Lettres d’Albert Camus, une œuvre originale

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Lettres d’Albert Camus, une œuvre originale
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Droit de divulgation des lettres de Camus

La fille d’Albert Camus qui est, en vertu de l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle et à défaut d’exécuteur testamentaire désigné, titulaire du droit de divulgation des oeuvres posthumes de son père, a obtenu la condamnation d’une société de vente aux enchères qui a vendu sans son autorisation une série de lettres rédigées par son père. Ces lettres ont été qualifiées d’œuvres originales éligibles à la protection par le droit d’auteur.

Protection des lettres d’écrivain

En vertu de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, et que ce droit est conféré, selon l’article L112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit, en vertu de l’article L112-2 de ce code, les écrits littéraires, lesquels incluent les lettres missives.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d’une forme originale, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

En l’espèce, Mme Camus a revendiqué avec succès l’originalité de la correspondance constituée des 89 lettres d’Albert Camus [1913-1960] à Blanche Balain [1914-2003] du 7 décembre 1937 au 27 juin 1959. Blanche Balain était poétesse, actrice à Alger dans le ‘Théâtre de l’Equipe’ que l’écrivain anima de 1937 à 1939, et fut quelque temps sa maîtresse, puis une amie fidèle jusqu’à sa mort.

Il ressort de la lecture de ces 89 lettres par les juges, loin de se limiter à y communiquer des informations, Albert Camus s’y confie dans toutes les dimensions de son être. Il y livre tour à tour, avec des mots choisis, sincères, profonds et souvent émouvants, non seulement ses sentiments à l’égard de son interlocutrice, ses impressions sur la production littéraire de celle-ci, mais aussi certains aspects de sa vie quotidienne et personnelle et d’autres de ses sentiments, des considérations sur ce que représente pour lui l’art d’écrire, des commentaires de ses ouvrages, terminés ou en cours, et ses pensées philosophiques, notamment politiques, marquées par le contexte de la guerre, de nature à en éclairer la portée. Il apparaît que l’auteur, tirant partie de l’intimité d’une relation, y dévoile librement tout ce qui l’habite à l’instant de leur rédaction, incluant une portée critique de son oeuvre en général.

Les choix opérés par lui, tant dans la forme soignée de son expression que dans la singularité des sujets abordés, confèrent à cette correspondance une physionomie propre traduisant une activité créatrice, dont l’auteur ne pouvait qu’avoir conscience, et qui porte l’empreinte de sa personnalité.

Atteinte au droit de divulgation d’Albert Camus

Le droit de divulgation, tel que prévu par l’article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, qui appartient, de son vivant, à l’auteur seul, et après sa mort, à défaut d’exécuteur testamentaire désigné par lui, en premier lieu à ses descendants, emporte le droit de déterminer le procédé de divulgation et de fixer les conditions de celle-ci. La société de vente aux enchères a été condamnée pour n’avoir pas sollicité l’autorisation de la fille de d’Albert Camus pour communiquer au public la correspondance litigieuse au public.

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