Engagement de Mme [R] par la société PantimmoMme [R] a été engagée par la société Pantimmo en tant que responsable administrative et juridique des ventes à compter du 1er novembre 2019, avec un salaire mensuel brut de 4.500 euros. La relation de travail était régie par la convention collective de l’immobilier, et la société employait habituellement moins de 11 salariés. Avant cela, Mme [R] travaillait pour la société Sofa, qui a cédé son fonds de commerce à Pantimmo, entraînant la signature d’un contrat à durée indéterminée sans période d’essai. Licenciement de Mme [R]Le 22 janvier 2020, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement, qui a été notifié le 6 février 2020 pour faute grave. Les motifs invoqués incluaient le détournement de clientèle, le manquement à l’obligation d’exclusivité et l’insubordination. En réponse, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 28 février 2020, contestant la légitimité de son licenciement. Jugement du conseil de prud’hommesLe 26 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de Mme [R] était justifié pour faute grave. La société Pantimmo a été condamnée à verser à Mme [R] des sommes pour commission et congés payés, avec intérêts, ainsi qu’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Mme [R] a été déboutée de ses autres demandes, tout comme la société Pantimmo de ses demandes reconventionnelles. Appel de Mme [R]Mme [R] a interjeté appel le 22 février 2022, contestant la justification de son licenciement et demandant des indemnités pour violation de la garantie d’emploi, indemnité compensatrice de préavis, indemnité légale de licenciement, et d’autres compensations. Elle a également demandé la restitution de la puce de son téléphone portable. Arguments de la société PantimmoEn défense, la société Pantimmo a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que le licenciement était justifié et que les demandes de Mme [R] étaient infondées. Elle a soutenu que les griefs de licenciement étaient établis et que Mme [R] avait dénigré l’entreprise après sa mise à pied. Motifs du jugement d’appelLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que le licenciement était justifié par une faute grave. Les demandes de Mme [R] concernant la violation de la garantie d’emploi et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été rejetées. La cour a également infirmé la décision concernant le paiement de commissions contractuelles dues à Mme [R], considérant que celles-ci n’étaient pas dues après la rupture de son contrat de travail. Décision finaleLa cour a confirmé le jugement sauf en ce qui concerne les sommes dues à titre de commission et de congés payés, et a débouté les parties de leurs autres demandes. Mme [R] a été condamnée aux dépens, sans application de l’article 700 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRET DU 23 OCTOBRE 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02797 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIXA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F20/00610
APPELANTE
Madame [O] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me William TROUVE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0138
INTIMEE
S.A.S.U. PANTIMMO
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Ludivine HEGLY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2470
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre
Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller
Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [R] a été engagée par la société Pantimmo par contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2019, en qualité de responsable administrative et juridique des ventes avec le statut de cadre.
Elle percevait un salaire mensuel brut 4.500 euros sur 13 mois soit 4.875 euros sur 12 mois.
La relation de travail était soumise à la convention collective de l’immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers du 9 septembre 1988.
La société Pantimmo emploie habituellement moins de 11 salariés.
Antérieurement Mme [R] travaillait au sein de la société Sofa une autre idée de l’immobilier, qui, par acte sous seing privé du 1er novembre 2019, a cédé son fonds de commerce d’agence immobilière à la société Pantimmo. L’acte de cession prévoit que Mme [R], démissionnaire de ses fonctions de responsable d’agence de Sofa, signe un contrat à durée indéterminée sans période d’essai avec la société Pantimmo, avec une prise de poste au 1er novembre 2019.
Par courrier du 22 janvier 2020, Mme [R] était convoquée pour le 31 janvier à un entretien préalable à son licenciement avec mise à pied conservatoire, lequel lui a été notifié le 6 février 2020 pour faute grave aux motifs que la salariée a détourné la clientèle, a manqué à l’obligation d’exclusivité et a fait preuve d’insubordination.
Le 28 février 2020, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny et formé des demandes afférentes à la violation de la garantie d’emploi ainsi qu’à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 26 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :
-jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [R] est justifié ;
-condamné la société Pantimmo à verser à Mme [R] les sommes de 4 766,66 euros au titre de la commission contractuellement due et 476,66 euros au titre des congés payés y afférents,
-dit que ces créances porteront intérêts au taux légal à compter du 10/03/2020, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation;
-condamné la société Pantimmo à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article
700 du code de procédure civile;
-débouté Mme [R] du surplus de ses demandes;
-débouté la société Pantimmo de ses demandes reconventionnelles;
-condamné la partie défenderesse aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 22 février 2022, Mme. [R] a interjeté appel des chefs suivants du jugement en visant expressément les dispositions critiquées.
