Liberté d’expression et limites de la diffamation : l’affaire Causeur.fr

·

·

Liberté d’expression et limites de la diffamation : l’affaire Causeur.fr

En matière de presse juridique, la pridence et la connaissance des concepts s’imposent même aux rédacteurs non juristes.

Les journalistes / rédacteurs doivent procéder à une enquête sérieuse en leur qualité de professionnels de l’information et disposer d’une base factuelle pour affirmer à trois reprises dans un article, que la partie civile avait été condamnée pour complicité de tentative de meurtre, faits criminels relevant de la cour d’assises, faute pour les décisions susvisées de l’évoquer de quelque manière que ce soit.

En la cause, selon ordonnance du 2 juin 2021 d’un juge d’instruction, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de M. [I] [G] du 21 janvier 2020, M. [R] [P], directeur de publication du site Causeur.fr, et Mme [D] [V], en qualité d’autrice, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, d’une part, du chef de diffamation publique envers un particulier, pour avoir publié, le 17 décembre 2019, les propos suivants : « [I] [G] a fait de la prison pour complicité de tentative de meurtre » ; « Il y a huit ans en effet, le 2 mars 2011, il comparaissait devant le tribunal de Bobigny pour complicité de tentative de meurtre » ; « Reconnu coupable, il est condamné à trois ans de prison ferme » ; « Ils se rendent au domicile de l’amant, le frappent, l’enferment dans le coffre de la voiture. Ils vont ensuite chercher un bidon d’essence, avant de se diriger vers une forêt de Seine-et-Marne. Lorsque la voiture est à l’arrêt, ils font sortir le prisonnier du coffre et le frappent à nouveau », d’autre part, du chef de diffamation publique envers une personne à raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, pour avoir publié à la même date les propos suivants : « Quand [I] [G] faisait appliquer la Charia » ; « La Charia doit s’appliquer. [X] appelle son frère [S] et son ami [I] pour qu’ils le secondent dans sa mission ».

Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne M. [I] [G], qui a déposé une plainte avec constitution de partie civile le 21 janvier 2020, suite à des propos diffamatoires publiés sur le site Causeur.fr par M. [R] [P] et Mme [D] [V]. Ces propos, parus le 17 décembre 2019, affirmaient que M. [I] [G] avait été condamné pour complicité de tentative de meurtre, ainsi que d’autres allégations liées à des faits de violence.

Décision du tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel a rendu son jugement le 13 avril 2022, relaxant les prévenus des accusations de diffamation. M. [I] [G] a alors interjeté appel de cette décision, contestant la légitimité des propos tenus à son encontre.

Arguments de l’appelant

M. [I] [G] a soutenu que les propos diffamatoires étaient constitutifs d’une faute civile. Il a critiqué le jugement en arguant que les prévenus n’avaient pas respecté les exigences de la bonne foi, notamment en ce qui concerne la véracité des faits rapportés. Il a également souligné que les décisions judiciaires citées par les prévenus ne justifiaient pas les allégations de complicité de meurtre.

Réponse de la Cour d’appel

La Cour d’appel a examiné les arguments et a conclu que les propos litigieux s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général. Elle a reconnu que M. [I] [G] avait été condamné pour des faits graves, bien qu’il n’ait pas été reconnu coupable de complicité de meurtre. La Cour a estimé que l’erreur de qualification des faits par les prévenus ne suffisait pas à établir une faute civile.

Conclusion de la Cour

La Cour a finalement jugé que les prévenus avaient agi de bonne foi, en se basant sur des éléments factuels issus de décisions judiciaires. Cependant, la Cour a également noté que les prévenus n’avaient pas suffisamment vérifié les faits avant de publier les allégations, ce qui a conduit à une cassation de la décision sans examiner les autres griefs soulevés par M. [I] [G].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de l’exception de bonne foi en matière de diffamation ?

L’exception de bonne foi est un moyen de défense prévu par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Pour qu’un journaliste ou un directeur de publication puisse en bénéficier, plusieurs conditions doivent être réunies :

1. But légitime : L’article incriminé doit porter sur un sujet d’intérêt général. Cela signifie que les propos tenus doivent contribuer à un débat public ou à une information d’importance pour la société.

2. Propos mesurés : Les propos doivent être exprimés de manière mesurée, sans excès ni animosité personnelle. Cela implique que l’auteur ne doit pas avoir l’intention de nuire à la réputation de la personne visée.

3. Base factuelle suffisante : Les propos doivent reposer sur des faits vérifiables et être le résultat d’investigations sérieuses. L’auteur doit avoir pris soin de s’assurer de la véracité des informations avant publication.

