Les désordres affectant une villa et sa piscine.

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Les désordres affectant une villa et sa piscine.

Contexte de l’affaire

Les époux [T] ont construit une maison individuelle avec piscine à débordement à [Localité 5]. La structure en béton armé a été confiée au BET [H], qui a également assuré la maîtrise d’œuvre d’exécution. Les travaux ont été réalisés par la SARL EGB, assurée par la SMA SA.

Apparition des désordres

En 2012, les époux [T] ont constaté des désordres sur les parois de la piscine, le bac de récupération d’eau et la façade de la maison. Ils ont déclaré un sinistre à leur assureur, la MAIF, en septembre 2014, entraînant deux expertises amiables.

Procédure judiciaire

Les époux [T] ont assigné le BET [H], la SARL EGB, la SMA SA et la MAF devant le Tribunal de grande instance de Nice en avril 2016 pour obtenir des réparations. Le tribunal a rendu un jugement en mai 2019, condamnant les parties à indemniser les époux pour les désordres constatés.

Jugement du Tribunal de grande instance

Le tribunal a condamné in solidum le BET [H] et la SMA SA à verser des sommes spécifiques pour les désordres de la piscine, du bac de récupération et du joint de dilatation, ainsi qu’une somme forfaitaire pour le préjudice de jouissance. Les défendeurs ont été déboutés de leurs demandes.

Appel de la MAF

En avril 2020, la MAF a fait appel du jugement, contestant sa responsabilité et demandant à être relevée et garantie par la SMA SA pour les désordres. Elle a soutenu que les désordres étaient dus à des fautes d’exécution de la SARL EGB.

Arguments des parties

La MAF a affirmé qu’aucune faute ne pouvait être retenue contre le BET [H], tandis que la SMA SA a soutenu que le BET avait commis des fautes dans la surveillance des travaux. Les deux parties ont présenté des conclusions contradictoires sur la responsabilité respective.

Expertises et rapports

Les rapports d’expertise ont mis en évidence des malfaçons dans l’exécution des travaux, notamment des défauts de préparation et de mise en œuvre des enduits. Ces rapports ont conduit à la reconnaissance de la responsabilité du BET [H] et de la SARL EGB.

Décision de la Cour

La Cour a confirmé en partie le jugement de première instance, en précisant que la MAF devait être relevée et garantie par la SMA SA pour les désordres intermédiaires. Elle a également statué sur la répartition des responsabilités entre les assureurs.

Conséquences financières

La SMA SA a été condamnée à indemniser la MAF pour les désordres intermédiaires et à verser des frais de justice. La décision a été prononcée en octobre 2024, avec des précisions sur les montants dus et les responsabilités respectives.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
20/04482
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2024

N° 2024/238

Rôle N° RG 20/04482

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZME

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS – MAF –

C/

S.A. SMA

S.C.P. TADDEI FERRARI [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Joseph MAGNAN

– Me Isabelle

FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 06 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02991.

APPELANTE

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS – MAF –

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat postulant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et Me Benjamin DERSY de la SARL CINERSY, avocat plaidant au barreau de NICE,

INTIMÉES

S.A. SMA

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,et Me Laurent BELFIORE de la SCP ARTAUD BELFIORE CASTILLON GREBILLE-ROMAND, avocat plaidant au barreau de NICE,

S.C.P. TADDEI FERRARI [D] Es qualité de « Mandataire liquidateur » du « BET [F] [H] » pris en la personne de Me [C] [U] [D]

demeurant [Adresse 2]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Adrian CANDAU, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Véronique MÖLLER, Conseillère

M. Adrian CANDAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.

ARRÊT

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Les époux [T] ont fait édifier une maison individuelle avec piscine à débordement au [Adresse 3] à [Localité 5]. L’étude de la structure en béton armé de la villa et de la piscine a été confiée au BET [H], assuré auprès de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) qui s’est également vu confier la maîtrise d »uvre d’exécution par contrat en date du 9 février 2007 suivis d’avenants de mars 2009.

