Embauche et licenciement de M. [T]M. [S] [T] a été embauché par la SAS Capitole déménagements en tant que déménageur à compter du 4 juin 2013, et a occupé le poste de chef d’équipe. La convention collective applicable est celle des transports routiers. Le 27 mai 2020, la société a convoqué M. [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 8 juin 2020. Par la suite, M. [T] a été licencié pour faute grave par courrier daté du 16 juin 2020. Actions en justice de M. [T]Le 1er octobre 2020, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour obtenir diverses indemnités, y compris l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire. Le jugement rendu le 18 octobre 2022 a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Capitole déménagements à verser plusieurs sommes à M. [T]. Appel de la SAS Capitole déménagementsLa SAS Capitole déménagements a interjeté appel du jugement le 17 novembre 2022, contestant les décisions rendues par le conseil de prud’hommes. En parallèle, la société a été soumise à plusieurs jugements du tribunal de commerce de Toulouse, ouvrant une procédure de redressement judiciaire, puis convertie en liquidation judiciaire. Intervention de M. [T] et demandes en appelM. [T] a assigné en intervention forcée les organes de la procédure de liquidation judiciaire. Dans ses conclusions, il a demandé la confirmation du jugement initial et a sollicité des dommages et intérêts supplémentaires pour licenciement abusif et vexatoire. De son côté, la SELAS ARVA et la SELARL [U] [I] ont demandé l’infirmation du jugement en ce qui concerne le licenciement et les sommes dues. Motifs du jugement et décisions de la courLa cour a confirmé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, en raison du non-respect du délai de deux mois pour engager la procédure de licenciement après la connaissance des faits. Les créances de M. [T] ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire, incluant l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a également statué sur les intérêts au taux légal et la remise des documents sociaux, sans astreinte. Conséquences financières et frais de justiceLa SAS Capitole déménagements a été condamnée à payer des sommes spécifiques à M. [T] et à supporter les dépens de la procédure. La cour a également rappelé que les intérêts sur les créances salariales avaient cessé de courir à la date d’ouverture de la liquidation judiciaire. Les frais irrépétibles exposés par M. [T] en appel ont également été pris en compte dans la décision finale. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour faute grave ?Le licenciement pour faute grave doit respecter certaines conditions pour être considéré comme valide. Selon l’article L1232-1 du Code du travail, le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur, qui doit démontrer que les faits reprochés sont suffisamment graves pour justifier un licenciement immédiat. Dans le cas présent, la SAS Capitole déménagements a invoqué un accrochage de véhicule comme motif de licenciement. Cependant, le conseil de prud’hommes a jugé que la procédure de licenciement avait été engagée après le délai de deux mois prévu par l’article L1332-4 du Code du travail, ce qui a conduit à la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quels sont les droits d’un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ?Lorsqu’un salarié est licencié sans cause réelle et sérieuse, il a droit à plusieurs indemnités. Selon l’article L1235-3 du Code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité dont le montant est déterminé par un barème en fonction de son ancienneté et de la taille de l’entreprise. Dans le cas de M. [T], qui avait 7 ans d’ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés, le conseil de prud’hommes a fixé les dommages et intérêts à 15.000 €, correspondant à environ 6,49 mois de salaire. M. [T] a également droit à une indemnité compensatrice de préavis, qui est de deux mois dans son cas, ainsi qu’à une indemnité de licenciement calculée selon les dispositions de l’article L1234-9 du Code du travail. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut également demander des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, mais cela doit être prouvé. Quelles sont les conséquences d’une liquidation judiciaire sur les créances salariales ?La liquidation judiciaire a des conséquences importantes sur les créances salariales. Selon l’article L622-28 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts sur les créances. Dans le cas de M. [T], ses créances salariales ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Capitole déménagements. Cela signifie qu’il sera remboursé dans le cadre de la procédure collective, mais il ne pourra pas percevoir d’intérêts sur ses créances depuis l’ouverture de la liquidation. De plus, le CGEA, en tant que mandataire de l’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés), est tenu de garantir le paiement des créances salariales dans les limites prévues par la loi. Cela offre une certaine protection aux salariés en cas de défaillance de l’employeur. Comment se calcule l’indemnité de licenciement ?L’indemnité de licenciement est calculée selon les dispositions de l’article L1234-9 du Code du