Lorsque le périmètre de l’activité du Directeur de la communication s’est progressivement réduit, l’employeur ne peut se fonder sur les termes contractuels pour lui opposer les griefs contenus dans la lettre de licenciement, alors que le salarié n’avait plus les mêmes moyens à sa disposition.
En l’occurrence, le licenciement du Directeur de la communication a été jugé sans cause réelle et sérieuse. Il avait notamment la responsabilité de gérer les communications à l’interne et à l’externe dans le but de promouvoir l’image d’un Club sportif, de définir la politique et la stratégie de communication du Club, de prendre en charge la réalisation des supports de communication, d’analyser les capacités de communication du Club.
Au titre de la communication en externe, il était chargé d’organiser et superviser les relations avec la Presse et les opérations auprès des partenaires, d’assurer la visibilité du Club, de mettre en place des actions marketing pour développer l’image de marque du Club, de gérer les relations avec les joueurs et les supporters.
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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale – Prud’Hommes
ARRÊT DU 23 Avril 2021
RG n° 18/03411
N° 1437/21
N° RG 18/03411 –��N° Portalis DBVT-V-B7C-R6UE
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS en date du 16 Octobre 2018
(RG 17/00260 -section 4)
APPELANT :
M. G D E
représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A. RACING CLUB DE LENS
représentée par Me David GUILLOUET, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me BAUDELLE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 03 Mars 2021
Tenue par Soleine HUNTER-FALCK
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Serge LAWECKI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
I J
: CONSEILLER
B C
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Avril 2021, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 juin 2020
La SASP Racing Club de Lens est soumise à la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football ; elle comprend plus de 10 salariés.
M. G D E, né en 1952, a été engagé le 01.01.2002 par l’association Racing Club de Lens en qualité de chargé des relations publiques ; il a été transféré à compter du 01.01.2012 au sein de la SASP Racing Club de Lens en qualité de directeur de la communication du RC Lens, membre du comité exécutif, en étant directement rattaché au président directeur général tout en rendant également compte au directeur général ; il bénéficiait d’une reprise d’ancienneté au 01.01.2002 et était embauché sous la qualification de cadre, coefficient 7b coefficient 970, à temps complet (151h67 par mois).
La moyenne mensuelle des salaires de M. G D E s’établit à 7.590,21 €.
M. G D E a été convoqué par lettre du 13.06.2017 à un entretien préalable fixé le 26.06.2017, puis licencié par son employeur le 26.07.2017 pour motif personnel dans les termes suivants :
‘Vous occupez le poste de Directeur de la Communication depuis le 1er janvier 2012. Conformément à la définition de fonctions annexée à votre contrat du 1er janvier 2012 et signée par vos soins, vous avez la responsabilité de gérer les communications à l’interne et à l’externe dans le but de promouvoir l’image du Club. Dans le cadre de la communication interne, il vous appartient essentiellement :
– de définir la politique et la stratégie de communication du Club,
– de prendre en charge la réalisation des supports de communication,
– d’analyser les capacités de communication du Club.
Au titre de la communication en externe, vous êtes chargé :
– d’organiser et superviser les relations avec la Presse et les opérations auprès des partenaires, – d’assurer la visibilité du Club,
– de mettre en place des actions marketing pour développer l’image de marque du Club,
– de gérer les relations avec les joueurs et les supporters.
Nous avons, cependant, constaté de votre part de sérieux manquements dans l’exécution de vos missions contractuelles.
Nous déplorons, en premier lieu, l’absence de mise en place d’une véritable stratégie de communication et, en particulier, nos retards dans la digitalisation de nos moyens de communication. Ainsi, le Club est très peu actif sur les réseaux sociaux majeurs, ce qui entrave sa visibilité optimale au quotidien et lors d’événements importants.
De même, aucune action de community management n’est mise en œuvre au Club, ce qui empêche toute modération nécessaire sur les réseaux sociaux et ne protège pas notre institution de toute rumeur infondée propagée sur les réseaux sociaux majeurs.
Nous déplorons, en deuxième lieu, un retard de 9 mois dans la refonte et la modernisation du site internet officiel du Club.
