Les limites de la clause de non-concurrence

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Les limites de la clause de non-concurrence
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La clause de non-concurrence, qui est d’interprétation stricte eu égard à l’atteinte qu’elle porte à la liberté de travail, ne vise que l’entrée au service d’une société concurrente et non d’une société concurrente ou d’une société appartenant à un groupe dont l’une des sociétés, employeur ou non, serait en concurrence.

En la cause, la clause de non-concurrence litigieuse ne définit ni ne liste les activités similaires et/ou connexes qu’elle vise, étant précisé qu’il s’agit uniquement de celles de la société Albert & co et non de la société Go concept, eu égard à la convention tripartite avec changement d’employeur régularisée le 10 décembre 2021.

Il n’apparait dè lors pas, à l’évidence (référé), que l’activité de conseil en achat soit similaire ou identique et/ou connexe à l’activité de conseil en ingénierie, y compris pour la sous-activité supply chain, la société Albert & co n’apportant pas d’élément utile de contestation du salarié qui explique la différence entre l’activité achat et l’activité approvisionnement.

M. [J] [R] a été engagé par la société Go concept en septembre 2021 en tant que business manager, avec un contrat incluant une clause de non-concurrence. En janvier 2022, son contrat a été transféré à la société Albert & Co, qui a également inclus une clause de non-concurrence. Après avoir démissionné en février 2023, M. [R] a été informé par son employeur de l’existence de cette clause. Son contrat a pris fin en mai 2023. En juin 2023, Albert & Co a demandé à M. [R] de cesser toute relation avec Efor group en raison de la clause de non-concurrence. En août 2023, Albert & Co a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des remboursements et des dommages et intérêts. En décembre 2023, le conseil a condamné M. [R] à verser plusieurs sommes à Albert & Co et à cesser ses relations avec Efor group. M. [R] a interjeté appel de cette décision. En mai 2024, la cour d’appel a jugé qu’il existait des contestations sérieuses concernant la clause de non-concurrence et a infirmé l’ordonnance du conseil de prud’hommes, déboutant Albert & Co de ses demandes et condamnant la société à verser des sommes à M. [R].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
23/04322
C 9

N° RG 23/04322

N° Portalis DBVM-V-B7H-MCCX

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL FOURNIER AVOCATS

la SCP MBC AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 17 OCTOBRE 2024

Appel d’une décision (N° RG 2023-00009)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 13 décembre 2023

suivant déclaration d’appel du 22 décembre 2023

APPELANT :

Monsieur [J] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FOURNIER AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S.U. ALBERT & CO RCS LYON, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Baptiste BERARD de la SELARL BERARD – CALLIES ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de Mme Carole COLAS, greffière

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 juin 2024,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller, a été chargé du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [J] [R] a été engagé par la société Go concept le 08 septembre 2021 en qualité de business manager, position cadre au forfait de 218 jours de travail annuels, moyennant une rémunération de 36000 euros brut annuels, outre une rémunération variable.

Son contrat de travail stipule une clause de non-concurrence.

Le 1er janvier 2022, le contrat de M. [R] a été transféré à la société par actions simplifiée Albert & Co, les parties ayant régularisé un nouveau contrat de travail signé le 10 décembre 2021 avec la stipulation d’une clause de non-concurrence ainsi libellée :

«Article 11 clause de non-concurrence :

11.1. Contenu de la clause :

Compte tenu de son niveau de responsabilité, le salarié a accès à des informations techniques, financières et commerciales confidentielles, de haute importance, la société appartenant à un secteur d’activité concurrentielle.

En conséquence, le salarié s’engage, en cas de cessation de son contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, y compris pendant la période d’essai :

A ne pas exercer directement ou indirectement, de quelque manière ou forme que ce soient, une activité concurrente ou susceptible de concurrencer celle de la société, c’est-à-dire :

A ne pas entrer en service, directement ou indirectement, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, d’une société concurrente ou susceptible de concurrencer la société et notamment chez les clients d’Albert & Co où le salarié a été en projet ou en réunion technique,

A ne pas créer directement ou indirectement, par personne interposée, une entreprise susceptible de concurrencer la société,

A ne pas collaborer directement ou indirectement de quelque manière que ce soit et sous quelque forme que ce soit, avec les clients ou prospects de la société avec lesquels il a été en contact, lors de réunion technique ou pour lesquels il est intervenu dans le cadre de son contrat de travail avec Albert & Co.

