Les sites pornographiques bénéficient du principe de subsidiarité
Les sites pornographiques bénéficient du principe de subsidiarité
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Les éditeurs de sites pornographiques bénéficient du principe de subsidiarité. L’action en référé de blocage de site internet dirigée contre les FAI n’est pas recevable lorsqu’une action contre les éditeurs de site poursuivis est possible (ces derniers étant bien identifiés par leurs mentions légales).  

Action d’associations de protection de l’enfance

Des associations de protection de l’enfance ont été jugées irrecevables à agir contre les FAI pour faire bloquer l’accès aux principaux éditeurs de sites pornographiques (xhamster, Pornhub …) sur le fondement de l’article 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (action en référé contre les FAI).

En l’absence de toute tentative d’attraire dans la procédure les responsables de contenus, ni même de justifier qu’il y a impossibilité d’agir contre eux de manière efficace, les associations ne justifiaient pas de la nécessité de mesures de blocage par le juge des référés, ni ne permettent la mise en place d’un contrôle de proportionnalité.  

Principe de subsidiarité

Il est de jurisprudence constante qu’en application du principe de subsidiarité, fondé sur des motifs d’efficacité et de proportionnalité, les requérants à une mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès à internet doivent établir l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, contre l’éditeur ou contre l’auteur du contenu litigieux.

Ainsi, s’il n’est pas exigé des requérantes qu’elles mettent dans la cause les hébergeurs, éditeurs et auteurs de contenus, il leur appartient à tout le moins d’établir qu’ils ne peuvent agir contre ces derniers de manière efficace et rapide, en sorte que la seule mesure possible est une mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès à internet.

Pas de tentatives pas d’actions

En l’espèce, les associations n’ont pas agi, ni tenté d’agir, contre les auteurs, éditeurs ou hébergeurs des contenus en cause, ni ne démontrent l’impossibilité d’agir.

Mentions légales des sites

Même en l’absence de directeur de la publication, les sites en question mentionnent tous bien des informations relatives aux sociétés éditrices des sites incriminés, permettant ainsi d’envisager à tout le moins une action contre ces derniers avant toute mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès.

Action contre les hébergeurs

De même, avant même toute mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès, une action aurait également été possible devant les hébergeurs, identifiables pour certains des sites par les services gratuits ‘Who Host This ” ou par une requête ‘Whois’ : les hébergeurs sont ainsi identifiés comme étant les sociétés Reflected Network pour les sites pornhub ou youporn, OVH (société française) pour le site mrsexe ou encore Server Stack pour xnxx, xvideos ou redtube, aucun élément n’étant soulevé par les appelantes sur l’impossibilité d’agir contre ces personnes.

C’est donc à juste titre que le premier juge a estimé que les associations étaient irrecevables en leur action fondée sur les dispositions de l’article 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, faute de démontrer l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, contre l’éditeur ou contre l’auteur du contenu litigieux.

Le trouble manifestement illicite

Concernant l’action fondée sur un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du code de procédure civile :

— laisser l’accès à des mineurs à des contenus pornographiques matérialise l’infraction prévue par l’article 227-24 du code pénal, article qui précise que les infractions prévues sont constituées y compris si l’accès d’un mineur résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans, ce qui constitue un trouble manifestement illicite ;

— pour autant, s’applique le principe de proportionnalité des mesures prises, l’article 835 rappelant d’ailleurs aussi que le juge ne doit prescrire en référé que les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent ;

— or, les fournisseurs d’accès à internet ne sont pas responsables du trouble ici constaté, la mise en balance des intérêts dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité supposant alors d’attraire dans la procédure les sociétés propriétaires ou éditrices des contenus argués d’illicites ;

—  faute d’avoir attrait ou d’avoir tenté d’attraire les responsables des contenus dans la procédure, pourtant identifiables, ni même de justifier de l’impossibilité d’agir contre eux, les associations ne permettent pas au juge des référés de vérifier que le blocage des sites est la seule mesure possible, ce alors que les propriétaires ou éditrices des contenus n’ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations, de prendre les éventuelles mesures correctives ou de proposer des solutions alternatives, ni même de présenter les conditions de fonctionnement de leurs sites s’agissant de l’accès des mineurs.

Pour rappel, l’article 6 I 8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa version en vigueur lors de l’introduction du litige, dispose que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à tout hébergeur de contenu, à défaut, à tout fournisseur d’accès à internet, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

En outre, en application de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d’un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 19 MAI 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18159 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQCF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de paris – RG n° 21/56149

APPELANTES

Association E-ENFANCE, prise en la personne de son Président M. [U] [C], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 10]

Association LA VOIX DE L’ENFANT, prise en la personne de sa Présidente, Mme [T] [Z], domicilée en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentées et assistées par Me Laurent BAYON de la SELEURL LBSB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1720

INTIMEES

S.A.S. OUTREMER TELECOM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 25]

[Localité 21]

S.A.S. SFR FIBRE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 15]

S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 13]

SOCIETE REUNIONNAISE DU RADIOTELEPHONE (SRR), agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 26]

[Adresse 6]

[Localité 22]

Représentées par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistées par Me Pierre-Olivier CHARTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R159

S.A.S. FREE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 16]

[Localité 11]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Me Yves COURSIN, avocat au barreau de PARIS

S.A. BOUYGUES TELECOM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873

Assistée par Me Pierre-Olivier BONNE, avocat au barreau de PARIS

S.A. ORANGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 18]

S.A. ORANGE CARAIBE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 20]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées de Me Alexandre LIMBOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : L0064

S.A.S. COLT TECHNOLOGY SERVICES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 19]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Thomas WEST, substituant Me Katia BONEVA-DESMICHT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, Thomas RONDEAU, Conseiller, ayant été entendu en son rapport dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Mme Marie-Daphné PERRIN, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Les associations E-Enfance et La Voix de l’enfant font état de ce que les sites internet exposant les mineurs à des contenus pornographiques sont nombreux, aucun contrôle effectif n’étant mis en place.