travail. Pour un salarié ayant moins de 10 ans d’ancienneté, l’indemnité est égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté. Pour les années au-delà de 10 ans, l’indemnité est de 1/3 de mois de salaire par année. Dans le cas de M. [T], qui avait 7 ans d’ancienneté, son indemnité de licenciement a été fixée à 4.045 €, ce qui correspond à la formule applicable pour son ancienneté. Il est important de noter que cette indemnité ne peut être versée en cas de licenciement pour faute grave, sauf si le licenciement est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme cela a été le cas ici. Quelles sont les implications de la prescription en matière de licenciement ?La prescription en matière de licenciement est régie par l’article L1332-4 du Code du travail, qui stipule qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Dans le cas de M. [T], l’accrochage du camion s’est produit le 20 février 2020, et la procédure de licenciement n’a été engagée que le 27 mai 2020, soit après le délai de deux mois. Le conseil de prud’hommes a donc jugé que la SAS Capitole déménagements avait laissé passer le délai de prescription, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cela souligne l’importance pour les employeurs de respecter les délais légaux lors de l’engagement de procédures disciplinaires. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°24/340
N° RG 22/04002
N° Portalis DBVI-V-B7G-PC6T
FCC/ND
Décision déférée du 18 Octobre 2022
Conseil de Prud’hommes
Formation paritaire de TOULOUSE
M CHAPUIS
SECTION COMMERCE
SAS CAPITOLE DEMENAGEMENT
S.E.L.A.S. ARVA
SELARL [U] [I]
C/
[S] [T]
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
*
ARRÊT DU QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
*
APPELANTES
SELARL [U] [I], prise en la personne de Me [U] [I],
es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS CAPITOLE DEMENAGEMENTS
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Marjorie VELLA-LAFAGE, avocat au barreau de TOULOUSE
S.E.L.A.S. ARVA, es-qualités d’administrateur judiciaire de la SAS CAPITOLE DEMENAGEMENTS (n’intervenant plus)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant eu comme conseil Me Marjorie VELLA-LAFAGE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur [S] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Géraldine BOIGAS, avocat au barreau de TOULOUSE
PARTIE INTERVENANTE
UNEDIC DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 3]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL,conseillère,chargée du rapport.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
M. [S] [T] a été embauché selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 juin 2013 par la SAS Capitole déménagements en qualité de déménageur. En dernier lieu, il était chef d’équipe.
La convention collective applicable est celle des transports routiers.
Par courrier du 27 mai 2020, la SAS Capitole déménagements a convoqué M. [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 8 juin 2020.
Par LRAR du 16 juin 2020, M. [T] a été licencié pour faute grave.
M. [T] a saisi le 1er octobre 2020 le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, avec intérêts au taux légal capitalisés, et de remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés.
Par jugement du 18 octobre 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS Capitole déménagements à régler à M. [T] les sommes suivantes :
* 4.623 € bruts au titre de l’indemnité de préavis,
* 462 € bruts au titre des congés payés afférents au préavis,
* 4.045 € au titre de l’indemnité de licenciement,
* 15.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– rejeté les plus amples demandes,
– ordonné la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le trentième jour de la notification de la présente décision, et pour une période de 2 mois, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte,
– dit que les créances salariales produiront intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le conseil, que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement et ordonné la capitalisation des intérêts,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit, et fixé la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 2.311,39 €,
– condamné la SAS Capitole déménagements à régler à M. [T] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Capitole déménagements aux éventuels dépens,
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.
La SAS Capitole déménagements a interjeté appel de ce jugement le 17 novembre 2022, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision et intimant M. [T].
En cours de procédure d’appel, la SAS Capitole déménagements a fait l’objet de plusieurs jugements du tribunal de commerce de Toulouse :
– jugement du 26 février 2024 ouvrant une procédure de redressement judiciaire et désignant la SELARL [U] [I] et la SELAS ARVA ès qualités respectives de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire ;
– jugements du 6 mai 2024 convertissant le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et arrêtant un plan de cession, la SELARL [U] [I] devenant liquidateur judiciaire et la SELAS ARVA étant maintenue administrateur judiciaire afin de passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession.
