Licenciement disciplinaire : 14 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01605

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Licenciement disciplinaire : 14 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01605

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/01605 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HXWI

CRL/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

20 mai 2020

RG :F 17/00239

[H]

C/

S.A.S.U. NATURE COLLECTIVE

Grosse délivrée

le 14/02/2023

à

Me SAGUIA

Me BENAIM

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 20 Mai 2020, N°F 17/00239

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023 et prorogé ce jour ;

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [J], [B], [G] [H]

né le 17 Avril 1968 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Laila SAGUIA, avocat au barreau de NIMES substitué par Me COLOMBO Amandine, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S.U. NATURE COLLECTIVE

MIN DES ARNAVAUX 101, [Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Clément BENAIM de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me TANTIN Ludovic, avocat au barreau de MARSEILLE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [J] [H] a été engagé par la société Elior à compter du 20 août 1996 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de commis de cuisine puis de chef gérant. Il était affecté au restaurant d’entreprise de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Vaucluse.

Le 1er octobre 2015, la société Elior perdait le marché de la Caisse Primaire d’assurance maladie et le contrat de travail de M. [H] était transféré par avenant à la même date, à la SAS Nature Collective.

Le 1er mars 2016, un nouvel avenant au contrat de travail était signé entre les parties, fixant notamment les objectifs du salarié pour l’exercice 2015-2016.

Le 29 octobre 206, la SAS Nature Collective notifiait à M. [J] [H] sa mise à pied conservatoire en raison du non-respect réitéré des règles en matière d’hygiène et de sécurité, et du non-respect réitéré du cahier des charges et le convoquait à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 novembre 2016, reporté au 24 novembre 2016, en raison d’un accident de vélo ayant plongé le salarié dans le coma le 28 octobre 2016.

Par courrier daté du 7 décembre 2016, M. [J] [H] était licencié pour faute grave.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 15 mai 2017, M. [H] saisissait le conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins de voir qualifier la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de la SAS Nature Collective au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire.

Par jugement en date du 20 mai 2020, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– dit que le licenciement pour faute grave de M. [H] était fondé

– condamné la société Nature Collective au paiement des sommes suivantes :

* 19 751,33 euros au titre de la non-observation de la garantie d’emploi,

* 259,11 euros au titre des jours d’ancienneté,

* 1 334,64 euros au titre de la prime d’objectifs 2015/2016,

* 1 361,33 euros au titre de la prime d’objectifs du 1er /03/2016 au 31/08/2016,

* 750,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la société Nature Collective aux entiers dépens et débouté les parties de leurs autres demandes.

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 03 juillet 2020, la SAS Nature Collective a régulièrement interjeté appel de cette décision. L’appel, enregistré sous le RG 20 01647, porte sur les dispositions suivantes du jugement :

‘ condamne la société Nature Collective au paiement des sommes suivantes :

* 19 751,33 euros au titre de la non-observation de la garantie d’emploi,

* 259,11 euros au titre des jours d’ancienneté,

* 1 334,64 euros au titre de la prime d’objectifs 2015/2016,

* 1 361,33 euros au titre de la prime d’objectifs du 1er /03/2016 au 31/08/2016,

* 750,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.’

Par déclaration effectuée par voie électronique le 07 juillet 2020, M. [J] [H] a également interjeté appel de ce jugement. L’appel, enregistré sous le RG 20 01605 porte sur les dispositions suivantes :

‘ réformé le jugement déféré en ce que le conseil de prud’hommes a :

– jugé que le licenciement pour faute grave de M. [J] [H] était fondé,

– débouté M. [J] [H] de tenant à la condamnation de la SASU Nature Collective au paiement des sommes suivantes : 63.204,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.487,50 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, 348,75 euros de congés payés y afférents, 5.267,02 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 526,70 euros de congés payés y afférents, 16.125,08 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 1.278,72 euros au titre du maintien de salaire pour la période du 28/10/2016 au 07/12/2016, 186,48 euros au titre du maintien de salaire pendant la période du 08/12/2016 au 13/12/2016.’

Par ordonnance en date du 25 septembre 2020, la jonction des procédures RG 20/01647 et RG 20/01605 a été ordonnée et l’instance s’est poursuivie sous le seul numéro RG 20/01605.

Par conclusions d’incident en date du 18 novembre 2020, M. [H] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins d’entendre juger l’irrecevabilité des conclusions de la société Nature Collective non transmise à l’intimée par RPVA, signification ou notification directe.

Par ordonnance d’incident du 08 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a :

– déclaré caduque l’appel formé par la société Nature Collective le 3 juillet 2020,

– dit que la procédure consécutive à la déclaration d’appel de M. [H] du 7 juillet2020, (déclaration d’appel n° 20/01880) enregistrée sous le numéro RG 20/01605 se poursuit,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Nature Collective aux dépens de l’incident.

Par ordonnance en date du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022 à 16 heures. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 décembre 2020, M. [J] [H] demande à la cour de :

– réformer le jugement déféré en ce que le conseil de prud’hommes a :

* jugé que son licenciement pour faute grave était fondé,

* l’a débouté de ses demandes tenant à la condamnation de la SASU Nature Collective au paiement des sommes suivantes :

‘ 63 204,24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 3 487,50 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

‘ 348,75 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 5 267,02 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 526,70 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 16 125,08 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

‘ 1 278,72 euros au titre du maintien de salaire pour la période du 28/10/2016 au 07/12/2016,

‘ 186,48 euros au titre du maintien de salaire pour la période du 8/12/2016 au 13/12/2016.