Ce retard est nécessairement préjudiciable à l’image du Club, dès lors que le site actuel est obsolète et dépassé en comparaison des sites internet des Clubs concurrents et d’autres sites internet « satellites » (lensois.com par exemple) qui sont mieux référencés que le site internet officiel du club.
Cette situation rend, par ailleurs, toute monétisation de notre site internet très complexe à mettre en oeuvre, ce qui nuit aux intérêts financiers du Club.
De plus, l’entreprise qui devait se charger de la refonte du site internet est désormais en proie à des difficultés financières la mettant dans l’impossibilité de réaliser la prestation convenue , de sorte que les sommes qui lui ont été avancées sont désormais à inscrire en pertes financières pour le Club.
Nous déplorons, en troisième lieu, votre incapacité à maintenir des relations sereines et apaisées avec les groupes de supporters.
A titre d’illustration, vous vous êtes engagé auprès du groupe MAGIC LENS à réserver 115 places dans la tribune TONY MAREK sans consulter le club au préalable.
L’impossibilité de tenir ces engagements a engendré un mécontentement de ce groupe de supporters et entraîné des tensions inutiles avec le Club et entre les groupes de supporters ultras, ce que nous déplorons.
Vous avez également promis à d’autres groupes de supporters de nouveaux abonnements en tribune
TONY MAREK et le club s’est retrouvé confronté à des difficultés de gestion dégradant son image auprès de ses plus fidèles supporters.
Ainsi, nous avons appris que vous aviez promis, sans aucune délégation du Club et sans aucune concertation avec ses dirigeants, 50 places au groupe de supporters KSO et45 places au groupe « Les Gueules Noires ».
Ces promesses impossibles à tenir étant donné la demande existante chez toutes les sections de supporters et étant donné la capacité de la tribune TONY MAREK vont inévitablement créer des tensions entre les groupes de supporters et dégrader la relation du Club avec tout ou partie de ces groupes de supporters historiques.
Nous déplorons, en quatrième lieu, l’absence de suivi du dossier WEO.
Ainsi, alors que des accords ont été pris avec cette chaîne télévisuelle pour augmenter la visibilité du Club depuis juillet 2016, vous vous êtes abstenu de mettre en place un véritable suivi de la mise en oeuvre de ces accords qui devaient rapporter au minimum au Club 210 000 Euros hors taxe sur la période (70 000 Euros par saison minimum).
Les carences du Club dans l’activation de ce partenariat ont poussé la chaîne WEO à remettre en cause nos accords, notamment sur la partie financière. WEO ne souhaite désormais plus payer que 30 000 Euros hors taxe par an pour les saisons 2017/2018 et 2018/2019, ce qui représente pour le club une perte financière sèche minimale de 80 000 Euros hors taxe.
WEO nous a, par ailleurs, indiqué vouloir désormais proposer à des clubs concurrents régionaux d’occuper l’espace laissé libre par le Club faute de contenus proposés. Nous considérons que ces manquements qui sont gravement préjudiciables aux intérêts du Club constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.’
Le 01.09.2017, le conseil des prud’hommes de Lens a été saisi par M. G D E en contestation de cette décision, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l’exécution du contrat de travail.
Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d’appel de Douai le 09.11.2018 par M. G D E à l’encontre du jugement rendu le 16.10.2018 par le conseil de prud’hommes de Lens section Encadrement, notifié le 02.11.2018, qui a :
Dit et jugé que le licenciement de M. G D E était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, condamne1e RACING CLUB DE LENS SASP à lui payer une somrne de 46.000 (quarante six mille) euros nets à titre de dommages et intérêts par application de l’article L.1235-3 du code du travail ;
Déboute M. G D E du surplus de ses demandes ;
Condamne le RACING CLUB DE LENS SASP à payer à M. G D E la somme de 2.000 (deux mille) euros nets par application des dispositions de l’article 700 1er du code de procédure civile ;
Déboute 1e RACING CLUB DE LENS SASP de1’ensemb1e de ses demandes ;
Précise que conformément aux dispositions des articles 1153 ct 1153-1 du code civil, les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal :
— à compter de la demande pour toutes les sommes de nature salariale,
— à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne 1e RACING CLUB DE LENS SASP aux entiers dépens ;
Vu les conclusions transmises par RPVA le 06.11.2019 par M. G D E qui demande à la cour de :
‘Dire bien appelé mal jugé’,
Dire et juger que le licenciement de Mr D E est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Confirmer le jugement entrepris sur ce point,
Réformer le jugement en ce qu’il a alloué à Monsieur D E la somme de 46.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau, condamner la SASP RACING CLUB DE LENS à lui payer une somme de 200.000,00 € à titre de dommages et intérêts par application de l’article L1235-3 du code du travail,
Infirmant le jugement pour le surplus,
Condamner la SASP RACING CLUB DE LENS à payer à Monsieur D E la somme de 285.407,30 €, au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés s’y rapportant pour un montant de 28.540,73 €,
Condamner la SASP RACING CLUB DE LENS à payer à Monsieur D E la somme de 184.947,44 € au titre des repos compensateurs,
Vu les dispositions de l’article L.8223-1 du Code du Travail,
Condamner la SASP RACING CLUB DE LENS à payer à Mr D E la somme de 45.541,26 € à titre de dommages et intérêts ,
Condamner la SASP RACING CLUB DE LENS à payer à Monsieur D E la somme de 4.000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la SASP RACING CLUB DE LENS aux entiers dépens ;
Vu les conclusions transmises par RPVA le 21.03.2019 par la SASP Racing Club de Lens qui demande de :
Confirmer le jugement rendu le 18 octobre 2018 par le Conseil de prud’hommes de Lens en ce qu’il a débouté Monsieur D E de ses demandes tendant au paiement d’heures supplémentaires outre les congés payés s’y rapportant, de repos compensateurs et d’une indemnité au titre de l’article L. 8223-1 du code du travail ;
Réformer ledit jugement en ce qu’il a :
— Dit le licenciement de Monsieur D E dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
— Condamné en conséquence le RACING CLUB DE LENS SASP à verser 46.000 euros nets de dommages et intérêts à Monsieur D E à ce titre ;
— Condamné le RACING CLUB DE LENS SASP à payer à Monsieur G D E la somme de 2.000 euros nets en application de l’article 700 du code de procédure civile;
— Débouté le RACING CLUB DE LENS SASP de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de Monsieur D E au paiement 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
En conséquence, statuant à nouveau :
A titre principal :
— DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur D E repose sur une cause réelle et sérieuse ;
— DIRE ET JUGER que Monsieur D E ne peut prétendre au paiement d’un rappel d’heures supplémentaires ;
— DIRE ET JUGER que Monsieur D E ne peut prétendre au paiement de repos compensateurs de remplacement ;
— DIRE ET JUGER que Monsieur D E ne peut prétendre au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;
En conséquence :
— DEBOUTER Monsieur D E de 1’ensemb1e de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
— RAMENER à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur D E ;
— LIMITER le montant dû à Monsieur D E au titre des heures supplémentaires à la somme de 66.552,48 € bruts;
— LIMITER le montant dû à Monsieur D E au titre des repos compensateurs à la somme de 97.632,9 € bruts ;
En tout état de cause :
— CONDAMNER Monsieur D E au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de1’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 10.06.2021 prise au visa de l’article 907 du code de procédure civile ;
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.
A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l’exécution du contrat de travail :
a) Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
M. G D E à l’appui de ses prétentions produit un décompte quotidien des heures supplémentaires qu’il aurait réalisées du 01.08.2014 au 15.06.2017, en précisant pour certains jours la nature de son activité et en particulier les déplacements réalisés dans le cadre de ses fonctions ; il estime que ses journées travaillées n’étaient jamais inférieures à 10h et il rappelle qu’il accompagnait les joueurs dans leurs déplacements pour des matchs, également le samedi et le dimanche ; il demande l’application des dispositions conventionnelles relatives à la majoration des heures supplémentaires. Par ailleurs, le salarié conteste avoir eu la qualité de cadre dirigeant dès lors qu’il était placé sous la subordination de M. F Z, directeur marketing et développement, qui était chargé de son évaluation, et qu’il n’a pas participé à la direction de l’entreprise, enfin son coefficient hiérarchique ne correspond pas au statut de cadre dirigeant selon la convention collective.
