Les obligations contractuelles et la protection des emprunteurs : enjeux de mise en demeure et de forclusion

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Les obligations contractuelles et la protection des emprunteurs : enjeux de mise en demeure et de forclusion

La société BRED BANQUE POPULAIRE a accordé un crédit à la consommation de 21 000 euros à M. [I] [V] [G] le 27 octobre 2021, remboursable en 60 mensualités de 384,33 euros avec un taux d’intérêt annuel de 3,30 %. Un premier incident de paiement a eu lieu le 5 mai 2022, suivi d’une mise en demeure le 7 juillet 2022. En raison de l’absence de régularisation, la banque a assigné M. [I] [V] [G] devant le juge des contentieux de la protection le 29 avril 2024, demandant le paiement de 20 191,87 euros en principal, des intérêts, ainsi que 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Lors de l’audience du 24 mai 2024, la banque a maintenu ses demandes, tandis que M. [I] [V] [G] n’a pas comparu. L’affaire a été mise en délibéré.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/04685
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître Pierre-françois ROUSSEAU

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Monsieur [I] [V] [G]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/04685 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4ZO5

N° MINUTE :
17-2024

JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024

DEMANDERESSE
S.A. BRED BANQUE POPULAIRE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Pierre-françois ROUSSEAU de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0026

DÉFENDEUR
Monsieur [I] [V] [G], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Antonio FILARETO, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 24 mai 2024
Délibéré le 30 août 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente assistée de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/04685 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4ZO5

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant offre de contrat acceptée le 27 octobre 2021, la société BRED BANQUE POPULAIRE a consenti à M. [I] [V] [G] un crédit à la consommation d’un montant de 21000 euros, remboursable en 60 mensualités de 384,33 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 3,30 % et un taux annuel effectif global de 3,82 %.

Par acte de commissaire de justice du 29 avril 2024, la société BRED BANQUE POPULAIRE a fait assigner M. [I] [V] [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
20191,87 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 3,30 % à compter du 28 octobre 2022, avec capitalisation des intérêts,2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
La société BRED BANQUE POPULAIRE fait valoir que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu le 5 mai 2022, qu’elle a mis en demeure M. [I] [V] [G] le 7 juillet 2022, qu’à défaut de régularisation la déchéance du terme est acquise, qu’elle l’a mis en demeure le 28 octobre 2022 de régler le solde du prêt.

A l’audience du 24 mai 2024, la société BRED BANQUE POPULAIRE représentée par son conseil maintient ses demandes.

La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que la société demanderesse ne présente d’observations supplémentaires sur ces points.

Bien que régulièrement assigné par acte de commissaire de justice délivré à étude, M. [I] [V] [G] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

L’affaire a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.

Il convient donc, en l’espèce, d’appliquer d’office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 27 octobre 2021, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.
Sur la forclusion

L’article R.312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l’espèce, au regard des relevés de compte bancaire produits, il apparaît que les mensualités ont été réglées au moins jusqu’au mois de mai 2022 de sorte que la demande effectuée le 29 avril 2024 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur l’absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme

Aux termes de l’article L.312-36 du code de la consommation, dès le premier manquement de l’emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur informe celui-ci des risques qu’il encourt au titre des articles L. 312-39 et L. 312-40 ainsi que, le cas échéant, au titre de l’article L. 141-3 du code des assurances.

Il s’en déduit que la déchéance du terme ne peut être décidée par le prêteur que postérieurement à l’exécution de ce devoir de mise en garde.

Cette exigence renforce l’obligation d’exécuter les conventions de bonne foi, en ce que la clause de déchéance du terme est de nature à faire perdre à l’emprunteur le droit au remboursement échelonné des sommes empruntées.

La Cour de cassation a ainsi rappelé que, sauf disposition expresse et non équivoque, la déchéance du terme entraînée par un défaut de remboursement ne puisse être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le prêteur pour y faire obstacle (Civ. 1ère, 3 juin 2015, 14-15.655, Publié au bulletin ; Civ.1ère, 22 juin 2017 – n°16-18.418).

En l’espèce, l’article 9 du contrat prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur dans ses remboursements, le prêteur pourra 8 jours après l’envoi d’une mise en demeure effectuée par lettre recommandée avec avis de réception restée sans effet, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majorés des intérêts échus mais non payés.

Or, la banque ne justifie pas de l’envoi par lettre recommandée avec avis de réception du courrier de mise en demeure du 7 juillet 2022 informant M. [I] [V] [G] de la déchéance du terme à défaut de règlement des mensualités impayées dans un délai de 8 jours.

En outre, si le courrier du 28 octobre 2022 a bien été envoyé par LRAR (retournée pli avisé et non réclamé), il rappelle à M. [I] [V] [G] qu’il doit régulariser les échéances impayées dans un délai de trente jours au risque d’une inscription au FICP mais non de la déchéance du terme de sorte que ce dernier n’a pas été suffisamment interpellé sur les conséquences d’un défaut de régularisation des échéances impayées au titre de l’obligation de rembourser l’intégralité du crédit.

Ainsi, en l’absence de preuve de mise en demeure délivrée à M. [I] [V] [G] de s’acquitter dans un délai raisonnable des mensualités échues restées impayées, la société BRED BANQUE POPULAIRE ne peut se prévaloir de la clause de déchéance du terme, et son action en paiement de l’intégralité du crédit sera déclarée irrecevable.

Sur le paiement des échéances impayées

Aux termes de l’article 9 du code procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En application de l’article 1353 du code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, les relevés de compte bancaires de M. [I] [V] [G] produits par la demanderesse s’arrêtent au mois de mai 2022 et toutes les échéances depuis l’origine du crédit jusqu’à cette date ont été réglées.
Seul un état de la créance au 25 mars 2024, rapportant des mensualités impayées pour un total de 2595,96 euros, est versé aux débats. Aucun historique du paiement du crédit n’est produit de sorte que le nombre et les dates des mensualités impayées sont inconnues et qu’il s’avère impossible en conséquence d’apprécier la réalité de la somme demandée.

La créance étant incertaine, la société BRED BANQUE POPULAIRE sera déboutée de sa demande.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société BRED BANQUE POPULAIRE, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens. Elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est de plein droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la déchéance du terme n’a pas été régulièrement prononcée,

DÉCLARE, en conséquence, irrecevable la demande de la société BRED BANQUE POPULAIRE en paiement de l’intégralité du contrat de prêt personnel souscrit par M. [I] [V] [G] le 27 octobre 2021,

REJETTE la demande de la société BRED BANQUE POPULAIRE en paiement des mensualités impayées ;

CONDAMNE la société BRED BANQUE POPULAIRE aux dépens et la déboute de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Ainsi signé par la juge et le greffier susnommées et mis à disposition des parties le 24 mai 2024.

LE GREFFIER LA JUGE


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