Par actes des 2,3 et 4 août 2021, l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant ont fait assigner la société SFR fibre, la société Orange, la société Orange Caraïbe, la Société Française du Radiotéléphone (SFR), la Société Réunionnaise du Radiotéléphone, la société Free, la société Bouygues Télécom, la société Colt Technology Services et la société Outremer Télécom devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :

— déclarer leur action recevable ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par plusieurs sites internet en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

— en conséquence, enjoindre les défenderesses à mettre en oeuvre ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir des adresses listées, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour par site de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— condamner solidairement les défendeurs à leur verser 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les condamner solidairement aux dépens incluant le constat d’huissier en date du 25 juillet 2021 ;

— constater que la présente ordonnance est de plein droit assortie de l’exécution provisoire.

Aux termes de ses réquisitions, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris a soutenu la demande de blocage des sites litigieux, en raison de la caractérisation de l’infraction prévue par l’article 227-24 du code pénal et de l’atteinte grave portée à la protection de mineurs, ce qui caractérise un trouble manifestement illicite.

Les sociétés défenderesses ont soit contesté que les demandes entraient dans les pouvoirs du juge des référés compte tenu de la procédure accélérée au fond désormais applicable, soit s’en sont rapporté à l’appréciation de la juridiction, sollicitant subsidiairement la modification de la demande, le rejet des mesures d’astreinte et des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la limitation des mesures de blocage dans le temps, rappelant le principe de proportionnalité applicable.

Par jugement en état de référé du 8 octobre 2021 rendu contradictoirement, le tribunal judiciaire de Paris a :

— écarté des débats les pièces communiquées en cours de délibéré par l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant, à l’exception des courriers envoyés par le président du conseil supérieur de l’audiovisuel aux éditeurs des sites internet visés dans l’assignation ;

— dit n’y avoir lieu à ordonner la réouverture des débats ;

— rejeté la demande de la société Free tendant à voir juger que le juge des référés n’est pas compétent pour connaître du présent litige ;

— rejeté la demande de la société Free tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de l’association E-Enfance et l’association la Voix de l’enfant en raison d’un défaut d’intérêt à agir ;

— déclaré irrecevables les demandes de l’association E-Enfance et de l’association La Voix de l’enfant en tant qu’elles sont fondées sur les dispositions de l’article 6 I 8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;

— déclaré recevables les demandes de l’association E-Enfance et de l’association La Voix de l’enfant en tant qu’elles sont fondées sur les dispositions de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile ;

— dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de blocage et les demandes subséquentes formées par les associations E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant à l’encontre de la société SFR fibre, la société Orange, la société Orange Caraïbe, la Société Française du Radiotéléphone, la Société Réunionnaise du Radiotéléphone, la société Free, la société Bouygues Télécom, la société Colt Technology Services et la société Outremer Télécom ;

— constaté que l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant ont renoncé à solliciter l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant aux dépens ;

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

— dit n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande.

Le premier juge a notamment relevé les éléments suivants :

— les dispositions de l’article 23 de la loi 2020-936 du 30 juillet 2020 ne servent pas de fondement à l’action des demanderesses, de sorte que les observations de la société Free sur ‘l’incompétence’ du juge des référés sont inopérantes ;

— l’article 6 I 8, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 août 2021, ne prévoit pas la procédure accélérée au fond pour les demandes relatives à la prévention d’un dommage ou la cessation d’un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ;

— l’article 835 du code de procédure civile permet au juge des référés d’ordonner le blocage de l’accès aux sites litigieux ;

— l’intérêt à agir des sociétés demanderesses est établi au regard de leur objet statutaire ;

— l’action est cependant irrecevable sur le fondement de l’article 6 I 8, les associations n’établissant pas qu’elles auraient cherché à établir l’identité des hébergeurs, auteurs ou éditeurs ;

— si les demandes sont recevables en application de l’article 835 du code de procédure civile, pour autant, l’absence des auteurs des troubles allégués dans la procédure ne permet pas à la juridiction d’exercer le nécessaire contrôle de proportionnalité.

Par déclaration du 18 octobre 2021, les associations E-Enfance et La Voix de l’enfant ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs conclusions remises le 7 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les associations E-Enfance et La Voix de l’enfant demandent à la cour, au visa de l’article 31 du code de procédure civile, des articles 484 à 492, 834 à 838 et 514 du code de procédure civile, de l’article 227-24 du code pénal, des articles 6-I 7 et 6-1 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, de :

— déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par l’association e-Enfance et l’association La Voix de l’enfant ;

— infirmer le jugement en date du 8 octobre 2021 en ce qu’il a :

déclaré irrecevables les demandes de l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant en tant qu’elles sont fondées sur les dispositions de l’article 6.I-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;

dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de blocage et les demandes subséquentes formées par l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant à l’encontre de la société SFR fibre, la société Orange, la société Orange Caraïbe, la Société Française du Radiotéléphone, la Société Réunionnaise du Radiotéléphone, la société Free, la société Bouygues Télécom, la société Colt Technology Services et la société Outremer Télécom ;

condamné l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant aux dépens ;

Le réformant, et statuant à nouveau :

— déclarer recevable l’action engagée conjointement par l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://fr.pornhub.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://fr.pornhub.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://fr.pornhub.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://www.mrsexe.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://www.mrsexe.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://www.mrsexe.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://www.iciporno.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://www.iciporno.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://www.iciporno.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://tukif.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://tukif.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations e-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://tukif.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://www.xnxx.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://www.xnxx.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://www.xnxx.com/ , et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://fr.xhamster.com/ en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://fr.xhamster.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://fr.xhamster.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://www.xvideos.com/, en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://www.xvideos.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://www.xvideos.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://www.youporn.com/, en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://www.youporn.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://www.youporn.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— juger le trouble manifestement illicite causé par le site internet https://fr.redtube.com/, en raison des messages, images et vidéos à caractère pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur ;

En conséquence,

— enjoindre aux fournisseurs d’accès à internet, de mettre en oeuvre, ou faire mettre en oeuvre, à leur frais, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toutes mesures appropriées de blocage pour empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs adresses situées sur ce territoire, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse suivante https://fr.redtube.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— leur enjoindre de justifier, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, auprès des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant, ainsi que du président de la cour d’appel de Paris, des mesures prises et mises en oeuvre pour empêcher l’accès, à partir du territoire français, au service de communication en ligne accessible actuellement à partir de l’adresse https://fr.redtube.com/, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du lendemain de l’expiration du délai de 5 jours suivant la signification de l’ordonnance ;

— condamner solidairement les défendeurs à verser la somme totale de 10.000 euros à l’association E-Enfance et à l’association La Voix de l’enfant au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner solidairement les défendeurs aux dépens, ce compris, notamment, le constat d’huissier en date du 25 juillet 2021.