Pour sa part, la SASP Racing Club de Lens fait valoir que le salarié avait le statut de cadre dirigeant ce qui exclut le calcul de la durée du travail et donc des heures supplémentaires. Elle indique que M. G D E occupait le poste de directeur de la communication, statut cadre, catégorie 7b, coefficient de base 970 de la convention collective applicable ; il bénéficiait donc d’une des classifications les plus élevées et se trouvait directement rattaché au directeur général en participant aux travaux du comité exécutif ; il avait pour fonction de représenter l’entreprise devant les media.
Dès lors qu’il participait aux décisions stratégiques du club en matière de communication, et eu égard à l’importance de sa rémunération par nature forfaitaire, il convient de lui reconnaître le statut de cadre dirigeant. L’employeur relève enfin que l’article 2 du contrat de travail précise : ‘Compte tenu de la nature des fonctions et des missions confiées à Monsieur G D E, celui ci n’est pas astreint à un horaire précis mais devra consacrer le temps nécessaire au bon exercice de ses fonctions’.
Aux termes de l’article L 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III du code du travail.
Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
La SASP Racing Club de Lens se prévaut du cadre contractuel qui mentionne explicitement que M. G D E occupait le poste de directeur de la communication, statut cadre, catégorie 7b, coefficient de base 970 de la convention collective applicable ; de ce fait il bénéficiait d’une des classifications les plus élevées de l’entreprise ; il était rattaché directement au président directeur général, M. X, et il était prévu qu’il participait aux travaux du comité exécutif ; l’annexe 1 précise qu’il rendait compte au directeur général, M. Y, mais également qu’il représentait l’entreprise devant les medias ; l’employeur lui avait attribué une voiture de fonction ; enfin il bénéficiait d’une rémunération mensuelle importante de 70 K€ outre la prime d’ancienneté.
Il en résulte que M G D E était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome.
Cependant dans les faits, M G D E démontre, en invoquant les courriels des 24 et 30.11.2015, que le directeur général, M. Z, a occupé à partir de novembre 2016 les fonctions de directeur marketing et développement et qu’il se trouvait en charge de la communication externe et interne, M. G D E travaillant ‘en lien’ avec lui ; cette nouvelle organisation a été diffusée dans le numéro ‘Inside’ du 30.11.2016.
Les courriels communiqués par le salarié ne font pas état de sa participation au comité de direction de l’entreprise, ni du fait qu’il participait aux décisions stratégiques du club en matière de communication.
Au vu des articles de presse parus dans les journaux spécialisés en juin 2017, il apparaît qu’un nouveau directeur général a été nommé, M. A, et que le licenciement de M. G D E, désigné comme étant simplement responsable des relations avec les supporters et speaker officiel par le journal l’Equipe et le magazine ’20 minutes’, avait été décidé ; ce journal indique : ‘Si X continuera à faire bénéficier le club de son expérience et de son aura mais désormais il n’a plus aucun pouvoir de décision. Ses fidèles ont d’ailleurs été déclassés dans le nouvel organigramme’. L’organigramme daté du 15.06.2017 ne fait pas apparaître M. G D E ; c’est le directeur marketing, commercial et communication qui est en charge de la communication, des relations media et supporters.
Par suite il n’est pas démontré que, dans la réalité de l’exercice de ses fonctions, M. G D E cumulait les conditions prévues pour bénéficier du statut de cadre dirigeant alors même qu’il n’est pas davantage prouvé qu’il participait effectivement à la direction stratégique de l’entreprise. Le statut de cadre dirigeant ne peut pas lui être appliqué.
Par ailleurs, si le contrat de travail mentionne que M G D E n’est pas astreint à un horaire précis, le nombre d’heures supplémentaires inclus dans la rémunération prévue n’est pas indiqué.
Il s’ensuit que M G D E est en mesure de se prévaloir d’heures supplémentaires.