En conséquence,

– juger son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Nature Collective à lui verser les sommes suivantes :

‘ 63 204,24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 3 487,50 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

‘ 348,75 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 5 267,02 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 526,70 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 16 125,08 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

‘ 1 278,72 euros au titre du maintien de salaire pour la période du 28/10/2016 au 07/12/2016,

‘ 186,48 euros au titre du maintien de salaire pour la période du 8/12/2016 au 13/12/2016,

‘ 4 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.

Si le conseiller de la mise en état, dont la décision est attendue le 8 janvier 2021, décidait de

ne pas faire droit à ses demandes :

– confirmer le jugement déféré en ce que le conseil de prud’hommes a:

* 19 751,33 euros au titre de la non-observation de la garantie d’emploi,

* 259,11 euros au titre des jours d’ancienneté,

* 1 334,64 euros au titre de la prime d’objectifs 2015/2016,

* 1 361,33 euros au titre de la prime d’objectifs du 1er /03/2016 au 31/08/2016,

* 750,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause,

– condamner la société Nature Collective au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

– condamner la société Nature Collective aux entiers dépens.

M. [J] [H] soutient que :

– le jugement déféré est définitif sur les chefs de jugements critiqués par la SAS Nature Collective dès lors que son appel a été déclaré caduque par ordonnance définitive du conseiller de la mise en état en date du 8 janvier 2021, et la cour n’est saisie que de son appel concernant la mesure de licenciement pour faute et les demandes indemnitaires subséquentes,

– aucune mise à pied conservatoire ne lui a été notifiée par téléphone le 28 octobre 2016, et la lettre prétendue de confirmation datée du 29 octobre 2016 n’a été envoyée que le 31 octobre 2016 soit après que l’employeur ait été informé de son accident de vélo,

– alors qu’il était dans le coma, sa mère n’avait ni la capacité à retirer les recommandés qui lui ont été adressés, ni celle de le représenter dans la procédure de licenciement,

– en engageant la procédure à un moment où l’employeur savait qu’il ne pourrait ni se présenter à l’entretien préalable, ni faire valoir ses arguments compte tenu de son état de santé, la procédure le licenciement engagée à son encontre est irrégulière,

– la SAS Nature Collective a obtenu le marché de la restauration collective de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse en lieu et place de son précédent employeur en se présentant comme une adepte du ‘bio’ et de la cuisine naturelle, mais elle n’a pas respecté ses engagements notamment par rapport à la proposition de produits ‘ bio’ et la commission restauration de la Caisse Primaire d’assurance maladie lui en a fait le grief,

– il est la victime collatérale des difficultés rencontrées par la SAS Nature Collective avec la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse,

– les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont imprécis et approximatifs, la SAS Nature Collective confondant cahier des charges et synthèse du cahier des charges, catalogue fournisseur et produits référencés par la société auprès de ce fournisseur, responsabilité de chef de cuisine ou de chef gérant,

– les attestations versées aux débats par la SAS Nature Collective sont non probantes, et émanent pour partie de personnes avec lesquelles il n’a jamais travaillé,

– le grief relatif à la qualité des produits proposés et commandés est sans fondement dans la mesure où c’est M. [O], président de la SAS Nature Collective, qui assure personnellement le référencement des produits auprès des fournisseurs,

– contrairement à ce que tente de faire croire la SAS Nature Collective en produisant les catalogues des fournisseurs, lui-même lorsqu’il passait ses commandes n’avait accès qu’aux produits référencés par son employeur auprès du dit fournisseur et non pas à toute la gamme du catalogue,

– la politique de la SAS Nature Collective a consisté à proposer pendant les trois premiers mois du marché des produits de haute qualité et une fois passée la période d’essai à proposer des produits de qualité moindre, pour arriver à des objectifs de 60 centimes de marge par couvert là où son précédent employeur, avec sa puissance d’achat bien supérieure, ne parvenait qu’à 35 centimes,

– M. [O] validait toutes ses commandes et ne peut lui reprocher en même temps ses achats,

– il n’a jamais eu accès au cahier des charges conclu entre la Caisse Primaire d’assurance maladie et son employeur, n’ayant accès qu’à la synthèse établie par M. [O],

– la SAS Nature Collective n’apporte aucune explication sur le fait qu’elle ne lui a jamais fait de retour sur le non-respect qui lui est désormais imputé du cahier des charges, alors que deux commissions restaurant en juin 2016 et en septembre 2016 ont été l’occasion de reproches formulés par la Caisse Primaire d’assurance maladie,

– s’agissant du respect des règles d’hygiène et de sécurité, il les connaît et a fait son possible pour les respecter en tenant compte des contraintes locales, et notamment l’exiguïté de la cuisine et le manque de zones de stockage,

– le nettoyage des parties hautes de la cuisine et celui de la salle de restaurant était confié à des entreprises spécialisées, et s’agissant des questions qui lui ont été directement posées, étant en plein service il n’a pas été immédiatement en capacité d’y répondre, ce qui ne signifie pas pour autant que les plannings n’étaient pas respectés,

– le témoignage de M. [Z] est à relativiser dans la mesure où à la date du contrôle, il était le chef de cuisine et que suite à son licenciement il a été promu à son poste de chef de restaurant,

– le rapport de contrôle établi par les agents de la Caisse Primaire d’assurance maladie a été effectué par des non professionnels de l’hygiène alimentaire, et pendant le coup de feu, ce qui explique que la cuisine n’était pas totalement propre et rangée,