Par actes du 26 avril 2024, M. [T] a fait assigner en intervention forcée la SELAS ARVA administrateur judiciaire et la SELARL [U] [I] alors mandataire judiciaire, devenue ensuite liquidateur judiciaire, ainsi que le CGEA.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 4 septembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la SELAS ARVA et la SELARL [U] [I] ès qualités respectives d’administrateur judiciaire et de mandataire liquidateur de la SAS Capitole déménagements demandent à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société au paiement de sommes avec intérêts au taux légal et capitalisation, ordonné la remise sous astreinte de documents sociaux, fixé la moyenne des salaires et condamné la société aux dépens,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les plus amples demandes,
– débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes, en ce compris ses demandes sur appel incident de nature à se voir octroyer la somme de 18.491 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif et 5.000 € au titre du caractère vexatoire de son licenciement,
– condamner M. [T] à rembourser l’ensemble des sommes perçues au titre de l’exécution provisoire,
– condamner M. [T] à payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [T] aux entiers dépens.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 13 septembre 2024, auxquelles il est fait fait expressément référence, M. [T] demande à la cour de :
– révoquer la clôture de l’instruction et l’ordonner au jour de l’audience de plaidoirie,
– recevoir M. [T] en son appel incident et y faire droit,
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, statué sur les intérêts au taux légal et la capitalisation, ordonné la remise sous astreinte de documents sociaux, fixé la moyenne des salaires et condamné la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– dire qu’en l’absence de ressources suffisantes de la SAS Capitole déménagements, le CGEA, mandataire de l’AGS entrera en garantie de la créance de M. [T],
Au besoin y ajoutant :
– fixer la créance salariale de M. [T] à la procédure collective de la SAS Capitole déménagements aux sommes suivantes :
* indemnité compensatrice de préavis (deux mois) : 4.623 €,
* congés payés sur indemnité compensatrice de préavis : 462 €,
* indemnité légale de licenciement : 4.045 €,
– pour le surplus infirmer les chefs du jugement critiqués au titre de l’appel incident,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
– dire et juger que le licenciement est vexatoire et brutal,
– dire qu’en l’absence de ressources suffisantes de la société Capitole déménagements, le CGEA entrera en garantie de la créance de M. [T],
– fixer la créance salariale de M. [T] à la procédure collective de la société Capitole déménagements aux sommes suivantes :
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif (huit mois) : 18.491 €,
* à titre subsidiaire, en cas de confirmation par la cour du quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.000 €,
* dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et brutal : 5.000 €,
– condamner la société Capitole déménagements à payer à M. [T] la somme de 3.500 € au titre de la présente procédure d’appel,
– condamner la société Capitole déménagements aux entiers dépens de l’instance,
– débouter la société Capitole déménagements de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Par courrier du 30 mai 2024, le CGEA qui a été assigné à sa personne a indiqué ne pas constituer avocat.
La clôture de la procédure a été fixée au 20 février 2024 puis reportée au 10 septembre 2024.
Par acte du 24 septembre 2024, le conseil de la SELAS ARVA a révoqué sa constitution pour sa cliente.
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 24 septembre 2024, la SELARL [U] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire demande à la cour :
– la révocation de l’ordonnance de clôture,
– le renvoi du dossier à une audience de plaidoirie ultérieure aux fins d’appeler en cause les organes de la procédure.
A l’audience du 26 septembre 2024, en accord avec les parties, la clôture a été reportée au 26 septembre 2024, avant l’ouverture des débats, et le dossier a été retenu.
La révocation d’avocat par l’administrateur judiciaire n’a pas d’effet en l’absence de constitution aux lieux et places par application des dispositions de l’article 419 du code de procédure civile. Toutefois la procédure est en l’espèce régulière puisque si l’administrateur n’est en l’état plus saisi, la société en liquidation judiciaire demeure représentée par le seul organe de la procédure ayant qualité pour le faire, à savoir le mandataire liquidateur. La cour est ainsi saisie de ses conclusions au fond.
Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
La lettre de licenciement était ainsi motivée :
‘Au départ du dépôt pour un chantier en date du 20 février 2020, avec le camion de déménagement, vous avez accroché l’intégralité d’un côté de la caisse sur toute la longueur, en passant en force entre 2 véhicules stationnés dont l’un d’eux avait un chargement de pillons métalliques débordant du plateau.
Avec les deux véhicules stationnés de chaque côté de la rue, vu l’espace aussi réduit, vous n’auriez pas dû vous engager.
Notre assureur nous a appris par mail après le confinement, que votre responsabilité était à 100 % de votre faute.
Ces faits sont constitutifs d’un manquement grave à vos obligations de chauffeur VL.
Vous avez été convoqué pour un entretien préalable à votre éventuel licenciement qui a eu lieu le lundi 08 juin 2020, avec Madame [R] [N], agissant en qualité de Présidente et au cours duquel vous avez été en mesure de présenter vos explications. Ces explications n’ont pas modifié notre appréciation au sujet de la gravité des faits qui vous sont reprochés, lesquels rendant impossible votre maintien dans la société, y compris pendant la durée de votre préavis.
Aussi, nous vous notifions par la présente, votre licenciement immédiat pour faute grave.’
Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa de ce texte, l’accrochage du camion s’étant produit le 20 février 2020 et la procédure de licenciement n’ayant été engagée que le 27 mai 2020 soit passé le délai de deux mois.
La société [U] [I] ès qualités qui sollicite l’infirmation du jugement estime qu’aucune prescription n’a joué car la SAS Capitole déménagements a attendu, avant d’engager la procédure de licenciement pour faute grave, que sa compagnie d’assurance Marsh reconnaisse la responsabilité de M. [T], ce que la compagnie a fait par courrier du 30 mars 2020 adressé par mail du 9 avril 2020.