L’intimée a constitué avocat le 17 mars 2022.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [R] demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement est justifié et débouté la salariée de ses demandes pour violation de la garantie d’emploi, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, à titre d’indemnité légale de licenciement, à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation d’un préjudice distinct né des circonstances vexatoires de son licenciement, à titre de rappel de salaires, outre une somme de 23,73 euros au titre des congés payés y afférents et ordonné à la société Pantimmo de restituer à Mme. [R] la puce de son téléphone portable, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir;
-condamner la société Pantimmo à verser à Mme. [R] des sommes brutes de:
-14 625 euros pour violation de la garantie d’emploi jusqu’au 5 mai 2020 ;
-1 462, 50 euros au titre des congés payés y afférents ;
-14 625 euros, représentant 3 mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, sur le fondement de l’article 32 de la Convention collective de l’Immobilier ;
-1 462,50 euros au titre des congés payés y afférents ;
-10 183,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
-2 492, 30 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ;
– 249,23 euros au titre des congés payés y afférents ;
-34125 euros, représentant sept mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-4 875 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation d’un préjudice distinct né des circonstances vexatoires de son licenciement ;
– 237,31 euros à titre de rappel de salaires, outre une somme de 23, 73 euros au titre des congés payés y afférents;
-ordonner à la société Pantimmo de restituer à Mme. [R] la puce de son téléphone portable, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
-débouter la société Pantimmo de toutes ses demandes à toutes fins qu’elles comportent ;
-confirmer le jugement en ce qu’il a:
– condamné la société Pantimmo à verser à Mme. [R] une somme de 4.766, 66 euros à titre de commission contractuellement due, outre une somme de 476,66 euros au titre des congés payés y afférents,
– dit que ces créances porteront intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2020,date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
– condamné la société Pantimmo à verser à Mme. [R] une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Pantimmo de sa demande de condamnation de Mme. [R] à lui verser une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements.
– débouté la société Pantimmo de sa demande de condamnation de Mme. [R] à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Pantimmo de sa demande de condamnation de Mme [R] aux dépens,
-condamner la société Pantimmo à lui verser à une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que :
-la société Pantimmo a violé la clause de garantie d’emploi figurant dans le protocole d’accord annexe à la cession du fonds de commerce du 22 octobre 2019 et est donc obligée au paiement des salaires jusqu’à la date du 5 mai 2020;
-cette clause qui devait figurer dans le contrat de travail la liant à la société Pantimmo a été supprimée par le gérant de la société Pantimmo au motif qu’elle se trouvait dans le protocole d’accord, que la période d’essai incompatible avec cette clause a également été retirée du contrat de travail;
-les griefs visés par la lettre de licenciement ne sont pas établis;
– le licenciement était décidé avant l’entretien préalable;
-la société Pantimmo s’est livrée à un détournement de clientèle en conservant la puce du téléphone de Mme. [R] utilisée pour l’activité de la société Sofa;
– l’indemnité de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être calculés en prenant en compte l’ancienneté au sein de la société Sofa dès lors que sa démission et sa nouvelle embauche n’avaient pour but que d’échapper aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail;
-la société Pantimmo a omis de lui régler un reliquat de sa quote-part du 13è mois.
En défense de l’appel incident, Mme [R] fait valoir que :
-la société Pantimmo se doit de lui verser une commission contractuelle pour la vente d’un bien en juin 2020 pour lequel le mandat avait été rentré par Mme [R] et son absence à la suite de sa mise à pied conservatoire ne peut justifier une révision de l’intéressement au prorata du mois de présence, qui n’est prévue dans le contrat de travail que pour arrêt maladie ou absence non autorisée;
-la société Pantimmo ne peut justifier d’un quelconque dénigrement de la part de Mme [R] et donc d’un préjudice ouvrant droit à réparation.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Pantimmo demande à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement est justifié et débouté Mme [R] du surplus de ses demandes.
