Les éléments publics ou divulgués ne relèvent plus de la vie privée

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Les éléments publics ou divulgués ne relèvent plus de la vie privée
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Il ne peut être considéré que des éléments divulgués dans la presse constituent une atteinte à la vie privée dès lors que ces indications ne font que reprendre des données déjà connues du public.

En l’espèce, la relation de couple (Alain Chabat) des demandeurs est notoire au moins depuis qu’ils ont posé ensemble lors du Festival Lumières à [Localité 6] en octobre 2021, tout comme la célébration de leur mariage, mentionnée dans la page de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacrée à [L] [N] qui précise, dans la section « vie privée » : « Le 12 juin 2019, il célèbre son mariage au [Adresse 5], domaine du chef doublement étoilé [X] [E] à [Localité 4] dans le Lubéron » (pièce n°1 en demande).

Les atteintes à la vie privée et au droit à l’image

Aux termes des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 9 du code civil, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a le droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse.

De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Toutefois, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.

Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.

A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Alan Chabat et sa compagne soutiennent que la publication du titre de l’article et la légende associée à la photographie constitue une atteinte à leur vie privée en ce que cela concerne leurs sentiments et leur vie affective et qu’il est également fait état de l’origine finlandaise de sa compagne.

Ils dénoncent que leur vie privée soit ici utilisée comme un « produit d’appel », sans lien avec le contenu de l’article qui ne concerne que le dernier film dans lequel a joué [L] [N].

Ils soutiennent également que la photographie les représentant a été détournée de son contexte de fixation initial, sans que cela soit justifié par un sujet d’intérêt général ou d’actualité et alors qu’elle ne présente pas de lien de pertinence avec le sujet réel de l’article.

La société ENTREPRENDRE conteste l’atteinte alléguée dans « l’article-photo » en relevant d’une part que l’article traite d’un sujet pertinent et d’actualité concernant le film « Incroyable mais vrai » dont [L] [N] est l’acteur principal et qui était toujours diffusé en salle et, d’autre part, que les indications concernant la situation matrimoniale des demandeurs ne constituaient qu’un rappel de ce qui avait déjà été révélé au public.

Il est constant que l’article litigieux traite, sous la forme d’une interview, de l’actualité professionnelle d'[L] [N] liée à sa prestation d’acteur dans le film « Incroyable mais vrai » du réalisateur [B] [Y], toujours diffusé en salle à la date de parution du magazine. Il est patent que le titre de l’article, comme la photographie représentant le couple que forment les demandeurs et sa légende, sont en décalage avec ce contenu, ces éléments étant centrés sur la relation amoureuse des demandeurs et non sur l’actualité cinématographique d’Alain Chabat.

Fausse présentation ou choix éditorial ?

Ce procédé, qui vise manifestement à accrocher les lecteurs friands de ce type d’information en leur laissant croire à des développements sur la relation des demandeurs, relève d’un choix éditorial du magazine qui n’appelle pas d’appréciation du tribunal à défaut d’avoir une incidence sur les atteintes invoquées.

L’évocation de la relation de couple de demandeurs, convoquée par le biais du titre de l’article « [L] [N] a-t-il trouvé sa perle ? » associé à l’image les représentant, et de la légende l’accompagnant faisant état de leur mariage en juin 2019 dans le Lubéron, ont trait à leur vie personnelle, et même à leur vie privée dès lors que les informations publiées, si ténues soient-elles, ne se résument pas une simple donnée d’état civil.

Absence d’atteinte à la vie privée

Pour autant, il ne peut être considéré que ces éléments constituent l’atteinte à la vie privée invoquée, dès lors que ces indications ne font que reprendre des données déjà connues du public.

En effet, la relation de couple des demandeurs est notoire au moins depuis qu’ils ont posé ensemble lors du Festival Lumières à [Localité 6] en octobre 2021 (pièce n°7 en demande), tout comme la célébration de leur mariage, mentionnée dans la page de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacrée à [L] [N] qui précise, dans la section « vie privée » : « Le 12 juin 2019, il célèbre son mariage au [Adresse 5], domaine du chef doublement étoilé [X] [E] à [Localité 4] dans le Lubéron » (pièce n°1 en demande).

