Licenciement disciplinaire : 1 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/05277

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Licenciement disciplinaire : 1 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/05277

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 1ER FÉVRIER 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 19/05277 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LIGD

Monsieur [J] [M]

c/

SCA DES HERITIERS [S]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 septembre 2019 (R.G. n°F 17/01271) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 07 octobre 2019,

APPELANT :

Monsieur [J] [M]

né le 28 Novembre 1976 à [Localité 4] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Pauline LEYRIS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCA des Héritiers [S], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 781 967 195

représentée par Me Frédéric GODARD-AUGUSTE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 novembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats :Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [J] [M], né en 1976, a été engagé en qualité d’ouvrier en viticulture par la Société Civile des Héritiers [S] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 1997, ses parents étant eux-mêmes salariés de cette exploitation viticole (château la Conseillante) depuis plusieurs années.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M.[M] s’élevait à la somme de 4.500 euros.

Au départ à la retraite de son père, M. [U] [M], M. [J] [M] a été promu chef de culture à compter du 1er mars 2014.

Au mois de juillet 2015, la société Des Héritiers [S] a engagé Mme [P] [W] en qualité de Directrice Générale.

M.[M] a été placé en arrêt maladie à compter du 25 juillet 2016 jusqu’à la fin de la relation contractuelle.

Par courriel du 27 juillet 2016, M.[M] a dénoncé des faits de harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de Mme [W] depuis le mois de mars 2016.

Ensuite de ce courriel, une rupture conventionnelle a été proposée par la société à M.[M], refusée par ce dernier.

Le 14 octobre 2016, M.[M] a demandé le paiement de 50 jours de congés et de 47 heures supplémentaires.

Le 4 novembre 2016, M.[M] a écrit à son employeur pour réitérer sa demande de paiement des heures supplémentaires.

Le 7 novembre 2016, la société a adressé à M.[M] une convocation à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire.

Le 9 novembre 2016, la société a indiqué à M.[M] que les heures supplémentaires seraient récupérées à son retour et que le solde de ses congés serait pris par la suite.

Le 21 novembre 2016, la société a notifié à M.[M] une proposition de rétrogradation ayant pour conséquence une diminution de sa rémunération ce qu’il a refusé par courrier du 1er décembre 2016.

Par lettre en date du 9 janvier 2017, M.[M] a été convoqué à un entretien préalable puis il a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 3 février 2017.

Par courrier en date du 19 avril 2017, M.[M] a contesté son licenciement.

Le 23 mai 2017, la société y a répondu.

A la date du licenciement, M.[M] avait une ancienneté de 18 ans et 10 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Par courrier du 16 novembre 2018 la Mutualité Sociale Agricole de la Gironde (MSA) a admis au titre de la maladie professionnelle, le trouble anxio-dépressif dont était atteint M.[M], à compter du 25 juillet 2016.

Demandant des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, exécution déloyale du contrat de travail, harcèlement moral ainsi que des rappels de salaires, outre une rectification des anomalies affectant les nets imposables déclarés aux services fiscaux des exercices 2015, 2016 et 2017, M.[M] a saisi le 8 août 2017 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 17 septembre 2019, a :

– dit qu’il n’y a pas de harcèlement moral au sens des articles L.1152-1 et suivants du code du travail,

– jugé que le licenciement de M.[M] n’est pas nul,

– dit qu’il n’y a pas exécution déloyale du contrat de travail et débouté M.[M] de ses demandes à ce titre,

– dit que le licenciement de M.[M] est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société civile Des Héritiers [S] à lui payer les sommes de :

* 1.129,08 euros en rappel de congés payés,

* 693,14 euros au titre de rappel de salaire, outre 69,31 euros pour les congés payés afférents,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit, conformément à l’article R.1454-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, soit 4.500 euros,

– condamné en conséquence la société civile Des Héritiers [S] à payer à M.[M] la somme de 60.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– constaté que le salaire mensuel moyen sur les douze derniers mois ressort à 4.500 euros brut mensuel,

– condamné la société civile Des Héritiers [S] à payer à M.[M] la somme de 303, 81 euros au titre du remboursement de ses frais téléphoniques,

– débouté M.[M] de ses demandes de paiement de primes de vendanges et primeur,

– débouté M.[M] de ses demandes de paiement de congés pour maladie professionnelle,

– débouté M.[M] de ses demandes de remboursement de frais d’expertise, de rectification du net imposable, de remise de bouteilles de vin,

– condamné la société civile Des Héritiers [S] à payer à M.[M] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société civile Des Héritiers [S] aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution.