-infirmer le jugement en ce qu’il a :
-condamné la société Pantimmo à verser à Mme [R] les sommes de 4 766, 66 euros au titre de la commission contractuellement due et 476,66 euros au titre des congés payés y afférents, -dit que ces créances porteront intérêts au taux légal à compter du 10/03/2020, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation,
-condamné la société Pantimmo à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté la société Pantimmo de ses demandes reconventionnelles
-condamné la partie défenderesse aux entiers dépens
-débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
-condamner Mme. [R] à payer à la société Pantimmo la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des agissements de Mme. [R];
-condamner Mme. [R] à payer à la société Pantimmo la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-la condamner aux entiers dépens.
L’intimée réplique que :
-la clause prévue dans le protocole d’accord s’analyse en un reversement des honoraires des opérations en portefeuille lors de la prise de possession du fonds de commerce, l’ajout relatif à la fonction de Mme [R] au sein de la société Pantimmo ne constitue pas une clause de garantie d’emploi;
– une clause de garantie d’emploi doit être accessoire au contrat de travail et non à un acte entre deux sociétés;
– le tribunal de commerce a jugé que cette clause concerne les honoraires sur les ventes et non le maintien dans sa fonction de Mme [R];
– le projet de contrat de travail du 19 juillet 2019 versé par la salarié est contredit par celui adressé par le gérant de la société Pantimmo le 26 juin 2019;
– une clause de garantie d’emploi ne peut interdire un licenciement pour faute grave ou lourde;
-les griefs visés par la lettre de licenciement sont établis;
– le licenciement n’a pas été décidé avant sa notification et l’attestation versée par la salariée n’est pas régulière;
– Mme [R] ne disposait que de trois mois d’ancienneté au jour de son licenciement étant donné qu’elle était actionnaire majoritaire et donc gérante de fait de la société Sofa, la jurisprudence relative à la reprise d’ancienneté des salariés ayant démissionné suite au rachat de la société qui les employait et été réeembauchés par la société repreneuse ne pouvant trouver à s’appliquer au cas d’espèce;
– au vu du nombre de salariés de l’entreprise, l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est de deux mois de salaire en application de l’article L.1235-3 du code du travail;
-la cession de fonds de commerce impliquait la cession des éléments liés audit fonds dont les lignes téléphoniques et les puces afférentes;
– le rappel de salaires au titre des commissions n’est pas dû dès lors que Mme [R] était mise à pied à titre conservatoire et placée en arrêt maladie;
-aucun rappel de salaire au titre du 13ème mois ne reste dû après régularisation sur la paie de février 2020;
– après son licenciement Mme [R] a dénigré la société Pantimmo qui a subi un préjudice du fait de l’atteinte à son image.
Sur le bien fondé du licenciement
Sur l’existence d’un licenciement antérieur à l’entretien préalable
Il résulte de l’article L.1232-6 qu’un licenciement doit être motivé par écrit.
Un licenciement verbal ou de fait, s’il a pour effet de rompre le contrat de travail, est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Un tel licenciement ne peut résulter que d’un acte de l’employeur par lequel ce dernier manifeste sa volonté de mettre fin de façon irrévocable au contrat de travail.
Il appartient au salarié d’apporter la preuve de l’existence d’un licenciement verbal.
La salariée produit les témoignages de trois clients:
– Mme [M] qui indique avoir été appelée le 23 janvier 2020 par un monsieur qui lui a annoncé que Mme [R] ne faisait plus partie de la société et qu’il était seul maître à bord (pièce 31),
– M. [U] qui indique être allé à l’agence Guy Hoquet le 28 janvier 2020 et qu’une personne nommée [H] lui a indiqué que Mme [R] ne faisait plus partie de la société (pièce 32),
– Mme [Z] [A] qui indique qu’une salariée lui a dit au téléphone le 30 janvier que Mme [R] ne faisait plus partie du personnel (pièce 62).
Elle produit aussi un mail qu’elle a adressé à M. [S], gérant de la société Pantimmo le 7 février 2020 dans lequel elle indique que Mme [M] est au courant de l’éventualité de son licenciement pour faute grave puisque que M. [S] lui avait dit par téléphone que Mme [R] ne faisait plus partie de la structure mais que Mme [M] sait aussi que jusqu’à nouvel ordre le contrat de Mme [R] est suspendu et qu’elle fait encore officiellement partie de l’effectif pour le moment.
La salariée ayant été mise à pied à compter du 22 janvier 2020 dans un contexte conflictuel dans lequel l’employeur craignait que Mme [R] ne détourne la clientèle, les propos visés ci-dessus, dont seuls ceux du 23 janvier 2020 sont imputables à l’employeur lui-même, ne caractérisent pas la manifestation de mettre fin de façon irrévocable au contrat de travail.