Les associations E-Enfance et La Voix de l’enfant soutiennent que :

— l’association E-Enfance a pour objet la protection des enfants et des adolescents contre les risques liés à tous moyens de communication interactifs, et est reconnue d’utilité publique, l’association La Voix de l’enfant a quant à elle pour objet d’ester en justice et de représenter les intérêts d’enfants victimes ou en danger ;

— il ne ressort pas des débats judiciaires de la loi du 30 juillet 2020 que le législateur a souhaité réserver le blocage judiciaire de contenu susceptible de causer un dommage à un tiers à une quelconque autorité ;

— le principe de proportionnalité ne saurait être invoqué en vue de déclarer leur action irrecevable, car les fournisseurs d’accès à internet sont tenus, au titre de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de participer à la lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie ;

— la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ne comporte aucune disposition relative à son application rétroactive, et ne peut donc s’appliquer aux actions initiées avant son entrée en vigueur, de sorte que l’action en référé des appelantes est admissible ;

— la jurisprudence de la cour d’appel de Paris (RG n°13/15570 et n°20/11688) a déjà précisé que lorsqu’une mesure de référé était justifiée, en cas de prévention ou de cessation d’un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne (article 6 LCEN), et dans le cas d’hébergeurs de sites situés à l’étranger, il est possible d’agir à l’encontre des fournisseurs d’accès à internet ;

— l’absence de subsidiarité entre les actions exercées à l’encontre des hébergeurs ou des fournisseurs d’accès à internet a été confirmée par un arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 juin 2018 ;

— en l’espèce la plupart des sites en cause sont hébergés à l’étranger, ainsi c’est à tort que le tribunal a opposé aux concluantes qu’elles ne pouvaient réclamer le blocage des sites litigieux sans avoir préalablement tenté d’agir contre les hébergeurs ;

— seule la mesure sollicitée par les deux associations est efficiente, les courriers adressés par le CSA étant restés sans effets ; la mesure demandée n’est pas abusive, elle a notamment été mise en oeuvre par un autre site suite au courrier du CSA ;

— le concours des fournisseurs d’accès à internet n’est sollicité que pour les infractions les plus graves, dont la lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie ; seul le blocage des sites constitue une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée pour faire cesser le trouble manifestement illicite ;

— il est de la seule responsabilité des éditeurs des sites pornographiques de mettre en oeuvre les moyens techniques visant à ne pas exposer des mineurs à la pornographie, c’est pourquoi il y a lieu d’écarter la proposition d’expertise du ministère public et d’ordonner le blocage des sites visés.

Dans ses conclusions remises le 4 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Free demande à la cour de :

— surseoir à statuer dans l’attente du dénouement des procédures engagées par le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique le 13 décembre 2021 contre les sites Pornhub, Tukif, Xhamster, Xnxx et Xvideos ;

— infirmer le jugement rendu le 8 octobre 2021 en ce qu’il a rejeté la demande de la société Free tendant à voir déclarer les demanderesses dépourvues d’un intérêt à agir ;

Ce faisant,

— juger que le juge des référés n’est pas compétent ;

— juger que le législateur a donné au président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), autorité publique indépendante, la mission de contrôler et d’engager la procédure adéquate pour obtenir le blocage des sites pornographiques qui ne respectent pas la condition de majorité de ceux qui y accèdent ;

— juger que les associations demanderesses ne peuvent s’arroger cette compétence dévolue au président de cette autorité publique indépendante, et sont irrecevables et mal fondées, faute d’un intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile ;

— subsidiairement, pour le surplus, confirmer le jugement, et, ce faisant, juger que les associations demanderesses n’ont pas respecté le principe de proportionnalité en ne justifiant pas qu’elles ont été dans l’impossibilité d’identifier les responsables des sites litigieux, et de tenter quoi que ce soit à leur encontre ;

— juger qu’elles n’ont pas respecté le principe de proportionnalité ;

— juger que les demandes présentées directement contre la société Free sont, de ce fait, tant irrecevables que mal fondées ; les rejeter ;

— donner acte à la société Free que, si par impossible, malgré ce qui précède, vous faisiez droit aux demandes de blocage d’accès, elle les mettrait en oeuvre, sans résistance aucune ;

— toujours dans l’hypothèse d’un blocage, juger que la société Free restera libre de la mesure technique qu’elle mettra en oeuvre, et dire qu’elle disposera d’un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, pour le faire ;

— en tout état de cause, rejeter les demandes d’expertise, d’astreinte et de frais irrépétibles ;

— laisser les dépens à la charge des demandeurs.

La société Free soutient que :

— la puissance publique, via le président de l’Arcom, autorité publique indépendante, s’est réservé le pouvoir de contrôler et de réagir contre les dérives incriminées par l’article 227-24 du code pénal ;

— les tiers, personnes physiques ou morales, telles les associations, ne sont pas démunies, car elles ont la possibilité de saisir le président de l’Arcom, lequel apprécie l’opportunité du déclenchement de l’action, et de l’assignation ;

— nonobstant le principe de subsidiarité, relatif à l’ordre de l’intervention entre les prestataires techniques, et qui a été modifié par la loi du 24 août 2021 dans la loi du 21 juin 2004, le principe de proportionnalité commande nécessairement de tenter quelque chose vis-à-vis des responsables/éditeurs/auteurs des sites illicites, avant de s’adresser aux fournisseurs d’accès, qui eux, n’y sont pour rien ;

— les coordonnées des « éditeurs », « auteurs », « personnes exploitant les sites » sont en réalité aisément accessibles, directement sur chacun des neuf sites incriminés ;

— la demande d’expertise sollicitée par le ministère public devra être rejetée, alors qu’elle ne prend pas en compte le régime de responsabilité des fournisseurs d’accès.