– il a servi de bouc-émissaire dans les rapports entre la Caisse Primaire d’assurance maladie et la SAS Nature Collective et son licenciement a permis de sauver le contrat de son employeur,

– il a toujours respecté les contraintes administratives imposées par la SAS Nature Collective, notamment la périodicité des inventaires,

– s’agissant de la coupure de gaz, outre le fait que la SAS Nature Collective ne s’explique par sur le terme d’attitude ‘non corporate’, il démontre que son employeur n’avait pas souscrit de contrat d’abonnement au gaz et continuait à fonctionner avec celui du précédent prestataire, ce qui explique la coupure,

– suite à cette coupure, il a dû assurer pendant trois semaines la préparation de 200 couverts en adaptant les menus, sans jamais dénigrer son employeur face aux clients,

– les griefs formulés à son encontre n’étant pas caractérisés, son licenciement doit être qualifié comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– ses demandes indemnitaires sont fondées, étant rappelé qu’il était plongé dans un coma profond lorsque son employeur a engagé la procédure de licenciement à son encontre.

En l’état de ses dernières écritures en date du 23 novembre 2020, la SASU Nature Collective demande à la cour de :

– la recevoir en son appel incident

– réformer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il l’a condamné au paiement des sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour non-respect de la garantie d’emploi : 19 751,33 euros

* indemnité jours d’ancienneté : 259,11 euros

* prime d’objectifs 2015/2016 : 1334,64 euros

* prime d’objectifs 2016 : 1361,33 euros

* article 700 du code de procédure civile : 750 euros

Statuant à nouveau :

– dire et juger que le licenciement de M. [H] repose sur une faute grave,

– débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

– condamner M. [H] à verser la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Nature Collective fait valoir que :

– contrairement à ce que tente de faire croire M. [J] [H] la procédure disciplinaire à son encontre a été engagée avant qu’elle ne soit informée de son accident, puisqu’elle lui a notifié par téléphone le 28 octobre 2016 sa mise à pied conservatoire, dans la suite du rapport de la Caisse Primaire d’assurance maladie et de la réception de l’analyse sur le prélèvement du 27 octobre 2016 révélant la présence de bactéries Echerichia Coli,

– elle a pris en compte la situation personnelle de M. [J] [H] en acceptant le report de la date de l’entretien, en adressant le courrier à l’adresse convenue avec la mère de M. [J] [H] , et le courrier recommandé, doublé d’un courrier simple, n’a pas été retiré,

– contrairement à ce qu’affirme M. [J] [H] , il a fait l’objet à plusieurs reprises de rappels à l’ordre et de mise en garde quant au respect des mesures d’hygiène et de sécurité, ainsi qu’en attestent les courriels et courriers qu’elle verse aux débats,

– M. [J] [H] a toujours manifesté son hostilité envers elle depuis la reprise du marché, particulièrement envers son dirigeant, regrettant l’évincement de la société Elior mais contraint d’accepter son transfert faute de se voir proposer un poste dans un rayon de moins de 600 km,

– cette hostilité s’est poursuivi ensuite, et notamment lors des visites de contrôles où selon les personnes présentes, il a manifesté un empressement à présenter toutes les non- conformités dont il renvoyait la responsabilité à son employeur, ainsi qu’en attestent les témoignages qu’elle dit verser aux débats,

– la restauration collective implique le respect d’un cadre réglementaire particulièrement strict en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire, qui s’impose à tous les personnels de cuisine, et le responsable de site est personnellement en charge du contrôle du respect de ces normes,

– elle a été destinataire d’une mise en demeure de la Caisse Primaire d’assurance maladie suite à son audit surprise du 11 octobre 2016, dans la perspective du renouvellement du marché, laquelle a relevé de graves carences dans la gestion de la cuisine,

– l’argument de M. [J] [H] selon lequel l’audit est à relativiser dans la mesure où il est intervenu en plein service est inopérant, de tels audits s’effectuant par principe pendant le service, le respect des normes étant particulièrement crucial en phase de production,

– les collègues de M. [J] [H] témoignent de son désintérêt pour les règles d’hygiène,

– les carences de M. [J] [H] se sont confirmées quelques jours après l’audit puisque les prélèvements effectués le 27 octobre 2016 ont révélé la présence d’Echerichia coli, bactérie régulièrement à l’origine de graves intoxications alimentaires,

– les explications de M. [J] [H] sur l’exiguïté des locaux sont infondées et ne peuvent expliquer les carences en terme d’entretien, et sont démenties par l’audit de conformité effectué en avril 2018,

– M. [J] [H] n’a respecté aucun des engagements du cahier des charges la liant avec la Caisse Primaire d’assurance maladie, qu’il s’agisse de l’origine des produits, de leur labelisation bio ou de leur mode de conservation, et a persisté dans ses manquements malgré les rappels dont il a fait l’objet,

– contrairement à ce que soutient M. [J] [H] , il entrait dans ses missions de chef-gérant, agent de maîtrise niveau VII de respecter les règles d’hygiène, de procéder aux achats des produits et de garantir la bonne application du contrat, et donc du cahier des charges, auquel il ne s’est jamais intéressé,

– il avait également à sa disposition tous les moyens d’accomplir correctement sa mission, qu’il s’agisse de la connaissance des dispositions du cahier des charges ou de l’accès aux fournisseurs,