4. Absence d’intention malicieuse : L’auteur ne doit pas avoir agi avec une intention de nuire ou de calomnier.

En l’espèce, la cour d’appel a jugé que les propos tenus par M. [P] et Mme [V] s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général, mais il a été contesté que les conditions de bonne foi aient été respectées, notamment en ce qui concerne la base factuelle des affirmations.

Comment la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision concernant la bonne foi des prévenus ?

La cour d’appel a justifié sa décision en se basant sur plusieurs éléments :

1. Contexte des propos : Elle a retenu que les propos litigieux s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général, ce qui est un critère essentiel pour l’application de l’exception de bonne foi.

2. Jugement antérieur : La cour a fait référence au jugement rendu le 2 mars 2011, qui a déclaré M. [I] [G] coupable d’arrestation, enlèvement ou détention arbitraire, et a noté que les faits étaient d’une extrême gravité. Cela a été interprété comme une base factuelle suffisante pour les propos tenus.

3. Erreurs de qualification : La cour a également considéré que l’erreur de qualification des faits, commise par des non-juristes, ne suffisait pas à remettre en cause la bonne foi des auteurs de l’article. Elle a estimé que les rédacteurs avaient fait preuve de mesure dans leur expression.

Cependant, cette justification a été contestée, car il a été soutenu que les prévenus n’avaient pas de base factuelle pour affirmer que M. [I] [G] avait été condamné pour complicité de tentative de meurtre, ce qui est un crime relevant de la cour d’assises.

Quels sont les effets de l’insuffisance ou de la contradiction des motifs dans un jugement ?

L’article 593 du Code de procédure pénale stipule que :

« Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. »

Cela signifie que pour qu’un jugement soit valide, il doit contenir des motifs clairs et cohérents qui justifient la décision prise par le tribunal. Si les motifs sont insuffisants ou contradictoires, cela peut entraîner l’annulation du jugement.

Dans le cas présent, la cour d’appel a été critiquée pour ne pas avoir suffisamment justifié sa décision concernant la bonne foi des prévenus. En effet, les juges n’ont pas établi de manière satisfaisante que les propos diffamatoires reposaient sur une base factuelle suffisante, ce qui pourrait constituer une insuffisance des motifs.

Quelles sont les conséquences d’une décision de cassation dans une affaire de diffamation ?

La cassation est une décision par laquelle la Cour de cassation annule un jugement rendu par une cour d’appel. Dans le cadre d’une affaire de diffamation, les conséquences d’une décision de cassation peuvent être significatives :

1. Annulation du jugement : La décision de la cour d’appel est annulée, ce qui signifie que le jugement rendu n’a plus d’effet. Cela peut entraîner un retour à la case départ pour les parties impliquées.

2. Renvoi devant une autre juridiction : La Cour de cassation peut renvoyer l’affaire devant une autre cour d’appel pour qu’elle soit réexaminée. Cela permet de garantir un nouveau jugement qui respecte les exigences légales.

3. Réexamen des faits et des preuves : La nouvelle cour d’appel devra examiner à nouveau les faits et les preuves, en tenant compte des motifs de la cassation. Cela peut conduire à un résultat différent de celui initialement rendu.

4. Impact sur la réputation des parties : Une décision de cassation peut également avoir des conséquences sur la réputation des parties, notamment si l’affaire a été largement médiatisée.

Dans le cas présent, la cassation a été encourue en raison de l’absence de base factuelle suffisante pour les propos diffamatoires, ce qui pourrait entraîner un réexamen de l’affaire par une autre cour d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 novembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
23-81.810
N° Z 23-81.810 FS-B

N° 01257

SL2
13 NOVEMBRE 2024

CASSATION

M. SOULARD premier président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 NOVEMBRE 2024

M. [I] [G], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt n° 68 de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 16 février 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [R] [P], des chefs de diffamation publique envers un particulier et de diffamation publique envers une personne à raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, et Mme [D] [V], des chefs de complicité desdits délits, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [G], les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [R] [P] et de Mme [D] [V], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Maziau, Seys, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Lagauche, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Selon ordonnance du 2 juin 2021 d’un juge d’instruction, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de M. [I] [G] du 21 janvier 2020, M. [R] [P], directeur de publication du site Causeur.fr, et Mme [D] [V], en qualité d’autrice, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, d’une part, du chef de diffamation publique envers un particulier, pour avoir publié, le 17 décembre 2019, les propos suivants : « [I] [G] a fait de la prison pour complicité de tentative de meurtre » ; « Il y a huit ans en effet, le 2 mars 2011, il comparaissait devant le tribunal de Bobigny pour complicité de tentative de meurtre » ; « Reconnu coupable, il est condamné à trois ans de prison ferme » ; « Ils se rendent au domicile de l’amant, le frappent, l’enferment dans le coffre de la voiture. Ils vont ensuite chercher un bidon d’essence, avant de se diriger vers une forêt de Seine-et-Marne. Lorsque la voiture est à l’arrêt, ils font sortir le prisonnier du coffre et le frappent à nouveau », d’autre part, du chef de diffamation publique envers une personne à raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, pour avoir publié à la même date les propos suivants : « Quand [I] [G] faisait appliquer la Charia » ; « La Charia doit s’appliquer. [X] appelle son frère [S] et son ami [I] pour qu’ils le secondent dans sa mission ».