Dans ses conclusions remises le 7 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Colt Technology Services demande à la cour, au visa de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020, de l’article 227-24 du code pénal, de l’article 6. I. 8. de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dans sa rédaction applicable à l’espèce, des articles 696 et 954 du code de procédure civile, de :

— surseoir à statuer dans l’attente de l’issue des actions engagées par le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;

— juger que la cour n’est pas saisie la demande des associations E-Enfance et La Voix de l’enfant tendant à ce que les conclusions déposées par la société Colt Technology Services soient déclarées irrecevables, et en toute hypothèse, les débouter de cette demande mal-fondée ;

— lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant au respect du principe de subsidiarité par les associations, et quant à la nécessité et la proportionnalité des mesures sollicitées par ces dernières au regard des risques de trouble à l’ordre public et social d’autre part ;

— si des mesures de blocage devaient être ordonnées, lui accorder à cet effet un délai de 15 jours pour leur mise en oeuvre à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

— débouter les associations de leurs demandes d’astreintes ;

— débouter les associations de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dire que les dépens seront à la charge des associations.

La société Colt Technology Services soutient que :

— il est nécessaire de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue des procédures introduites par l’Arcom, qui a introduit des actions à l’encontre de nombreux sites pornographiques ;

— les actions introduites par l’Arcom sont de nature à permettre à ces auteurs de présenter leurs observations quant aux éléments qui leur sont reprochés ;

— la demande tendant à voir déclarées irrecevables les conclusions des intimées est incohérente car les associations appelantes assignent les fournisseurs d’accès internet, puis après avoir relevé appel de la décision, elles entendent interdire toute réponse à leurs demandes ;

— l’argument selon lequel toute démarche à l’encontre des auteurs, éditeurs ou hébergeurs serait vaine est démenti par le fait que le CSA a bien adressé des courriers à ces sites, permettant donc d’identifier un interlocuteur pour chacun d’entre eux ; la demande de blocage du site sans les informer au préalable tend au contraire à les priver de leur défense ;

— chacun des sites comporte une page sur laquelle est mentionné le propriétaire du site, et sa localisation ;

— la société Colt fait valoir qu’elle ne peut prendre l’initiative du blocage des sites internet signalés par les associations sans injonction judiciaire en raison des risques de mise en jeu de sa propre responsabilité par des tiers en l’absence de décision judiciaire ;

— concernant la demande d’expertise formulée par le ministère public, il est demandé à la cour de ne pas la suivre, la société Colt n’ayant aucun lien avec les sites pornographiques dont il est question ;

— les demandes d’astreinte ne sont pas justifiées, aucune contrainte n’est nécessaire, et la société Colt ne tire aucun avantage à ce que les sites pornographiques restent actifs lorsqu’une décision de justice en ordonne le blocage ;

— la demande de condamnation solidaire des défenderesses à verser la somme de 10.000 euros d’article 700 est surprenante, notamment en considérant le fait que les associations avaient renoncé à en solliciter le bénéfice en première instance ;

— enfin la société Colt ne saurait être condamnée aux dépens car d’une part elle ne peut être tenue responsable d’une possible illégalité des sites litigieux, et d’autre part les mesures sollicitées par les associations, si elles sont ordonnées, seraient justifiées par l’intérêt général.

Dans ses conclusions remises le 7 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Bouygues Télécom demande à la cour, au visa des dispositions de l’article 6-I-8 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 dans sa rédaction applicable, de :

— prendre acte de ce qu’elle s’en remet à l’appréciation de la juridiction de céans sur la recevabilité et le bien-fondé de l’appel interjeté par les associations à l’encontre de la décision rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris en date du 8 octobre 2021 ;

En outre, si la cour d’appel de céans infirmait cette décision et ordonnait la mise en oeuvre de mesures de blocage des services de communication en ligne alors il lui est demandé de,

— juger que l’injonction qui sera prononcée à l’encontre de Bouygues Télécom devra être formulée comme suit : « enjoindre à la société Bouygues Télécom de mettre en oeuvre, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision à intervenir, les mesures de son choix propres à empêcher l’accès de ses abonnés à partir du territoire français, au[x] nom[s] de domaine (‘) » ;

— juger que les mesures de blocage ordonnées devront avoir un terme et ainsi être prononcées pour une durée raisonnable ;

— juger que les associations devront informer les FAI dont la société Bouygues Télécom si les conditions d’accès aux services de communication en ligne litigieux devenaient conformes à l’article 227-24 du code pénal ;

— juger que les mesures de blocage seront en tout état de cause limitées à ce qui est strictement nécessaire c’est-à-dire pour une durée limitée à la durée pendant laquelle les noms de domaine permettront un accès aux mineurs sur simple déclaration de l’internaute ;

En toute hypothèse,

— débouter les associations de leur demande d’astreinte et de leurs plus amples demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société Bouygues Télécom ;

— prendre acte que la société Bouygues Télécom peut mettre en oeuvre une mesure de blocage par DNS et en conséquence rejeter toute demande d’expertise aux fins de déterminer une autre mesure de blocage ;

— juger que les parties pourront saisir le président du tribunal judiciaire de Paris en référé en cas de difficultés ou d’évolution du litige ;

— mettre les dépens à la charge des associations.

La société Bouygues Télécom soutient que :

— les fournisseurs d’accès à internet sont étrangers à l’acte incriminé, et n’ont aucun rapport avec eux, ils ne font que permettre à leurs clients d’accéder librement à internet ;

— l’avis du ministère public semble commettre une importante confusion entre les responsabilités et les rôles des différents acteurs de l’internet ;

— le président du CSA, après avoir mis en demeure les services de communication en ligne des cinq sites concernés, a finalement assigné les principaux fournisseurs d’accès à internet afin de solliciter le blocage des sites en question ;

— sur la recevabilité de ses écritures, elle a été assignée par les associations de défense des droits de l’enfant, et dépose donc ses conclusions à ce titre, ainsi les fournisseurs d’accès à internet sont recevables à communiquer leurs observations ;

— sur les conditions d’application de l’article 6 I 8 de la LCEN, l’existence d’un dommage devra être appréciée par la cour, mais le respect du principe de subsidiarité commande que les fournisseurs d’accès à internet ne soient mis en cause qu’en cas d’impossibilité manifeste d’obtenir un résultat auprès des éditeurs ou hébergeurs concernés, or en l’espèce, les éditeurs des sites étaient parfaitement identifiés, et auraient pu être touchés en lieu et place des fournisseurs d’accès à internet ;

