Aux termes de l’article L. 621-2, alinéa 2 du code de commerce, à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure de sauvegarde ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
L’article L.641-1 du code de commerce prévoit que ces dispositions sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire.
Il résulte de l’interprétation de ces dispositions par la Cour de cassation, que les juges du fond, pour caractériser des relations anormales constitutives d’une confusion des patrimoines, n’ont pas à rechercher si ces relations anormales ont augmenté le passif à la procédure collective dont l’extension est demandée (Com. 16 juin 2015 n°14-10.187).
Il n’est pas non plus nécessaire de démontrer que les relations financières anormales aient appauvri la société débitrice soumise à la procédure collective dont l’extension est demandée (Com. 2 décembre 2016 n°15-13.006). Il importe dès lors peu que les relations anormales invoquées n’aient pas porté atteinte aux intérêts de la SCP d’huissiers de justice qui s’est au contraire enrichie au détriment de la société civile immobilière.
Le demandeur à l’action en extension doit rapporter la preuve de l’existence de relations financières anormales entre les deux sociétés, à savoir :
D’un mélange patrimonial avec transfert d’actif ou de passif d’un patrimoine à l’autre,
D’un déséquilibre patrimonial significatif, tenant à une absence de contrepartie,
du caractère anormal et systématique des relations financières, soit parce que ces relations ne peuvent se rattacher à aucune obligation juridique, soit au fait que ces relations soient dépourvues d’intérêt pour l’appauvri.
Il est également nécessaire de caractériser une volonté systématique portant sur des relations financières anormales.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02955 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I6ID
AV
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON
29 août 2023
RG:23/00599
[C]
C/
[K]
[U]
S.E.L.A.R.L. [T] LES MANDATAIRES
S.C.P. [K] ET [U]
S.C.I. EVER WREST
AucuneMINISTERE PUBLIC
Société LA CHAMBRE REGIONALE DES COMMISSAIRES DE JUSTICE
Grosse délivrée
le 12 JANVIER 2024
à Me Georges POMIES RICHAUD
Me Philippe PERICCHI Me Emmanuelle VAJOU
Me Priscilla COQUELLE
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 12 JANVIER 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AVIGNON en date du 29 Août 2023, N°23/00599
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Décembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Maître [F] [C], Commissaire de Justice, agissant tant en sa qualité d’associée qu’en sa qualité de co-gérante de la SCI EVER WREST,
né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 19] (13)
[Adresse 7]
[Localité 14]
Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Alexandre GASPOZ, Plaidant, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS :
Maître [A] [K] commissaire de justice, pris tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’associé de la SCP [K] ET [U] et d’associé de la SCI EVER WREST,
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 20]
[Adresse 13]
[Localité 15]
Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Hervé BOULARD de la SCP SCP PETIT-BOULARD-VERGER, Plaidant, avocat au barreau de NICE
Maître [Z] [S] [U]
assigné à domicile
né le [Date naissance 2] 2023 à [Localité 18]
[Adresse 9]
[Localité 4]
S.E.L.A.R.L. [T] LES MANDATAIRES Représentée par Maître [N] [I] [T] agissant tant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [K] [U] qu’en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI EVER WREST suite à la procédure d’extension, domicilié ès qualités,
[Adresse 10]
[Localité 21]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Eric AGNETTI, Plaidant, avocat au barreau de NICE
S.C.P. [K] ET [U] prise en la personne de la SELARL [X] ET ASSOCIES agissant par Maître [W] [X] Mandataire Judiciaire Ad’hoc par Ordonnance Présidentielle du Tribunal Judiciaire de NICE du 27/07/2022 pour exercer les droits propres de ladite SCP d’Huissiers ladite SELARL [X] ET ASSOCIES ayant son siege sis [Adresse 11] à [Localité 21].
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 21]
Représentée par Me Priscilla COQUELLE de COQUELLE AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Thibault POZZO DI BORGO de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NICE
S.C.I. EVER WREST société civile immobilière au capital de 780 euros, inscrite
au RCS de NICE sous le n° D 444 919 930, représentée par Monsieur [A] [K] et Madame [F] [C], co-gérants, domiciliés au siège social est [Adresse 6] à [Localité 21] et sis
[Adresse 12]
[Localité 21]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Hervé BOULARD de la SCP SCP PETIT-BOULARD-VERGER, Plaidant, avocat au barreau de NICE
AucuneMINISTERE PUBLIC Représenté devant la Cour d’Appel de NIMES par Madame le Procureur Général domiciliée en son Parquet
Palais de Justice
[Adresse 17]
[Localité 8]
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMMISSAIRES DE JUSTICE agissant par son Président actuellement en exercice Maître [M] [L] domicilié es-qualité au siège de la Chambre Régionale sis
assignée à étude d’huissier
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 5]
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 30 Novembre 2023
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Janvier 2024,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 15 septembre 2023 par Me [F] [C] à l’encontre du jugement prononcé le 29 août 2023 par le tribunal judiciaire d’Avignon, dans l’instance n°23/00599.