– il n’existe aucun circuit de validation des commandes par la direction, mais uniquement des contrôles ponctuels, chaque responsable de site assurant son propre approvisionnement dans le respect du cahier des charges de son lieu d’exercice,

– M. [J] [H] a adopté une attitude déloyale à son encontre, que ce soit vis-à-vis des autres salariés, du donneur d’ordre ou des clients du restaurant collectif, et même de la concurrence,

– les attestations produites par M. [J] [H] sont criticables en ce qu’elles émanent de proches,

– l’ensemble des griefs est caractérisé et justifie le licenciement pour faute grave,

– la garantie d’emploi conventionnelle ne s’applique pas dans le cadre d’un licenciement disciplinaire,

– la prime d’objectif n’a pas été versée à M. [J] [H] faute pour lui d’avoir atteint les objectifs définis dans l’avenant à son contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS

* sur l’étendue de la saisine de la cour

Ensuite de l’ordonnance d’incident du conseiller de la mise en état en date du 08 janvier 2021, qui n’a pas fait l’objet de déféré, l’appel formé par la société Nature Collective le 3 juillet 2020 a été déclaré caduc et la seule la procédure consécutive à la déclaration d’appel de M. [H] se poursuit.

En conséquence, la cour n’est saisie que des demandes relatives à la contestation du licenciement et aux demandes indemnitaires subséquentes.

* sur le licenciement

S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l’entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d’éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l’employeur.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 14 décembre 2016 qui fixe les limites du litige, a été rédigée dans les termes suivants :

‘ Monsieur,

Nous vous avons notifié oralement votre mise à pied à titre conservatoire en date du 28/10/2016. Puis par courrier recommandé avec avis de réception en date du 29/10/2016, nous vous avons confirmé votre mise à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable prévu le 14 novembre 2016.

Cependant, nous avons été informé de votre hospitalisation postérieurement à notre envoi.

Compte tenu de ces circonstances, dans un nouveau courrier recommandé avec avis de réception en date du 08/11/2016, doublé d’un envoi simple, nous avons pris l’initiative de reporter votre entretien préalable au 25/11/2016, tout en vous permettant de vous faire représenter par un membre de votre famille et vous donnant également la possibilité de nous répondre par écrit, avec la communication de la liste des griefs formulés à votre encontre.

Il est à noter que ni vous, ni un membre de votre famille ne s’est présenté à l’entretien préalable.

Notre premier pli recommandé présenté par les services postaux en date du 21/11/2016 nous est revenu non réclamé, et notre deuxième pli recommandé a été refusé par vos soins en date du 17/11/2016.

Nous avons à vous reprocher de nombreux manquements graves :

* votre non-respect réitéré du cahier des charges et de nos engagements contractuels :

Nature Collective est liée par un marché public à la CPAM d’Avignon, dont tous les engagements figurent dans le cahier des charges et dont vous êtes contractuellement le garant.

Cependant, malgré nos mises en garde antérieures, vous n’avez pas respecté nos consignes précises portant sur les commandes de produits et le respect de nos engagements.

A plusieurs reprises, le client nous a alerté sur votre gestion non conforme du restaurant et notamment sur le type et sur la qualité des produits commandés et proposés par vos soins.

Au mois de juillet 2016, le client avait exprimé des reproches écrits dans son compte rendu de la commission restauration.

Malgré ces reproches récents, la visite surprise de contrôle effectuée par une délégation du client en date du 11/10/2016 a donné lieu à une mise en demeure très préoccupante portant sur le non-respect du cahier des charges et des règles d’hygiène, reçue en date du 25/10/2016 par courrier recommandé avec accusé de réception.

Le client précise que ‘l’objectif de cette visite était de mesurer à l’échéance de la première année de prestation, le niveau d’adéquation entre le niveau de service fourni et le niveau de service attendu, conformément au cahier des charges’ sur lequel nous nous sommes engagés.

La conclusion du client est sans appel et formule de ‘nombreux dysfonctionnements de niveau critique’.

Par exemple, lors de cette visite de contrôle, 100% des viandes ( porc et volailles) et poissons présents dans le stock étaient surgelés!

Votre gestion des commandes est ici inadmissible car elle est strictement à l’opposé de nos engagements contractuels.

Il a également été constaté le jour du contrôle un ratio disproportionné de légumes surgelés par rapport aux légumes frais, ainsi que la présence de plats préparés industriels.

Or, nous avions déjà eu à vous reprocher ces faits au début du mois de juillet 2016, avec notamment l’utilisation non-conforme de fruits en conserve pour les salades de fruits, comme ceci fut évoqué dans nos échanges écrits avec le client suite à la commission restauration.

Par ailleurs, lors de la visite du client, l’état du stock ne montrait pas de produits labellisés dont des produits Bio tandis que nous nous étions engagés à proposer un produit Bio chaque jour de la semaine, ce qui vous a été reconfirmé par mail en date du 29/08/2016.

De même, il n’y avait aucun affichage de produits labellisés sur le self tandis que nous nous y étions engagés conjointement et par écrit vis-à-vis du client, et ce depuis le mois d’août avec un maill de confirmation en date du 22/08/2016.

Votre non-respect réitéré du cahier des charges est particulièrement préjudiciable pour l’image de Nature Collective et compromet nos chances d’être reconduits une année supplémentaire par ce client dont l’exigence est importante en matière de qualité et de respect des engagements.