La salariée soutient enfin que les cartes de visite à son nom n’étaient pas présentes dans l’agence le jour de l’entretien préalable et produit le témoignage d’un commerçant du quartier qui indique que juste avant Noël M. [S] avait indiqué que Mme [R] ne resterait pas longtemps et qu’il en avait marre de l’avoir dans les pattes.
Mais ces deux derniers éléments sont insuffisants à établir la volonté de mettre fin au contrat de travail de manière irrévocable le 6 février 2020.
Sur la faute grave
La faute grave est caractérisée par un fait ou un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
En l’espèce, dans la lettre de licenciement, l’employeur a reproché à la salariée un manquement à l’obligation d’exclusivité et un détournement de clientèle ainsi qu’une insubordination.
D’une part le grief d’insubordination est motivé par un ton agressif et irrespectueux. Il est produit un courriel dans lequel la salariée répond à l’employeur sur une explication de fonctionnement par les termes « je ne suis plus à l’école primaire » (pièce 21).
Au regard de la liberté de ton entre M. [S] et Mme [R], cette phrase ne caractérise pas une faute. La circonstance que Mme [R] ait fait valoir, à la suite de sa mise à pied, à une autre salariée son peu d’estime pour M. [S] (pièces 13 et 20) ne permet pas plus de caractériser le grief.
D’autre part, sur le grief de manquement à l’obligation d’exclusivité et détournement de clientèle, l’employeur reproche à la salariée d’avoir signé un mandat avec M. [G] le 28 décembre 2019 au nom de la société Sofa le 28 décembre 2019 (pièce 10 de l’employeur). Il n’est pas contesté qu’il portait sur un bien ancien.
La salarié produit des échanges du 30 novembre 2019 et du 4 janvier 2020 avec M. [S] pour soutenir que l’employeur avait donné son accord à ce mandat (pièces 7 et 49 de la salariée).
S’il ressort effectivement de ces échanges que l’employeur estimait que son agence ne pouvait pas assumer ce mandat au regard de la localisation du bien, il en ressort aussi qu’il a été surpris que Mme [R] se soit occupée de ce bien et ait envisagé qu’il soit pris en compte par l’employeur.
L’employeur produit également un abonnement avec le site Se Loger pour la mise en ligne d’annonce immobilière commandé le 13 décembre 2019 (pièce 16 de l’employeur). La salariée soutient qu’elle en avait besoin pour le bien de M. [G] puisque l’employeur refusait de le commercialiser et qu’elle avait organisé le passage vers un abonnement pour des seuls biens neufs (pièce 22 de la salariée).
L’employeur reproche à la salariée d’avoir signé un mandat avec M. [L] le 16 décembre 2019, qui n’apparaît pas sur les registres de la société Pantimmo.
Il ressort de ce mandat qu’il est fait au nom de la société Pantimmo mais porte le cachet de la société Sofa (pièce 42 de la salariée).
La salariée affirme qu’elle ne pouvait faire autrement dès lors que les accès informatiques à la plateforme Guy Hoquet n’étaient pas actifs. Elle produit un mail pour en justifier mais ce mail qui lui donne ses accès à cette plateforme est antérieur à la signature du mandat puiqu’il date du 13 décembre (pièce 14 de la salariée).
Si, en l’absence de ces accès, la salariée avait pu préparer un dossier d’estimation sous l’en-tête Sofa antérieurement à cette date (pièce 14 de l’employeur), cela ne justifie pas l’usage du tampon de la société Sofa et de son registre le 16 décembre.
La salariée indique qu’elle a fait signer un nouveau mandat exclusif pour la société Pantimmo (pièce 6), l’employeur soutient que cela a été à sa demande.
Les échanges de mails entre M. [S] et la salariée (pièces 16 à 20 de la salariée) démontrent que l’employeur avait connaissance du mandat mais qu’il devait solliciter la salariée pour obtenir les informations sur ce bien et assurer sa mise en vente.
L’employeur produit un constat d’huissier qui révèle qu’au 10 janvier 2020, le bien de M. [L] était commercialisé sur le site internet de l’agence Sofa ainsi que le bien de M. [G] et d’autres biens sur d’autres départements et que cette agence restait référencée à l’adresse du fonds de commerce cédé à la société Pantimmo (pièce 15 de l’employeur).