Par déclaration du 7 octobre 2019, M.[M] a relevé appel de cette décision, notifiée le 18 septembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 septembre 2022, M.[M] demande à la cour de :

– constater :

* la prescription des griefs formulés dans sa lettre de licenciement,

* la nullité de son licenciement,

* son harcèlement moral,

* la fixation de son salaire moyen mensuel brut à la somme de 4.500 euros,

En conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 17 septembre 2019 en ce qu’il a condamné la société civile Des Héritiers [S] à lui payer les sommes de :

* 1.129,08 euros en rappel de congés payés,

* 693,14 euros au titre des rappels de salaire et 69,31 euros représentant les congés payés afférents,

* 303,81 euros au titre du remboursement de ses frais téléphoniques,

– réformer le jugement en ses autres dispositions et condamner la société civile Des Héritiers [S] au paiement des sommes suivantes :

* 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire,

* 80.000 euros à titre de dommages e intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 2.650 euros bruts représentant le rappel de salaire de la prime de vendanges 2016,

* 2.000 euros bruts au titre de rappel de salaire de la prime primeur 2017,

* 2.246,47 euros bruts au titre des congés payés indus,

– constater les anomalies concernant les nets imposables déclarés aux services fiscaux des exercices 2015, 2016 et 2017,

– condamner la société civile Des Héritiers [S] au paiement de la somme de 432 euros représentant les frais d’expertise,

En conséquence,

– condamner la société civile Des Héritiers [S] à procéder à la rectification du net imposable pour les exercices 2015, 2016 et 2017 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

– condamner la société civile Des Héritiers [S] à lui remettre un lot de vin de 4 caisses de 12 bouteilles 75cl La Conseillante et 1 caisse de 6 magnums millésime 2015 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

– condamner la société civile Des Héritiers [S] au paiement de la somme de 3.432 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre à supporter la charge des dépens de la présente procédure et éventuels frais d’exécution,

– dire que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 octobre 2022, la société Des Héritiers [S] demande à la cour de :

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux en ce qu’il l’a condamnée à verser à M.[M] les sommes de :

* 60.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.129,08 euros en rappel de congés payés,

* 693,14 euros au titre de en rappels de salaire,

* 69,31 euros représentant les congés payés afférents,

* 303,81 euros en remboursement de ses frais téléphoniques,

* 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement sur les autres points,

– constater que le licenciement dont a fait l’objet M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– constater l’absence de tout harcèlement moral,

– constater l’absence de toute exécution déloyale du contrat de travail,

– constater l’absence de fondement juridique des demandes de M.[M],

En conséquence,

– le débouter de l’intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

– condamner M.[M] au versement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 28 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-I- Sur l’exécution du contrat de travail

Pour voir réformer le jugement déféré, M. [M] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de Mme [W] à compter de mars 2016 ainsi que d’une exécution déloyale par l’employeur de son contrat de travail, en s’abstenant de faire cesser les dérangements nocturnes répétés consécutifs au déclenchement de l’alarme du château alors qu’il était en arrêt maladie.

Sur le harcèlement moral

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, l’article L1152-2 du code du travail dispose qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Par ailleurs, l’article L. 1154-1 prévoit, qu’en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant qu’il incombe à M. [M] qui se prétend victime de harcèlement de soumettre au juge des éléments de faits laissant supposer, dès lors qu’ils sont vérifiés et pris dans leur ensemble, l’existence de la situation ainsi dénoncée.

Ce n’est que dans un second temps qu’il incombe à l’employeur de prouver que les faits ainsi établis sont étrangers à toute situation de harcèlement.

Au soutien de ses demandes, M. [M] présente les éléments suivants :

-le fait que Mme [W] lui ait enlevé la responsabilité de M. [G] [X], sabotant ainsi son autorité, il produit un mail de Mme [W] lui demandant de : « laisser plus de liberté à [G], j’en prends la responsabilité » mais cette pièce n’en est pas la démonstration,

-l’absence d’information par Mme [W] en avril 2016 sur les traitements phytosanitaires qui n’est justifié par aucun élément probant,

Mme [W] a fait preuve de harcèlement moral à l’égard de salariés dans d’autres propriétés et veut en justifier par l’attestation de Mme [F], salariée du [Localité 3], qui a décrit certes des faits de harcèlement mais uniquement à son encontre,

Aucun des faits ci-dessus sériés ne donc sont établis.

En revanche au vu des pièces versées aux débats, la cour retient comme établis les éléments suivants :

– une formation promise non effectuée et s’appuie pour ce faire sur la pièce versée par la partie adverse constituée d’un courriel adressé par [A] [S], un des associés de la société, lui proposant une augmentation de salaire pour les années 2014 à 2017 ainsi qu’une formation professionnelle complémentaire en alternance : « …BTS ‘ cette formation peut être aussi celle du type de celle faite par [N] [Z]….l’idée de cette formation est de te permettre de renforcer tes compétences théoriques au niveau de la viticulture … ». il produit également un courriel reçu de [A] [S] ainsi libellé : « je me réjouis que tu acceptes cette formation, nous trouverons toujours une solution pour la rendre compatible avec notre organisation.. »,

– les dévalorisations, les critiques quotidiennes, le dénigrement par Mme [W] sont intervenus, après que cette dernière a appris les engagements financiers de la société à son endroit alors qu’elle n’avait pas eu à déplorer aucun manquement à ses obligations contractuelles lors de son évaluation du 3 février 2016, en ces termes : « vous êtes faux, vous êtes incompétent, vous n’avez pas les épaules pour être chef de culture, vous êtes trop payé pour ce que vous faites, vous ne savez pas travailler, lors d’une réunion avec les directeurs du coin j’ai parlé de votre cas, vous êtes vraiment trop payé pour ce que vous faites, vous êtes à peine chef d’équipe, je ne comprends pas pourquoi les actionnaires vous ont donné ce poste, vous êtes mort sur la propriété, vous êtes vraiment mauvais, vous faites du travail de gestapo ». il en justifie par:

– son bilan individuel établi le 3 février 2016 par Mme [W] qui retient : « départ de M. [H]. A bien tenu la vigne. Bonne analyse du vignoble. Très motivé. Se sent fatigué, besoin de repos. Beaucoup de changement, a du s’adapter. Très contente de votre travail. Pense à trouver une personne supplémentaire de plus pour les façons et dégager du temps au chef de culture »,

– l’attestation de M. [H], ancien collègue du salarié : «… lorsque Mme [W] a pris ses fonctions de directrice le 1er juillet 2015, [J] était en congé…Mme [W] a cassé la dynamique installé depuis mon embauche entre [J], [L] [V] en moi en prétextant qu’elle connaissait le métier et qu’elle n’avait pas de conseil à recevoir. Elle m’a dit aussi que la Conseillante n’avait pas besoin d’un maître de culture car elle était assez qualifiée pour gérer le vignoble… pour ma part, j’ai été licencié après son arrivée ; [J] me paraissait déjà sous pression, poussait vers l’erreur.. »

– l’attestation de M. [T], prestataire de service, intervenu en juin 2016 pour exercer des travaux agricoles au château de La Conseillante qui précise avoir été reçu par M. [M] chef de culture, lequel avait donné des consignes de travail, dénigrées par Mme [W]. Il relate ainsi l’incident : « …après plusieurs interventions de Mme [W], je me suis rendu compte qu’elle critiquait et dénigrait les consignes de travail au fur et à mesure que le chantier avançait. Ne me sentant plus à l’aise après toutes ses réflexions qu’elle dirigeait vers mon équipe et vers son chef de culture, j’ai pris la décision de faire intervenir un responsable…Mme [W] était satisfaite de notre travail lorsque le responsable était présent et pleine de reproche lorsqu’il est parti. »,

– l’attestation de M. [B], conseiller du salarié qui l’a assisté à l’occasion de l’entretien préalable au licenciement et au cours duquel Mme [W] a convenu avoir utilisé le terme de « Gestapo » à son endroit,

– la proposition de rétrogradation du 21 novembre 2016 sans fondement, constituant ainsi une nouvelle humiliation, dont il justifie et qui intervient alors qu’il est en arrêt de travail depuis 4 mois, après ses demandes des 14 octobre et 4 novembre 2016 tendant à obtenir le paiement de ses heures supplémentaires et de ses congés,

– l’absence de mise à disposition de matériels pour l’exercice de ses tâches contrairement à d’autres salariés dont il justifie par l’attestation de Mr [H] qui indique que: « …[J] a toujours su s’adapter au manque de moyen car même s’il entretenait de très bons rapports avec la direction, les budgets de fonctionnement étaient restreints et pour travailler [J] mettait à disposition son matériel personnel. Il réalisait beaucoup de mécanique agricole pour réduire les frais de fonctionnement et entretenait parfaitement les tracteurs pour les faire durer car les investissements étaient limités. Son implication sur la propriété était très forte… »,

– l’altération de son état de santé du fait du harcèlement et de l’acharnement de la société dont il a été victime, il en justifie par les attestations de son épouse et d’un ami, Mr [D], mais également par des éléments médicaux dont :

– le compte rendu de consultation établi dès le 16 septembre 2016 par le docteur [I] spécialisé dans les pathologies professionnelles relevant qu’il : « … rapporte dans un contexte de changement de hiérarchie, de modification de mode managérial et restructuration d’entreprise, des difficultés relationnelles avec une nouvelle directrice arrivée le 1er juillet 2015…dès fin août 2015, elle aurait renvoyé l’ouvrier agricole et M. [M] se serait retrouvé tout seul pour travailler les vignes jusqu’à fin décembre 2015, générant une forte charge de travail. L’entretien annuel de janvier 2016 avec elle se serait bien passé, sans aucun reproche; puis il rapporte, l’apparition progressive de reproches ressentis injustifiés « vous êtes trop payé, vous n’avez pas les épaules assez larges, vous êtes incompétent, quand partez-vous’ »… sur le plan médical, apparition progressive d’un épuisement psychologique et émotionnel…au regard des éléments médicaux colligé lors de notre entretien, du contexte du travail décrit des éléments cliniques le jour de la consultation, il nous semble important actuellement de prioriser les soins avec la poursuite du traitement médicamenteux, l’extraction du milieu du travail sous la forme de la poursuite de l’arrêt maladie et la mise en place d’un suivi psychologique… »,

– l’avis médical rendu à la demande de la MSA par le docteur [Y], psychiatre, le 17 mai 2017, qui relève que : « à partir de février 2016, il a commencé à essuyer toutes sorte de réflexions dévalorisantes, disqualifiantes visant à le discréditer. Des propos humiliants, insultants même, des reproches sur ses capacités de travail, sur sa compétence. Autant de faits qui l’ont déstabilisé psychiquement et qu’il attribue à Mme C. , la nouvelle directrice d’exploitation…Il présente un état dépressif caractérisé, authentique…le fait que les deux gérants aillent dans le sens de la directrice d’exploitation, amène chez lui un sentiment d’injustice profonde , des idées d’auto dépréciation… il existe une souffrance psychique tout à fait réelle qui n’est pas feinte…au total une pathologie dépressive sévère … »,

– l’avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ayant retenu un lien entre la pathologie présentée et l’activité professionnelle en soulignant l’existence de « violences psychiques en lien avec une nouvelle organisation de l’activité, une reconnaissance professionnelle existante pendant la première période d’exercice, interrompue avec l’installation d’une nouvelle direction… »,

– l’absence de mise en oeuvre de mesures de la part de l’employeur après la dénonciation des faits de harcèlement moral.