* votre comportement fautif en matière d’hygiène et de sécurité :

Lors de l’audit du 11/10/2016, le client a trouvé les locaux dans un état de propreté tout à fait insatisfaisant et relevé de nombreux ‘dysfonctionnements critiques’ sur les règles d’hygiène et de sécurité alimentaire. En particulier, il a ainsi noté les manquements suivants :

– ‘ la cuisine, ses dépenses ainsi que le matériel de cuisine ne bénéficient pas d’un entretien régulier’ et votre ‘incapacité à fournir le planning de nettoyage des locaux’,

– ‘ un stockage inapproprié des produits d’entretien’,

– ‘ des déchets entreposés de façon inappropriée en cuisine’ avec une présence de ‘cartons, cagettes et poubelles à proximité des secteurs de préparation des repas’,

– des sachets de matière première ‘ entamés et non refermés’,

– ‘ des matières premières surgelées’ tandis que la ‘congélation des matières premières est interdite’,

– la présence interdite de ‘restes surgelés de repas cuisinés et non consommés’,

– l’absence ‘d’identification et de date sur les produis frais entamés’,

– la ‘présence d’oeufs liquides’ non autorisée,

– ‘des matériaux d’emballages ( de produits livrés ) présents dans la chambre froide’, source de contamination…

Le client précise : ‘ le stockage des produits frais doit répondre à des règles d’hygiène alimentaire non respectées à ce jour en cuisine’.

Votre mauvaise gestion de l’hygiène et de la sécurité, dûment constatée par le client, ne peut être tolérée car elle peut avoir des conséquences dangereuses pour la sécurité et nuire à la santé des convives.

Pour preuve de votre gestion défaillante de l’hygiène qui peut nuire à la santé des convives : le dernier compte rendu du laboratoire indépendant et une alerte par maill le 28/10/2016, jour de votre mise à pied à titre conservatoire:

En effet, le contrôle réalisé en date du 27/10/2016 a révélé une non-conformité majeure, avec une contamination bactérienne de la préparation prélevée!

Il est à noter que nous avions déjà reçu un rapport de prélèvement de laboratoire non conforme au cours de cette année, en date du 30/06/2016.

Ces faits sont d’autant plus graves que nous vous avions déjà mis en garde, à plusieurs reprises, sur votre comportement fautif en matière d’hygiène et de sécurité :

– suite au rapport d’audit du laboratoire indépendant en date du 27/10/2016, nous vous avions demandé d’optimiser la traçabilité des aliments et les procédures de stockage afin d’éviter les contaminations croisées des aliments, de respecter le délai de conservation, et rappelé la nécessité d’étiqueter les produits entamés ainsi que les plats témoins,

– dans un rappel à l’ordre écrit, remis en main propre contre signature, en date du 08/12/2015 et faisant suite à notre visite des locaux en date du 03/12/2015, nous avions relevé plusieurs non-conformités et sollicité votre plus grande vigilance sur les relevés de température, le contrôle des dates de péremption, et à nouveau sur la gestion des produits entamés dont aucun état n’était étiqueté le jour de notre visite, et ce dans les deux frigos,

– puis dans un courrier remis en main propre contre signature en date du 04/03/2016 nous avions formulé un bilan tout à fait insatisfaisant sur vos premiers mois d’activité sur le non-respect des règles d’hygiène et sur votre manque de rigueur dans votre gestion administrative.

* votre manque de rigueur réitéré dans votre gestion administrative :

Ces manquements dans votre gestion se sont poursuivis, avec notamment le non-respect de la périodicité contractuelle de vos interventions mais aussi des oublis de facturation de prestations.

Sur le mois de novembre 2016, le client a alerté par maill sur le fait qu’il n’avait jamais reçu de facture concernant deux prestations annexes budgetées dans sa comptabilité, qu’il vous avait commandées et que vous aviez réalisées en date du 27/06/2016 et du 31/08/2016 pour un montant de 504,06 €.

* le client nous décrit par ailleurs une attitude singulière de votre part, qualifiée de ‘non corporate’ avec une tendance à accabler Nature Collective:

Nous vous avions déjà alerté sur ce point en date du 05/09/2016 à l’occasion de la coupure de gaz intervenue sur le site. Votre discours avait semé le discrédit sur Nature Collective vis-à-vis des clients.

En effet, vous vous êtes empressé auprès de la direction du client que la coupure de gaz provenait d’un défaut de gestion du contrat de gaz par Nature Collective.

La direction de la CPAM nous avait alors contacté le 02/09/2016 pour nous signaler des plats non gouteux servis sur le restaurant et nous demander de nous justifier.

Vous aviez donc tenté de justifier la baisse flagrante de la qualité de votre cuisine, ceci alors que durant toute cette période, vous n’aviez montré aucun effort pour pallier à cette absence de gaz sans perte gustative, ce qui aurait dû être le cas avec les adaptations de menus qu nous avions réalisées ensemble afin de réaliser la production avec les appareils de cuisson électriques.

Les violations réitérées à vos obligations contractuelles sont totalement inacceptables et ne peuvent être tolérée plus longtemps. Nous ne pouvons donc envisager de poursuivre l’exécution de votre contrat de travail même durant la durée d’un préavis.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave, privatif de préavis et de toute indemnité de rupture.

La date d’envoi de cette lettre, à savoir le 07/02/2016 marque le terme de votre contrat de travail.

Votre solde de tout compte, l’attestation destinée au Pôle emploi, et votre certificat de travail vous seront envoyés par courrier à votre domicile dans les jours suivants la rupture de votre contrat.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos salutation distinguées.’