Vu l’avis du 22 septembre 2023 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 7 décembre 2023,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 16 octobre 2023 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 novembre 2023 par Maître [A] [K] et la S.C.I. Ever Wrest, intimés et appelants à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 15 novembre 2023 par la S.E.L.A.R.L. [T] Les Mandataires, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 octobre 2023 par la S.C.P. [K] et [U], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu la signification de la déclaration d’appel à bref délai, à la requête de Maître [F] [C], délivrée le 28 septembre 2023 à la Chambre régionale des Commissaires de justice, par acte laissé en l’étude du commissaire de justice,
Vu la signification de la déclaration d’appel à bref délai à la requête de Maître [F] [C], délivrée le 23 septembre 2023 à Maître [Z] [U], par acte laissé à une personne qui s’est déclarée habilitée à le recevoir pour son destinataire,
Vu les significations de conclusions à la requête de Maître [F] [C] de la S.C.P. [K] et [U], délivrées respectivement les 30 octobre et 8 novembre 2023 à la Chambre régionale des Commissaires de justice, par actes laissés à une personne qui s’est déclarée habilitée à les recevoir pour son destinataire,
Vu les significations de conclusions à la requête de Maître [F] [C] et de la S.C.P. [K] et [U] , délivrées respectivement les 3 novembre et 8 novembre 2023 à Maître [Z] [U], par actes laissés en la personne du destinataire,
Vu la signification de conclusions et avis de fixation avec assignation à la requête de la S.E.L.A.R.L. [T] ‘Les Mandataires’, délivrée le 22 novembre 2023 à la Chambre régionale des commissaires de justice, par acte laissé à son représentant légal,
Vu la signification de conclusions et avis de fixation avec assignation à la requête de la S.E.L.A.R.L. [T] ‘Les Mandataires’, délivrée le 22 novembre 2023 à Maître [Z] [U], par acte laissé en l’étude du commissaire de justice,
Vu la signification de conclusions d’intimé et d’assignation à comparaître, à la requête de Maître [A] [K] et la S.C.I. Ever Wrest, délivrée le 27 novembre 2023 à la Chambre régionale des commissaires de justice, par acte laissé à son représentant légal,
Vu la signification de conclusions d’intimé et d’assignation à comparaître, à la requête de Maître [A] [K] et la S.C.I. Ever Wrest, délivrée le 28 novembre 2023 à Maître [Z] [U], par acte remis à sa personne,
Vu la communication de la procédure au Ministère public le 17 novembre 2023,
Vu les conclusions écrites du 22 novembre 2023 du Ministère Public, notifiées aux parties le même jour,
Vu l’ordonnance du 22 septembre 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 30 novembre 2023,
La société civile professionnelle (SCP) [K] & [U] est titulaire d’un office d’huissiers de justice à Nice. Ses associés sont Maître [A] [K] qui détient 45 parts en capital et Maître [Z] [U] qui détient 5 parts en capital.
L’activité de la SCP d’huissiers de justice est exercée principalement dans des locaux situés [Adresse 6] à [Localité 21] (06) qui constituent son siège social. Ces locaux sont la propriété de la SCI Ever Wrest ayant pour associés, lors de sa constitution, Maître [A] [K], Madame [F] [C] et Monsieur [J] [C].
Maître [A] [K] et Maître [F] [C], également huissier de justice mais au sein d’une autre étude que celle concernée, sont les gérants de la SCI Ever Wrest.
Par jugement disciplinaire du 5 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nice a :
-condamné Maître [Z] [U] à une interdiction temporaire d’exercer d’une durée de 6 mois;
-condamné Maître [A] [K] à une interdiction temporaire d’exercer de 3 ans.
Par ordonnance du 12 août 2021, Me [E] [Y] a été désignée en qualité d’administrateur provisoire de la SCP [K] & [U].
Par ordonnance du 17 novembre 2022, Me Thierry Martinez, président de la chambre régionale des huissiers de justice a été désigné en qualité d’administrateur provisoire en remplacement de Me [E] [Y].
Par jugement du 25 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nice a ouvert, à la demande du Procureur de la République, une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SCP [K] & [U], a fixé la date de cessation des paiements au 28 octobre 2021 et a désigné Maître [V] [T], associée de la SELARL [T] ‘Les Mandataires’, en qualité de liquidateur judiciaire.
Le retrait de Me [U] en qualité d’associé gérant ayant été voté à l’unanimité, lors de l’assemblée générale des associés de la SCP d’huissiers de justice du 5 juillet 2021, sans que les formalités n’aient abouti, et Me [K] étant empêché du fait de l’interdiction d’exercer, le mandataire liquidateur a sollicité la désignation d’un mandataire ad’hoc afin de représenter la SCP d’huissiers de justice.
Par ordonnance du 27 juillet 2022, le président du tribunal judiciaire de Nice a désigné la SELARL [X] et Associés, prise en la personne de Maître [W] [X], en qualité de mandataire ad’hoc de la SCP d’huissiers de justice, aux fins d’assurer la représentation de cette dernière au cours des opérations de liquidation judiciaire et notamment celles visant à voir réaliser les éléments d’actifs inscrits dans le périmètre de la procédure collective mais également dans tous les contentieux pendant et ceux susceptibles d’être initiés à l’encontre de la société placée en liquidation judiciaire.