Les travaux ont été réalisés par la SARL EGB, assurée par la société SMA SA, selon marché de travaux en date du 4 décembre 2007 conclu entre Monsieur [T] et la société EGB.

Au cours de l’année 2012, les époux [T] ont constaté l’apparition de divers désordres affectant les parois de la piscine et le bac de récupération de l’eau ainsi que la façade nord-ouest de la maison. Ils ont procédé à une déclaration de sinistre le 24 septembre 2014 auprès de leur assureur protection juridique, la MAIF. Deux expertises amiables ont été diligentées sur demande de cette société.

Par acte d’huissier en date du 29 avril 2016, les époux [T] ont donné assignation au BET [H], à la SARL EGB, à la SMA et à la MAF devant le Tribunal de grande instance de NICE en vue d’obtenir la condamnation des requis au paiement de la somme nécessaire à la réalisation des travaux de reprise.

Par jugement en date du 6 mai 2019, le Tribunal de grande instance de Nice :

– Condamne in solidum le BET [H] pris en la personne de son mandataire liquidateur la SCP TADDEI [D] et son assureur la MAF, et la SMA SA en qualité d’assureur de la société EGB DA SILVA, à payer à Monsieur [P] [T] et de Madame [N] [L] épouse [T] :

‘ la somme de 25 872 € au titre de la piscine,

‘ celle de 4824 € au titre du bac de récupération,

‘ et celle de 3468 € au titre du joint de dilatation.

– Dit que ces sommes seront indexées sur l’indice BT 01 du coût de la construction en vigueur au jour du présent jugement.

– Déboute les défendeurs de leurs demandes.

– Condamne in solidum le BET [H] pris en la personne de son mandataire liquidateur la SCP TADDEI [D] et son assureur la MAF, et la SMA SA en qualité d’assureur de la société EGB DA SILVA, à payer à Monsieur [P] [T] et de Madame [N] [L] épouse [T], la somme forfaitaire de 5000€ au titre du préjudice de jouissance subi.

– Condamne in solidum la MAF, et la SMA SA à payer à Monsieur [P] [T] et Madame [N] [L] épouse [T] la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Déboute les défendeurs de leur demande en application des dispositions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Ordonne l’exécution provisoire.

– Condamne in solidum la MAF, et la SMA SA aux dépens.

Par déclaration en date du 10 avril 2020, la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) a formé appel de cette décision à l’encontre de la SMA SA et de la SCP TADDEI FERRARI [D] en qualité de mandataire liquidateur du BET [F] [H], en ce qu’il a :

Condamné in solidum le BET [H] pris en la personne de son mandataire liquidateur la SCP TADDEI [D] et son assureur la MAF, et la SMA SA en qualité d’assureur de la société EGB DA SILVA, à payer à Monsieur [P] [T] et de Madame [N] [L] épouse [T] :

‘ la somme de 25 872 € au titre de la piscine,

‘ celle de 4824 € au titre du bac de récupération,

‘ et celle de 3468 € au titre du joint de dilatation.

Dit que ces sommes seront indexées sur l’indice BT 01 du coût de la construction en vigueur au jour du présent jugement.

Débouté la MAF de ses demandes aux termes desquelles elle demandait à Tribunal de :

– Constater que les requérants allèguent des désordres qui sont la conséquence exclusive de fautes d’exécution et de malfaçons impliquant la seule responsabilité de l’entreprise exécutante, la SARL EGB,

– Constater qu’il n’est pas rapporté la preuve d’un quelconque manquement du BET [H] permettant d’engager sa responsabilité, les débouter de l’intégralité de leurs demandes dirigées à l’encontre de l’exposante.