* s’agissant du respect de la procédure de licenciement

Par application des dispositions de l’article L 1232-2 du code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque avant toute décision à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l’espèce, M. [J] [H] reproche à la SAS Nature Collective de l’avoir convoqué à l’entretien préalable alors qu’elle savait qu’il était hospitalisé et dans le coma et de ne pas avoir adressé la convocation à la bonne adresse. Il soutient également qu’il n’a jamais eu connaissance de la mise à pied conservatoire que l’employeur dit lui avoir notifiée oralement le 28 octobre 2016 et confirmée par le courrier de convocation à l’entretien préalable.

Ceci étant, il n’est pas contesté que l’accident dont a été victime M. [J] [H] le 28 octobre 2016 présente un caractère privé et qu’il a été placé en arrêt de travail au titre de l’assurance maladie.

Les seules restrictions à la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement disciplinaire concernent l’hypothèse d’une suspension du contrat de travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Les développements sur la date, voire l’heure d’établissement du courrier de convocation à l’entretien sont donc sans incidence sur l’appréciation de la régularité de la procédure disciplinaire ainsi mise en oeuvre.

Le courrier de convocation à l’entretien préalable est daté du 29 octobre 2016, et confirme la mise à pied conservatoire que la SAS Nature Collective soutient avoir notifié par la voix de son président lors d’un entretien téléphonique la veille faute pour ce dernier d’avoir pu honorer le rendez-vous fixé à cette date. L’employeur produit en ce sens un échange de courriels en date du 27 octobre 2016, dans lequel M. [J] [H] , en réponse à la question de M. [O] ‘ A quelle heure peut-on faire le point avec votre équipe demain ” indiquait ‘ A 14h’.

Le fait que M. [J] [H] n’ait pas évoqué cette mise à pied conservatoire avec sa mère et un ami avec lequel il a été en contact avant son accident ne signifie pas pour autant qu’il n’en a pas été informé.

Le courrier de convocation a été adressé au 104 chemin de la croix de gabure à [Localité 5], adresse figurant sur l’avenant au contrat de travail signé par M. [J] [H] le 1er mars 2016, ainsi que sur ses bulletins de salaire. Le fait que la mère de M. [J] [H] ait ensuite indiqué à l’employeur que le courrier devait être adressé au 140 C et non pas au 104 chemin de la croix de gabure est sans incidence. Aucune irrégularité ne peut par suite être opposée à l’employeur sur ce point.

Enfin, l’employeur a pris l’initiative de reporter l’entretien initialement fixé au 14 novembre au 25 novembre 2016, ce report étant sans incidence sur la régularité de la procédure.

En conséquence, la procédure de licenciement n’est entachée d’aucune irrégularité.

* s’agissant de la faute grave

Il ressort de la lettre de licenciement que la SAS Nature Collective reproche à M. [J] [H] quatre griefs : le non-respect réitéré du cahier des charges et de ses engagements contractuels, un comportement fautif en matière d’hygiène et de sécurité, un manque de rigueur réitéré dans votre gestion administrative et une attitude singulière, qualifiée de ‘non corporate’ par le client, avec une tendance à accabler son employeur.

– comportement fautif en matière d’hygiène et de sécurité

L’article 29 de la convention collective précise que les employeurs et les employés sont tenus d’appliquer les dispositions légales et réglementaires relatives à l’hygiène et à la sécurité dans le travail, notamment dans les dispositions des décrets des 10 juillet et 13 août 1913, 5 août 1946 et 1er août 1947.

Au soutien de ce grief développé dans la lettre de licenciement, la SAS Nature Collective rappelle que M. [J] [H] par ses fonctions de chef gérant était en charge du respect des normes d’hygiène et de sécurité. Elle verse aux débats :

– la mise en demeure de la Caisse Primaire d’assurance maladie, datée du 20 octobre 2016 qui relève : concernant les produits surgelés ‘ il a été constaté un stockage de sachets de légumes entamés non refermés, de produits préemballés tels que magrets de canard et du pain en vrac or la congélation des matières premières est interdite en restauration ainsi que celle des restes, des produits préemballés conservés à température positive, des viandes et des produits achetés au détail auprès de fournisseurs intermédiaires’, s’agissant du stockage des produits frais ‘ le stockage de la viande fraîche entamée doit répondre à des règles d’hygiène alimentaire non respectées ce jour en cuisine’ ‘ les matériaux d’emballage des aliments livrés, stockés en chambres froides, constituent actuellement une source de contamination’, s’agissant de l’hygiène ‘ la cuisine, les dépendances et les équipements ne bénéficient pas d’un entretien quotidien régulier ni approfondi, le matériel d’entretien est obsolète et sale, le stockage des produits d’entretien est inapproprié ( présence de matériel dédié à la cuisine), la gestion des déchets, loin d’être opérationnelle, est inapproprié en cuisine,’,

– une attestation sous forme d’un courrier joint à un formulaire d’attestation, établi par M. [A] [R], secrétaire général de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse qui indique : ‘ en l’absence d’améliorations concrètes et visibles au restaurant d’entreprise et suite à différents signalements de nos salariés concernant l’état des cuisines ( notamment la présence d’un rat ou l’état de propreté), un contrôle sur site a été effectué le 11 octobre 2016 par l’ensemble des membres de la commission restauration. Ce jour-là, l’état de la cuisine était très préoccupant, tant sur le plan de la propreté que du respect des règles de traçabilité et de sécurité. La seule production en cours ne pouvait nullement expliquer autant de négligence et de dysfonctionnements critiques’,