Par jugement du 16 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Nice a reporté la date de cessation des paiements au 25 octobre 2020.
Le 1er février 2023, Maître [A] [K] a relevé appel de cette décision. L’affaire a été évoquée à l’audience de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 novembre 2023 et est en cours de délibéré.
Par ordonnance du 6 février 2023, le juge commissaire à la procédure collective de la SCP d’huissier de justice a autorisé la cession du droit de plaque pour un montant de 201 000 euros. Le Procureur de la République a interjeté appel de cette décision. L’affaire a été évoquée à l’audience de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 novembre 2023 et est en cours de délibéré.
Par exploits des 23 juin et 1er juillet 2022, la SELARL [T] Les Mandataires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U], a fait assigner cette dernière et la SCI Ever Wrest devant le tribunal judiciaire de Nice aux fins de voir prononcer l’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SCP [K] & [U] à l’encontre de la SCI Ever Wrest et voir ordonner la réunion des masses actives et passives avec unicité d’organes de la procédure, la SELARL [T], représentée par Maître [I] [T], étant maintenue ès qualités de liquidateur judiciaire.
Maître [F] [C], associée de la SCI Ever Wrest, est intervenue volontairement à l’instance et a notamment demandé à titre liminaire le dépaysement de cette demande d’extension de la procédure de liquidation judiciaire. Maître [A] [K] est également intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement du 16 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Nice a fait droit à la demande de Maître [C] et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire d’Avignon.
Par jugement du 29 août 2023, le tribunal judiciaire d’Avignon a :
-déclaré recevables les interventions volontaires de Madame [F] [C] et de Monsieur [A] [K]
-déclaré recevable la demande de Maître-[I] [T] agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SCP [K] et [U], aux fins d’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SCP [K] et [U] à la SCI Ever Wrest;
-prononcé l’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SCP [K] et [U] à la SCI Ever Wrest;
-ordonné la réunion des masses active et passive avec unicité d’organes de la procédure, la SELARL [T] étant maintenue es qualité de liquidateur;
-débouté la SCI Ever Wrest, Monsieur [A] [K] et Madame [F] [C] de l’ensemble de leurs demandes;
-rappelé que le jugement est exécutoire par provision;
-dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective;
-dit que, conformément à l’article L. 621-2 du code de commerce, l’entier dossier de la procédure sera transmis au tribunal judiciaire de Nice, déjà saisi de la procédure collective de liquidation judiciaire de la SCP [K] et [U].
Le 15 septembre 2023, Maître [F] [C] a interjeté appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions, à l’exception de ce qu’il a déclaré recevables son intervention volontaire ainsi que celle de Monsieur [A] [K].
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa des articles L. 621-2 et L. 641-1 du code de commerce, des articles 1857 et 1860 du code civil, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
-Infirmer le jugement n°23/00060 rendu le 29 août 2023 par le tribunal judiciaire d’Avignon en ce qu’il a :
déclaré recevable la demande de Maître-[I] [T] agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SCP [K] et [U], aux fins d’extension de la procédure de liqudiation judiciaire de la SCP [K] et [U] à la SCI Ever Wrest;
prononcé l’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SCP [K] et [U] à la SCI Ever Wrest;
ordonné la réunion des masses active et passive avec unicité d’organes de la procédure, la SELARL [T] étant maintenue es qualité de liquidateur;
débouté Monsieur [A] [K] et Madame [F] [C] de l’ensemble de leurs demandes;
prononcé l’exécution provisoire de la décision;
jugé que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective;
Statuant de nouveau,
A titre principal,
-Juger qu’il n’y a pas de confusion des patrimoines entre la SCP [K] & [U] et la SCI Ever Wrest;
-Juger que la SCI Ever Wrest n’a nullement renoncé à la perception des loyers à l’encontre de la SCP [K] & [U];
-Juger qu’une proposition de règlement du passif a été présentée par Maître [A] [K] tenu personnellement aux dettes sociales;
-Juger que l’action en extension intentée par la SELARL [T] Les Mandataires est déloyale;
-Juger encore que l’action en extension intentée par la SELARL [T] ‘Les Mandataires’ est prématurée;
En conséquence,
-Juger mal fondée l’action en extension intentée par la SELARL [T] ‘Les Mandataires’;
-Juger que le liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U] ne dispose plus d’un intérêt à agir contre la SCI Ever Wrest;
-Débouter la SELARL [T] ‘Les Mandataires’, de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et plus particulièrement de sa demande d’extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SCP [K] & [U] à l’encontre de la SCI Ever Wrest;
A titre subsidiaire,
-Ordonner le sursis à statuer sur les demandes de la SELARL [T] ‘Les Mandataires’, dans l’attente de l’admission du passif définitif et de la vente définitive de la fonction d’Huissier de Justice dont est titulaire la SCP [K] & [U];
En toutes hypothèses,
-Condamner la SELARL [T] ‘Les Mandataires’, au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’appel avec distraction au profit de Maître Georges Pomies-Richaud, conformément aux termes de l’article 699 du code de procédure civile;