La cour relève que la société, qui se défend en produisant quinze attestations essentiellement de salariés faisant état de l’absence de harcèlement de la part de Mme [W] et des qualités humaines de cette dernière échoue à démontrer que les faits invoqués par M. [M], pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Par voie de conséquence, eu égard à l’ensemble de ces éléments, il est justifié d’allouer au salarié la somme de 10.000 euros à titre d’indemnité pour le harcèlement moral subi.

La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Sollicitant l’allocation d’une somme de 5.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, M. [M] prétend avoir été à plusieurs reprises dérangé par le déclenchement intempestif de l’alarme du château alors qu’il se trouvait en arrêt maladie et ce, malgré en avoir avisé son employeur.

L’employeur s’en défend en indiquant d’une part que l’intervention de M. [M] en ces situations est la contrepartie de l’attribution de son logement de fonction et d’autre part, qu’il n’a été dérangé qu’à une seule reprise pendant son arrêt maladie, la société de gardiennage ayant été informée par la suite de l’arrêt maladie de M. [M].

*

L’article L.1221-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il ressort de la procédure qu’après avoir avisé son employeur des anomalies liées au déclenchement de l’alarme du château et des appels de la société de télésurveillance les 29 septembre, 1er, 2, 3 et 4 octobre 2016, pendant son arrêt maladie, le salarié ne justifie pas avoir été à nouveau dérangé de sorte que, ne rapportant pas la preuve d’un quelconque exécution déloyale du contrat par son employeur, il sera débouté de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée.

Sur le rappel au titre des salaires

Pour solliciter la confirmation de la décision de première instance qui lui a alloué la somme de 693,14 euros au titre de rappel de salaire ainsi que celle de 69,31 euros représentant les congés payés afférents, le salarié se prévaut de l’audit réalisé à sa demande le 16 juin 2017 duquel il ressort que des heures supplémentaires ont été accomplies.

L’employeur s’y oppose en arguant de l’absence de fondement juridique aux demandes du salarié qui, sur le fondement de l’article 1315 du code civil, doit prouver l’obligation dont il réclame l’exécution.

*

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Ainsi, le salarié doit apporter des éléments précis à l’appui de sa demande, l’élément déterminant étant la possibilité pour l’employeur de répondre ou non. Ensuite, s’il estime que la demande du salarié est fondée sur des éléments suffisamment précis, le juge doit alors apprécier les éléments qui lui sont fournis par l’une et l’autre des parties et ne peut donc se fonder sur les éléments produits par une seule des parties.

*

En l’espèce, M. [M], soumis à une convention de forfait en heures, produit un décompte, établi le 16 juin 2017, sous la forme d’un tableau faisant apparaître :

– des heures supplémentaires majorées à 125% comme suit :

29 heures au mois de juillet 2015

12 heures au mois d’août 2015,

29 heures au mois de septembre 2015,

47 heures au mois de mai 2017

– des heures supplémentaires majorées de 150 % comme suit :

19 heures au mois d’août 2015,

8,50 heures au mois de septembre 2015

3 heures au mois de juin 2016.

Sur ces périodes, le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis auxquels l’employeur peut répondre, ce que ce dernier s’abstient de faire.

En conséquence, il conviendra de condamner l’employeur à verser au salarié la somme de 530,99 euros au titre du rappel de salaire après déduction des heures supplémentaires sollicitées pour la période du mois de mai 2017 ( période postérieure au licenciement) ainsi que celle de 53,10 euros au titre des congés payés afférents.

La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur le rappel au titre des congés payés

Pour solliciter la confirmation de la décision de première instance qui lui a alloué la somme de 1.129,08 euros au titre de rappel d’indemnité de congés payés, le salarié se prévaut de l’audit réalisé à sa demande le 16 juin 2017 duquel il ressortirait que l’employeur resterait redevable d’un rappel d’indemnités de congés payés.

L’employeur s’y oppose en arguant de l’absence de fondement juridique aux demandes du salarié qui,selon lui , s’abstient de prouver l’obligation dont il réclame l’exécution.

*

Selon l’article L.3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur.

Eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

Ainsi, en cas de litige portant sur le respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d’un salarié et de l’indemnité due à ce titre, la charge de la preuve incombe à l’employeur.

Il appartient à l’employeur, débiteur de l’obligation du paiement de l’intégralité de l’indemnité due au titre des jours de congé payé qui en conteste le nombre acquis, d’établir qu’il a exécuté son obligation.

*

En l’espèce, c’est de manière pertinente que le jugement déféré, retenant l’absence de réponse de l’employeur sur ce point, l’a condamné au paiement de la somme de 1.129,08 euros au titre de rappel d’indemnité de congés payés.