3. Par jugement du 13 avril 2022, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus et prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [I] [G] a relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a débouté M. [I] [G] de sa demande tendant à voir dire que les propos « [I] [G] a fait de la prison pour complicité de tentative de meurtre », « Il y a huit ans en effet, le 2 mars 2011, il comparaissait devant le tribunal de Bobigny pour complicité d'[.…] tentative de meurtre », et « Reconnu coupable, il est condamné à trois ans de prison ferme », contenus dans l’article de Mme [V] intitulé « [I] [G] a fait de la prison pour complicité de tentative de meurtre » publiés sur le site internet www.causeur.tr à l’adresse URL https://[01] le 17 décembre 2019 sont constitutifs d’une faute civile, et l’a débouté de ses demandes indemnitaires dirigées contre M. [P] et Mme [V] et de ses demandes de suppression des propos incriminés et de publication d’un communiqué judiciaire sur la page d’accueil du site www.causeur.fr., alors :

« 1°/ que l’exception de bonne foi ne peut être invoquée par un journaliste ou un directeur de publication ayant écrit ou publié des propos diffamatoires que si l’article incriminé poursuit un but légitime, parce qu’il porte par exemple sur un sujet d’intérêt général, si les propos tenus soient mesurés, si son auteur n’ait été animé qu’aucune animosité personnelle, et si les propos tenus reposent sur une base factuelle suffisante faisant suite à des investigations sérieuses ; qu’en l’espèce, le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 2 mars 2011, que Monsieur [P] et Madame [V] produisaient pour invoquer le bénéfice de la bonne foi en prétendant par-là l’avoir utilisé comme source, indiquait sans ambigüité dans ses mentions relatives à la « nature des infractions » et à l’exposé des « préventions » que Monsieur [I] [G] était poursuivi du chef de « séquestration » et précisait, toujours sans aucune ambigüité, que Monsieur [I] [G] était condamné du chef de « séquestration », au contraire de ses coprévenus qui pour leur part avaient été poursuivis et condamnés des chefs de « séquestration » et de « violences » ; que le jugement, qui n’évoquait aucune intention homicide, précise également que Monsieur [I] [G] ne s’était rendu coupable d’aucune violence et, pour cette raison, prononce à l’encontre de Monsieur [I] [G] une peine inférieure à celle prononcée à l’encontre de ses coprévenus ; que l’arrêt rendu le 10 janvier 2012, rappelle également que Monsieur [I] [G] était poursuivi du chef de « séquestration », qu’à la barre, la victime a indiqué n’avoir subi aucune violence de sa part, et confirme le jugement entrepris sur la culpabilité ; qu’en jugeant, pour accorder à Monsieur [P] et à Madame [V] le bénéfice de la bonne foi, que l’arrêt du 10 janvier 2012 indiquait dans un de ses motifs que « la victime était entourée par les trois prévenus et qu’elle a été poussée dans la voiture comme cela ressort de l’examen de la vidéo. [La cour] constate que [I] [G] a pu se rendre compte de l’état d’énervement des frères [G] vis-à-vis de [K] [J] qui a été contraint de monter avec eux en voiture. Elle relève encore qu’après avoir été frappée violemment dans les bois la victime, terrorisée, ne pouvait qu’être contrainte de remonter dans la voiture pour être emmenée dans celle d'[N] [G]. La cour constate dès lors que la contrainte physique et morale subie par la victime est établie par les éléments du dossier, le prévenu ayant volontairement empêché cette dernière d’aller et venir », que les faits étaient d’une extrême gravité, que la victime avait pu avoir peur pour sa vie (arrêt, p.9-10), que le jugement de condamnation avait pu entretenir la confusion sur le rôle de chacun (par motifs adoptés, jugement, p.13) et que les rédacteurs de l’article avaient pu commettre « en tant que non juristes » une erreur de qualification des faits, sans rechercher si les mentions susvisées des décisions pénales ne permettaient pas d’établir aux yeux d’un journaliste normalement diligent que les faits et motifs relevés avaient uniquement justifié des poursuites et des condamnations du chef de séquestration à l’encontre de Monsieur [I] [G], ni rechercher si, en l’état de ces mentions, l’article incriminé n’était pas dépourvu de base factuelle suffisante pour affirmer que Monsieur [I] [G] avait été poursuivi et condamné pour des faits de complicité de tentative de meurtre, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ en outre qu’en affirmant que les rédacteurs de l’article incriminé avaient pu commettre une erreur de qualification en tant que non juristes, quand il est attendu d’un journaliste normalement diligent, objectif, et dépourvu d’intention malicieuse, qu’il ne modifie pas – qu’il soit juriste ou non – les mentions d’une décision pénale rappelant les chefs de poursuites et de condamnation retenus à l’encontre d’un prévenu, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à justifier de la bonne foi de l’auteur de l’article en l’état des mentions relatées dans les décisions de condamnation, a violé l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3°/ en outre qu’en se fondant supposément sur le fait que Monsieur [R] [P] et Madame [D] [V] avaient, pour invoquer le bénéfice de l’exception de bonne foi, produit « Un extrait de l’« Enquête préliminaire sur les crimes dits « d’honneur » au Canada ; Un article publié sur le site internet LEPOINT.FR le 20 décembre 2019 intitulé « Prison: quand [C] volait au secours du réalisateur des « Misérables » » ; Un article publié sur le site internet BFMTV.COM, rubrique People, le 24 novembre 2019 intitulé « [I] [G], réalisateur des misérables, insulte [A] et [W] dans une interview depuis supprimée ; Un article publié par le site internet LEFIGARO.FR le 20 décembre 2019 intitulé «Non, [I] [G] n’est pas une victime » ; Un article publié par le site internet LEBLOGDUCINEMA.COM le 21 novembre 2019 », et « La retranscription libre d’une interview de M. [G] », cependant que ces pièces n’entretenaient pour la plupart aucun lien avec les propos poursuivis et que celles d’entre elles qui l’abordaient indiquaient précisément que Monsieur [I] [G] avait été déclaré coupable de séquestration et qu’aucune violence n’avait été retenue à son encontre, sans faire état de poursuites ou de condamnation du chef de complicité de tentative de meurtre, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à établir que les propos diffamatoires contenus dans l’article incriminé reposaient sur une base factuelle suffisante faisant suite à des investigations sérieuses, en violation de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 593 du code de procédure pénale :