-Juger que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la décision et jusqu’à parfait règlement.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir qu’il n’existe pas de confusion des comptes puisque la SCI Ever Wrest dispose d’un patrimoine distinct et clairement identifié de celui de la SCP d’huissiers de justice; ainsi, la confusion des comptes ne peut être un critère utilisé pour caractériser la confusion des patrimoines; la simple absence de règlement des loyers par la SCP [K] & [U] envers la SCI Ever Wrest ne peut caractériser l’existence de relations financières anormales; en outre, aucun loyer n’a été réglé en 2020 en raison des difficultés financières liées à la pandémie de Covid; de plus, à la suite du placement sous administration provisoire de la SCP d’huissiers de justice, l’administratrice n’a pas été en mesure de permettre la reprise normale et la poursuite d’activité de cette société qui a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire; la SCI Ever Wrest a effectivement réclamé les loyers impayés puisqu’elle a déclaré le 12 juillet 2022 sa créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la SCP d’huissiers de justice ; de plus, la SCI Ever Wrest a le 11 juillet 2022 mis en demeure sa débitrice d’avoir à procéder au règlement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective; cette mise en demeure étant restée sans effet, la SCI Ever Wrest a introduit une requête afin de voir constater la résiliation de plein droit du bail professionnel consenti le 20 décembre 2017; ainsi, par ordonnance du 10 novembre 2022, le juge commissaire a constaté une telle résiliation; dans l’hypothèse où la créance de la SCI Ever Wrest serait admise à la liquidation judiciaire de la SCP d’huissiers de justice et qu’il serait acté l’extension de la liquidation judiciaire à la SCI Ever Wrest, cela impliquerait de manière contradictoire que cette dernière soit à la fois créancière et débitrice de sa propre créance, démontrant l’existence d’une réelle distinction entre les deux sociétés ; le mandataire liquidateur a agi de manière déloyale en refusant d’examiner la proposition de comblement du passif de Maître [A] [K], tout en maintenant sa demande d’extension de la procédure de liquidation judiciaire à la SCI Ever Wrest; ce caractère déloyal est renforcé par le fait qu’une assignation en responsabilité pour insuffisance d’actifs a été signifiée à Maître [K]; ainsi, tous ces éléments ne justifient pas le maintien de la demande d’extension de la procédure en liquidation judiciaire; la demande en extension présentée par le mandataire liquidateur est prématurée en raison notamment de l’incertitude du passif puisque certaines créances ont été contestées par la SCP [K] & [U] ; en outre, cette dernière est créancière de certaines sommes d’argent non recouvrées, ce qui permettrait de combler une grande partie du passif.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, Maître [A] [K] et la SCI Ever Wrest, intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 548 et suivants du code de procédure civile, du jugement de première instance, de l’article L. 621-2 du code de commerce, de :
-les Recevoir en leur appel incident et les y déclarer recevables et bien fondés
-Infirmer le jugement n°23/00060 rendu le 29 août 2023 par le tribunal judiciaire de d’Avignon en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau,
-Débouter la SELARL [T], es qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U], de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et plus particulièrement de sa demande d’extension de la procédure de liquidation de la SCP [K] & [U] à l’encontre de la SCI Ever Wrest, et l’y déclarer mal fondée;
-Juger qu’il n’y a pas de confusion des patrimoines entre la SCP [K] & [U] et la SCI Ever Wrest;
-Constater qu’une proposition de règlement du passif a été présentée par Maître [A] [K], associé et gérant de la SCP [K] & [U] tenu personnellement aux dettes sociales;
-Juger que l’action de la SELARL [T], es qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U], est déloyale et prématurée et que le montant de l’insuffisance d’actif de la procédure collective de la SCP [K] & [U] est indéterminé et indéterminable à ce jour;
-Juger, par conséquent, que le liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U] ne dispose pas d’un intérêt à agir contre la SCI Ever Wrest,
-Condamner la SELARL [T] es qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U] au paiement de la somme de 1 500 euros envers la SCI Ever Wrest et envers Monsieur [A] [K] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamner la SELARL [T] es qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [K] & [U] aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir que la demande d’extension de liquidation judiciaire n’est pas fondée en ce qu’il n’est démontré ni la confusion des comptes entre la SCP d’huissiers de justice et la société Ever Wrest, ni l’existence de relations financières anormales; en effet, la société Ever Wrest dispose d’un patrimoine distinct clairement identifié de celui de la SCP d’huissiers de justice ; de plus, la société Ever Wrest n’a pas entendu renoncer à sa créance de loyers et l’a déclarée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SCP d’huissiers de justice ; également, la société Ever Wrest a mis en demeure le liquidateur judiciaire d’avoir à procéder au règlement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective; enfin, l’argument tiré de l’existence d’un passif