S’agissant en revanche de la mention de l’origine finlandaise de [S] [R], qui n’apparaît pas ici comme une référence à sa nationalité mais à ses origines familiales, elle relève également de sa vie privée, ce alors qu’il n’est nullement avéré, ni même invoqué au demeurant, qu’il s’agit d’une information notoire ou sur laquelle la demanderesse aurait communiqué, de sorte que sa divulgation par le magazine édité par la défenderesse, qui est sans rapport avec un fait d’actualité ou un sujet d’intérêt général, constitue une atteinte à la vie privée de [S] [R] ouvrant droit à réparation.

L’atteinte au droit à l’image

Concernant l’atteinte au droit à l’image invoquée, il convient de relever que la photographie les représentant a été prise à l’occasion de leur participation officielle au festival Lumières à [Localité 6] en octobre 2021, alors qu’ils posaient pour les photographes présents, et que, de ce fait, ils avaient nécessairement conscience que cette image pouvait donner lieu à une diffusion publique, ce qui a été le cas.

Même si la publication de leur image dans l’article litigieux ne renvoie pas à cet événement en particulier, celle-ci ne saurait constituer un détournement caractérisant l’atteinte alléguée, dès lors que cette photographie présente un lien avec l’information relative à la relation amoureuse des demandeurs, déjà connue des lecteurs.

Ainsi, seule l’atteinte à la vie privée de [S] [R] résultant de la divulgation de son origine est constituée en l’espèce, de sorte qu’il convient de débouter [L] [N] de l’ensemble de ses demandes et d’examiner la demande de réparation du préjudice subi par la demanderesse à l’aune de cette seule atteinte.

Sur la publication litigieuse

Dans son numéro 24 du trimestre octobre-novembre 2022, le magazine Confidences Magazine a publié un article intitulé « [L] [N] a-t-il trouvé sa perle ? ». Cet article, consacré au dernier film de l’acteur, a été illustré par une photographie du couple formé par [L] [N] et [S] [R].

Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image

[L] [N] et [S] [R] soutiennent que la publication du titre de l’article et la légende associée à la photographie constituent une atteinte à leur vie privée. Ils estiment que ces éléments ne sont pas en lien avec le contenu de l’article, qui traite uniquement du film dans lequel joue [L] [N].

Sur la demande de réparation du préjudice subi par [S] [R]

[S] [R] demande réparation pour le préjudice subi en raison de la divulgation de son origine finlandaise sans son autorisation. La société ENTREPRENDRE conteste l’ampleur du préjudice en raison de la faible diffusion du magazine.

Sur les autres demandes

Le tribunal évalue le préjudice subi par [S] [R] à 200 euros et condamne la société ENTREPRENDRE à lui verser cette somme. Les frais irrépétibles sont également à la charge de la société défenderesse. [L] [N] est débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


MINUTE N°:
17ème Ch. Presse-civile

N° RG 23/09571 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2MT5

AJ

Assignation du :
20 Juillet 2023[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

République française
Au nom du Peuple français

JUGEMENT
rendu le 06 Mars 2024

DEMANDEURS

[L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Eric SEMMEL de l’AARPI COLOMBANI SEMMEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0885

[S] [R] épouse [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Eric SEMMEL de l’AARPI COLOMBANI SEMMEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0885

DEFENDERESSE

S.A. ENTREPRENDRE
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Francis DOMINGUEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1536

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Magistrats ayant participé au délibéré :

Amicie JULLIAND, Vice-présidente
Présidente de la formation

Jean-François ASTRUC, Vice-président
Sophie COMBES, Vice-Présidente
Assesseurs

Greffiers :
Viviane RABEYRIN, Greffier (plaidoiries)
Martine VAIL, Greffier (Mise à disposition)

DEBATS

A l’audience du 10 Janvier 2024 tenue publiquement devant Amicie JULLIAND, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