— sur les conditions d’application de l’article 835, il incombe au juge des référés de mettre en balance les intérêts des parties, dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité ; or en l’espèce le président du tribunal judiciaire a relevé lui même que les auteurs des troubles allégués n’ayant pas été attraits à l’instance, ni même informés de la procédure, ils n’ont pas été à même de présenter des observations sur les mesures sollicitées, alors que les circonstances de l’espèce ne justifient pas qu’il soit dérogé au principe de la contradiction ;

— à titre subsidiaire, sur les conditions de mise en oeuvre des mesures de blocage qui pourraient être ordonnées : la seule mesure que peut mettre en oeuvre Bouygues est le protocole de blocage par DNS, qui consiste à supprimer la concordance entre l’adresse URL et l’adresse IP de l’hébergeur, ainsi la désignation d’un collège d’experts pour déterminer les mesures de blocage les plus adaptées n’est pas justifiée ;

— par ailleurs, en vertu du principe de proportionnalité, la mesure devrait être limitée dans le temps.

Dans leurs conclusions remises le 7 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Orange et Orange Caraïbe demande à la cour, au visa des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, des articles 9, 31, 122 et 125 du code de procédure civile ; de l’article 484 du code de procédure civile, des articles 6. I 7° 6. I. 8°, 6. II et 6. III 1° de la loi du 21 juin 2004, dans leur version applicable au litige, des dispositions des articles 22 et 23 de la loi du 30 juillet 2020, de :

— leur donner acte de ce qu’elles s’en remettent à la sagesse et l’appréciation de la cour quant à l’infirmation / réformation éventuelle du jugement dont appel ;

— leur donner acte de ce qu’elles s’en remettent à la sagesse et l’appréciation de la cour quant à la qualité à agir des demanderesses ;

— leur donner acte de ce qu’elles s’en remettent à la sagesse et l’appréciation de la cour quant au pouvoir juridictionnel du juge des référés pour ordonner le blocage des sites incriminés ;

— leur donner acte de ce qu’elles s’en remettent à la sagesse et l’appréciation de la cour quant au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

— juger qu’il ne saurait en tout état de cause être ordonné aux FAI de mettre en oeuvre des mesures permettant de contrôler la majorité des internautes souhaitant accéder aux contenus accessibles depuis un site internet ;

En conséquence,

— apprécier la recevabilité et le bien-fondé de l’appel et des demandes formés par les associations ;

— apprécier s’il y a lieu, fut-ce partiellement, de confirmer ou d’infirmer et/ou de réformer le jugement dont appel ;

Dans l’éventualité où la cour infirmerait, fut-ce partiellement, le jugement dont appel et considérerait bien fondées les demandes de blocage formées par les demanderesses à l’encontre de la société Orange et de la société Orange Caraïbe au visa des dispositions de la loi « pour la confiance dans l’économie numérique »,

— dire que la société Orange et la société Orange Caraïbe seraient libres, si la cour devait prononcer une injonction à leur encontre, de choisir la mesure technique de blocage qu’elle jugerait adaptée et efficace (dont le blocage par DNS) ;

— en tout état de cause, dire que toutes mesures de blocage qu’il serait ordonné à la société Orange et à la société Orange Caraïbe de mettre en oeuvre aux termes de l’arrêt à intervenir seraient limitées dans le temps ;

— constater que les fournisseurs d’accès au réseau Internet sont parfaitement étrangers à la commission des actes dénoncés par l’association E-Enfance et l’association La Voix de l’enfant et qu’ils sont pris en leur stricte qualité d’intermédiaires techniques et en conséquence ;

En tout état de cause,

— débouter les associations de leur demande de voir la cour prononcer une astreinte à l’encontre des sociétés Orange et Orange Caraïbe ;

— débouter les associations de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouter les associations de leur demande de voir la cour faire supporter les dépens de l’instance aux sociétés Orange et Orange Caraïbe ;

— mettre les entiers dépens d’instance à la charge des associations.

Les sociétés Orange et Orange Caraïbe font valoir que :

— la cour n’étant saisie d’aucune demande visant à ce qu’il soit fait injonction au FAI de mettre en oeuvre des mesures propres à empêcher l’accès des mineurs aux sites litigieux, elle ne pourra qu’écarter la proposition du ministère public d’ordonner une mesure d’expertise visant à déterminer lesdites mesures ;

— en tant que de besoin, et indépendamment même du fait que ces questions sont étrangères au présent litige, la cour constatera que les FAI ne sauraient en tout état de cause être contraints de mettre en place des mesures aux fins d’empêcher les mineurs d’avoir accès à des contenus pornographiques disponibles sur des sites édités par des sociétés tierces avec lesquelles les FAI n’entretiennent aucune relation ;

— il n’est fait aucune mention, au sein du dispositif des dernières écritures des appelantes, de la prétendue irrecevabilité des conclusions d’intimées régularisées, étant observé en tout état de cause qu’elles s’en rapportent ;

— le législateur a défini les pouvoirs désormais confiés à l’Arcom par la loi du 30 juillet 2020 ;

— le principe cardinal de subsidiarité, pierre angulaire de la LCEN, a également été de nouveau consacré aux termes de l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 ;

— il est aussi de jurisprudence constante que l’atteinte portée doit être proportionnée, adéquate et strictement nécessaire pour atteindre le but légitime recherché ;

— la cour relèvera que les sociétés éditrices des sites incriminés étaient et demeurent parfaitement identifiables et au demeurant expressément identifiées aux termes des conditions générales et des politiques de confidentialité desdits sites ; dans ces conditions, constat fait que les associations ne semblent toujours pas avoir initié de démarches vis-à-vis des sociétés éditrices des sites incriminés, sans pour autant démontrer l’impossibilité ou les difficultés inhérentes à de telles démarches, la cour appréciera la recevabilité des demandes de blocage qu’elles forment au visa de la LCEN ;

— le principe de proportionnalité commande que la mesure éventuellement ordonnée le soit pour une durée, si non déterminée, au moins déterminable, avec libre choix des mesures.