– Constater que le contrat d’assurance du BET [H] est résilié depuis le 31 décembre 2013,

– Dire et Juger que la Mutuelle n’est susceptible de garantir le BET [H] que pour les garanties obligatoires

– Si d’aventure l’exposante était retenue dans les liens de la responsabilité, faire droit à son recours en garantie quasi délictuel à l’encontre de la Cie SMA, assureur de la société EGB, responsable des fautes d’exécution et manquements à l’origine des désordres et dire et juger que cette dernière devra la relever et garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des consorts [T].

– Condamner le ou les succombants à payer à la concluante la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître AUGEREAU, Avocat.

Condamné in solidum le BET [H] pris en la personne de son mandataire liquidateur la SCP TADDEI [D] et son assureur la MAF, et la SMA SA en qualité d’assureur de la société EGB DA SILVA, à payer à Monsieur [P] [T] et de Madame [N] [L] épouse [T], la somme forfaitaire de 5000€ au titre du préjudice de jouissance subi.

Condamné in solidum la MAF, et la SMA SA à payer à Monsieur [P] [T] et Madame [N] [L] épouse [T] la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Débouté la MAF de ses demandes en application des dispositions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamné in solidum la MAF, et la SMA SA aux dépens

***

Les parties ont exposé leur demande ainsi qu’il suit, étant rappelé qu’au visa de l’article 455 du code de procédure civile, l’arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :

Par conclusions notifiées le 3 juillet 2020, la MAF demande à la Cour de :

Vu l’article 1240 du Code civil,

– Constatant que les requérants allèguent des désordres qui sont la conséquence exclusive de fautes d’exécution et de malfaçons impliquant la seule responsabilité de l’entreprise exécutante, la SARL EGB,

En conséquence,

– Faire droit à son recours en garantie quasi délictuel à l’encontre de la SMA SA, assureur de la société EGB, responsable des fautes d’exécution et manquements à l’origine des désordres,

– Condamner la SMA SA à relever et garantie la MAF de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du jugement dont appel,

Subsidiairement,

– Constatant que le contrat d’assurance du BET [H] est résilié depuis le 31 décembre 2013,

– Dire et juger que la Mutuelle n’est susceptible de garantir le BET [H] que pour les garanties obligatoires,

– Condamner la SMA SA à payer à la concluante la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 1er février 2022, la MAF maintient ses prétentions.

Elle fait valoir qu’en l’absence de faute retenue à l’encontre du BET [H], le premier juge aurait dû condamner la SMA SA à relever et garantir la MAF de toute condamnation prononcée à son encontre ; elle expose en effet qu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre du BET qui a régulièrement accompli sa mission de maître d »uvre sans aucun défaut de contrôle ; que les désordres sont la conséquence de fautes d’exécution de la société EGB dont l’assureur est la SMA SA.

A l’appui de sa demande subsidiaire, elle fait valoir que le contrat d’assurance du BET [H] étant résilié depuis le 31 décembre 2013, elle ne peut être tenue de garantir que les désordres relevant de la garantie décennale et non pas les désordres de nature intermédiaire.

Par conclusions notifiées le 21 septembre 2020, la SMA SA demande à la Cour de :

Vu l’article 1240 du Code civil ;

Vu l’article A. 243-1 du Code des assurances ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Il est demandé à la Cour de bien vouloir :

– JUGER que le BET [H] a commis des fautes dans la surveillance et le contrôle des travaux ;

-JUGER que le BET [H] a commis une faute contractuelle en l’absence d’organisation des opérations de réception et d’assistance des époux [T] ;

– JUGER que l’entreprise EGB ne saurait avoir commis de faute prépondérante dans l’apparition des désordres qui justifierait que la SMA SA relève et garantisse la MAF, en sa qualité d’assureur du maître d »uvre ;

– JUGER que c’est à bon droit que le jugement critiqué du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 06 mai 2019 a condamné solidairement le BET [H] et l’entreprise EGB et leurs assureurs respectifs, la MAF et la SMA SA, à indemniser les préjudices matériels et de jouissance des époux [T] ;

Ce faisant,

– CONFIRMER le jugement critiqué du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 06 mai 2019 ;

– REJETER toutes demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SMA SA ;

En tout état de cause,

– Faire application de la franchise contractuelle de 10% des condamnations avec un minimum de 533 € et un maximum de 5335 €, lesquels montants pourront être réévalués en fonction de l’indice opposable prévu à la police d’assurance.