6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

7. Pour rejeter l’existence d’une faute civile commise par les prévenus, en raison de leur bonne foi, s’agissant des propos poursuivis selon lesquels la partie civile avait été condamnée du chef de complicité de tentative de meurtre, l’arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, après avoir retenu que lesdits propos s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général, qu’aux termes du jugement rendu le 2 mars 2011 par le tribunal correctionnel de Bobigny, M. [I] [G] a été déclaré coupable du chef d’arrestation, enlèvement ou détention arbitraire suivi d’une libération avant le septième jour et condamné à la peine de trois ans d’emprisonnement, décision que la cour d’appel a confirmée sur la culpabilité, réduisant toutefois l’emprisonnement ferme à deux années, le surplus étant assorti d’un sursis.

8. Les juges ajoutent que M. [I] [G] a pu se rendre compte de l’état d’énervement des frères [G] vis-à-vis de la victime qui a été contrainte de monter avec eux en voiture et qui, après avoir été frappée violemment dans les bois, ne pouvait qu’être à nouveau contrainte de remonter dans la voiture pour être emmenée dans celle de M. [N] [G], considérant ainsi qu’il était établi que M. [I] [G] avait volontairement empêché la victime d’aller et venir.

9. Ils observent, dès lors, que si M. [I] [G] n’a pas été déclaré coupable de complicité de meurtre, comme l’a retenu l’article, il a été condamné pour des faits d’une extrême gravité au cours desquels un homme, qui a légitimement pu craindre pour sa vie, ayant été menacé d’être brûlé vif, a subi des violences graves et n’a dû son salut qu’à la fuite.

10. Ils en concluent que c’est à juste titre que le tribunal a retenu que l’erreur dans la qualification des faits, commise par un non-juriste, ne pouvait suffire à ôter sa pertinence à la base factuelle, l’auteur de l’article, dénué d’animosité personnelle, ayant, par ailleurs, fait preuve de mesure dans l’expression en reprenant essentiellement des éléments de fait sur lesquels s’appuient les motifs de deux décisions de justice.

11. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

12. En effet, aux termes du jugement et de l’arrêt, produits au soutien de l’exception de bonne foi, les prévenus, qui devaient procéder à une enquête sérieuse en leur qualité de professionnels de l’information, ne disposaient d’aucune base factuelle pour affirmer à trois reprises, dans l’article litigieux, que la partie civile avait été condamnée pour complicité de tentative de meurtre, faits criminels relevant de la cour d’assises, faute pour les décisions susvisées de l’évoquer de quelque manière que ce soit.

13. La cassation est par conséquent encourue, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x