Licéité d’un réseau de distribution sélective

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Licéité d’un réseau de distribution sélective

Affaire Coty France

Le réseau de distribution sélective de la société Coty France est-il licite ? La présence de clauses noires dans un système de distribution prive-t-elle du bénéfice d’une exemption catégorielle individuelle ? Ces questions ont de nouveau été posées, cette fois, devant la Cour de cassation et la société Coty France vient de remporter cette nouvelle manche judiciaire.

La société Coty exploite en France un réseau de distribution sélective de parfums de luxe et de produits cosmétiques de différentes marques (dont sa société-mère est le licencié exclusif dans le monde). Parmi les détaillants-revendeurs de la société figurent notamment les enseignes Marionnaud, Sephora et Le Bon Marché. La société a poursuivi France télévisions en concurrence déloyale, suite à la diffusion de séquences promotionnelles pour le site de vente en ligne Brandalley (également poursuivi) commercialisant certains parfums dont la société Coty est distributeur exclusif.

Clause d’étanchéité et restrictions de concurrence

Le contrat de distribution sélective de Coty France comporte une disposition destinée à assurer l’étanchéité juridique du réseau sur le territoire français en interdisant la vente à des distributeurs non agréés.

Pour déterminer la validité d’un réseau de distribution sélective, il convient de se référer à l’article 101 du TFUE et au règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999 ainsi qu’à l’article L 420-1 du code de commerce. D’une part, un système de distribution sélective peut être considéré licite si trois conditions sont réunies cumulativement soit : i) la nature du produit requiert un système de distribution sélective pour en préserver la qualité et en assurer l’usage, ii) que les revendeurs soient choisis sur la base de critères objectifs de caractère qualitatif fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et iii) que les critères retenus ne soient pas au-delà de ce qui est nécessaire (proportionnalité).  Au cas d’espèce, i) la nature des produits en cause pouvait justifier la mise en place d’un réseau de distribution sélective ; ii) l’annexe du contrat de distributeur agréé donnait les critères suffisamment précis pour la sélection du distributeur (« refléter le prestige des marques », « être dans une zone de standing et de notoriété élevée », « avoir la réputation d’offrir des services de qualité et une assistance à la clientèle », « être dans un environnement ou les boutiques voisines sont de nature comparables », « avoir un standing et aspect extérieur comparables » …) ; les critères de sélection étaient proportionnés.

Les juges d’appel avaient toutefois considéré que si le contrat en cause prévoit expressément la possibilité de vendre aux membres des comités d’entreprises ou des collectivités c’est à la condition qu’ils se déplacent individuellement en tant que consommateurs directs dans les magasins pour effectuer les achats. Cette clause, en excluant toute vente aux agents d’achats (comités d’entreprise, collectivités) agissant pour le compte des utilisateurs finaux, constituait une restriction caractérisée et donc une violation l’article 4c du règlement (CE) n°2790/1999 du 22 décembre 1999.

Par ailleurs, la Cour d’appel avait également qualifié de clause noire, celle qui interdit au distributeur agréé de la société Coty de réaliser une vente active d’un nouveau produit contractuel vers un État membre de l’Union européenne où la société Coty France ou une société du même groupe ne l’aurait pas mis en vente, pendant un délai d’un an à compter de la date du premier lancement du produit. Les juges d’appel ont considéré que cette clause qui restreint le territoire sur lequel l’acheteur peut vendre les biens contractuels, les ventes actives aux utilisateurs finaux, constitue une restriction caractérisée prohibée au sens de l’article 4.b), 4.c) et 4.d) du règlement.

Clauses noires et illicéité d’un réseau de distribution sélective

En appel, les juges avaient écarté toute concurrence déloyale. Le réseau de distribution mis en place par la société Coty répondait bien aux trois critères de validité posés par l’article 101 §1 du TFUE et à l’article L. 420-1 du code de commerce (réseau justifié par la nature du produit, les critères de sélection des distributeurs doivent être objectifs, qualitatifs, fixés de manière uniforme, et appliqués de façon non discriminatoire, et les critères ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire). Toutefois, trois clauses contractuelles aménageant les conditions de vente aux comités d’entreprise, interdisant la vente des produits contractuels à des revendeurs non agréés et limitant temporairement la vente active d’un produit nouveau, ont été considérées comme des restrictions caractérisées de concurrence ne pouvant pas être exemptées au titre du règlement CE n°2790/99 du 21 décembre 1999. En présence de ces clauses « noires », la Cour d’appel a considéré que l’ensemble du réseau de distribution de la société Coty était nécessairement illicite.

Cette solution vient d’être censurée par la Cour de cassation : la circonstance, à la supposer établie, que l’accord de distribution en cause ne bénéficie pas d’une exemption par catégorie, n’implique pas nécessairement que le réseau de distribution sélective en son entier contrevient aux dispositions de l’article 101§1 du TFUE.

En d’autres termes, le juge qui constate qu’un contrat de distribution ne peut pas bénéficier de l’exemption par catégorie prévue à l’article 2 du règlement n°2790/1999 du 22 décembre 1999 ne peut pas priver, par principe, le titulaire du réseau de la possibilité de bénéficier d’une exemption individuelle et doit examiner si les conditions du paragraphe 3 de l’article 101 du TFUE sont réunies.

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