Par entreprise concurrente, il faut entendre toute entreprise qui exerce directement ou indirectement une ou plusieurs activités similaires et/ou connexes à celle de la société. 

(‘)

11.3 Définition géographie de la clause :

Ces interdictions visent directement les territoires suivants :

La Région Auvergne-Rhône-Alpes ;

La Région Ile-de-France ;

La Région Bourgogne-Franche-Comté ;

La Région Grand-Est (comprenant Alsace-Moselle) ;

La Région Pays de la Loire ;

La Région Bretagne ;

La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

Toute autre région qui aura fait l’objet de l’intervention du salarié, et qui sera identifiée par un ordre de projet.

11.4 Durée de l’interdiction :

Ces interdictions portent à compter de Ia cessation effective du contrat de travail, pour une durée égale à : :

6 mois en cas de départ durant la première année de service ;

9 mois en cas de départ entre 1 et 2 ans de service ;

12 mois en cas de départ au-delà de 2 ans de service.

11.5 contrepartie liée à l’interdiction :

En contrepartie, il sera verse au Salarié, pendant toute la durée de l’interdiction et sous réserve du parfait respect de la présente obligation, une indemnité mensuelle égale à 25% de sa rémunération mensuelle brute moyenne des 12 derniers mois de présence dans l’entreprise ou des mois qu’il aura travaillé s’il en totalise moins de 12.

« 11.6. Sanctions en cas de violation de la clause de non-concurrence :

Toute violation à la clause de non-concurrence libèrera la société du versement de la contrepartie financière, et rendra le salarié automatiquement redevable à la société :

‘ Du paiement de dommages et intérêts dont le montant sera égal au total des salaires des trois derniers mois de salaire brut pour un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté, au moment de la rupture du contrat de travail. Ce montant sera porté aux six derniers mois de salaire brut si le salarié a un an d’ancienneté au moment de la rupture.

‘ Du remboursement des sommes indument perçues, au titre de la contrepartie financière mensuelle visée ci-avant, depuis la date du manquement contractuel.»

Par lettre du 14 février 2023, M. [R] a démissionné de son emploi auprès de la société Albert & Co.

Par courrier du 27 février 2023, son employeur a accusé réception de sa démission en lui rappelant l’existence d’une clause de non-concurrence.

Le contrat de travail a pris fin le 16 mai 2023.

Par courriers du 1er juin 2023, le conseil de la société Albert & Co a écrit à M. [R] et à la société Efor group afin de leur demander à chacun de cesser leur relation contractuelle à raison de la clause non-concurrence.

Par requête en date du 14 août 2023, la société Albert & Co a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de voir condamner M. [R] à titre provisionnel à rembourser l’indemnité versée au titre de la clause de non-concurrence, à payer la pénalité contractuelle à raison de la violation de la clause, des dommages et intérêts et qu’il lui soit ordonné sous astreinte de cesser toute relation contractuelle avec la société Efor group et de produire le contrat de travail les unissant.

M. [R] s’est prévalu de l’existence d’une contestation sérieuse et s’est opposé aux prétentions adverses.

Par ordonnance en date du 13 décembre 2023, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Grenoble a :

-condamné M. [R] à verser à la société Albert & Co

8 540,10 euros brut relatifs à l’indemnité de clause de non-concurrence,

854,01 euros brut au titre des congés payés y afférents,

29 879,97 euros à titre de sanction pécuniaire pour violation de la clause,

2000,00 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts,

1000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné en outre M. [R] à :

cesser toute relation contractuelle avec la société Efor group à compter du 1er janvier 2024, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

produire à la société Alber & Co une copie de son contrat de travail conclu avec la société Efor group, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ième jour suivant la notification de la présente ordonnance,

s’est réservé le pouvoir de liquider ces astreintes,

-débouté M. [R] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [R] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception, celle destinée à M. [R] est revenue avec la mention ‘destinataire inconnu à l’adresse’ et il n’y a pas eu de retour concernant la société Albert & Co.

Par déclaration en date du 22 décembre 2023, M. [R] a interjeté appel à l’encontre de ladite ordonnance.