– CONDAMNER tout succombant au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Elle fait valoir en substance qu’il peut être reproché au BET [H] un défaut de surveillance et de contrôle des travaux et que des désordres auraient pu être évités avec une meilleure exécution de sa mission par celui-ci, notamment par la communication des plans d’exécution ; qu’au vu du contenu de la mission qui avait été confiée au BET, ce dernier ne peut donc pas prétendre à une absence de responsabilité.

La SMA SA se prévaut en tout état de cause de l’opposabilité de la franchise prévue au contrat.

Par acte d’huissier en date du 10 juillet 2020, la MAF a fait délivrer à la SCP TADDEI FERRARI [D] en qualité de liquidateur de la SARL BET [F] [H] une assignation portant signification de déclaration d’appel et de conclusion d’appelant. L’acte a été remis à personne habilitée.

Par acte d’huissier en date du 8 octobre 2020, la SA SMA a fait signifier ses conclusions SCP TADDEI FERRARI [D] en qualité de liquidateur de la SARL BET [F] [H]. L’acte a été remis à personne habilitée.

Par acte d’huissier en date du 20 octobre 2020, la SA SMA a fait signifier ses conclusions du 21 septembre 2020 à la SCP TADDEI FERRARI [D] en qualité de liquidateur de la SARL BET [F] [H]. L’acte a été remis à personne habilitée.

La SCP TADDEI FERRARI [D] en qualité de liquidateur de la SARL BET [F] [H] n’a pas constitué avocat et n’est pas intervenue dans l’instance d’appel.

L’affaire a été clôturée à la date du 27 mai 2024 et appelée en dernier lieu à l’audience du 19 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale :

Aux termes de son appel, la MAF demande donc qu’il soit fait droit à son recours en garantie à l’encontre de la SMA SA, assureur de la société EGB en raison des fautes d’exécution et manquements de cette dernière qui seraient à l’origine exclusive des désordres.

La Cour relève que le jugement attaqué ne fait pas état de la demande qu’aurait présentée la MAF en première instance en vue d’être relevée et garantie par la SMA SA. Dans sa déclaration d’appel, la MAF a cependant indiqué critiquer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de sa demande visant à ce qu’il soit fait droit à son recours en garantie quasi délictuel à l’encontre de la Cie SMA, assureur de la société EGB, responsable des fautes d’exécution et manquements à l’origine des désordres et visant à voir dire et juger que cette dernière devra la relever et garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des consorts [T].

Il n’est pas contesté par la SMA SA que cette demande a bien été présentée en première instance et qu’elle est recevable en cause d’appel.

La Cour relève également que l’appel ne porte que sur la question de cet appel en garantie, la MAF indiquant dans ses écritures ne pas contester que les désordres qui ont donné lieu au litige présentent un caractère décennal et que la présomption de responsabilité pesant sur le BET [H] et sur l’entreprise EGB DA SILVA ne peut pas être écartée.

Ainsi, l’argumentation de la MAF consiste à soutenir que dans le cadre des rapports des deux parties, en l’absence de faute du BET [H], elle devait être relevée et garantie par la SMA SA. Elle expose que dans le cadre des travaux, le BET [H] n’avait pas à fournir les plans de conception ni d’exécution qui étaient à la charge de la société EGB ; que le BET [H] n’avait donc pas de mission complète de maîtrise d »uvre.