Il produit aussi un mail révélant que la salarié utilise son mail Sofa pour écrire à un client pour un bien situé à [Localité 4] le 16 décembre 2019 (pièce 17 de l’employeur).
Il résulte de ces éléments que sont établis des faits caractérisant le non-respect de la clause d’exclusivité prévue dans le contrat de travail interdisant à la salariée de représenter une autre société et de réaliser la moindre opération commerciale pour son propre compte, à l’exception de la vente de biens neufs sur plan sur autorisation de l’employeur.
Dès lors que ces agissements ont maintenu une confusion entre la société Sofa et la société Pantimmo alors que cette dernière débutait son activité, ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une faute grave.
Sur les conséquences du licenciement
Le licenciement étant justifié par une faute grave, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de paiement du salaire au cours de la mise à pied conservatoire, la demande d’indemnité compensatrice et congés payés afférents, la demande d’indemnité légale de licenciement et la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la violation de la garantie d’emploi
La salariée soutient que son emploi était garanti au sein de la société Pantimmo jusqu’au 5 mai 2020 en application d’une clause du protocole d’accord de la cession des mandats et honoraires entre la société Sofa et la société Pantimmo (pièce 5 de la salariée).
Par ce protocole, la société Sofa cède à la société Pantimmo tous ses mandats de vente et de location en cours de validité à la date de la cession.
L’article 3 de ce protocole est rédigé ainsi:
« Article 3 – Rétrocession d’honoraires sur le reste à percevoir des ventes Sofa
Le promettant s’oblige à reverser au bénéficiaire 50 000 euros HT sur les honoraires à encaisser sur les opérations en portefeuille à la date de prise de possession du fonds de commerce, selon le calendrier après, et ce par 4 chèques bancaires à encaisser selon le calendrier ci-après :
Le 15 janvier 2020 : 12 500 euros HT soit 15 000 euros TTC
Le 15 février 2020 : 12 500 euros HT soit 15 000 euros TTC
Le 15 mars 2020 : 12 500 euros HT soit 15 000 euros TTC
Le 15 avril 2020 : 12 500 euros HT soit 15 000 euros TTC
Ceci s’entend pour la fonction de [O] [R] au sein de SASU Pantimmo garantie jusqu’au 5 mai 2020.
Le bénéficiaire quant à lui reversera à la SARL Sofa 20% des honoraires laissés dans le portefeuille des mandats et donc les compromis/promesses seraient signés après la cession.
Ceci ne concernera que les biens confiés en mandats exclusifs de vente.
Cet accord sur le rétrocession d’honoraires ne concerne pas les biens vendus en VEFA. »
Le contrat comportant une clause de garantie d’emploi ne peut être rompu pendant la période couverte par la garantie qu’en cas d’accord des parties, de faute grave du salarié ou de force majeure.
Le licenciement de Mme [R] étant fondé sur une faute grave, cette dernière n’est pas fondée à obtenir une indemnisation pour violation de la garantie d’emploi.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dommages-intérêts complémentaires pour le caractère vexatoire du licenciement
La salariée ne démontre pas que la rupture est intervenue dans des conditions vexatoires, ni l’existence d’un préjudice qui aurait résulté des seules conditions de rupture.
Cette demande doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le rappel de salaires
La salariée soutient que la société Pantimmo avait omis de lui régler sa quote-part de 13ème mois, l’incluant dans le salaire de base et que, si la société Pantimmo a procédé à une régularisation, il reste dû un reliquat de 237, 31 euros. Elle produit la pièce n°47 qui ne précise pas quelle serait la cause du différentiel relevé de 237,31 euros.
L’employeur justifie avoir versé en février 2020 la somme de 871, 46 euros, dont il estime qu’elle est l’équivalent de la prime de 13ème mensualisée pour les mois de novembre et décembre 2019 et la partie travaillée du mois de janvier 2020.
Il produit la pièce 26 qui conduit à un total à verser de 945,91 euros.
Le bulletin de salaire de Mme [R] du mois de février 2020 indique le paiement d’un rappel de salaire de 871,46 euros et une régularisation de prime du 13ème mois de 74,45 euros, soit 945,91 euros.
Dès lors, la demande de la salariée d’un rappel de salaire à hauteur de 237,31 euros n’est pas fondée et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de remise de la puce du téléphone sous astreinte
La salariée sollicite qu’il soit ordonné à la société Pantimmo la remise sous astreinte de la puce du téléphone portable utilisé pour son activité professionnelle de vente VEFA.