Il sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur le rappel au titre des congés payés liés à la reconnaissance de la maladie professionnelle

Pour voir infirmer la décision déférée qui l’a débouté de sa demande à ce titre M. [M] soutient que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, l’inopposabilité de la décision de la MSA de la Gironde ne concerne que les rapports de cette dernière avec l’employeur et non ceux entre l’employeur et le salarié. Il sollicite en conséquence l’allocation de la somme de 2.246,47 euros concernant la période de son arrêt maladie du 25 juillet au 22 février 2017.

L’employeur soutient de son côté que l’inopposabilité de la prise en charge du risque professionnel retenue par la MSA s’impose également au salarié de sorte que ce dernier ne peut prétendre à une indemnité de congés payés sur la période où il a été placé en arrêt maladie.

Il résulte des dispositions des articles L.3141-24 à L3141-28 du code du travail applicables au cas d’espèce, que le salarié, placé en arrêt maladie ensuite d’une maladie professionnelle acquiert des congés payés pendant cette période, étant précisé par ailleurs, que l’inopposabilité de la prise en charge de la maladie professionnelle dont se prévaut l’employeur ne vaut que dans les rapports entre ce dernier et la MSA de la Gironde mettant obstacle à la récupération des prestations versées par la caisse sur cette société mais n’empêchant pas le salarié de se prévaloir du caractère professionnel de sa maladie à l’égard de son employeur.

En l’epèce, il est ressort des éléments de la procédure et plus particulièrement de la décision de la MSA de la Gironde en date du 16 novembre 2018 que la maladie professionnelle de M. [M] a été reconnnue à compter du 25 juillet 2016 et que l’employeur n’a pas procédé à la régularisation des congés payés pour la période du 25 juillet 2016 au 22 février soit 17,5 jours pour un montant de 2246, 47 euros.

Par voie de conséquence l’employeur sera condamné à verser à M. [M] la somme de 2246, 47 euros au titre des congés payés en lien avec la reconnaissance de sa maladie professionnelle.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes au titre de la prime de vendange 2016 de de primeur 2017

Sollicitant l’infirmation de la décision des premiers juges sur ces points, M. [M] soutient que ces primes constituent un élément du salaire et qu’il les a perçues les années précédentes. Il ajoute avoir mené la récolte 2016 jusqu’à son terme même s’il n’a pu participer aux vendanges du fait de son burn-out que la prime de primeur se calcule sur la période 2016 pendant laquelle il travaillait sir la propriété.

Pour s’y opposer, l’employeur indique que le contrat de travail du salarié étant suspendu pendant les vendanges, il ne pouvait prétendre au versement de la prime 2016 réclamée ni même à celle de 2017 puisqu’il ne comptait plus parmi les effectifs depuis février 2017.

*

Les primes constituent une libéralité et n’ont pas le caractère juridique d’un salaire lorsque l’employeur décide en toute liberté de l’opportunité de leur versement et de leur montant.

En revanche, les primes sont obligatoires et présentent donc le caractère juridique d’un salaire si elles sont prévues par le contrat de travail ou les conventions et accords collectifs de travail, si elles ont été instaurées par un engagement unilatéral de l’employeur ou si leur versement résulte d’un usage d’entreprise.

*

En l’espèce, le caractère obligatoire du versement des primes visées ne résulte ni du contrat de travail liant les parties ni de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde. En outre aucune pièce de la procédure ne permet de retenir l’existence d’un engagement unilatéral de l’employeur en ce sens ou d’un usage de l’entreprise.

Par voie de conséquence, le salarié sera débouté de ses demandes alors qu’au surplus, son contrat de travail était suspendu lors des vendanges de 2016 et qu’il ne faisait plus partie des effectifs depuis le 2 février 2017. La décision des premiers juges sera confirmée de ces chefs.

Sur le remboursement des frais téléphoniques

Au soutien de cette demande, M. [M] fait état de l’accord de Mme [W] de lui rembourser son forfait téléphonique en contrepartie de la facilité pour l’employeur de le joindre.

L’employeur pour s’y opposer produit l’attestation de Mme [E], secrétaire-comptable de la société, selon laquelle le salarié n’avait jamais demandé le remboursement de son forfait téléphonique au motif que son forfait personnel lui suffisait et qu’il pouvait l’utiliser sans problèmes pour passer ses appels professionnels.

Cependant compte tenu du courriel de Mme [W] en date du 7 août 2015 laquelle a indiqué « j’ai opté pour la solution achat de téléphone, remboursement de votre forfait… » il convient de faire droit à la demande du salarié et de confirmer la décision déférée sur ce point.

*

-II- Sur la rupture du contrat de travail

– Sur le licenciement

– Sur le bien-fondé du licenciement

Le licenciement motivé par l’insuffisance professionnelle ne saurait être déclaré nul au seul motif du constat d’un harcèlement moral, sans qu’il soit recherché s’il existe un lien de causalité entre le harcèlement moral et l’insuffisance professionnelle ou si ainsi que l’envisage l’article L.1152-3 du code du travail, le licenciement serait intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 de ce même code.

L’insuffisance professionnelle, qui consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante, peut constituer une cause légitime de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur. L’insuffisance professionnelle découle de l’incapacité du salarié à tenir correctement son poste de travail, et non de sa mauvaise volonté. Elle se définit comme l’incapacité du salarié à accomplir les tâches qui lui sont confiées en raison d’un manque de compétences. Elle résulte, en principe, d’un comportement involontaire de l’intéressé et ne revêt pas un caractère fautif.