***

Par acte d’huissier signifié le 20 juillet 2023 à la société ENTREPRENDRE, éditrice du magazine Confidences Magazine, [L] [N] et [S] [R] épouse [N] l’ont assigné devant ce tribunal, sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, au motif qu’il a été porté atteinte au respect dû à leur vie privée et à leur droit à l’image dans le numéro 24 du dit magazine et demandent au tribunal :
▸de condamner la société défenderesse à verser à [L] [N] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice lié à l’atteinte portée à sa vie privée et à la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice lié à l’atteinte portée à son droit à l’image ;
▸de condamner la société défenderesse à verser à [S] [R] épouse [N] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice lié à l’atteinte portée à sa vie privée et à la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice lié à l’atteinte portée à son droit à l’image ;
▸d’ordonner la publication d’un communiqué judiciaire dans Confidences Magazine, selon les modalités précisées dans l’assignation, sous astreinte de 500 euros par jour de retard dont le tribunal se réservera la liquidation;
▸de condamner la société défenderesse à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
▸de condamner la société défenderesse à leur verser la somme de 685, 65 euros TTC au titre du constat d’huissier effectué ;
▸de condamner la société défenderesse aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 27 novembre 2023 par voie électronique, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société ENTREPRENDRE demande au tribunal de :
▸débouter [L] [N] et [S] [R] épouse [N] de toutes leurs demandes ;
▸subsidiairement, réduire à de plus justes mesures les sommes réclamées par les demandeurs ;
▸les condamner à lui verser la somme de 1.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2023.

Les conseils des parties ont développé oralement leurs écritures lors de l’audience du 10 janvier 2024 à l’issue de laquelle il leur a été indiqué que la présente décision était mise en délibéré au 6 mars 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la publication litigieuse

[L] [N] se présente comme acteur, auteur et metteur en scène, bénéficiant d’une notoriété importante auprès du grand public depuis plus de trente ans (pièce n°2 en défense). [S] [R], mariée à [L] [N] depuis 2019, indique exercer la profession de directrice événementielle après des débuts au cinéma et à la télévision.

Dans son numéro 24 du trimestre octobre-novembre 2022, paru mi-septembre 2022, le magazine Confidences Magazine, édité par la société ENTREPRENDRE, a publié un article intitulé « [L] [N] a-t-il trouvé sa perle ? » dans la rubrique « Célébrités », en pages 50 et 51 (pièce n°10 en demande). Il est illustré par un montage photographique occupant les deux tiers de la double page, composé de l’image des demandeurs posant côte-à-côte, issue d’un cliché, ici détouré, pris lors du festival Lumière à [Localité 6] en octobre 2021 (pièce n°6 en demande), placé sur un arrière-plan représentant un village balnéaire en période estivale. Il est légendé « Avec sa 2ème femme [S], une comédienne d’origine finlandaise. Ils se sont mariés en juin 2019 dans le Lubéron ». Sur le côté droit de l’image figure le texte suivant « On l’aime pour ses rôles, entre autres dans « Gazon maudit », « Le goût des autres », « Astérix et Obélix : mission Cléopâtre » ou « Didier », deux comédies qu’il a réalisées ».

L’article est exclusivement consacré au rôle tenu par [L] [N] dans le dernier film de [B] [Y] « Incroyable mais vrai », sorti en salle trois mois auparavant. Il est composé d’un chapô indiquant « Dans le désopilant et déroutant nouveau film de [B] [Y], « Incroyable mais vrai », on retrouve l’ex-membre des Nuls aux côtés de [P] [I], [V] [W] et [T] [G]. Dans ce long métrage, il campe le personnage d'[L] qui emménage avec sa compagne [O] ([P] [I]) dans un pavillon. Une trappe située dans la cave va bouleverser leur existence. Comme à son habitude, [L] [N], âgé de 63 ans, fait preuve d’une justesse, d’une drôlerie et d’une élégance qui font de lui l’un des acteurs et réalisateurs les plus appréciés du public. ». Le texte de l’article se présente comme interview de l’acteur, sous forme de questions / réponses, relatives au film et à son réalisateur. Il est indiqué au bas du texte « propos recueillis par [Z] [A] et [J] [H] ».

[L] [N] affirme ne jamais avoir donné d’interview aux signataires de l’article ou à un préposé de la société éditrice et ne jamais avoir tenu les propos qui lui sont prêtés, produisant une attestation écrite de son attaché de presse le confirmant (sa pièce n°16).

Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image

Aux termes des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 9 du code civil, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a le droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Toutefois, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.

Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

*

[L] [N] et [S] [R] soutiennent que la publication du titre de l’article et la légende associée à la photographie constitue une atteinte à leur vie privée en ce que cela concerne leurs sentiments et leur vie affective et qu’il est également fait état de l’origine finlandaise de [S] [R]. Ils dénoncent que leur vie privée soit ici utilisée comme un « produit d’appel », sans lien avec le contenu de l’article qui ne concerne que le dernier film dans lequel a joué [L] [N].
Ils soutiennent également que la photographie les représentant a été détournée de son contexte de fixation initial, sans que cela soit justifié par un sujet d’intérêt général ou d’actualité et alors qu’elle ne présente pas de lien de pertinence avec le sujet réel de l’article.

La société ENTREPRENDRE conteste l’atteinte alléguée dans « l’article-photo » en relevant d’une part que l’article traite d’un sujet pertinent et d’actualité concernant le film « Incroyable mais vrai » dont [L] [N] est l’acteur principal et qui était toujours diffusé en salle et, d’autre part, que les indications concernant la situation matrimoniale des demandeurs ne constituaient qu’un rappel de ce qui avait déjà été révélé au public.

Il est constant que l’article litigieux traite, sous la forme d’une interview, de l’actualité professionnelle d'[L] [N] liée à sa prestation d’acteur dans le film « Incroyable mais vrai » du réalisateur [B] [Y], toujours diffusé en salle à la date de parution du magazine. Il est patent que le titre de l’article, comme la photographie représentant le couple que forment les demandeurs et sa légende, sont en décalage avec ce contenu, ces éléments étant centrés sur la relation amoureuse des demandeurs et non sur l’actualité cinématographique d'[L] [N].

Ce procédé, qui vise manifestement à accrocher les lecteurs friands de ce type d’information en leur laissant croire à des développements sur la relation des demandeurs, relève d’un choix éditorial du magazine qui n’appelle pas d’appréciation du tribunal à défaut d’avoir une incidence sur les atteintes invoquées.

L’évocation de la relation de couple de demandeurs, convoquée par le biais du titre de l’article « [L] [N] a-t-il trouvé sa perle ? » associé à l’image les représentant, et de la légende l’accompagnant faisant état de leur mariage en juin 2019 dans le Lubéron, ont trait à leur vie personnelle, et même à leur vie privée dès lors que les informations publiées, si ténues soient-elles, ne se résument pas une simple donnée d’état civil.

Pour autant, il ne peut être considéré que ces éléments constituent l’atteinte à la vie privée invoquée, dès lors que ces indications ne font que reprendre des données déjà connues du public. En effet, la relation de couple des demandeurs est notoire au moins depuis qu’ils ont posé ensemble lors du Festival Lumières à [Localité 6] en octobre 2021 (pièce n°7 en demande), tout comme la célébration de leur mariage, mentionnée dans la page de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacrée à [L] [N] qui précise, dans la section « vie privée » : « Le 12 juin 2019, il célèbre son mariage au [Adresse 5], domaine du chef doublement étoilé [X] [E] à [Localité 4] dans le Lubéron » (pièce n°1 en demande).

S’agissant en revanche de la mention de l’origine finlandaise de [S] [R], qui n’apparaît pas ici comme une référence à sa nationalité mais à ses origines familiales, elle relève également de sa vie privée, ce alors qu’il n’est nullement avéré, ni même invoqué au demeurant, qu’il s’agit d’une information notoire ou sur laquelle la demanderesse aurait communiqué, de sorte que sa divulgation par le magazine édité par la défenderesse, qui est sans rapport avec un fait d’actualité ou un sujet d’intérêt général, constitue une atteinte à la vie privée de [S] [R] ouvrant droit à réparation.

Concernant l’atteinte au droit à l’image invoquée, il convient de relever que la photographie les représentant a été prise à l’occasion de leur participation officielle au festival Lumières à [Localité 6] en octobre 2021, alors qu’ils posaient pour les photographes présents, et que, de ce fait, ils avaient nécessairement conscience que cette image pouvait donner lieu à une diffusion publique, ce qui a été le cas. Même si la publication de leur image dans l’article litigieux ne renvoie pas à cet événement en particulier, celle-ci ne saurait constituer un détournement caractérisant l’atteinte alléguée, dès lors que cette photographie présente un lien avec l’information relative à la relation amoureuse des demandeurs, déjà connue des lecteurs.

Ainsi, seule l’atteinte à la vie privée de [S] [R] résultant de la divulgation de son origine est constituée en l’espèce, de sorte qu’il convient de débouter [L] [N] de l’ensemble de ses demandes et d’examiner la demande de réparation du préjudice subi par la demanderesse à l’aune de cette seule atteinte.