qui serait d’un montant élevé, alors même que la procédure de vérification du dit passif vient de débuter, est inopérant ; la procédure initiée par le mandataire liquidateur est déloyale puisque s’agissant d’une société civile professionnelle, Maître [A] [K], pris en qualité d’associé et de gérant, est responsable indéfiniment de l’ensemble des dettes sociales sur son patrimoine personnel ; ainsi, dès lors que Maître [A] [K] a proposé au liquidateur judiciaire de procéder au règlement du passif de la SCP d’huissiers de justice, cette proposition doit être examinée en priorité et le liquidateur judiciaire est dépourvu d’intérêt à agir à l’encontre de la SCI Ever Wrest; or, le mandataire liquidateur a entendu ignorer cette proposition de règlement, préférant poursuivre de manière déloyale la procédure en extension de liquidation, voire entraver la vente du bien de la SCI Ever Wrest au prix fort, ce qui est contraire à l’intérêt des créanciers, et ce alors même qu’il n’avait aucune qualité pour s’opposer à la vente; la procédure en extension est prématurée, en ce que le montant du passif définitif admis n’est pas encore connu, ni fixé, la procédure de vérification du passif venant de commencer et les contestations de créances étant en cours; de plus, le prix de la vente du droit de plaque d’un montant de 201 000 euros devra être pris en considération dans l’appréciation du montant de l’insuffisance d’actif de la SCP d’huissiers de justice, une fois le passif vérifié.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la SELARL [T] ‘Les Mandataires’, intimée, demande à la cour de :
-Confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions
-Débouter Maître [F] [C] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires
-Débouter la SCI Ever Wrest et Monsieur [H] [K] de toutes leurs demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, dont leur appel incident
-Condamner Maître [F] [C] à payer à la SELARL [T] ‘Les Mandataires’ la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait observer qu’il existe des conventions superposées, non enregistrées et se contredisant entre la SCP d’huissiers de justice et la SCI ; le contrat de prêt à usage du 15 novembre 2017, qui aurait prétendument commencé à courir le 1er décembre 2017, pour une durée de quatre ans, ne mentionne nullement l’existence d’un bail professionnel ; le contrat de bail professionnel du 20 décembre 2017 porte une mention manuscrite de sa mise à jour au 20 décembre 2019 ; ainsi, cette opacité permet de fonder l’extension de la procédure collective ; la confusion des patrimoines de la SCP d’huissiers de justice et de la société Ever Wrest est caractérisée en ce que la mise à disposition des locaux par cette dernière au bénéfice de la première ne comprend pas de contrepartie financière, ce qui caractérise une anormalité dans leurs relations financières; les décisions de la Cour de cassation invoquées par Madame [C] ne présentent pas des faits identiques à ceux de l’espèce, de sorte qu’elles ne peuvent venir au soutien des prétentions de l’appelante; la demande d’extension n’est pas prématurée puisque le passif a été parfaitement justifié et qu’il ressort de l’état des créances actualisé au jour des écritures qu’il s’élève à la somme de 744 657,70 euros; en outre, l’objectif de la SCI Ever Wrest de procéder à la cession volontaire de son bien immobilier ne saurait constituer un argument susceptible de faire échec à l’action en extension ; enfin, aucun plan ne saurait être arrêté en liquidation judiciaire, en l’absence de toute autorisation de poursuite d’activité ; seule une cession isolée d’actifs peut être autorisée par le juge commissaire ; le passif ne saurait être couvert par le produit de réalisation des actifs, eu égard aux écarts relevés entre le passif déclaré et le montant prévisionnel du prix de cession du seul actif inscrit à ce jour dans le périmètre de la liquidation judiciaire, à savoir le droit de plaque; la SCI Ever Wrest est débitrice des loyers non réglés pendant la période de crise sanitaire mais également de ceux portant sur les exercices 2018 et 2019, selon sa propre déclaration de créance; ainsi, l’argument de cette société selon lequel le seul retard de loyers comptabilisé porterait sur l’année 2020 est inopérant; en toute hypothèse, le prétexte de la période de Covid-19 ne saurait exonérer de sa responsabilité la SCI Ever Wrest puisque les dispositions dérogatoires applicables sur la période de crise sanitaire imposaient simplement au bailleur de ne pas délivrer de commandement de payer; une SCI bailleresse est tenue de tirer toutes conséquences utiles de la défaillance de sa locataire; dès lors, le silence de la société Ever Wrest, comme son inaction pour tenter de recouvrer ses droits, traduit une relation manifestement anormale; la seule déclaration de créances régularisée par la SCI Ever Wrest ne saurait l’exonérer des obligations pesant sur elle antérieurement à l’ouverture de la procédure collective pour le recouvrement de ce qui lui était dû; la déclaration de créance n’est d’ailleurs intervenue que dans le fil de l’assignation en extension qui lui a été délivrée et quelques jours avant l’expiration du délai de deux mois suivant la publication du jugement de liquidation judiciaire ; la démarche prétendument spontanée de Maître [K] auprès de Maître [T] pour proposer de payer l’insuffisance d’actif de la procédure collective n’est également que la conséquence de l’action en extension. Le débat concernant la restitution des locaux est désormais clos puisque, par ordonnance du 10 novembre 2022, le juge commissaire a fait droit à la constatation de la résiliation de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers depuis l’ouverture de la procédure collective.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la S.C.P [K] et [U], intimée, représentée par la SELARL [X] & Associés, es-qualités de mandataire ad’hoc, demande à la cour, au visa des articles L. 621-2 et L. 641-1 du code de commerce, de :