A la différence de l’insuffisance professionnelle, la faute suppose un comportement volontaire (abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée) du salarié.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle échappe donc au droit disciplinaire.

L’insuffisance professionnelle peut motiver un licenciement à conditions qu’elle soit établie par l’employeur et qu’elle ait des répercussions négatives sur la bonne marche de l’entreprise.

Enfin, les dispositions de l’article L.1332-4 du code du travail relatives à la prescription des faits fautifs ne s’appliquent qu’aux procédures disciplinaires, et non aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle pour lesquelles tous les faits y compris ceux dont l’employeur aurait connaissance depuis plus de deux mois peuvent être invoqués.

En l’espèce, M. [M] soutient tout d’abord que sous couvert d’une insuffisance professionnelle, il lui est en réalité reproché des faits fautifs qui ne pouvaient fonder son licenciement puisqu’ils étaient antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure de licenciement.

Il convient donc d’analyser les faits reprochés à M. [M] afin de déterminer s’ils relèvent de l’insuffisance professionnelle ou de la faute disciplinaire.

La lettre de licenciement de M. [M] du 3 février 2017 est ainsi libellée :

« …En effet, les faits qui justi ent votre licenciement, et qui ont été évoqués avec vous lors de l’entretien. sont les suivants :

Vous avez exercé au sein de la Société Civile, des Hèrîtiers [S] pendant de nombreuses années des fonctions d’ouvrier en viticulture pour lesquelles vous avez donné entièrement satisfaction.

Suite au départ à la retraite de votre père, vous avez fait savoir votre souhait de devenir chefde culture et nous vous avons confirmé à ce poste à compter du 1°’ mars 2014.

Cette promotion, qui a été accompagnée d’une substantielle augmentation de salaire, a naturellement considérablement modifié l’étendue de vos missions qui sont contractualisées à l’article 2 de l’avenant n° 3 de votre contrat de travail.

Pour mémoire, et notamment:

– ll vous appartient normalement de gérer le personnel (plannings, consignes de sécurité et de travail) ainsi que les employés saisonniers,

– ll vous appartient normalement de mener la conduite technique du vignoble.

– Il vous appartient normalement de planifier et de suivre l’ensemble des travaux,

– ll vous appartient normalement d’évaluer l’état et la qualité de la vigne et des raisins tout au long de le saison.

Or, et sans que cette liste soit limitative, nous avons malheureusement constaté votre Incapacité à occuper pleinement ces fonctions.

Ainsi et à titre d’exemple s’agissant de la gestion du personnel, vous n’adressez à la direction aucun reporting, aucune trace n’est d’ailleurs réalisée sur le suivi des heures des équipes, ce qui contrevient à nos obligations conventionnelles.

Nous vous avons demandé a plusieurs reprises de le faire.

Malheureusement, cette demande n’a jamais été suivie d’effets.

Par ailleurs et s’agissant de l’effeuillage 2016, les équipes de BANTON & LAURET ont mis deux fois plus de temps que la normale. sans pour autant que vous ne reagissiez.

Il est d’ailleurs curieux de constater que sur la gestion de votre propre planning, vous n’avez jamais semblé être en mesure de réaliser vos tâches sans réaliser d’heures au-delà de la durée prévue et alors même que nous vous avons demandé à plusieurs reprises de respecter la durée de travail qui est contractualisée et qui comporte déjà 5 heures supplémentaires par semaine.

– S’agissant de la conduite du vignoble, vous n’avez jamais été en mesure de proposer quelle que mesure que ce soit, adoptant systématiquement un comportement passif vis-à-vis de la direction et étant par ailleurs incapable de prendre des décisions, notamment sur le déclenchement d’un traitement (à titre d’exemple, le traitement du mois de juin qui a dû être ordonné à distance depuis Hong-Kong, alors même que vous étiez sur place).

Autre exemple du mauvais suivi de la conduite du vignoble : vous n’avez réalisé aucun suivi des maladies en fréquence et intensité.

– S’agissant des travaux de la vigne. là encore vous n’avez jamais rédigé les consignes de travail auprès de vos équipes, celles-ci devant être systématiquement écrites par la directrice.

– S’agissant de la gestion des besoins phytosanitaires et engrais, là encore le suivi n’est pas fait par vous-même.

Aucune traçabilité n’est suivie dans les faits.

– Dernier exemple, le 30 juin dernier, vous avez informé par texto d’une « attaque de

mildiou ou sur grappes ».

L’information était très insuffisante, dès lors que rien ne permettait au vu de votre SMS de mesurer l’attaque par un jugement de fréquence et d’intensité.

Nous avons donc du constater par nous-mêmes, avec l’un des ouvriers, que s’il y avait effectivement une petite attaque, celle-ci ne concernait qu’ 1 à 10 % des grappes touchées,

avec 1 à 2 % des baies touchées sur l’ ensemble de la propriété, mais aucun symptôme sur feuilles.

Vous êtes parti en vacances le 1° juillet au soir sans jamais vous soucier des mesures qui allaient être prises s’agissant du traitement de l’avancement de la maladie.

