M. [C] [D] et Mme [M] [Z] ont signé un contrat de construction avec la SAS EUROMAISONS le 15 décembre 2021 pour la construction d’une maison individuelle, avec un prix total de 339 430 euros. La SAS EUROMAISONS a ensuite mis en demeure M. [D] et Mme [Z] de payer un dédommagement de 30 730 euros en raison d’une rupture unilatérale du contrat. Après plusieurs mises en demeure, la SAS EUROMAISONS a assigné M. [D] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse le 13 septembre 2023, demandant le paiement de diverses sommes, y compris des intérêts et des frais. M. [D] a contesté les demandes de la SAS EUROMAISONS, affirmant que les travaux n’avaient jamais commencé et que les dépenses n’étaient pas justifiées. L’affaire a été mise en délibéré après l’audience de plaidoirie du 25 juin 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
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Première Chambre Civile
MINUTE n°
N° RG 23/00571
N° Portalis DB2G-W-B7H-IM72
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 24 septembre 2024
Dans la procédure introduite par :
S.A.S. EUROMAISONS
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Jean-Michel ARCAY de la SELARL BOKARIUS & ARCAY, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 5
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
Monsieur [C] [D]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Camille MERCET de l’AARPI ROTH – MERCET, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 47
– partie défenderesse –
CONCERNE : Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction
Le Tribunal composé de Jean-Louis DRAGON, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier
Jugement contradictoire en premier ressort
Après avoir à l’audience publique du 25 juin 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
Par acte sous seing privé en date du 15 décembre 2021, M. [C] [D] et Mme [M] [Z] ont régularisé avec la SAS EUROMAISONS un contrat de construction d’une maison individuelle avec fourniture de plans portant sur un immeuble situé sur la commune de [Adresse 4] moyennant un prix de 339430 euros dont 32130 euros de travaux à la charge du maître de l’ouvrage.
Se plaignant d’une rupture unilatérale du contrat, la SAS EUROMAISONS a par courrier recommandé en date du 7 septembre 2022, mis en demeure M. [D] et Mme [Z] d’avoir à régler la somme de 30 730 à titre de dédommagement contractuellement prévu.
Par courriers recommandés en date du 3 octobre 2022 et du 7 décembre 2022, la SAS EUROMAISONS a mis en demeure à nouveau M. [D] de s’acquitter de la moitié du dédommagement prévu suite au paiement effectué par Mme [Z].
Par acte de commissaire de justice en date du 13 septembre 2023, la SAS EUROMAISONS a assigné devant le tribunal judiciaire de MULHOUSE M. [D] aux fins de condamnation.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 avril 2024, la SAS EUROMAISONS sollicite du tribunal de :
– déclarer recevable et bien fondée son assignation;
– débouter le défendeur de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
– condamner le défendeur à lui payer la somme de 15365 euros avec les intérêts de droit à compter du 7 décembre 2022 date de la mise en demeure subsidiairement à compter de la décision à intervenir;
– condamner le défendeur à lui payer la somme de 5000 euros au titre de sa résistance abusive avec les intérêts de droit à compter du 7 décembre 2022 date de la mise en demeure subsidiairement à compter de la décision à intervenir;
– condamner le défendeur à lui payer un montant de 3000 euros avec les intérêts de droit à compter de ce jour en application de l’article 700 du Code de procédure civile;
– dire et juger que les intérêts dus pour une année entière seront eux-mêmes productifs d’intérêts au taux légal par application des dispositions de l’article 1342-2 du Code civil;
– condamner le défendeur en tous frais et dépens;
– rappeler le caractère exécutoire de plein droit du jugement à intervenir.
Au soutien de ses demandes, la SAS EUROMAISONS expose que:
– au visa des articles 1103, 1104, le défendeur est tenu contractuellement de l’indemnité forfaitaire prévue;
– elle a fourni un travail d’importance et des frais ont été engagés;
– Mme [Z] s’est acquittée de sa quote-part;
-l e défendeur dispose des liquidités suffisantes pour régler sa part car il a revendu le terrain.
– au visa de l’article 1794 du Code civil, M. [D] a usé de sa faculté de résiliation et les parties ont convenu de l’indemnisation due dans ce cas présent;
– la perte du marché est effective;
– il s’agit d’une clause de dédit dont le montant contractuellement prévu ne saurait être modéré et qui ne présente pas de caractère excessif.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 février 2024, M. [D] sollicite du tribunal de :
– dire et juger irrecevable en tout cas mal fondée la demanderesse en l’ensemble de ses demandes et l’en débouter,
– condamner la partie défenderesse à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les frais et dépens.
