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Pour sonoriser ses points de vente, la société Tapis Saint Maclou a souscrit une licence de diffusion d’œuvres musicales auprès de la plateforme de distribution en ligne d’oeuvres musicales Jamendo (société Musicmatic). Au titre de la licence conclue, les titres ou musiques mis à disposition étaient libres de tous droits de diffusion. Avec surprise, la société Tapis Saint Maclou a reçu une mise en demeure de régler à la SDRM près de 120 000 euros de redevances au titre de la licence légale.
La mise en demeure de payer a été jugée fondée par la juridiction : la sonorisation d’un lieu public est bien une utilisation de photogrammes à des fins de commerce et relève dès lors des dispositions de l’article L214-1 du Code de la propriété intellectuelle qui met à la charge de l’utilisateur le versement de la rémunération prévue. La volonté des parties aux conventions Jamendo est impuissante à modifier le champ d’application respectif de la licence légale et des droits exclusifs fixé par l’article L214-1 du Code de la propriété intellectuelle dont l’application est d’ordre public et qui dispose que la rémunération est versée par celui qui effectue les utilisations visées. La société Tapis Saint Maclou était donc redevable de la rémunération équitable.
La société Tapis Saint Maclou a tout de même obtenu la garantie de la société Musicmatic France qui n’avait pas rempli ses obligations dans la mesure où il avait été convenu la fourniture d’oeuvres libres de droits. L’article L214-1 du CPI prévoit une rémunération dès lors qu’un phonogramme est publié à des fins de commerce et met celle-ci à la charge des personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce. Dès lors, les conditions dans lesquelles la société Jamendo permet aux artistes de publier sur sa plate-forme leurs musiques sous licence dite « créative commons » ne saurait dispenser l’utilisateur des phonogrammes de ses obligations légales.
Les dispositions de l’article L214-1 sont d’ordre public de sorte que l’utilisateur ne peut s’y soustraire et l’artiste renoncer à s’en prévaloir ; dès lors en se fondant sur un tel renoncement la société Musicmatic France a trompé son cocontractant sur les droits qu’elle pouvait consentir sur les oeuvres en cause. La société Musicmatic, qui ne pouvait pas même prétendre livrer des musiques libres de droit alors qu’elles étaient destinées à des fins commerciales n’a pas rempli l’obligation à laquelle elle s’était engagée, peu importe qu’elle se soit engagée à garantir la société Tapis Saint Maclou (résolution du contrat aux torts de la société Musicmatic).
La Cour d’appel n’a pas non plus fait droit aux demandes de renvoi pour questions préjudicielles présentées par la société Musicmatic et portant sur la conformité de la collecte obligatoire par une société de gestion collective de la rémunération équitable même pour les artistes-interprètes et/ou producteurs qui ne sont pas membres de cette société de gestion collective (conformité avec les articles 8§2 et/ou 10§2 et 3 de la Directive 2006/115 du 12 décembre 2006).
L’article 8.2 de la directive pose le principe d’une rémunération équitable et unique versée par l’utilisateur lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce ou une reproduction de ce phonogramme est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public. Cet article ne contient pas de dispositions instaurant des modalités impératives sur le mode de perception de la rémunération équitable, laissant dès lors aux États membres, la liberté de mettre en oeuvre au niveau national le dispositif pour lequel ils auront opté, notamment la gestion collective obligatoire, comme l’a fait la France par la loi du 3 juillet 1985. L’objectif de la directive est de permettre d’atteindre un équilibre adéquat entre l’intérêt des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes à percevoir une rémunération au titre de la radiodiffusion d’un phonogramme déterminé et l’intérêt des tiers à pouvoir radiodiffuser ce phonogramme dans des conditions raisonnables.
Si le législateur européen avait souhaité qu’une gestion collective de la rémunération pouvait être impérative, il l’aurait explicitement prévu dans la directive 2006/115, comme il l’a fait par exemple dans l’article 9 de la directive 93/83 relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble.
De surcroît, la directive précise en son considérant n° 2 « qu’il appartient normalement au titulaire de droits de choisir entre la gestion individuelle ou collective de ses droits à moins que les États membres n’en disposent autrement conformément au droit de l’Union ».
En conséquence, il n’y avait pas lieu d’interroger la CJUE sur l’interprétation d’une disposition qui n’existe pas dans la directive à savoir le mode de gestion du droit à rémunération, la demande de renvoi préjudiciel ne pouvant avoir pour objet de demander à la CJUE s’il y a lieu d’ajouter de nouvelles obligations ou interdictions aux États membres non prévues par la directive.
Comment fonctionne la SPRE ?
Pour rappel, la Société pour la Perception de la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (la SPRE) est une société civile de gestion collective chargée de percevoir, sous le contrôle du Ministère de la Culture, la rémunération due aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes au titre de l’article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle. Elle redistribue les sommes collectées entre les sociétés de gestion collective représentant les artistes interprètes (ADAMI et SPEDIDAM) et celles représentant les producteurs (SCPP et SPPF). La SPRE a confié mandat à la SACEM de procéder à la facturation de cette rémunération pour les lieux sonorisés, catégorie dont relevaient les magasins de la société Tapis Saint Maclou. Les sociétés de gestion collective ADAMI et SPEDIDAM sont chargées du reversement de ces rémunérations à leurs bénéficiaires.
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