-Infirmer le jugement du 29 août 2023 du tribunal judiciaire d’Avignon;
-Juger la SELARL [X] et Associés es qualité de mandataire ad’hoc de la SCP [K] et [U] recevable et fondée en ses demandes;
-Donner acte et au besoin juger que la SELARL [X] et Associés es qualité de mandataire ad’hoc de la SCP [K] [U] s’en rapporte à justice sur les mérites de l’appel formé par Madame [F] [C] à l’encontre du jugement du tribunal judiciaire d’Avignon du 29 août 2023;
-Donner acte et au besoin juger que la SELARL [X] & Associés es qualité de mandataire ad’hoc de la SCP [K] [U] s’en rapporte à justice sur la demande formée par la SELARL [T] Les Mandataires, es qualité de liquidateur judiciaire de la SCP [K] [U], en extension de la procédure de liquidation de la SCP [K] [U] à la SCI Ever Wrest;
-Statuer ce que de droit sur les dépens
Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait valoir que, pour que l’extension de procédure collective soit prononcée, il est nécessaire de constituer un faisceau d’indices tels que la confusion des comptes, les flux financiers anormaux ou les relations financières anormales; en l’espèce, le liquidateur judiciaire formule pour grief essentiel l’absence de paiement des loyers par la SCP d’huissiers de justice au profit de la SCI Ever Wrest; il appartiendra à la cour de constater dans un premier temps que les associés des deux sociétés ne sont pas les mêmes et que l’absence de paiement de loyers alléguée est intervenue en période de crise sanitaire au cours de laquelle les bailleurs étaient encouragés à soutenir leurs locataires; dans un second temps, la cour devra juger si les indices soumis par le liquidateur judiciaire caractérisent l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, si les éléments retenus procèdent d’une volonté systématique et s’ils ont porté atteinte aux intérêts de la SCP d’huissiers de justice ; il appartiendra à la cour de juger de l’opportunité de cette procédure en extension dès lors que celle-ci a pour effet de bloquer la cession des actifs de la SCI Ever Wrest dont Monsieur [K] est associé et, alors même que la SCI Ever Wrest souhaite cette cession; en effet, Monsieur [K] a indiqué au liquidateur judiciaire de la SCP [K] et [U] qu’il entendait affecter sa quote-part au règlement du passif de cette dernière dont il est indéfiniment responsable sur son patrimoine propre.
Par conclusions du 22 novembre 2023, notifiées aux parties le même jour, le Ministère public indique qu’il ‘conclut à la confirmation par la Cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges’.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur la demande de sursis à statuer
Maître [C] demande à la cour de surseoir à statuer sur les demandes du mandataire liquidateur, dans l’attente de l’admission du passif définitif et de la vente définitive de la fonction d’huissier de justice dont est titulaire la société civile professionnelle d’huissiers de justice en liquidation judiciaire.
L’état des créances actualisé au 22 mai 2023 fait ressortir un passif déclaré de 677 457,70 euros.
Maître [C] fait valoir que le passif est contesté à hauteur de 516 075,91 euros et qu’il a été déclaré, à titre provisionnel, pour 2 882 euros si bien qu’actuellement, le passif admis ne s’élève qu’à la somme de 225 699,79 euros.
La société civile immobilière et Me [K] font observer que les créances déclarées au passif sont en grande partie contestées tant par le mandataire ad hoc de la société civile professionnelle que par le mandataire liquidateur.
Il ressort des observations fournies par le mandataire liquidateur, lors de l’audience du 9 octobre 2023, qu’il a sollicité le rejet de la créance de la société BNP Paribas Lease Group pour 9 288 euros et qu’en ce qui concerne les créances contestées des sociétés Carco, Générali Contentieux, Huissiers de justice associés, Quadient France, [O] et Associés et de Me [Y], il a demandé le renvoi de l’affaire afin de relancer les créanciers. Enfin, il a demandé la constatation d’une instance en cours devant le tribunal judiciaire de Nice, s’agissant de la somme de 22 893 euros déclarée par la chambre régionale des huissiers de justice. S’agissant des autres créances contestées par le débiteur, il n’est pas établi que le mandataire liquidateur ait conclu à leur rejet devant le juge commissaire.
L’audience du juge commissaire prévue initialement le 9 octobre 2023 a été renvoyée au 11 décembre 2023 si bien qu’il n’a pas encore été statué sur les créances contestées. De plus, les décisions qui seront rendues par le juge commissaire, à l’issue de l’audience du 11 décembre 2023, seront susceptibles d’appel de sorte qu’il n’est aucunement certain que le passif de la société civile professionnelle soit arrêté, de manière définitive, dans un avenir proche.
La cour d’appel d’Aix en Provence ne s’est pas prononcée, à ce jour, sur le recours interjeté par le Ministère Public à l’encontre de l’ordonnance du 6 février 2023 autorisant la cession du droit de plaque.
Le recouvrement des créances de la société civile professionnelle sur ses débiteurs est soumis à un fort aléa.