La MAF rappelle en tout état de cause que le BET, en sa qualité de maître d »uvre, n’était débiteur que d’une obligation de moyens et qu’une faute de sa part doit être rapportée ; elle rappelle qu’en l’espèce les désordres dont s’agit n’étaient pas visibles à la réception et qu’en ce sens, un défaut de surveillance n’est pas caractérisable. En réponse aux arguments de la SMA SA, elle précise qu’elle ne conteste pas le rôle de contrôle des travaux qui pesait sur Monsieur [H] mais considère qu’aucune faute n’a été commise dans cette mission de contrôle.

La SMA SA oppose que si la société EGB a commis des erreurs dans l’exécution de sa mission, le maître d »uvre aurait pu les éviter en exerçant sa mission de surveillance des travaux ; que cette faute a été relevée notamment dans le cadre des expertises réalisées par le cabinet IXI et par le cabinet ELEX. Elle conclut en outre que le BET [H] était bien investi d’une mission complète qui impliquait un rôle de contrôle et de surveillance. Elle considère également qu’une faute peut être retenue à l’encontre du BET [H] pour défaut d’assistance à la réception du Maître d’ouvrage, puisqu’en l’espèce aucune réception n’est intervenue.

Le jugement du Tribunal de grande instance de NICE en date du 6 mai 2019 a retenu, sur le fondement de l’article 1792 du Code civil et par référence au rapport d’expertise amiable, la responsabilité de la société EGB et du BET [H] ; il a condamné in solidum ces derniers et leurs assureurs à indemniser les époux [T] de leurs préjudices.

Cette solution n’est pas contestée, la Cour n’étant saisie que des rapports entre les assureurs, la SAM SA et la MAF.

Les parties déclarées responsables d’un même dommage, dans leurs relations entre elles, peuvent exercer un recours a proportion de leurs fautes respectives sur un fondement contractuel ou délictuel, en fonction de l’existence ou non d’un contrat.

Il est constant que la maîtrise d »uvre consiste dans la conception et la conduite opérationnelle des travaux en matière de coûts, de délais, de choix techniques, dans le cadre d’un cahier des charges. Le maître d »uvre est chargé par le maître d’ouvrage de consulter les entreprises et conclure les marchés avec les entrepreneurs qui interviendront sur le chantier, de diriger l’exécution des travaux et d’assister le maître de l’ouvrage pour la réception des ouvrages et le règlement des comptes avec les entrepreneurs et intervenants. Il est également constant que le périmètre de la mission du maître d »uvre est contractuellement défini par les parties et qu’il n’est tenu que d’une obligation de moyens.

En l’espèce, aux termes des conventions passées entre eux le 9 février 2007, les maîtres de l’ouvrage, Monsieur et Madame [T] ont confié au BET [F] [H] la mission suivante :

Suivant le premier acte :

« Réalisation de l’étude de la structure en béton armé pour la villa et la piscine :

A ‘ 1ère phase pour l’établissement du dossier de consultation des entreprises :

– Exécution des plans de coffrage pour l’APO, pour la villa et la piscine.

– Calcul des ratios d’aciers, suivant la nature des éléments structurels pour l’établissement des quantités de béton et de ferraillage.

B ‘ 2ème phase pour l’établissement du dossier d’exécution :

– Etablissement des plans de ferraillage, pour la villa et la piscine.

– Calcul des armatures à l’état limite ultime, et à l’état limite de service (ELU et ELS)

L’ensemble des calculs sera conforme aux règles BAEL et aux règles PS 92 (règles parasismiques)

L’établissement d’une note de calcul au séisme, plus précise et approfondie, mais qui n’est pas indispensable, sera l’objet d’un avenant au présent contrat virgule si le maître d’ouvrage le souhaite.

L’ensemble sera réalisé sur la base des plans d’exécution de l’architecte

L’ensemble hors toute conception architecturale

C- 3ème phase pour le contrôle d’exécution sur chantier

– Visite de chantier pour contrôle du respect des plans de ferraillage, pour les fondations et les dalles. »

Suivant le deuxième acte :

« CONTENU DE LA MISSION DE MAITRISE D »UVRE :

Préparation du chantier :

‘ Mise au point du calendrier prévisionnel d’exécution des travaux par lots ou par corps d’état en fonction des délais de réalisations spécifiés par les entreprises retenues suite à l’appel d’offres

‘ Planification des études d’exécution à la charge des entreprises et contrôle de leur conformité aux dispositions du projet et aux diverses normes.