Dans leurs conclusions remises le 8 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les sociétés SFR, SFR Fibre, Société Réunionnaise du Radiotéléphone, Outremer Télécom, demandent à la cour, au visa des articles 31 et 835 du code de procédure civile et de l’article 6-I-8 de la LCEN, de :

— juger irrecevable et en tout cas mal-fondée la demande des associations tendant à ce que les conclusions soient déclarées irrecevables ;

— leur donner acte de ce qu’elles s’en remettent à la sagesse et l’appréciation de la cour quant au respect par les demandes des associations des conditions posées par la loi, en termes de recevabilité à agir et de respect du principe de proportionnalité, et si l’infirmation totale ou partielle de la décision déférée doit donc être prononcée ;

Si la cour ordonne la mise en oeuvre de mesures de blocage d’un ou plusieurs sites,

— juger que l’injonction qui sera prononcée devra être formulée comme suit, pour qu’elle puisse être correctement exécutée :

‘enjoindre SFR, SFR fibre, SRR et OMT de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir, des mesures propres à prévenir l’accès de leurs abonnés, situés sur le territoire français aux noms de domaine :

— fr.pornhub.com ;

— mrsexe.com ;

— iciporno.com ;

— tukif.com ;

— xxnx.com ;

— fr. xhamster.com ;

— xvideos.com ;

— youporn.com ;

— fr.redtube.com ;’

— juger que les mesures de blocage mises en oeuvre par les FAI, dont les sociétés concluantes, seront limitées à une durée de dix-huit mois à compter de la présente décision, à l’issue de laquelle les associations devront saisir la présente juridiction, afin de lui permettre d’apprécier la situation et de décider s’il convient ou non de reconduire lesdites mesures de blocage ;

En tout état de cause,

— débouter les associations de leur demande tendant à ce que les sociétés concluantes justifient des mesures de blocages mises en oeuvre ;

— débouter les associations de leurs demandes d’astreinte ;

— débouter les associations de leur demande au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

— débouter les associations de l’ensemble de leurs autres demandes fins et conclusions ;

— écarter l’avis du ministère public selon lequel une mesure d’expertise pourrait être ordonnée ;

— juger que la cour pourra être saisie en cas de difficultés ou d’évolution du litige ;

— juger que les dépens seront laissés à la charge des associations.

Les sociétés SFR, SFR Fibre, Société Réunionnaise du Radiotéléphone, Outremer Télécom, font valoir que :

— la lecture des dispositions applicables conduit à s’interroger sur le point de savoir si les actions visant à réclamer le blocage par les FAI des sites contrevenant aux dispositions de l’article 227-24 du code pénal ne sont pas réservées au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

— pour que la mesure de blocage soit ordonnée, celle-ci devra donc respecter le principe de proportionnalité, ladite mesure devra également respecter le principe de subsidiarité ; si les principes de proportionnalité et de subsidiarité n’impliquent pas nécessairement « la mise en cause judiciaire » de l’hébergeur ou de l’éditeur, ils commandent en revanche de justifier de l’impossibilité d’agir à titre préalable rapidement et efficacement contre eux ;

— le juge des référés statuant au visa de l’article 835 du code de procédure civile doit aussi faire application des principes de proportionnalité et de subsidiarité susvisés, afin de s’assurer que les éditeurs/auteurs et hébergeurs ne pouvaient efficacement être actionnés et que le prononcé d’une mesure à l’encontre des FAI est le seul recours ;

— à titre subsidiaire, si la cour devait, infirmant la décision de première instance, estimer qu’il convient de faire droit en tout ou partie aux mesures de blocage des sites, les modalités des mesures ordonnées devront être conformes à la loi ;

— le prononcé d’une mesure d’expertise, proposée par le ministère public est radicalement inutile, la nature des mesures susceptibles d’être ordonnées est parfaitement connue, puisqu’il est devenu courant depuis plusieurs années que les FAI bloquent des sites internet en application des différents dispositifs légaux applicables.

Par avis du 22 février 2022, auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, le procureur général près la cour d’appel de Paris demande à la cour :

— d’infirmer le jugement rendu en tout son dispositif et de déclarer les associations recevables tant dans leur action fondée sur les dispositions de l’article 6 I 8 de la loi du 21 juin 2004 et 835 du code de procédure civile ;

— d’ordonner une expertise confiée à un collège d’experts inscrits dans la rubrique E-01 Electronique et informatique, aux frais des FAI intimés, afin que ces experts indiquent précisément à la cour et à bref délai les mesures incombant aux intimées et permettant le respect des articles 6 I 1 2 7 et 8 de la loi pour la confiance dans l’économique numérique dans sa version issue de la loi du 23 octobre 2018 et 227-24 du code pénal.

SUR CE LA COUR

L’article 6 I 8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa version en vigueur lors de l’introduction du litige, dispose que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à tout hébergeur de contenu, à défaut, à tout fournisseur d’accès à internet, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

En outre, en application de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d’un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l’espèce, à titre liminaire, il est sollicité par certaines des intimées qu’il soit sursis à statuer, dans l’attente de la décision du président de l’Arcom, ou que les appelantes soient déclarées irrecevables à agir, à raison des pouvoirs conférés par la loi au président de l’Arcom.

Il sera rappelé sur ce point que l’article 23 de la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales dispose que, lorsqu’il constate qu’une personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne permet à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique en violation de l’article 227-24 du code pénal, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel [devenu Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – Arcom] adresse à cette personne, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs au contenu incriminé. La personne destinataire de l’injonction dispose d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations. A l’expiration de ce délai, en cas d’inexécution de l’injonction prévue au premier alinéa du présent article et si le contenu reste accessible aux mineurs, le président de l’Arcom peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner, selon la procédure accélérée au fond, que les fournisseurs d’accès à internet mettent fin à l’accès à ce service. Le procureur de la République est avisé de la décision du président du tribunal.

Il sera précisé que le décret d’application de cette disposition a été publié le 7 octobre 2021, la situation sur ce point ayant évolué depuis la décision de première instance.

Le président de l’Arcom a d’ailleurs rendu cinq décisions de déclenchement des procédures contre les éditeurs de cinq sites (Pornhub, Tukif, Xhmaster, Xnxx et Xvideos).

Reste que le sursis à statuer, qui n’est pas de droit, n’est pas non plus opportun dans la présente procédure : outre le fait que la procédure devant le président de l’Arcom ne concerne que cinq sites sur les neuf ici en cause, aucune disposition n’empêche les associations appelantes de chercher à obtenir en référé, simultanément à l’action spécifique devant l’Arcom, le blocage de site, sur le fondement des articles 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et 835 du code de procédure civile applicables.