Eu égard à l’importance du passif déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société civile professionnelle et au fait que, même à supposer à l’issue d’une procédure longue et au résultat incertain, il ne soit définitivement admis que pour le montant non contesté de 225 699,79 euros, il restera encore supérieur au prix de cession du droit de plaque de 201 000 euros.
Dans ces circonstances, il n’apparaît pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer sur la demande d’extension de la procédure de liquidation judiciaire. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté cette prétention qui aurait abouti à retarder inutilement l’issue de la présente instance.
2) Sur la recevabilité de l’action
La société civile immobilière et Maître [K] font valoir que l’adoption d’un plan de cession totale de l’entreprise fait obstacle à l’extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective du débiteur (Com. 5 avril 2016, n°14-19869). Tel n’est pas le cas en l’espèce, le tribunal n’ayant pas autorisé la société civile professionnelle d’huissiers de justice à poursuivre temporairement son activité en vue de la cession de l’entreprise. Ainsi, l’action engagée par le mandataire liquidateur est recevable dès lors qu’elle a été introduite avant la clôture de la liquidation judiciaire de la société civile professionnelle d’huissiers de justice.
En dépit des deux mandats de vente au prix de 480 000 euros nets vendeur donnés les 7 octobre 2021 et 13 mai 2022 à des agences immobilières, le bien immobilier de la société civile immobilière n’avait toujours pas trouvé preneur lorsque le tribunal judiciaire d’Avignon a prononcé l’extension de la procédure de liquidation judiciaire, par le jugement critiqué du 29 août 2023.
Dans son courriel du 8 août 2022, le mandataire liquidateur a fait savoir au conseil de la société civile immobilière, que les visites en vue de la vente de l’immeuble de la société civile immobilière nécessitaient un contrôle des organes de la procédure dans la mesure où les matériels et mobiliers appartenant à la société civile professionnelle se trouvaient encore sur place et qu’il était nécessaire de définir un calendrier à l’avance. S’agissant de la réunion d’expertise, suite au dégât des eaux survenu au sein des locaux de la société civile professionnelle, le mandataire liquidateur a indiqué que les clés du local ne lui ayant pas été restituées, il n’était pas en mesure d’en permettre l’accès au plombier.
L’obstruction intentionnelle faite par la société [T] Les mandataires à la vente des locaux de la société civile immobilière n’est ainsi pas caractérisée.
Maître [K] a proposé, dans un courrier du 7 septembre 2022, de régler, sur ses deniers personnels disponibles, sans attendre de percevoir sa quote-part du prix de vente du bien propriété de la société civile immobilière, le solde du passif, une fois celui-ci vérifié, admis de manière définitive et après réalisation des actifs de la société civile professionnelle.
Toutefois, l’offre de Me [K] fait suite à la demande d’extension à la société civile immobilière de la liquidation judiciaire de la société civile professionnelle, formée par le mandataire liquidateur, et traduit la volonté du gérant et associé de la société civile immobilière de pouvoir disposer librement du bien immobilier dont elle est propriétaire. Il n’est donc pas certain que cette proposition financière d’un montant indéterminée qui ne contient aucune date précise d’exécution soit suivie d’effet.
Par ailleurs, si la saisie des parts sociales d’associé de Me [K] au sein de la société civile immobilière a été effectuée par le mandataire liquidateur, à titre conservatoire, la conversion en saisie vente suppose l’existence d’un titre exécutoire qui n’a pas encore été obtenu à l’encontre de Me [K]. Il est donc dans l’intérêt des créanciers de la société civile professionnelle que soit prononcée l’extension de la procédure collective à la société civile immobilière qui permettra plus facilement et rapidement de réunir les masses actives et passives des deux sociétés et d’aboutir à ce que le prix de vente du bien immobilier de la société civile immobilière soit affecté au règlement du passif de la société civile professionnelle.
Par conséquence, la SELARL [T], es qualités, a bien intérêt à agir à l’encontre de la société civile immobilière et le caractère prématuré et déloyal de son action n’est pas avéré.
3) Sur le bien fondé de la demande d’extension de procédure
Aux termes de l’article L. 621-2, alinéa 2 du code de commerce, à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure de sauvegarde ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
L’article L.641-1 du code de commerce prévoit que ces dispositions sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire.
Il résulte de l’interprétation de ces dispositions par la Cour de cassation, que les juges du fond, pour caractériser des relations anormales constitutives d’une confusion des patrimoines, n’ont pas à rechercher si ces relations anormales ont augmenté le passif à la procédure collective dont l’extension est demandée (Com. 16 juin 2015 n°14-10.187).
Il n’est pas non plus nécessaire de démontrer que les relations financières anormales aient appauvri la société débitrice soumise à la procédure collective dont l’extension est demandée (Com. 2 décembre 2016 n°15-13.006). Il importe dès lors peu que les relations anormales invoquées n’aient pas porté atteinte aux intérêts de la SCP d’huissiers de justice qui s’est au contraire enrichie au détriment de la société civile immobilière.