Il invoque le tableau récapitulant les heures supplémentaires effectuées et produit des échanges de courriels adressés dans le cadre de ses fonctions : soit à des heures tardives soit pendant ses congés soit au cours de certains le week end (21.12.2014, 26.12.2015, 31.12.2016).
De même, le salarié ayant été en lien avec son employeur ou les équipes sur le terrain, il en ressort que la SASP Racing Club de Lens en avait connaissance et ne s’y était pas opposé.
Il n’en résulte pas pour autant la preuve d’une activité pour le compte du club systématiquement de 10 heures par jour, ainsi que le week end lorsque le salarié n’était pas en déplacement. Également, le salarié décompte des heures supplémentaires à chaque fois qu’il mentionne un déplacement avec le club pour un match or le temps de trajet, habituel ou inhabituel, ne doit pas être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaire et le salarié a ainsi inclus des temps de trajet dans le décompte de ses heures supplémentaires, ces temps devant être déduits.
En dernier lieu M. G D E ne déduit pas les pauses méridiennes et ne fait pas de distinction entre le temps de travail effectif et le temps de repos notamment lors des déplacements.
Il se déduit de l’ensemble de ces faits, à l’encontre desquels l’employeur n’apporte cependant aucun élément de contradiction probant, que le salarié a effectivement réalisé des heures supplémentaires.
En ce qui concerne le calcul du rappel de salaire, les éléments de rémunération ne sont pas déterminés à partir d’un taux horaire ; en outre le contrat de travail ne fixe pas les heures supplémentaires à prendre en compte dans la rémunération mensuelle ; dans ces conditions il convient de se référer aux minimas conventionnels correspondant à la classification retenue.
Il convient, eu égard au taux de majoration légal et à la variation du taux horaire, de fixer le montant de la somme qui est due sur la période considérée à 60.000 euros, outre les congés payés. Le jugement sera infirmé.
b) Sur les repos compensateurs :
Chaque heure supplémentaire effectuée au delà du contingent ouvre droit, en plus des majorations de salaires habituelles, à une contrepartie obligatoire en repos dans les conditions prévues aux articles L 3121-30 et s. du code du travail.
Il sera attribué au salarié la somme de 20.000 € au titre des repos compensatoires eu égard au nombre d’heures supplémentaire retenues ; le jugement sera infirmé.
c) Sur le travail dissimulé :
Est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé tel que défini aux articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail. Cependant il appartient au salarié de démontrer l’intention frauduleuse de l’employeur ce qu’il ne fait pas, cette intention frauduleuse ne pouvant découler du seul fait que le salarié a accompli des heures supplémentaires.
M G D E estime que, compte tenu du nombre d’heures supplémentaires qu’il réclame, l’employeur s’est sciemment dispensé de les payer en toute connaissance de cause.
Cependant le nombre d’heures supplémentaires effectivement retenues a été limité au vu des
éléments dont dispose la cour ; il n’est dès lors pas démontré que la SASP Racing Club de Lens a volontairement tenté de dissimuler une partie du travail réalisé par le salarié, alors que contractuellement il avait été prévu que la rémunération avait un caractère forfaitaire sans cependant qu’une convention de forfait ait été signée.
Cette demande sera rejetée et le jugement confirmé.
Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :
La lettre de licenciement, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du litige qui peuvent être éventuellement précisés par l’employeur. Dès lors que l’employeur et le salarié sont d’accord pour admettre que le contrat de travail a été rompu, chacune des parties imputant à l’autre la responsabilité de cette rupture, il incombe au juge de trancher le litige en décidant quelle est la partie qui a rompu.
Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. En principe, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n’incombe pas spécialement à l’une ou à l’autre des parties. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. Le doute sur la réalité des faits invoqués doit profiter au salarié.
Au préalable M G D E observe que la lettre de licenciement a été signée ‘pour ordre’ par une personne non identifiée. Cependant, la lettre de licenciement peut avoir été signée par une personne de l’entreprise ayant expressément reçu pouvoir de le faire ; la délégation de pouvoir n’a pas nécessairement à être faite par écrit ; enfin l’entreprise n’a pas remis en cause dans le cadre de la présente procédure l’habilitation du signataire.