Toutefois, le jour même de l’accrochage du 20 février 2020, a été dressé un constat amiable entre la SAS Capitole déménagements et la société Itas Pylones, dont il ressort que le poids lourd conduit par M. [T] et appartenant à la SAS Capitole déménagements est passé entre deux poids lourds stationnés de part et d’autre de la route et a accroché celui qui était stationné sur le côté droit ; dès le 20 février 2020, la SAS Capitole déménagements avait donc connaissance des circonstances de l’accrochage et savait que, nécessairement, sa responsabilité serait engagée dès lors qu’elle était propriétaire du véhicule en mouvement qui avait accroché un véhicule à l’arrêt, d’autant qu’elle ne prétend pas avoir contesté sa responsabilité auprès de son assureur en alléguant un stationnement irrégulier du poids lourd de la société Itas Pylones ; elle avait toute faculté pour engager la procédure de licenciement à l’encontre de M. [T], sans être obligée d’attendre la position de son assureur qui a estimé que la responsabilité de son conducteur était de 100 % et qu’il ne couvrirait pas le sinistre faute de garantie dommage souscrite pour ce véhicule ; d’ailleurs, même après avoir eu connaissance du courrier de l’assureur, elle a encore attendu un mois et demi avant d’agir.
La SAS Capitole déménagements n’ayant engagé la procédure de licenciement que plus de 2 mois après l’accrochage, elle était prescrite, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [T] avait une ancienneté de 7 ans. Il allègue un salaire moyen mensuel de 2.311,39 €, que l’employeur ne conteste pas. Il indique que la SAS Capitole déménagements employait moins de 11 salariés.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
M. [T] ayant plus de 2 ans d’ancienneté pouvait prétendre à un préavis de 2 mois.
L’indemnité compensatrice de préavis arrondie à 4.623 € bruts outre congés payés de 462 € bruts sera donc confirmée.
Sur l’indemnité de licenciement :
En vertu de l’article L 1234-9 du code du travail, en sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.
L’indemnité de 4.045 € sera confirmée.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour un salarié ayant 7 ans d’ancienneté au jour du prononcé de la résiliation judiciaire, dans une entreprise comprenant moins de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 2 et 8 mois de salaire brut.
En cause d’appel, M. [T] entend voir porter les dommages et intérêts de 15.000 € soit 6,49 mois de salaire, à 18.491 € soit 8 mois de salaire.
M. [T], né le 4 décembre 1991, était âgé de 28 ans au moment du licenciement.
Il ne justifie pas de sa situation professionnelle après le licenciement.
Les dommages et intérêts seront réduits à 10.000 €.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :
Le fait que l’employeur ait attendu plus de 3 mois après les faits pour engager la procédure de licenciement ne rendait pas celui-ci brutal et vexatoire, le débouté de la demande de dommages et intérêts étant confirmé.
Sur les intérêts au taux légal :
Les dispositions relatives aux intérêts au taux légal et à la capitalisation sur les créances salariales (4.623 €, 462 € et 4.045 €) seront confirmées, sauf à dire que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire du 26 février 2024 a en application de l’article L 622-28 du code de commerce définitivement arrêté le cours des intérêts.
En revanche, du fait de l’infirmation par l’arrêt sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les intérêts au taux légal n’ont pas pu courir sur ces dommages et intérêts.
Sur la remise des documents sociaux rectifiés :
Cette remise sera confirmée mais sans qu’il y ait lieu à fixation d’une astreinte.
Compte tenu de la liquidation judiciaire de la SAS Capitole déménagements, les créances seront fixées au passif et il y aura lieu à garantie du CGEA dans les conditions prévues par la loi et le règlement et suivant les plafonds de garantie applicables.
L’employeur qui perd sur le licenciement supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles, et ceux exposés par le salarié en première instance (2.000 €) et en appel (1.500 €).
La Cour,
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Capitole déménagements à payer à M. [S] [T] des sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés, de l’indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a fixé une astreinte assortissant la délivrance des documents sociaux rectifiés et en ce qu’il a dit que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jugement,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Capitole déménagements les créances de M. [S] [T] comme suit :
– 4.623 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés de 462 € bruts,
– 4.045 € d’indemnité de licenciement,
– 10.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Rappelle que les intérêts au taux légal sur les créances salariales ont cessé de courir au 26 février 2024,
Dit que les intérêts au taux légal n’ont pas couru sur les dommages et intérêts depuis une date antérieure au présent arrêt,
Dit n’y avoir lieu à fixation d’astreinte assortissant la délivrance des documents sociaux conformes, ni à liquidation de cette astreinte,
Déclare l’arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS, CGEA de [Localité 3] qui garantira le paiement des créances de M. [S] [T] dans les conditions prévues par la loi et le règlement et suivant les plafonds de garantie applicables,
Confirme le jugement en ses dispositions non contraires,
Condamne la SELARL [U] [I] ès qualités de liquidateur de la SAS Capitole déménagements à payer à M. [S] [T] la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel,
Dit que les dépens seront passés en frais de liquidation judiciaire.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET
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