Le demandeur à l’action en extension doit rapporter la preuve de l’existence de relations financières anormales entre les deux sociétés, à savoir :
D’un mélange patrimonial avec transfert d’actif ou de passif d’un patrimoine à l’autre,
D’un déséquilibre patrimonial significatif, tenant à une absence de contrepartie,
du caractère anormal et systématique des relations financières, soit parce que ces relations ne peuvent se rattacher à aucune obligation juridique, soit au fait que ces relations soient dépourvues d’intérêt pour l’appauvri.
Il est également nécessaire de caractériser une volonté systématique portant sur des relations financières anormales.
En l’espèce, Maître [C] qui est co-gérante et associée de la société civile immobilière, indique, dans ses écritures, n’avoir jamais eu de réel pouvoir décisionnaire au sein de cette société, l’ensemble des décisions ayant été prises par Maître [K] avec lequel elle était en désaccord. Il s’en suit que la direction de fait de la société civile immobilière était assurée par Maître [K] qui était également le co-gérant et l’associé majoritaire de la SCP d’huissiers de justice.
Le cadre juridique dans lequel les locaux de la société civile immobilière ont été mis à disposition de la SCP d’huissiers de justice à compter du 1er janvier 2018 est pour le moins confus puisqu’ont été communiqués au mandataire liquidateur, à la fois, un contrat de prêt à usage signé le 15 novembre 2017 et un bail signé le 20 décembre 2017 entre les deux sociétés, ces documents étant incompatibles l’un avec l’autre. L’opacité de la situation est renforcée par le courrier du 4 octobre 2021 de la société civile immobilière faisant état de la survenance au 30 novembre 2021 du terme du prêt à usage et de la nécessité de libérer les lieux de toute occupation tandis qu’une mention manuscrite de sa mise à jour a été apposée le 20 décembre 2019 sur le bail professionnel par le gérant de la société civile professionnelle. Toutefois, au vu de la mention apposée sur le bail par le gérant de la société civile professionnelle et de l’affirmation par la société civile immobilière, tant dans sa déclaration de créance initiale que dans sa déclaration rectificative du 5 octobre 2022, selon laquelle le bail a succédé au prêt à usage au 1er janvier 2018, il doit être retenu l’existence d’un contrat de bail entre la société civile immobilière et la société civile professionnelle ayant pris effet au 1er janvier 2018.
La société civile immobilière n’a pas d’autres revenus que ceux qu’elle est susceptible de retirer des locaux occupés par la société civile professionnelle d’huissiers de justice.
La société civile immobilière a effectué sa déclaration de créance le 12 juillet 2022, soit postérieurement à la demande d’extension de la procédure collective à son encontre. Il résulte de cette déclaration de créance que la SCP d’huissiers de justice n’a jamais versé, depuis l’occupation des lieux au 1er janvier 2018, le moindre loyer, sans que la société civile immobilière ne lui délivre un rappel ou mise en demeure quelconque et n’effectue la moindre démarche tendant à la résiliation du bail. Ce n’est que le 5 octobre 2022 que la société civile immobilière est revenue sur sa déclaration de créance initiale en abandonnant, pour les besoins de la cause, sa demande de loyer des années 2018 et 2019.
Le défaut de règlement des loyers était donc bien antérieur à la période de crise sanitaire qui n’a démarré qu’en mars 2020 et il s’est poursuivi au delà, soit jusqu’à la liquidation judiciaire de la SCP d’huissiers de justice du 25 avril 2022. Il ne s’agissait pas d’une décision temporaire de la société civile immobilière de renoncer à percevoir un loyer, pour tenir compte des difficultés économiques de son locataire.
Ce n’est également que le 11 juillet 2022 que la société civile immobilière a mis en demeure le liquidateur de payer le loyer, puis, a saisi le juge commissaire d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail. La société civile immobilière est donc restée totalement inactive à l’égard de son locataire jusqu’à ce que sa passivité lui soit reprochée dans le cadre de la présente procédure d’extension de la procédure collective.
Aucune dette de loyer n’a été inscrite au bilan de la SCP d’huissiers de justice. La SCP d’huissiers de justice a donc bénéficié, de manière systématique, à titre gratuit pendant toute la période d’occupation, des locaux de la société civile immobilière qui s’est appauvrie en se privant d’une ressource de 145 600 euros, pendant plus de quatre années, sans bénéficier d’aucune contrepartie.
L’existence de relations financières incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques est bien avérée. Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande d’extension de la procédure de liquidation judiciaire.
4) Sur les frais du procès
Madame [F] [C] qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la S.E.L.A.R.L. [T] Les Mandataires, en qualité de mandataire liquidateur de la société civile professionnelle d’huissiers de justice, et de lui allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Y ajoutant,
Condamne Madame [F] [C] aux entiers dépens d’appel,
Condamne Madame [F] [C] à payer à la S.E.L.A.R.L. [T] Les Mandataires, en qualité de mandataire liquidateur de la S.C.P. [K] et [U], une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Déboute les autres parties de leurs demandes d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Dit qu’en application de l’article R.661-7, alinéa 2, du code de commerce, le greffier notifiera l’arrêt aux parties et, par remise contre récépissé au Procureur Général
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,