– une attestations de M. [Z], chef responsable, qui indique que l’appelant a changé de comportement lorsque la SAS Nature Collective a obtenu le marché de la cantine de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse et qu’à partir de ce moment là il était en opposition avec l’employeur, qu’il ne se souciait pas de l’hygiène, et qu’il s’est réjoui des mauvais résultat de la visite d’octobre 2016,

– un courriel en date du 28 octobre 2016 adressé à M. [O] pour l’informer d’un résultat non conforme d’analyse, soit la présence d’Echerichia Coli dans une ‘salade de fenouil, olives, tomates, natures’, indiquant que le courriel n’est pas le rapport d’analyse mais qu’il ‘sert à vous informer rapidement d’une non conformité’,

– une attestation établie par M. [E] [L] directeur de BVC Expertise Marseille – sécurité alimentaire, qui indique avoir réalisé un audit de conformité dans les locaux du restaurant administratif de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse le 9 avril 2018, en fin de matinée et début de service, soit pendant la période de production, et qui indique qu’il n’a relevé aucune non conformité, que les locaux sont parfaitement adaptés à la taille du restaurant , que les zones de production sont bien identifiés, toutes les procédures relatives au respect des règles d’hygiène sont appliquées.

Pour remettre en cause ces éléments, M. [J] [H] considère que les personnes ayant fait l’audit d’octobre 2016 n’étaient pas habilitées et habituées à ce type d’exercice qu’elles ont effectué pendant la production et le service, ce qui explique les constats, et soutient que l’exiguïté des locaux ne lui permettait pas d’assurer le stockage des étiquettes de produits emballés, et que la présence d’un rat s’explique par les problèmes de localisation et de bâtiments et qu’il a eu recours à une entreprise de dératisation et a fait fermer hermétiquement le vide sanitaire.

Ceci étant, M. [J] [H] procède par affirmation pour soutenir qu’il a fait de son mieux en raison des contraintes auxquelles il était soumis. Il n’apporte aucune explication sur les constatations effectuées l’absence d’entretien régulier, la présence de cartons d’emballage dans les chambres froides ou de produits d’entretien stockés dans la cuisine, les défauts de mention de dates d’ouverture des aliments, ou de fermeture des emballages.

Enfin, le fait que le laboratoire signale avant même l’envoi de son rapport la présence d’une bactérie d’Echerichia coli ( bactérie intestinale des organismes à sang chaud ) dans un plat contredit à lui seul l’argumentaire de M. [J] [H] selon lequel cette bactérie ne présenterait aucun danger pour les clients du restaurant. La présence de cette bactérie dans une salade interroge sur le respect des règles d’hygiène de base dans la chaîne de production.

L’audit effectué en 2018, alors qu’il n’est pas soutenu que des travaux d’agrandissement des cuisines auraient été effectués, contredit par ailleurs l’argument de l’exiguïté des locaux comme étant à l’origine du non-respect de certaines règles d’évacuation des déchets et emballages.

Au surplus, alors qu’il travaillait depuis plusieurs années dans ces locaux, M. [J] [H] n’apporte aucune explication sur le fait qu’il n’ait pas signalé à la SAS Nature Collective ou au précédent prestataire les difficultés structurelles qu’il soutient rencontrer et qui l’auraient empêché d’assurer le respect des normes d’hygiène et de la sécurité alimentaire dont il n’est pas contesté qu’elles entrent dans son domaine de responsabilité.

La réalité de ce grief est par suite démontrée.

– non-respect réitéré du cahier des charges et des engagements contractuels envers la CPAM,

La SAS Nature Collective se réfère à la convention collective pour rappeler qu’il entrait dans les attributions de M. [J] [H] , chef gérant, de garantir la bonne application du contrat la liant à la Caisse Primaire d’assurance maladie.

Pour établir la réalité de ce grief, la SAS Nature Collective verse aux débats :

– la mise en demeure de la Caisse Primaire d’assurance maladie, datée du 20 octobre 2016 qui relève : ‘ gammes de produits utilisés : les engagements contractuels ne sont pas respectés concernant : le 100% frais sur les viandes de porc, volailles et poissons, stockés en surgelés le jour du contrôle, la part de légumes surgelés et de produits appertisés est nettement supérieure à la part prévue de légumes frais, le fournisseur principal identifié pour une grande partie des aliments stockés au jour de la visite est BRAKE France, le pain est fourni par SOCOPAT et non par un artisan boulanger, tous les plats ne sont pas faits maison’,

– une attestation sous forme d’un courrier joint à un formulaire d’attestation, établi par M. [A] [R], secrétaire général de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse qui indique : ‘ lors de deux commissions restauration en date des 7 juin et 13 septembre 2016, en présence de M. [J] [H], gérant du restaurant, et M. [O], président de Nature Collective, nous avions sollicité des axes d’amélioration, notamment sur l’interdiction de l’usage de boîtes de conserve ou du surgelé conformément au cahier des charges. D’ailleurs un plan d’action a été mis en oeuvre afin que la société attributaire du marché se conforme à l’ensemble du cahier de charges. (…) Lors du contrôle [ du 11 octobre 2016 ] il a pu être constaté de nombreuses non-conformité de produits par rapport au cahier des charges et aux dispositions qui s’imposaient à Nature collective, et donc au gérant, comme l’absence de viandes fraîches et de produits labellisés, l’absence de produits bio, des oeufs liquides et beaucoup trop de surgelés.’,