‘ Planification des approvisionnements nécessaires au bon déroulement du chantier.

Direction de l’exécution des travaux :

Le BET [F] [H] assurera la direction de l’exécution des travaux. Sa mission est de s’assurer que l’exécution des travaux est conforme aux prescriptions des contrats de travaux signées et aux diverses normes et réglementations techniques en vigueur, ceci dans le respect des devis acceptés.

Le BET [F] [H] organisera et animera une réunion de chantier tous les 15 jours avec établissement d’un compte-rendu de réunion diffusé à tous les intéressés.

Après la phase gros ‘uvre le BET [F] [H] assurera une visite de chantier au minimum hebdomadaire, avec procès-verbal de chantier chaque quinzaine.

Le BET [F] [H] pilotera le chantier, assurera la coordination des différents corps d’état, et maintiendra une liaison générale entre tous les intervenants.

Le BET [F] [H] veillera au respect des objectifs calendaires et, le cas échéant, proposera des mesures correctives pour rattraper les retards. Il vérifiera la conformité des réalisations avec les pièces du marché et les diverses normes et réglementations techniques applicables en la matière. Il entreprendra au plus tôt toute action corrective nécessaire, afin que l’entrepreneur mette en ‘uvre les moyens nécessaires au bon avancement du chantier.

Il tiendra informé le Maître d’Ouvrage sur l’état d’avancement des travaux et le conseillera dans les différents choix ou options que l’évolution du chantier rendraient nécessaires.

Il organisera les visites de fin de phase et toute autre visite contradictoire nécessaire. Il instruira les réclamations des entrepreneurs et assistera le Maître d’Ouvrage pour le règlement des litiges.

(‘)

Il organisera les opérations préalables à la réception (Planning, essais’), et assistera le Maître d’Ouvrage lors de la réception définitive qui l’organisera entre celui-ci et les entreprises. Il établira le PV de réception qu’il diffusera aux entreprises concernées. Si des réserves sont formulées, il planifiera, animera et contrôlera l’exécution de la réparation des désordres jusqu’à la levée complète des réserves, (les tâches correspondantes restant à la charge des entreprises) ».

L’avenant à la convention de maîtrise d »uvre de mars 2009 est venu prolonger la durée de la mission du BET dans les mêmes conditions que celles fixées par la mission initiale.

S’agissant de la piscine : les désordres qui ont justifié que soient retenues les responsabilités du BET [H] et de la société EGB, ont consisté en des tâches de rouille affectant les parois et le fond de la piscine, le délitement d’enduit d’étanchéité et le bac de rétention. La qualification de ces désordres en nature décennale par le premier juge n’est pas remise en cause.

Selon le rapport d’expertise IXI daté du 30 décembre 2014, ce phénomène résulte d’un défaut de préparation des supports, l’absence de gobetis d’accrochage et un défaut de qualité hydrofuge du produit appliqué, le béton mis en place n’étant pas réputé étanche. Il est considéré dans ce rapport que l’épaisseur de l’enduit apposé est inférieure à celle préconisée par la notice. Selon cet expert, ces malfaçons liées aux conditions de mise en ‘uvre des enduits engagent la responsabilité de la société EGB DA SILVA et du fournisseur. L’expert précise « la responsabilité du BET [H] pourrait également être engagée en sa qualité de Maître d »uvre, pour défaut de contrôle, notamment en ce qui concerne la mise en ‘uvre des enduits et l’enrobage des aciers ».

