Les enjeux de la prescription dans la gestion des comptes bancaires

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Les enjeux de la prescription dans la gestion des comptes bancaires

Le 6 avril 1983, M. [W] [I] ouvre un compte d’épargne à la BANQUE NATIONALE DE PARIS avec un versement de 250.000 francs. Après avoir égaré son livret, il demande récemment le remboursement de cette somme. La BNP PARIBAS conteste cette demande, invoquant la prescription de l’action de M. [I] qui, selon elle, est de 5 ans, et souligne que la dernière opération date de plus de 40 ans. La banque argue également que M. [I] ne présente pas l’original du livret et que, suite à la dématérialisation des comptes, il devrait fournir des relevés. Elle demande en retour la condamnation de M. [I] à verser 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. De son côté, M. [I] soutient que sa demande est recevable, affirmant que la prescription n’a pas commencé à courir, et réclame 3.000 euros à la BNP PARIBAS, arguant que la prescription débute au moment du refus de la banque et que l’absence d’information constitue une faute.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
23/16048
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 23/16048

N° Portalis 352J-W-B7H-C3IXP

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
20 Novembre 2023

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
rendue le 17 septembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [W] [I]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 2]

représenté par Me Yasmine SADFI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E2229

DÉFENDERESSES

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 4]
[Localité 8]

représentée par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #J076

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Me Julien GUEGAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0243

Société BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 7]
Décision du 17 Septembre 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/16048 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3IXP

représentée par Maître Laurent GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0020

JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Nous, Monsieur Patrick NAVARRI, vice-présidente, juge de la mise
en état, assisté de Madame Sandrine BREARD, greffière.

DÉBATS

A l’audience du 11 juin 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 17 septembre 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 avril 1983, M. [W] [I] a ouvert un compte d’épargne auprès de la BANQUE NATIONALE DE PARIS et a effectué un versement de 250.000 francs.

Faisant valoir qu’il a égaré son livret et qu’il ne l’a retrouvé que récemment, M. [I] sollicite le versement de cette somme.

Faisant valoir que la demande de M. [I] est prescrite, la BNP PARIBAS, par dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 juin 2024 s’est opposée au remboursement et a sollicité la condamnation de M. [I] à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes, elle fait valoir que l’action de M. [I] se prescrit au bout de 5 ans ; que la dernière opération remonte à plus de 40 ans ; que M. [I] ne produit pas l’original du livret d’épargne ; qu’à la suite de la dématérialisation des comptes M. [I] devrait produire les relevés de son compte ; que s’il ne produit pas d’autre document, c’est que M. [I] a dû retirer la totalité des fonds ;

M. [I] fait valoir que sa demande est recevable dès lors qu’il n’y a pas de prescription et sollicite la condamnation de la BNP PARIBAS à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes il fait valoir que la prescription court du jour du refus opposé par la banque à la demande de restitution ; qu’elle peut aussi débuter du jour de la clôture du compte mais si aucune information n’a été délivrée la prescription ne débute pas ; que le défaut d’information constitue une faute ; qu’en l’absence de preuve de la clôture du compte, la prescription n’a pas débuté.

MOTIVATION

En application de l’article L. 110-4 du code de commerce le délai de prescription de l’action est de 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Cette prescription était de 10 ans jusqu’au 17 juin 2008 et en vertu de l’article 2222 du code civil le nouveau délai de 5 ans court à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle soit le 19 juin 2008 sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La prescription de l’action en restitution des dépôts inscrits en compte ne commence à courir qu’à compter de la clôture du compte.

La clôture du compte ne peut résulter que de la manifestation de volonté non équivoque des parties.

En l’espèce, il ressort de la photocopie du relevé de compte d’épargne BNP que M. [I] disposait d’un compte titres n° [XXXXXXXXXX05] sur lequel il a versé, le 6 avril 1983, une somme de 250.000 francs.

Alors même que la banque doit notifier au client sa décision de clôturer le compte de façon expresse, aucune pièce n’est produite en ce sens et la BNP PARIBAS ne prouve pas que M. [I] ait formulé une telle demande.

Le fait pour le titulaire du compte de retirer tous ses avoirs ou de cesser toute opération, ne peut être interprété comme la volonté non équivoque de procéder à la clôture tacite du compte et aucune conséquence ne peut donc être tirée de l’absence d’opération.

En conséquence, en l’absence de preuve de la clôture du compte, la prescription n’a pu commencer à courir et la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en restitution des dépôts doit être rejetée.

Partie perdante la BNP PARIBAS sera condamnée à verser une somme de 1.500 euros à M. [I] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant publiquement, par ordonnance mise à la disposition au greffe, contradictoirement et susceptible d’appel dans les conditions prévues par l’article 795 du Code de procédure civile,

RECEVONS M. [W] [I] ;

DÉBOUTONS la banque BNP PARIBAS de sa demande d’irrecevabilité pour prescription ;

CONDAMNONS la BNP PARIBAS à verser une somme de 1.500 euros à M. [W] [I] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état en date du mardi 19 novembre 2024 pour conclusions défendeur ;

RÉSERVONS les autres demandes ainsi que les dépens.

Fait et jugé à Paris le 17 septembre 2024.

La Greffière Le juge de la mise en état


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