L’employeur soutient que le téléphone et la ligne associée faisaient partie de la cession du fonds de commerce et qu’ils lui ont été remis par la salariée lors de la mise à pied conservatoire.
Il ressort des pièces du dossier que la puce correspond au numéro de téléphone utilisé par Mme [R] dans son exercice professionnel au sein de la société Pantimmo.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de remise sous astreinte.
Sur la demande au titre d’une commission contractuelle due
L’article VI « Rémunération » du contrat de travail stipule que :
« Madame [R] [O] percevra en sus de la rémunération brute mensuelle, un
intéressement de 20 % du chiffre d’affaire hors taxes mensuel réalisé par l’agence, sur les ventes de biens anciens en mandat de l’agence Pantimmo.
Cet intéressement ne sera versé que lorsque les commissions auront été réellement encaissées, eu égard aux décalages entre les signatures de compromis et les signatures d’actes authentiques.
Cet intéressement sera versé au prorata du mois de présence en cas d’arrêt maladie ou d’absence non autorisée. ».
La salariée a sollicité le paiement d’une somme de 20% sur une commission touchée sur la vente du bien de Mme [V] effectuée le 26 juin 2020 par la société Pantimmo dont la salariée avait rentré le mandat en décembre 2019 (pièce 39 de la salariée) et trouvé les acquéreurs (pièce 40 de la salariée).
L’employeur affirme que ledit intéressement est conditionné à la présence du salarié et que Mme [R] était absente du fait de la mise à pied et de son arrêt maladie à compter du 22 janvier 2020.
Il soutient en outre que les commissions ne sont pas dues au titre du chiffre d’affaire encaissé après le départ du salarié de l’entreprise.
La clause en question prévoit un intéressement au chiffre d’affaire mensuel réalisé sur les ventes de biens anciens en mandat de l’agence Pantimmo.
Il est prévu un versement décalé dans le temps à la date d’encaissement des commissions.
En outre, la clause prévoit que cet intéressement est versé au prorata du mois de présence si la salariée a été absente en cas d’arrêt maladie ou absence non autorisée.
Ainsi, cet intéressement est dû que lorsque le contrat de travail est en cours d’exécution lors de la réalisation de ce chiffre d’affaires.
En revanche, l’intéressement acquis ne saurait être soumis à une condition de présence à la date postérieure du versement effectif de la commission.
L’employeur expose que la régularisation de l’offre de prix a été réalisée le 20 février 2020, soit à une date à laquelle le contrat de travail était rompu.
Dès lors, la salariée ne peut prétendre à un intéressement de 20 % du chiffre d’affaire induit par cette vente dès lors que son contrat de travail était rompu à la date de réalisation de ce chiffre d’affaire.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Pantimmo à verser à Mme [R] la somme de 4 766 euros et 476,66 euros à titre de commission contractuellement due et congés payés afférents.
Sur la demande de dommages-intérêts de la société Pantimmo
L’employeur soutient que la salariée l’a dénigré auprès d’une autre salariée de la société, après sa mise à pied.
Cette autre salariée atteste aussi que Mme [R] lui aurait dit que M. [S] est un voyou notoire et qu’elle a dit aux clients de l’agence avec qui elle a des contacts de se méfier de lui.
Il indique que ces agissements lui ont causé un préjudice certain.
La salariée conteste les propos qui lui sont prêtés et indique que ces faits n’ont pas de lien avec la relation de travail.
Mais, d’une part, ces faits sont en relation avec le contrat de travail, d’autre part, il ne s’évince pas d’échanges tenus entre Mme [R] et une autre salariée de l’agence que cette dernière a effectivement porté atteinte à l’image de la société Pantimmo, qui ne justifie pas de l’existence et de l’étendue du préjudice dont elle demande réparation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Pantimmo de sa demande de dommages-intérêts.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La salariée sera condamnée aux dépens.
En revanche, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a condamné la société Pantimmo à verser à Mme [R] la somme de 4 766 euros et 476,66 euros à titre de commission contractuellement due et congés payés afférents et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DEBOUTE Mme [R] de sa demande de condamnation de la société Pantimmo à la somme de 4 766 euros et 476,66 euros à titre de commission contractuellement due et congés payés afférents.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE Mme [R] aux dépens,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,