M. [R] s’en est rapporté à des conclusions transmises le 11 avril 2024 et demande à la cour d’appel de :

REFORMER l’ordonnance du conseil de prud’hommes en sa formation des référés du 13 décembre 2023 en ce qu’elle a :

-condamné M. [R] à verser à la société Albert & Co :

– 8 540,10 euros brut relatifs à l’indemnité de clause de non concurrence,

– 845,01 euros brut de congés payés y afférents,

– 29 879,97 euros à titre de sanction pécuniaire pour violation de la clause,

– 2 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné en outre M. [R] à :

CESSER toutes relation contractuelle avec la société Efor group à compter du 1er janvier 2024, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

PRODUIRE à la société Albert & Co une copie de son contrat de travail conclu avec la société Efor group, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8ième jour suivant la notification de la présente ordonnance,

-s’est réservé le pouvoir de liquider ces astreintes,

-débouté M. [R] de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [R] aux dépens.

Statuant à nouveau :

JUGER qu’il existe des contestations sérieuses relatives au respect par M. [R] de sa clause de non-concurrence, et à l’illicéité de la clause de non concurrence liant M. [R] à la société Albert & Co,

JUGER que la formation de référé du conseil de prud’hommes était incompétente pour trancher le litige opposant la société Albert & Co à M. [R],

DEBOUTER la société Albert & Co de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNER la société Albert & Co à verser à M. [R] la somme de 1 935,17 euros brut outre 193,52 euros de congés payés afférents au titre de l’indemnisation de la clause de non-concurrence.

CONDAMNER la société Albert & Co à verser 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à M. [R] en première instance et la somme de 2 500 euros en cause d’appel,

CONDAMNER la société Albert & Co aux entiers dépens.

La société Albert & Co s’en est remise à des conclusions transmises le 09 avril 2024 puis le 30 avril 2024, la recevabilité de ces dernières étant contestée par la partie adverse et entend voir :

Vu l’article R 1455-5 et suivants du code du travail, vu la convention collective nationale applicable,

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Grenoble du 13 décembre 2023 (RG 2023-00009694)

En conséquence condamner M. [R] à verser à la société Albert & Co :

8540,10 euros brut relatifs à l’indemnité de la clause de non-concurrence,

854,01 euros brut au titre des congés payés y afférents,

29879,97 euros pour sanctions pécuniaires pour violation de la clause de non-concurrence,

2 000 euros à titre de provision à valoir sur dommages et intérêts,

1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

Condamner M. [R] à payer à la société Albert & Co s’agissant de l’indemnité de clause de non-concurrence une somme complémentaire de 1 317,13 euros brute perçue au titre du mois décembre 2023 outre 131,71 euros brute au titre des congés payés y afférents.

Rejeter toute demande contraire de M. [R]

Condamner M. [R] à payer à la société Albert & Co une somme devant la cour de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le condamner en tous les dépens d’appel, avec distraction au profit de la SCP MBC Avocats sur son affirmation de droit.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 02 mai 2024.

Selon conclusions en date du 07 mai 2024, M. [R] a demandé à la cour d’appel de rejeter des débats les pièces 35 à 39 et conclusions n°3 notifiées à M. [R] par la société Albert & Co le 30 avril 2024.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la demande de rejet des conclusions n°3 de la société Albert & Co et des pièces n°35 à 39 :

Au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, alors qu’il avait été adressé aux parties un avis de fixation à bref délai le 09 janvier 2024 annonçant une clôture au 11 avril 2024, la société Albert & Co a adressé le 09 avril 2024 de nouvelles conclusions d’intimée ; ce qui avait conduit le président, le 11 avril 2024, à la demande du conseil de M. [R], à reporter la clôture au 02 mai 2024 avec la précision qu’il n’y aurait aucun report de clôture et qu’il appartenait aux parties de s’échanger leurs pièces et conclusions en temps utile et que l’avocat de M. [R] a notifié des conclusions en réponse dès le 11 avril 2024, la société Albert & Co a attendu le 30 avril 2024, soit la veille d’un jour férié chômé et l’avant-veille de la date de la clôture annoncée pour notifier des conclusions en réponse.

Si le conseil de M. [R] ne saurait imposer unilatéralement de nouvelles conditions à la partie adverse en se prévalant, comme elle l’a fait, de ses dates de congés à l’étranger les 26 avril et 02 mai 2024, il n’en demeure pas moins que la société Albert & Co avait manifestement parfaitement conscience qu’elle n’avait pas transmis ses ultimes conclusions et pièces en temps utiles, puisqu’elle a demandé en vain, le 30 avril 2024, un nouveau report de la clôture pour permettre à la partie adverse de répondre.

Au vu de ces éléments, eu égard au fait que la société Albert & Co n’a pas transmis ses conclusions n°3 et ses pièces n°35 à 39 en temps utile, aboutissant à un non-respect du contradictoire, il convient de déclarer irrecevables ses dernières conclusions et pièces.