Egalement, il convient de constater que l’employeur ne produit pas de pièces aux débats à l’appui de son argumentation, en dehors des documents contractuels.
Il reproche au salarié les faits suivants :
a) Absence de mise en place d’une véritable stratégie de communication et, en particulier, retards dans la digitalisation de nos moyens de communication :
La SASP Racing Club de Lens affirme que M G D E n’est pas parvenu à mettre en place une véritable stratégie de communication et que le club était peu actif sur les réseaux sociaux.
M. G D E apporte la preuve que de ce que le RC Lens était leader au classement des pages Facebook, des comptes Instagram des clubs de Domino’s Ligue 2, et du compte twitter en mai 2017 ; il produit divers échanges de courriels démontrant son activité pour assurer la communication du club.
b) Retard de 9 mois dans la refonte et la modernisation du site internet officiel du Club :
La SASP Racing Club de Lens déclare que, au premier semestre 2017, le site internet officiel du club n’avait pas été modernisé et était devenu obsolète ; les autres sites étant mieux placés et mieux référencés, ce qui avait des conséquences financières.
M. G D E rappelle sur ce point que M. Z occupait depuis fin 2016 les fonctions de directeur marketing et développement ; il était responsable à ce titre de la communication externe et interne et notamment de la modernisation de la communication.
c) Incapacité à maintenir des relations sereines et apaisées avec les groupes de supporters.
La SASP Racing Club de Lens indique que le salarié avait pris des engagements vis à vis de groupes de supporters qui ne pouvaient pas être tenus.
M. G D E réplique avoir tenu le 06.06.2017 en présence de M. X, président, une réunion avec les représentants des associations de supporters, les engagements ont ainsi été pris en accord avec la direction.
d) Absence de suivi du dossier WEO
Un partenariat a été mis en place avec la chaîne télévisuelle WEO en juillet 2016 afin d’augmenter la visibilité du club ; la SASP Racing Club de Lens reproche au salarié de ne pas avoir activé ce partenariat, ce qui a eu des incidences financières négatives.
M. G D E démontre l’intervention de M. Z sur ce dossier qui l’avait en charge ainsi qu’il ressort des échanges de courriel produits.
Les manquements reprochés à M G D E dans l’exécution de ses fonctions ne sont pas démontrés.
Au surplus il ressort des éléments produits que le périmètre de son activité s’est progressivement réduit, l’employeur ne pouvant se fonder sur les termes contractuels pour lui opposer les griefs contenus dans la lettre de licenciement, alors que le salarié n’avait plus les mêmes moyens à sa disposition.
Le licenciement de M G D E est sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera confirmé dans son principe.
En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l’âge de M. G D E, de son ancienneté dans l’entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la SASP Racing Club de Lens sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 98.800 € ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux.
Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-5, le remboursement par l’employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités à concurrence de trois mois.
Il serait inéquitable que M. G D E supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SASP Racing Club de Lens qui succombe doit en être déboutée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement contradictoirement :
Déclare l’appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 16.10.2018 par le conseil de prud’hommes de Lens section Encadrement, en ce qu’il a dit que le licenciement de M G D E était sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné la SASP Racing Club de Lens à lui payer la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il l’a débouté de ses demandes relatives à des dommages intérêts pour travail dissimulé ; en ce qu’il a rejeté les demandes de la SASP Racing Club de Lens et l’a condamnée aux dépens ;
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne en conséquence la SASP Racing Club de Lens à payer à M. G D E les sommes de :
— 98.800 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
— 60.000 € à titre d’heures supplémentaires outre les congés payés afférents ;
— 20.000 € au titre des repos compensatoires ;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;
Rejette les autres demandes ;
Ordonne, dans les limites de l’article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SASP Racing Club de Lens à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. G D E à concurrence de trois mois de salaire ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASP Racing Club de Lens à payer à M. G D E la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Condamne la SASP Racing Club de Lens aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N. BERLY S. HUNTER-FALCK