Sur la demande de réparation du préjudice subi par [S] [R]

Il convient de rappeler que si la seule constatation de l’atteinte au respect à la vie privée par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à cette atteinte, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué afin de permettre au juge d’évaluer le préjudice de manière concrète, au jour où il statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.

Il sera rappelé en outre que l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, ni au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause. Cependant, l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat d’un magazine, sont de nature à accroître le préjudice.

[S] [R] se prévaut de manière générale d’avoir été heurtée de voir publiées sans son autorisation des digressions sur sa vie privée et familiale, ce alors qu’elle est d’une grande discrétion et qu’elle est inconnue du grand public. Elle indique en outre que la distribution du magazine, que ce soit sur son site propriétaire ou par l’intermédiaire de sites de distributeurs, semble étendue.

La société ENTREPRENDRE sollicite que le préjudice soit estimé plus modérément en faisant état de la faible diffusion du magazine et des frais de sa réalisation.

Il doit être relevé tout d’abord que la nature de l’information ne confère pas à sa divulgation une particulière gravité celle-ci ne relevant pas de la sphère intime de la vie privée de la demanderesse. Il sera observé également que s’il se conçoit que la demanderesse a pu ressentir un agacement légitime à voir exposer son origine dans un magazine, l’article a néanmoins une tonalité bienveillante, tant à son égard qu’envers son mari.

Il sera noté en outre, s’agissant de l’étendue de la divulgation de l’information, qu’il résulte du constat d’huissier établi le 23 septembre 2022 (pièce n°13 en demande) que le numéro 24 du titre Confidences Magazine est proposé à la vente en version numérique sur le site lafontpresse.fr, la demanderesse rapportant en outre la preuve de son accessibilité via le site ePresse.fr et encore de sa vente en kiosque (ses pièces n°12, 14 et 15). Pour autant, les pièces produites par la défenderesse attestent du faible volume de vente du magazine en général et de ce numéro en particulier, comme le montrent les chiffres de vente par l’intermédiaire de la distribution en kiosque, en France (2.293 numéros vendus en septembre 2022 sur 13 913 exemplaires imprimés pièce n°1), des plateformes de mise à disposition de titres de presse en format numérique (104 ventes en 2022 sur le site Cafeyn pièce n°2, 98 ventes en septembre 2022 sur Epresse.fr pièce n°4, 85 visionnages du magazine sur le site Readly pièce n°5), ou encore des abonnements (1 abonnement souscrit via l’agence A2Presse pour le mois de décembre 2022 pièce n°3, 24 abonnements enregistrés sans indication de date pièce n°6).

Il sera constaté enfin, que [S] [R] ne produit aucun élément extrinsèque à l’article permettant d’apprécier in concreto son préjudice.

L’ensemble de ces éléments conduisent à une appréciation très modérée du préjudice subi qui sera justement évalué à la somme de 200 euros.

Le préjudice découlant de l’atteinte sus-décrite étant suffisamment réparé par l’indemnité octroyée, la demande de publication d’un communiqué judiciaire sera rejetée.

Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à [S] [R] la charge des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts et il y a lieu en conséquence de condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme comprenant les frais du constat d’huissier établi à sa demande le 23 septembre 2022.

[L] [N], qui succombe, sera quant à lui débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En équité, compte tenu des circonstances de l’espèce, la demande formée à son encontre sur ce fondement par la société ENTREPRENDRE sera rejetée.

La société ENTREPRENDRE, partie succombante, supportera la charge des dépens de l’instance.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant, après débats publics, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :

Déboute [L] [N] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne la société ENTREPRENDRE à payer à [S] [R] épouse [N] la somme de 200 euros en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte portée à sa vie privée dans le numéro 24 du magazine Confidences Magazine du dernier trimestre 2022 ;

Condamne la société ENTREPRENDRE à payer à [S] [R] épouse [N] la somme de 1.000 euros application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute [S] [R] épouse [N] du surplus de ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à faire droit à la demande de la société ENTREPRENDRE de condamnation d'[L] [N] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ENTREPRENDRE aux entiers dépens ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

Fait et jugé à Paris le 06 Mars 2024

La GreffièreLa Présidente

 


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