Au soutien de ses conclusions, M. [D] expose que :
– Mme [Z] a mis fin de façon soudaine à la relation entretenue avec lui le 23 juillet 2022;
– au visa de l’article 1794 du Code civil, l’étendue du dédommagement prévu par la loi est strictement délimité et il doit être indemnisé les dépens réalisés, les travaux effectués et tout ce que l’entreprise aurait pu gagner dans l’exécution du marché;
– les travaux n’ont jamais débuté: aucune demande ne peut être sollicitée à ce titre;
– les dépenses ne sont que pour partie justifiées;
– la preuve du montant du bénéfice escompté n’est pas rapportée;
– la demanderesse a déjà perçu la quote part de Mme [Z].
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 16 mai 2024 par ordonnance du même jour. A l’audience de plaidoirie en date du 25 juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024.
Pour un exposé plus complet du litige, il est renvoyé aux conclusions des parties en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
I) Sur les demandes de condamnation
Au titre de l’inexécution contractuelle
Aux termes des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Selon l’article 1794 du Code civil, le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise.
Il est possible pour les parties de stipuler que le maître de l’ouvrage peut à tout moment mettre fin au contrat à condition de verser une somme en fonction du montant du marché qui doit s’analyser comme une clause de dédit et non une clause pénale, dont le juge ne peut modérer le montant (Cour d’appel de PARIS 29 octobre 1992 RG numéro 90-9987).
En l’espèce, il n’est pas contesté que par courrier recommandé en date du 31 août 2022, M. [D] a indiqué à la SAS EUROMAISONS que suite à la rupture avec sa compagne, il n’avait “absolument pas les moyens financiers de poursuivre seul ce projet”.
Le contrat en date du 15 décembre 2021 stipule dans son article 5-2 que “La résiliation du contrat par le maître de l’ouvrage en application de l’article 1794 du Code civil entraîne l’exigibilité en plus des sommes correspondant à l’avancement des travaux d’une indemnité forfaitaire évaluée à 10% du prix convenu de la construction en dédommagement des frais engagés par le constructeur et au bénéfice qu’il aurait pu retirer de la réalisation complète de la construction”.
Si les parties ont convenu de soumettre cette clause aux dispositions de l’article 1794 du Code civil, la rédaction de cette stipulation contractuelle fait obstacle à son application. Dès lors, la SAS EUROMAISONS n’ a pas à justifier des dépenses engagées, des travaux effectués et du gain espéré dans l’opération s’agissant d’un montant forfaitaire qui ne peut être modifié par le juge.
Enfin, il importe peu que Mme [Z] se soit acquittée de sa quote-part, M. [D] étant co-contractant et tenu au règlement de cette somme à ce titre.
Par conséquent, M. [D] sera condamné au paiement de la somme de 15365 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2022.
Au titre de la résistance abusive
Selon l’article 1231-1 du Code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
Aux termes de l’article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, la SAS EUROMAISONS ne fournit aucun moyen sur les conditions d’application des textes sus-visés. Elle n’évoque ni la mauvaise foi de M. [D] ni en quoi le droit de se défendre a dégénéré en abus, étant précisé que la simple inertie ne constitue pas une résistance abusive.
La demande au titre de la résistance abusive formée par la SAS EUROMAISONS sera rejetée.
II) Sur les autres demandes
Sur la capitalisation des intérêts
La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu’elle est demandée et s’opérera par année entière en vertu de l’article 1343-2 du Code civil.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, M. [D] sera condamné aux dépens.
Sur les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
En application de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
M. [D], condamné aux dépens, sera condamné au paiement à la SAS EUROMAISONS de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
La demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile par M. [D] sera rejetée.
Sur l’exécution provisoire
L’article 514 du Code de procédure nouvelle prévoit que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Aux termes de l’article 514-1 du Code de procédure civile, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
En l’espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE M. [C] [D] au paiement de la somme de 15.365 € (QUINZE MILLE TROIS CENT SOIXANTE CINQ EUROS) à la SAS EUROMAISONS avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2022 ;
REJETTE la demande de la SAS EUROMAISONS formée au titre de la résistance abusive ;
CONDAMNE M. [C] [D] au paiement de la somme de 1.500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) à la SAS EUROMAISONS au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
REJETTE la demande de M. [C] [D] formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [C] [D] aux dépens ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;
CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement ;
Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier Le Président