous avons dû travailler depuis votre session informatique professionnelle, nous avons également découvert que depuis plusieurs années, vous vous transfériez des mails émanant de votre boite professionnelle sur votre adresse mail personnelle alors qu’il s’agissait de données appartenant à l’entreprise et comprenant des données personnelles des salariés.

A titre d ‘exemples parmi d ‘autres :

– Le 03/07/2017 : envoi de la liste de l’ensemble de nos employés avec leurs coordonnées personnelles,

– Le 15/03/2017 : envoi des photos d’une soirée d’entreprise,

– Le 12/03/2017: envoi du refus de mutation d’un salarié,

– Le 25/11/2016 : envoi de l’arrêt de travail d’une salariée,

– Le 18/07/2016 : envoi d’éléments contractuels avec un client de l’entreprise,

– Etc.

Vous avez même transféré le livret d’accueil de l’entreprise comportant des informations spécifiques a CGVL à une personne externe en septembre 2017.

Pourtant vous possédez une clause de secret professionnel dans votre avenant signé le 1er janvier 2013. Force est de constater que vous n ‘avez pas cru bon en tenir compte. »

L’employeur verse aux débats les transferts, opérés par M. [P], depuis sa boite professionnelle vers sa boite personnelle de documents tels que la liste des employés (le 9 décembre 2016), l’arrêt maladie d’une salariée (le 25 novembre 2016), le livret d’accueil des salariés (le 12 septembre 2017).

Ces transferts ne sont pas contestés et le salarié ne justifie pas qu’une panne de téléphone lui aurait imposé de tels transferts.

Pour autant, la violation du secret professionnel n’est pas établie, l’employeur ne démontrant pas que M. [P] aurait diffusé les informations contenues dans les pièces transmises qui auraient été portées à la connaissance des tiers.

4/ le dénigrement de collègues et supérieurs hiérarchiques

‘A cela, s’ajoute le dénigrement de collègues ou supérieurs par mail auprès d’autres collègues.

Ainsi quelques exemples :

Par mail du 22/07/2015 à [X] [WY], Gestionnaire Paie : « Elle n’est pas encore rentrée Mamie ‘ » Faisant ainsi référence à la supérieure hiérarchique de Mme [WY], Mme [DM] [B] ;

Dans la même lignée, le 28/07/2015 à [X] [WY], Gestionnaire Paie : « Donne à boire à ta collègue, car je crois que cette dernière va nous péter un boulon » avec la photo d’une personne âgée.

Par mail du 21/04/2017: « C ‘est trop tard elle m’a gonflé » en parlant de sa supérieure hiérarchique Mme [BB].

Le 7 octobre 2015, vous adressez un relevé des pleins de septembre 2017 à votre collègues Mme [O] [S] et lui indiquez « il y a un truc de marrant dedans matérialisé en violet. »

Vous aviez en fait surligné la prise de carburant de Mme [I] [MN], Directrice Générale Financière, alors que vous n’êtes absolument pas en charge du suivi des pleins du personnel de la structure. De la sorte, vous avez contrôlé à son insu le plein de votre supérieure hiérarchique en cherchant à vous en moquer auprès d’une autre collègue.

Une telle attitude est clairement inacceptable de votre part, particulièrement quand on sait que vous êtes cadre avec un certain degré de responsabilité.

Enfin, en date du 10/10/2017, Madame [D] [BB], DRH, vous a demandé de restituer l’IPAD qui vous avait été mis à disposition par l’entreprise pour des besoins professionnels.

Nous vous avons en effet demandé de nous le renvoyer avant le 13/10/2017 et ce, pour la bonne continuité de nos services, ce que vous avez refusé de faire.

Ainsi, vous n’avez pas respecté la directive de votre hiérarchie, et avez conservé indument du matériel qui ne vous appartient pas.

Aussi, nous considérons que cette accumulation de faits constituent un manquement à vos obligations et ne correspondent absolument pas à ce que nous sommes en droit d’attendre d’un de nos cadres.

L’ensemble de ces faits constituent une faute grave, rendant impossible votre maintien même temporaire au sein de l’entreprise.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans préavis, ni indemnité de rupture.».

Les mails sont versés aux débats et il n’est pas contesté que l’employeur en a pris connaissance pendant la mise à pied conservatoire de M. [P] de sorte que mêmes anciens, ces faits pouvaient être reprochés à ce dernier.

Le dénigrement consistant à attaquer la réputation de quelqu’un et à le discréditer, en l’espèce, les propos tenus auprès d’un seul collègue par mail sont certes irrespectueux mais ne sont pas dénigrants.

Le grief n’est pas établi.

L’employeur démontre l’exécution déloyale du contrat de travail et le manquement dans l’exécution de ses fonctions, étant observé que ce manquement concerne le c’ur de métier de M. [P], qui était formateur et avait reçu une formation spécifique à cette fonction.

Ce manquement est d’une gravité telle qu’il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

La circonstance que le poste du salarié a été supprimé ne démontre pas une absence de cause au licenciement : la société nouvelle GGVL avait envisagé un licenciement économique et l’externalisation de la formation ; elle a maintenu ce choix de gestion postérieurement au licenciement disciplinaire de M. [P].

Le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

M. [P] dont le recours est rejeté sera condamné aux dépens d’appel.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de co-liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL et la SELARLU [C], ès qualités de co-liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition, contradictoirement :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement

Y ajoutant

Condamne M. [P] aux dépens d’appel ;

Déboute la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de co-liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL et la SELARLU [C], ès qualités de co-liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x