Nous étions cependant surpris car, nous avions normalement traité dans les temps et avec des produits adaptés.

Il était donc anormal d’avoir des attaques sur grappes et non sur feuilles.

Vous ne pouvez ignorer que cela s’explique généralement par un défaut de pulvérisation.

Force est de relever que vous n’avez pas cherché à traiter la problématique qui semble t-il n’est pas nouvelle.

Mme [W] a donc dû faire effectuer dans d’urgence des contrôles avec papier hydro-sensible pour analyser la qualité de pulvérisation des outils.

Ces tests ont donné des mauvais résultats sur grappes.

Mme [W] s’est alors rapprochée du constructeur qui a con rmé que les rampes de traitement étaient trop éloignées du feuillage.

A votre retour de congés, Mme [W] et vous-même avez évoqué cette problématique et il vous a été proposé de faire le point sur ces problèmes de traitement, et votre incapacité à gérer ces problèmes.

Vous êtes depuis lors en arrêt maladie. Nous n’avons naturellement aucun commentaire à faire sur l’origine de la suspension de votre contrat de travail.

Cependant, l’ensemble des faits précités relèvent d’une insuffisance professionnelle qui, compte tenu de votre poste de chef de culture, n’est pas compatible avec les impératifs et les exigences liées àl a propriété.

Compte tenu de l’ancienneté au sein de la propriété et de la volonté que nous avions que vous puissiez continuer à faire partie de cette entreprise familiale, nous vous avons tout d’abord proposé une sanction consistant seulement en une modi cation de vos fonctions.

Après un entretien préalable à sanction, nous vous avons ainsi proposé de reprendre vos fonctions d’ouvrier en viticulture/tractoriste. .

Cette proposition s’accompagnait d’une rémunération sur la base d’une durée de 35 heures à hauteur de 28.000,00 euros bruts annuels a n de prendre en considération non seulement le salaire qui était le votre, mais aussi des augmentations régulières et non négligeables auxquelles vous auriez pu prétendre si vous aviez gardé ces fonctions. outre l’avantage en nature lié à votre logement de fonction, ainsi que toute autre prime ou autre avantage propre à la propriété.

Dès lors que cette sanction entrainait une modification de vos fonctions, elle supposait votre accord.

Nous vous avions précisé qu’à défaut d’acceptation, nous serions contraints d’envisager la rupture de votre contrat.

Par courrier du 1er décembre 2016, et en toute connaissance de cause, vous avez refusé cette proposition de modification de votre contrat.

Compte tenu de notre besoin impérieux de pouvoir nous appuyer sur un chef de culture qui remplit pleinement l’ensembIe de ses missions contractuelles, ce qui n’est pas votre cas, les insuffisances professionnelles précitées, et votre refus d’accepter la sanction qui vous a été proposée, nous contraint à vous notifier votre licenciement… »

*

L’employeur ne peut motiver le licenciement sur l’insuffisance professionnelle si le salarié décide, délibérément, de ne pas respecter les consignes données. L’employeur doit alors fonder le licenciement sur la faute si les faits reprochés à ce dernier caractérisent une insubordination. Il importe peu que celle-ci aboutisse au même résultat qu’une insuffisance professionnelle, à savoir l’inexécution par le salarié des tâches confiées.

En l’espèce, c’est à juste titre que le salarié invoque le caractère disciplinaire du licenciement.

En effet, les termes de la lettre de licenciement permettent de retenir que l’employeur reproche au salarié à titre principal, un comportement fautif.

Ainsi, l’employeur y écrit : « Ainsi et à titre d’exemple s’agissant de la gestion du personnel, vous n’adressez à la direction aucun reporting, aucune trace n’est d’ailleurs réalisée sur le suivi des heures des équipes, ce qui contrevient à nos obligations conventionnelles. Nous vous avons demandé a plusieurs reprises de le faire. Malheureusement, cette demande n’a jamais été suivie d’effets. »

Il caractérise notamment l’insuffisance par le fait que « s’agissant de l’effeuillage 2016, les équipes de BANTON & LAURET ont mis deux fois plus de temps que la normale, sans pour autant que vous ne réagissiez….s’agissant des travaux de la vigne, là encore vous n’avez jamais rédigé les consignes de travail auprès de vos équipes, celles-ci devant être systématiquement écrites par la directrice….vous êtes parti en vacances le 1° juillet au soir sans jamais vous soucier des mesures qui allaient être prises s’agissant du traitement de l’avancement de la maladie… », ces éléments relevant cependant d’une abstention ou d’une mauvaise volonté délibérée.

Par ailleurs, M.[M] relève, qu’en arrêt de travail depuis 4 mois, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire le 7 novembre 2016, se plaçant ainsi sur le terrain disciplinaire et qu’il a reçu le 21 novembre suivant, une lettre de sanction consistant en une proposition de rétrogradation, visant exactement les mêmes griefs que ceux invoqués au soutien de la lettre de licenciement.

Néanmoins, il est constant que le salarié ayant refusé la rétrogradation, il n’y a pas violation de l’interdiction de sanctionner deux fois la même faute puisque la sanction n’a pu produire effet en raison de ce refus.