C’est en effet aussi en vain qu’il est argué de ce que les pouvoirs conférés par la loi au président de l’Arcom empêcheraient la saisine du juge judiciaire, ce pour obtenir le blocage par les fournisseurs d’accès de sites permettant l’accès des mineurs à des contenus pornographiques.

L’article 23 de la loi du 23 juillet 2020, texte spécial relatif aux pouvoirs du président de l’Arcom, n’est à cet égard pas de nature à empêcher la saisine du juge des référés, les débats parlementaires cités par les intimés n’excluant d’ailleurs pas la possibilité pour le juge des référés d’être également saisi, par des parties recevables à agir sur d’autres fondements, sans passer par le dispositif mis en place par ladite loi.

E-Enfance et La Voix de l’enfant n’ont ainsi pas entendu agir sur le fondement de cette disposition, mais sur celles de l’article 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile.

Les deux associations appelantes, qui ont pour objet social respectif ‘la protection des enfants et des adolescents contre les risques liés à l’utilisation de tous moyens de communication interactifs’ (E-Enfance) et la représentation ‘des intérêts d’enfants victimes ou en danger’ (La Voix de l’enfant), sont en outre recevables à agir en blocage de contenus pornographiques pouvant être accessibles aux mineurs sur le fondement de l’article 31 du code de procédure civile, une telle action entrant dans leur objet.

Les associations appelantes sont donc recevables en leur action en référé, étant aussi observé qu’à l’époque de l’introduction de l’instance, les dispositions relatives à la mise en place d’une procédure accélérée au fond (loi n°2021-1109 du 24 août 2021 modifiant l’article 6 I 8) n’étaient pas encore applicables, de sorte que la décision entreprise sera confirmée sur la recevabilité des associations à agir en référé.

C’est en vain, s’agissant de l’intérêt à agir des intimés, que les deux associations appelantes opposent quant à elles que les fournisseurs d’accès à internet seraient irrecevables en leurs conclusions, dans la mesure où, notamment, ils ne pourraient invoquer le non-respect du principe de proportionnalité pour des contenus mis en ligne par des tiers.

Outre d’abord le fait que les appelantes ne formulent aucune demande d’irrecevabilité des écritures des intimées dans le dispositif de leurs conclusions, de sorte que la cour n’en est pas même saisie en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les fournisseurs d’accès apparaissent au surplus, à l’évidence, avoir un intérêt à défendre : les mesures de blocage ont vocation le cas échéant à être mises en oeuvre par eux, les sociétés intimées étant dans ces circonstances évidemment recevables à soulever les moyens, notamment ceux relatifs au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, disposant bien évidemment du droit de discuter du bien-fondé des mesures réclamées et de faire des observations, leurs droits et obligations en tant que fournisseurs d’accès à internet étant en discussion.

Toujours dans les questions liminaires, le ministère public suggère que soit ordonnée une expertise aux frais des fournisseurs d’accès, afin qu’un collège d’experts indique précisément à la cour et à bref délai les mesures incombant aux intimées et permettant le respect des articles 6 I 1 2 7 et 8 de la loi pour la confiance dans l’économique numérique dans sa version issue de la loi du 23 octobre 2018 et 227-24 du code pénal.

Il sera toutefois observé sur ce point qu’en premier lieu, un technicien commis ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique, ce en application des dispositions de l’article 238 du code de procédure civile.

Les conditions dans lesquelles les intimées devraient respecter les dispositions légales relèvent ainsi de la seule appréciation en droit, mission relevant des juridictions saisies.

En second lieu, s’agissant de la faisabilité technique des mesures de blocage, mission qui là pourrait relever d’un avis technique, les fournisseurs d’accès intimés exposent, à juste titre, que le blocage ne pose techniquement pas de difficultés.

Quant aux conditions d’accès des mineurs à des contenus pornographiques, elles relèvent des sites eux-mêmes, les fournisseurs d’accès à internet observant tout aussi valablement qu’ils peuvent seulement procéder à des blocages de sites mais n’ont pas la possibilité d’apporter de modifications au fonctionnement propre de chacun des sites, ce pour permettre la vérification de l’âge des personnes ; ils opposent ainsi à juste titre que ne pourrait pas en toute hypothèse leur être reprochée l’infraction de l’article 227-24 du code pénal qui consiste à laisser des mineurs accéder à du contenu pornographique, ce même par simple déclaration d’être âgé d’au moins 18 ans.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise.

Sur le fond du référé, les associations entendent en premier lieu agir sur le fondement de l’article 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Il est constant que cet article, dans sa rédaction applicable au litige – les appelantes ne pouvant ici se prévaloir du texte dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 qu’elles n’entendent par ailleurs pas voir appliqué sur le plan procédural -, prévoit que le juge des référés peut prescrire toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne, ce à tout hébergeur de contenu ou, à défaut, à tout fournisseur d’accès à internet.

Nonobstant les décisions les plus anciennes présentées comme étant en sens contraire par les appelantes, il est désormais de jurisprudence constante qu’en application du principe de subsidiarité, fondé sur des motifs d’efficacité et de proportionnalité, les requérants à une mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès à internet doivent établir l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, contre l’éditeur ou contre l’auteur du contenu litigieux.

Ainsi, s’il n’est pas exigé des requérantes qu’elles mettent dans la cause les hébergeurs, éditeurs et auteurs de contenus, il leur appartient à tout le moins d’établir qu’ils ne peuvent agir contre ces derniers de manière efficace et rapide, en sorte que la seule mesure possible est une mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès à internet.

Il est pourtant ici constant que les associations appelantes n’ont pas agi, ni tenté d’agir, contre les auteurs, éditeurs ou hébergeurs des contenus en cause, ni ne démontrent l’impossibilité d’agir.

Or, même en l’absence de directeur de la publication, les sites en question mentionnent tous bien des informations relatives aux sociétés éditrices des sites incriminés, permettant ainsi d’envisager à tout le moins une action contre ces derniers avant toute mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès.