– un courriel en date du 22 août 2016, adressé par M. [O] à M. [R], avec M. [J] [H] en copie, par lequel il lui adresse le plan d’action suite à la commission restauration du 22 août 2016, avec les engagements de la SAS Nature Collective par items, avec des mentions telles que ‘ à partir du jeudi 25 tous le produits bio/labellisés seront identifiés par des affichages et un produit ou ingrédient bio sera utilisé par jour’ ,

– une attestation du gérant de la société Salade 2 Fruits qui indique qu’elle est référencée par la SAS Nature Collective pour la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse et que le référencement inclut de nombreuses références en fruits et légumes frais d’origine Provence , issus de l’agriculture raisonnée et biologique, et ce depuis juin 2016,

– un courriel adressé par M. [J] [H] à M. [O] le 29 août 2016 dans lequel il lui demande ‘ c’est bien un produit bio par jour que vous voulez que je mette au menu’,

– un courriel en date du 14 mars 2016 adressé par M. [O] à M. [J] [H] qui indique notamment: ‘ comme vu ensemble, à partir de la semaine prochaine, vous passez à une livraison par semaine pour la viande fraîche et les légumes’,

– un courriel en date du 4 avril 2016 adressé par M. [O] à M. [J] [H] pour l’interroger sur le fait qu’il ait passé la commande de viande fraîche chez Gephi pour la semaine.

Pour contester ce grief, M. [J] [H] soutient qu’il n’a jamais eu accès au cahier des charges mais seulement d’un document de synthèse, qu’il n’avait pas les moyens de choisir les produits qui étaient décidés par M. [O], et observe que malgré les manquements graves soulevés selon la SAS Nature Collective en commission de restauration il n’a jamais fait l’objet d’avertissement.

Il n’est pas contesté que M. [J] [H] avait en charge la gestion du restaurant administratif de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse, qu’il étant garant du respect du contrat liant son employeur à ce client, qu’il était présent aux commission de restauration, qu’il avait par suite connaissance des attentes et des engagements pris par son employeur à l’égard de ce client à défaut d’avoir une connaissance exhaustive du cahier des charges, qu’il était responsable par son statut de l’approvisionnement et des menus servis au restaurant.

Les échanges de courriels produits par la SAS Nature Collective confirment cette connaissance et ces responsabilités de M. [J] [H] qui n’ a jamais informé son employeur d’une difficulté à mettre en oeuvre les engagements pris. En revanche, il a eu des réponses à ses interrogations, et était présent aux commissions restauration où était débattu le respect du cahier des charges.

Ainsi contrairement à ce que soutient M. [J] [H] , sans apporter aucun élément concret et objectif au soutien de ses allégations, il avait connaissance des attentes du client, des engagements pris par son employeur et il disposait des moyens de les respecter.

La matérialité de ce grief est donc démontrée.

– manque de rigueur réitéré dans la gestion administrative

Au soutien de ce grief, la SAS Nature Collective reproche à M. [J] [H] de ne pas avoir respecté les délais d’inventaire, voire de lui en avoir produit des faux puisque certains sont validés pendant ses congés, et de ne pas avoir assurer le suivi de facturations de prestations exceptionnelles.

M. [J] [H] n’apporte aucune contradiction sur ce second point et affirme sans aucune justification avoir validé les inventaires pendant ses congés.

Ce grief est donc établi.

Les développements de M. [J] [H] sur les marges ne figurent pas parmi les griefs qui lui sont reprochés et sont sans incidence.

– attitude singulière, qualifiée de ‘non corporate’ par le client, avec une tendance à accabler son employeur

Pour démontrer la réalité de ce grief, soit le manque d’esprit d’entreprise de M. [J] [H] , l’anglicisme de ‘corporate’ signifiant entreprise, la SAS Nature Collective verse aux débats une attestation sous forme d’un courrier joint à un formulaire d’attestation, établi par M. [A] [R], secrétaire général de la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse qui indique ‘lors de la coupure de gaz au cours de l’été 2016 ( près d’une semaine), M. [H] n’a pas donné l’impression de mettre tout en oeuvre pour en minimiser l’impact sur la qualité de la prestation.’, ainsi que l’attestation de M. [Z] précédemment rappelée.

M. [J] [H] conteste ce grief dont il soutient ne pas comprendre le sens , en déniant toute exécution déloyale de son contrat de travail et en produisant des attestations de membres de son entourage auprès desquels il s’est plaint de ses mauvaises conditions de travail.

Ce grief fondé sur le ressenti des parties n’est pas caractérisé.

Dès lors le non-respect par M. [J] [H] des règles d’hygiène et de sécurité, notamment de sécurité alimentaire, le non-respect du cahier des charges liant son employeur avec le client, les manquements dans la gestion administrative, constituent autant de violations des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle, eu égard aux fonctions exercées et au niveau de responsabilité du salarié, qu’elles rendent impossible le maintien de celui-ci dans l’entreprise et la poursuite du contrat.

Il en résulte que la faute grave reprochée à M. [J] [H] est caractérisée et le licenciement fondé sur cette faute grave régulier.

En conséquence c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la faute grave reprochée à M. [J] [H] était démontrée et qu’ils l’ont débouté de ses demandes indemnitaires. Leur décision sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Avignon,

Condamne M. [J] [H] à verser à la SAS Nature Collective la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [J] [H] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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