Le second rapport d’expertise amiable, établi par la société ELEX le 30 juillet 2015, confirme la nature de ces désordres et évoque également l’existence d’une fissure affectant une façade du bâtiment évoluant dans le temps malgré le traitement opéré. Concernant la piscine, il établit aussi que les désordres proviennent d’un défaut d’exécution de mise en ‘uvre du béton et un défaut de maîtrise d »uvre compte tenu du fait que les armatures sont trop proches de la surface de la coque et que l’enrobage minimum pour ce type d’ouvrage n’est pas respecté. La minceur de l’enduit et son insuffisance par rapport aux recommandations du fabriquant est relevée par l’expert.

Il résulte de ces rapports que les désordres ayant donné lieu au présent litige sont consécutifs aux conditions d’application de l’enduit d’enrobage du bassin de la piscine. Il est admis que la mise en ‘uvre de cet enduit a été faite par la société EGB. La nature décennale de ces désordres a conduit à retenir la responsabilité de cette société et celle du maître d »uvre.

En premier lieu, il n’est pas contestable que la mission confiée au BET [H] en cette qualité de maître d »uvre englobait bien la phase d’exécution des travaux. En effet, la mission contenue par le premier acte s’applique particulièrement aux travaux de ferraillage à accomplir et à la structure en béton armé pour la villa et la piscine.

Ensuite, s’agissant de la deuxième convention relative au contenu de la mission de maîtrise d »uvre, est également prévue la direction de l’exécution des travaux et notamment, le fait de s’assurer que cette exécution est conforme aux « diverses normes et réglementations techniques en vigueur ». Ainsi, les termes de cette convention ne limitent pas la mission du maître d »uvre, au stade de l’exécution, à une simple coordination des travaux, mais également au contrôle des conditions de leur réalisation dont la mise en ‘uvre des enduits faisait alors nécessairement partie.

Il est certain qu’une telle mission n’implique pas la présence constante du maître d »uvre sur le chantier et ne lui confère pas un pouvoir de direction sur l’entreprise réalisatrice. Cependant, au vu des termes de sa mission, il appartenait au BET de constater le manquement commis par la société EGB dans la mise en ‘uvre de l’enduit dès lors qu’il appartient au maître d »uvre de solliciter auprès de l’entrepreneur toutes les informations utiles pour s’assurer de la bonne réalisation des travaux exécutés hors sa présente et de procéder le cas échéant aux investigations techniques nécessaires.

Il est acquis qu’en l’absence de précision dans une condamnation sur les parts de responsabilité, il doit être considéré que celle-ci est présumée faite par « parts viriles » entre les codébiteurs in solidum fautifs. En d’autres termes, en l’espèce, il s’évince de la décision attaquée que les coresponsables sont tenus de contribuer, dans leurs rapports entre eux, à hauteur de 50% du montant total de la condamnation.

Par application des articles 1346 et suivants du Code civil, le débiteur ayant payé est légalement subrogé dans les droits du créancier contre les autres codébiteurs in solidum dans la mesure de la responsabilité de chacun d’eux.

Ainsi en l’espèce, s’agissant d’une responsabilité partagée par moitié, chacun des assureurs est tenu de garantir celui qui procède au paiement à hauteur de la moitié du montant total de la condamnation.

Concernant les désordres affectant les façades : la Cour relève que la condamnation in solidum des assureurs est intervenue pour l’ensemble des désordres. Toutefois, deux catégories de désordres ont été identifiés : des désordres de nature décennale affectant la piscine (et le préjudice de jouissance consécutif) et des désordres de nature intermédiaire affectant la façade du bâtiment. Comme indiqué ci-avant, les rapports précités permettent de caractériser une faute du BET dans la survenance des désordres affectant la piscine, de sorte qu’il est justifié de retenir une condamnation in solidum des deux assureurs en la cause. Le jugement contesté est confirmé en ce sens. S’agissant en revanche des désordres affectant la façade (mur extérieur longeant l’escalier), ils sont mentionnés tant dans le rapport de la société ELEX que dans celui de la société IXI en tant que fissure qui, malgré le traitement, évolue dans le temps.