Toutefois, compte tenu des éléments ci dessus évoqués, il doit être considéré que cette procédure de licenciement disciplinaire engagée sous couvert d’une insuffisance professionnelle vise des faits dont l’employeur avait connaissance depuis plus de deux mois, le dernier datant du 1er juillet 2016, qui ont donné lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires le 7 novembre 2016 et qui sont donc prescrits.

Il apparaît également que l’ensemble des griefs formulés dans la lettre de licenciement à l’encontre du salarié étaient connus de l’employeur avant que celui-ci ne dénonce les faits de harcèlement moral subi, étant précisé que tant la chronologie des mesures prises à l’encontre du salarié intervenues postérieurement à la dénonciation de faits de harcèlement que la nature même de ces décisions, témoignent du souhait de l’employeur de se séparer de lui en raison de cette dénonciation. En effet, il ressort de la procédure qu’ensuite du courriel du salarié du 27 juillet 2016 dénonçant les pratiques de Mme [W] à son endroit, l’employeur pour toute réponse, lui a adressé le 1er août 2016, une proposition de rupture conventionnelle en ces termes : “…cette offre, co-validée par [K], exprime notre reconnaissance par rapport au travail que tu as accompli à La Conseillante depuis des années… la situation délicate dans laquelle on se trouve aujourd’hui ne doit pas masquer les deux décennies de bonne entente que nous avons eues” qui contraste singulièrement avec les griefs relevés à l’encontre de M. [M] pour justifier dès le 21 novembre 2016 de la proposition de rétrogradation à titre de sanction et de son licenciement intervenu le 2 février 2017.

Il en résulte qu’il est établi que l’employeur a décidé de procéder à un licenciement disciplinaire déguisé en conséquence de la dénonciation par M. [M] d’agissements de harcèlement moral.

En application des dispositions des articles L.1152-2 et L.1153-3 du code du travail, le licenciement doit donc être déclaré nul.

La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement

Sur le salaire de référence

Eu égard aux pièces de la procédure et notamment de l’attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire, il convient de fixer le salaire de référence mensuel brut à hauteur de la somme de 4.500 euros et de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur les dommages et intérêts au titre du licenciement nul

M. [M] sollicite la réformation du jugement entrepris et l’allocation de la somme de 80.000 euros.

Son indemnisation relève des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail.

Eu égard notamment aux circonstances de la rupture, au montant de la rémunération versée à M. [M], à son âge, à son ancienneté de près de 19 ans, aux conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies,

à la persistance des troubles d’ordre psychologique, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 65.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.

La décision critiquée sera infirmée de ce chef.

-III- Sur les autres demandes

Sur la demande tendant à la rectification fiscale

M. [M] soutient que les salaires des exercices fiscaux 2015, 2016 et 2017 comportent des anomalies en ce que l’employeur ayant été subrogé pour le versement des indemnités journalières versées par la MSA, seule une partie de ces sommes perçues ont fait l’objet d’un traitement de sorte qu’il a conservé une assiette d’imposition pleine.

Il demande la condamnation de la société a procédé à la rectification des nets imposables déclarés aux services fiscaux pour cette période. Il verse au soutien de sa demande un tableau intitulé « recalcul du net imposable » sans pour autant produire ses avis d’imposition ce qui ne permet pas à la cour de déterminer si sa demande est en l’état justifiée.

Faute par M. [M] de produire les éléments justifiant de sa demande, il doit en être débouté.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Sur la remise de bouteilles de vin

Il résulte des pièces versées à la procédure et non contestées par les parties que les bouteilles de vin promises au salarié lors de l’établissement de son reçu de solde de tout compte ont été finalement remises à sa mère en janvier 2019 contre signature de cette dernière.

Par voie de conséquence le salarié sera débouté de cette demande et la décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur la demande au titre des frais de l’expertise

Le salarié sollicite la condamnation de la société lui verser la somme de 432 euros représentant des frais d’expertise sans autre précision ni justification de sorte qu’il sera débouté de sa demande et la décision des premiers juges sera confirmée.

Sur les demandes au titre des intérêts, des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile

Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil des prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La société devra délivrer à M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision.

La société qui succombe supportera les entiers dépens.

L’équité commande de faire application des dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en conséquence de condamner la société à verser à M. [M] [O] la somme de 3.200 euros, en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse, a débouté M.[M] de ses demandes au titre du harcélement moral et d’une indemnité de congés payés en lien avec la reconnaissance de sa maladie professionnelle et a condamnée la Société Civile des Héritiers [S] à verser à M. [M] la somme de 693,14 euros à titre de rappel de salaire ainsi que celle de 69,31 euros au titre des congés payés afférents,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [M] est nul,

Condamne la Société Civile des Héritiers [S] les sommes suivantes :

– 10.000 euros au titre du harcèlement moral,

– 65.000 euros au titre du licenciement nul,

– 530,99 euros au titre du rappel de salaire ainsi que celle de 53,10 euros au titre des congés payés afférents ;

– 2246, 47 euros au titre des congés payés en lien avec la reconnaissance de sa maladie professionnelle ;

– 3.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

Rappelle que les créances salariales produiront intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil des prud’hommes et les créances indemnitaires produiront intérêt au taux légal à compter à compter du prononcé de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Dit que la Société Civile des Héritiers Nicola devra délivrer à M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la Société Civile des Héritiers [S] aux entiers dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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