Il sera en effet relevé (procès-verbal d’huissier de justice du 25 juillet 2021, pièce 13 E-Enfance et La Voix de l’enfant ; procès-verbal d’huissier de justice du 23 août 2021, pièce 16 Free) :

— que le site pornhub mentionne ‘MG Freesites Ltfd, Block 1, 195-197 Old Nicosia-Limasol Road, Dali Industrial Zone, Cyprus 2540’, avec indication de numéros de téléphone et d’adresse courriel ;

— que le site mrsexe indique ‘SDS Média, [Adresse 17]’ avec une adresse courriel ;

— que, concernant iciporno, est mentionnée l’adresse et les coordonnées suivantes : ‘Techpump Solutions SL, Calle San Bernardo n° 60, 2° D 33 203, Gijon (Asturias), avec téléphone et mail ;

— que, pour tukif, les coordonnées sont Fedrax Lda, [Adresse 23] ;

— que le site xnxx indique les coordonnées de la société NKL Associates sro, [Adresse 24], République tchèque, avec une adresse courriel ;

— que, pour xhamster, outre une adresse mail, une société est mentionnée, à savoir Hammy Media Ltd, 79 Spyrou Kyprianou, Protopapas Building, 2nd floor, Flat 201, 3076, Limassol, Cyprus ;

— qu’xvideos précise les coordonnées suivantes : Webgroup Czech Republic, as, Kraskova 1366/25, 11000 Prague, Répulique tchèque ;

— que le site youporn apparaît géré par la société MG Freesites, soit la même société que le site pornhub ;

— que le site redtube est géré en Irlande, par la société MG Content RT Limited, ayant pour adresse 178 Fitzwilliam Business Centre, 77 sir John Rogerson Quay, Dublin 2, avec également une adresse courriel.

Ainsi, l’ensemble des sites présentés comme laissant les mineurs accéder à des contenus pornographiques mentionne une société éditrice ayant une adresse située sur le territoire de l’Union européenne, permettant donc d’agir contre eux, n’étant donc ni démontré ni même soutenu que les associations requérantes aient tenté d’agir contre ces sociétés, ou encore qu’il aurait été impossible d’agir efficacement contre celles-ci, la circonstance que les éditeurs chercheraient à rester anonymes étant démentie, au regard des éléments rappelés ci-avant.

De même, avant même toute mesure de blocage auprès des fournisseurs d’accès, une action aurait également été possible devant les hébergeurs, identifiables pour certains des sites par les services gratuits ‘Who Host This ” ou par une requête ‘Whois’ (cf. pièces 23 et 24 des sociétés SFR, SFR Fibre, SRR, OMT) : les hébergeurs sont ainsi identifiés comme étant les sociétés Reflected Network pour les sites pornhub ou youporn, OVH (société française) pour le site mrsexe ou encore Server Stack pour xnxx, xvideos ou redtube, aucun élément n’étant soulevé par les appelantes sur l’impossibilité d’agir contre ces personnes.

C’est donc à juste titre que le premier juge a estimé que les associations appelantes étaient irrecevables en leur action fondée sur les dispositions de l’article 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, faute de démontrer l’impossibilité d’agir efficacement et rapidement contre l’hébergeur, contre l’éditeur ou contre l’auteur du contenu litigieux.

Concernant l’action fondée sur un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du code de procédure civile, il sera observé :

— que certes, laisser l’accès à des mineurs à des contenus pornographiques matérialise l’infraction prévue par l’article 227-24 du code pénal, article qui précise que les infractions prévues sont constituées y compris si l’accès d’un mineur résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans, ce qui constitue un trouble manifestement illicite ;

— que, pour autant, ainsi que l’a rappelé le premier juge, s’applique le principe de proportionnalité des mesures prises, l’article 835 rappelant d’ailleurs aussi que le juge ne doit prescrire en référé que les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent ;

— que les fournisseurs d’accès à internet ne sont pas responsables du trouble ici constaté, la mise en balance des intérêts dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité supposant alors d’attraire dans la procédure les sociétés propriétaires ou éditrices des contenus argués d’illicites ;

— que, faute d’avoir attrait ou d’avoir tenté d’attraire les responsables des contenus dans la procédure, pourtant identifiables, ainsi qu’il a déjà été rappelé ci-avant, ni même de justifier de l’impossibilité d’agir contre eux, les associations appelantes ne permettent pas au juge des référés de vérifier que le blocage des sites est la seule mesure possible, ce alors que les propriétaires ou éditrices des contenus n’ont pas été en mesure de faire valoir leurs observations, de prendre les éventuelles mesures correctives ou de proposer des solutions alternatives, ni même de présenter les conditions de fonctionnement de leurs sites s’agissant de l’accès des mineurs ;

— que dès lors, en l’absence de toute tentative d’attraire dans la procédure les responsables de contenus, ni même de justifier qu’il y a impossibilité d’agir contre eux de manière efficace, les associations requérantes ne justifient pas de la nécessité de mesures de blocage par le juge des référés, ni ne permettent la mise en place d’un contrôle de proportionnalité, comme l’a rappelé le premier juge ;

— que la procédure en cours par le président de l’Arcom pour cinq sites est sans effet sur la présente procédure, étant rappelé que si les appelantes indiquent que celui-ci a désormais saisi le tribunal judiciaire pour des mesures de blocage pour cinq sites (leurs pièces 33 à 38), il n’en demeure pas moins que jamais les sociétés éditrices n’ont été attraites dans la présente procédure pour faire valoir leurs observations, nonobstant la suite qui sera réservée dans la procédure judiciaire initiée par le président de l’Arcom.

Aussi, au regard de l’ensemble de ces éléments, le premier juge a exactement dit les associations requérantes irrecevables à agir sur le fondement de l’article 6 I 8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et dit n’y avoir lieu à référé sur l’action fondée sur les dispositions de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile.

Le sort des dépens de première instance a été également exactement réglé par le premier juge.

Il y a donc lieu de confirmer en son intégralité le jugement entrepris.

A hauteur d’appel, les appelantes, qui succombent, seront condamnées aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, étant observé que seules les parties appelantes tenues aux dépens ont formé une telle demande.

PAR CES MOTIFS

Dit n’y avoir lieu à ordonner une expertise ;

Déclare recevables les écritures des sociétés intimées ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure à hauteur d’appel ;

Condamne les associations E-Enfance et La Voix de l’enfant aux dépens d’appel.

LE GREFFIER

LA PRESIDENTE


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