Le rapport IXI indique qu’il « s’agit d’une fissuration qui se produit au droit d’un joint de dilatation qui aurait dû être aménagé lors de la construction du bâtiment et revêtu d’une baguette ou traité à la truelle afin d’éviter une fissuration périphérique au joint ».

Ce désordre qualifié d’intermédiaire, qui relève manifestement d’un défaut d’exécution de l’entrepreneur, n’emporte pas application de la garantie du maître d »uvre au titre de la présomption de responsabilité édictée par l’article 1792 du Code civil ; s’agissant d’une faute strictement imputable à la société EGB, celle-ci devra garantir et relever BET [H] pour l’intégralité de la condamnation prononcée au titre de ces désordres de nature intermédiaire.

Il en résulte que sur ce poste de condamnation (dommages intermédiaires), la MAF est fondée à solliciter d’être garantie par la SMA pour l’ensemble du montant du préjudice. Le jugement du Tribunal de grande instance de NICE sera infirmé sur ce point.

Sur la demande subsidiaire :

La MAF demande qu’il soit dit qu’elle n’est susceptible de garantir le BET [H] que pour les garanties obligatoires. Elle explique en effet que le contrat d’assurance du BET [H] est résilié depuis le 31 décembre 2013 ; qu’elle ne peut donc pas garantir les désordres de nature intermédiaire.

En effet, selon le rapport d’expertise de la société ELEX, les désordres affectant la piscine et le bac de récupération étaient de nature décennale, qualification retenue par le premier juge. Le coût de reprise a été évalué à 30.696€, soit 25.872€ au titre de la piscine et 4.824€ au titre du bac de récupération.

Comme indiqué ci-avant, les désordres affectant le mur extérieur ont été qualifiés de désordres de nature intermédiaire. Leur coût de reprise a été fixé à 3.468€.

Le premier juge a prononcé une condamnation in solidum des responsables au titre de l’ensemble de ces dommages.

Si la MAF soutient qu’en l’état de la résiliation du contrat d’assurance du BET [H], elle n’a pas à garantir les désordres intermédiaires et que selon les conditions du contrat, s’agissant de tels désordres, elle n’a pas à couvrir les dommages déclarés postérieurement à la date de validité du contrat, elle ne justifie cependant pas de la résiliation du contrat de la société BET [H] dans des conditions susceptibles d’exclure la garantie pour les désordres de nature intermédiaire.

Par ailleurs, cette demande de la MAF est de nature à priver partiellement les époux [T] d’un de leurs débiteurs reconnus par la décision du Tribunal de grande instance de NICE alors qu’ils ne sont pas dans la cause.

En tout état de cause, il résulte de la solution apportée à la question de la condamnation in solidum que la MAF doit être relevée et garantie par la SMA SA pour les sommes allouées au titre de ces dommages intermédiaires.

Il convient en conséquence de la débouter de ce chef de prétention.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de la solution du litige, la MAF prospérant partiellement en ses demandes, il convient de condamner la SMA SA à lui payer une somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société SMA SA sera en outre condamnée au entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de NICE en date du 6 mai 2019, sauf en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande présentée par la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS en vue d’être relevée et garantie par la société SMA SA pour les dommages intermédiaires ;

Statuant à nouveau,

Rappelle que s’agissant d’une part de responsabilité à hauteur de la moitié pour chaque codébiteur, chacun des codébiteurs est tenu de garantir celui ayant payé la dette à hauteur de la moitié du montant total de la condamnation prononcée au titre des désordres de nature décennale ;

Dit que la SMA SA, assureur de la société EGB, devra entièrement relever et garantir la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS au titre de la condamnation prononcée pour les désordres intermédiaires à hauteur de 3.468€ ;

Rejette le surplus des demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société SMA SA à payer à la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société SMA SA aux entiers dépens de l’instance.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


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