Sur les demandes en référé :

L’article R 1455-5 du code du travail énonce que :

Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article R 1455-6 du code du travail prévoit que :

La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’article R 1455-7 du même code dispose que :

Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la société Albert & Co n’établit pas qu’à l’évidence M. [R] a méconnu son obligation contractuelle de non-concurrence.

En effet, il apparaît certes que M. [R] a été engagé le 22 mai 2023 par la société Efor [Localité 5] en qualité de business manager, soit sur le même poste qu’il occupait en tous cas s’agissant de la dénomination, au service de la société Albert & Co dont le contrat de travail s’était achevé le 16 mai 2023 ensuite de la démission du salarié.

Il est également établi que la société Efor [Localité 5] appartient au groupe Efor group.

Toutefois, la clause de non-concurrence, qui est d’interprétation stricte eu égard à l’atteinte qu’elle porte à la liberté de travail, ne vise que l’entrée au service d’une société concurrente et non d’une société concurrente ou d’une société appartenant à un groupe dont l’une des sociétés, employeur ou non, serait en concurrence avec la société Albert & Co.

Il est d’ailleurs intéressant d’observer que la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail du 22 mai 2023 que M. [R] a signé avec la société Efor [Localité 5] fait entrer dans son champ d’application la société ou des sociétés du groupe.

Or, la société Albert & Co ne produit aucune pièce de nature à établir de manière certaine et sans la moindre contestation sérieuse que la société Efor [Localité 5] exercerait une activité concurrente à la sienne.

Tout d’abord, la société Albert & Co ne fait qu’affirmer qu’il ne devrait être fait aucune distinction entre la société Efor [Localité 5] et la société Efor group au motif que la première serait une émanation de la seconde. Le simple fait que le papier à entête ou les sièges sociaux de ces deux sociétés puissent être identiques n’emporte aucunement la preuve d’une confusion entre la société holding et l’une de ses sociétés filles.

Le fait qu’aux termes du contrat de travail, la société Efor [Localité 5] soit représentée par la société Efor group, elle-même représentée par M. [I], directeur France sud et membre du comité exécutif de la société Efor group est également un moyen sans portée dès lors qu’il ressort du Kbis de la société Efor [Localité 5] que la société Efor group est la présidente de la société par actions simplifiée Efor [Localité 5] si bien que l’intimée opère ainsi une confusion entre la société et son représentant légal sans pour autant établir une immixtion telle du second dans la première que celle-ci aurait perdu toute autonomie juridique.

Cette confusion alléguée d’activités de la société Efor group avec la société Efor [Localité 5] ne ressort aucunement de l’analyse du site internet de la première dans la mesure où il est manifestement présenté l’ensemble des secteurs d’activités dans lesquels les sociétés filles du groupe interviennent et pas uniquement et spécifiquement le secteur d’activité de la société Efor [Localité 5].

L’analyse des extraits Kbis des sociétés Albert & co et Efor [Localité 5] met en lumière que la première exerce une activité de conseil spécialisé en achat alors que la seconde exerce une activité de conseil en ingénierie, les deux codes APE étant distincts.

Or, la clause de non-concurrence litigieuse ne définit ni ne liste les activités similaires et/ou connexes qu’elle vise, étant précisé qu’il s’agit uniquement de celles de la société Albert & co et non de la société Go concept, eu égard à la convention tripartite avec changement d’employeur régularisée le 10 décembre 2021.

Il n’apparait dè lors pas, à l’évidence, que l’activité de conseil en achat soit similaire ou identique et/ou connexe à l’activité de conseil en ingénierie, y compris pour la sous-activité supply chain, la société Albert & co n’apportant pas d’élément utile de contestation de la pièce n°24 qui explique la différence entre l’activité achat et l’activité approvisionnement.

Si le site internet de la société Efor group fait état de l’expérience de M. [U], employé en qualité d’acheteur confirmé, il est impossible de déterminer dans quelle société du groupe celui-ci travaille et il n’est en tous cas pas démontré qu’il puisse être au service de la société Efor [Localité 5].

La circonstance que des postes d’acheteurs puisse être proposés par Efor group sur le site internet de la société holding Efor group dans le cadre de ce qui s’analyse en une activité support de mutualisation des offres de recrutement au niveau des sociétés du groupe, ne permet pas non plus d’en déduire que ceux-ci s’exerceraient au sein de la société Efor [Localité 5] et qui plus est non pas aux fins d’optimiser ses propres achats mais ceux de clients auxquels cette prestation de conseil serait facturée.

La description faite par M. [R] de son emploi au sein de la société Efor [Localité 5] en mai/août 2023 puis le 08 avril 2024 sur son profil Linkedin ne permet pas davantage de considérer qu’il ait pu exercer une activité concurrente au service de son nouvel employeur à celle du précédent puisqu’il fait uniquement état du fait qu’il développe une équipe d’ingénieurs qu’il met au service de ses clients alors qu’il exerçait un poste similaire au sein de la société Albert & Co d’un point de vue fonctionnel mais dans l’activité différente de conseil en achat pour des sociétés clientes.

Le fait que les sociétés Efor [Localité 5] et Albert & Co puissent avoir pour partie les mêmes clients est sans portée dans la mesure où les pièces produites ne permettent pas de contredire le fait qu’elles proposent des prestations de services dans des secteurs d’activités différents, empêchant de considérer qu’elles se trouvent en situation de concurrence au sens de la clause contractuelle précitée.

L’échange de courriels des 22 et 27 septembre 2020 produit en pièce n°20 par la société Albert & Co ne constitue pas davantage la preuve évidente et certaine que M. [R] aurait exercé un acte de concurrence, le cas échéant déloyale, dans la mesure où l’expéditrice du premier courriel, Mme [N] a certes écrit à l’ancienne adresse mail structurelle de M. [R] au sein de la société Albert & Co mais en s’adressant à un dénommé M. [W], les affirmations de M. [F], directeur général adjoint de la société Albert & Co, dans son courriel du 27 septembre 2020 faisant état d’une intervention de M. [R] dans cette tentative de recrutement étant dépourvues de toute valeur probante eu égard au fait qu’il exerce des fonctions de direction générale au sein d’une des sociétés parties à l’instance.

Enfin, les moyens au titre des absences de réponse et de non-réception de courriers par M. [R] ou la société Efor group sont purement hypothétiques et inopérants puisqu’il ne saurait être déduit d’un silence la preuve nécessaire d’un agissement positif de concurrence, le cas échéant déloyale.

Il convient en conséquence de considérer qu’il existe une contestation sérieuse tenant à la violation alléguée de la clause de non-concurrence contractuelle par M. [R], de sorte que les demandes provisionnelles de remboursement d’indemnité de non-concurrence versée, de clause pénale, de dommages et intérêts ne peuvent qu’être rejetées.

Il en est de même de celle visant à voir ordonner à M. [R] de cesser toute relation contractuelle avec la société Efor group alors que les pièces produites mettent en évidence qu’il était dans une relation de travail avec la société Efor [Localité 5].

La disposition de l’ordonnance ayant fait droit à la demande de production de son contrat de travail par M. [R] est également infirmée puisqu’il est apparu que celui-ci était employé par la société Efor [Localité 5] et qu’aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu’il ait pu également avoir été engagé par la société holding Efor group.

En présence d’une clause de non-concurrence contractuelle et d’une absence de moyens sérieux permettant de considérer qu’elle a été méconnue par le salarié ainsi que du fait que la société Albert & Co admet, dans ses conclusions, qu’elle n’a versé la contrepartie financière à la clause de non-concurrence que jusqu’en décembre 2023, il convient en revanche de condamner la société Albert & Co à verser à M. [R] les sommes provisionnelles de 1935,17 euros à titre de reliquat de la contrepartie à la clause de non-concurrence (janvier/février 2024), outre 193,52 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes accessoires :

Infirmant le jugement entrepris, l’équité commande de rejeter les demandes d’indemnité de procédure.

Infirmant le jugement entrepris, il convient au visa de l’article 696 du code de procédure civile, de condamner la société Albert & Co, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS ;

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DÉCLARE irrecevables les conclusions n°3 de la société Albert & Co et ses pièces n°35 à 39 

INFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

REJETTE les prétentions de la société Albert & Co et la renvoie à mieux se pourvoir au principal

CONDAMNE la société Albert & Co à verser à M. [R] les sommes provisionnelles suivantes :

– mille neuf cent trente-cinq euros et dix-sept centimes (1935,17 euros) à titre de reliquat de la contrepartie à la clause de non-concurrence

– cent quatre-vingt-treize euros et cinquante-deux centimes (193,52 euros) brut au titre des congés payés afférents

REJETTE les demandes d’indemnité de procédure

CONDAMNE la société Albert & Co aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


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