Les conditions du référé administratif

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Les conditions du référé administratif
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Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (L. 521-1 du code de justice administrative).

Une procédure contradictoire écrite ou orale

Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. (article L. 522-1 dudit code).

La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit justifier de l’urgence de l’affaire (R. 522-1 dudit code).

Préjudice suffisamment grave et immédiat à un intérêt public

Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre.

Appréciation par le juge des référés

Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
Tribunal administratif de Grenoble, 13 septembre 2022, n° 2205353
 
Le département de la Haute-Savoie a adopté, par délibération du 17 janvier 2022, le principe de sa candidature à l’organisation des championnats du monde de cyclisme qui auront lieu en 2027. Cette délibération est devenue définitive. Dans ce cadre, et par la première délibération contestée, n° CD 2022-118, l’assemblée délibérative du département a autorisé le président du conseil départemental à signer, à la demande de l’UCI, un accord prévoyant les conditions matérielles, publicitaires, administratives, juridiques et financières dans lesquelles cet événement doit être organisé.
 
S’il est vrai qu’une partie de l’accord ne peut être divulgué à ce stade, il convient de considérer deux hypothèses. En premier lieu, si la candidature du département de la Haute-Savoie n’est pas retenue par l’UCI lors de son congrès prévu à la fin du mois de septembre 2022, cet accord deviendra caduc.
 
En revanche, si la candidature du département est retenue par l’UCI, le département devra conclure un contrat définitif avant la fin de l’année 2023. Ainsi, dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, il n’est porté aucune atteinte grave et immédiate ni à un intérêt public, ni à la situation des requérants ou aux intérêts qu’ils entendent défendre.
 
Il en va exactement de même concernant la délibération budgétaire n° CD 2022-119, dont l’objet est d’inscrire une ligne de crédit de 1 900 000 euros, qui ne sera mobilisée que si la candidature du département de la Haute-Savoie est retenue. Pour les mêmes raisons aucun motif ne s’attache à ce que le juge des référés retienne la condition d’urgence s’agissant de la décision détachable du contrat – selon les requérants -, autorisant le président du conseil départemental à signer cet accord. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie.
 
Vu la procédure suivante :
 
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 août 2022, le 4 septembre 2022, le 6 septembre 2022 et le 7 septembre 2022, l’Association de concertation et de propositions pour l’aménagement et les transports (Acpat), l’association AERE, l’association AMDC, l’association APPL, l’association AGV, l’association AQV, l’association Ermitage, l’association DCPH, le mouvement environnemental de la Haute Vallée de l’Arve, l’association Thonon Ecologie, M. B, Mme N, Mme D, M. G, Mme M, Mme K, M. et Mme E, A I, M. F, M. H, Mme J et M. L, représentés par Me Tête, demandent au juge des référés :
 
1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de la délibération du 25 juillet 2022, n° CD 2022-118, du conseil départemental de la Haute-Savoie, relative à la candidature du département de la Haute-Savoie à l’organisation des championnats du monde de cyclisme en 2027 et au contrat d’organisation avec l’Union Cycliste Internationale (UCI), ainsi que de la délibération du même jour, n° CD 2022-119, portant décision budgétaire modificative n° 2, en tant qu’elle porte sur cet événement, ensemble la décision de signer le contrat avec l’UCI , jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions ;
 
2°) de mettre à la charge département de la Haute-Savoie une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2022 et le 6 septembre 2022, le département de la Haute-Savoie représenté par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de chacun des requérants à lui verser la somme de 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Le département considère que la requête est irrecevable, faute d’intérêt pour agir des auteurs du recours d’une part ; et eu égard au caractère confirmatif ou préparatoire des délibérations en cause d’autre part ; ensuite, parce que la condition d’urgence n’est pas remplie ; le département fait enfin fait valoir qu’aucun moyen présenté dans la requête n’est fondé.
 
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2022, la Fédération française de cyclisme, représentée par Me Lachaume intervient à l’appui des conclusions du département de la Haute-Savoie et à la condamnation de chacun des requérants à lui verser la somme de 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Vu :
 
— les autres pièces du dossier ;
 
— la requête enregistrée le 22 août 2022 sous le numéro 2205407 par laquelle les requérants demandent l’annulation des décisions attaquées.
 
Vu :
 
— le code du sport ;
 
— le code général des collectivités territoriales ;
 
— le code de justice administrative.
 
Le président du tribunal a désigné M. C pour statuer sur les demandes de référé.
 
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
 
Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Rouyer, greffier d’audience, M. C a lu son rapport et entendu :
 
— Me Tête, représentant les associations et les personnes physiques requérantes ;
 
— Me Petit, représentant le département de la Haute-Savoie.
 
Considérant ce qui suit :
 
Sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposée en défense :
 
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
 
1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. () » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire. ».
 
Sur l’urgence :
 
2. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
 
3. Le département de la Haute-Savoie a adopté, par délibération du 17 janvier 2022, le principe de sa candidature à l’organisation des championnats du monde de cyclisme qui auront lieu en 2027. Cette délibération est devenue définitive. Dans ce cadre, et par la première délibération contestée, n° CD 2022-118, l’assemblée délibérative du département a autorisé le président du conseil départemental à signer, à la demande de l’UCI, un accord prévoyant les conditions matérielles, publicitaires, administratives, juridiques et financières dans lesquelles cet événement doit être organisé.
 
S’il est vrai qu’une partie de l’accord ne peut être divulgué à ce stade, il convient de considérer deux hypothèses. En premier lieu, si la candidature du département de la Haute-Savoie n’est pas retenue par l’UCI lors de son congrès prévu à la fin du mois de septembre 2022, cet accord deviendra caduc. En revanche, si la candidature du département est retenue par l’UCI, le département devra conclure un contrat définitif avant la fin de l’année 2023.
 
Ainsi, dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, il n’est porté aucune atteinte grave et immédiate ni à un intérêt public, ni à la situation des requérants ou aux intérêts qu’ils entendent défendre. Il en va exactement de même concernant la délibération budgétaire n° CD 2022-119, dont l’objet est d’inscrire une ligne de crédit de 1 900 000 euros, qui ne sera mobilisée que si la candidature du département de la Haute-Savoie est retenue. Pour les mêmes raisons aucun motif ne s’attache à ce que le juge des référés retienne la condition d’urgence s’agissant de la décision détachable du contrat – selon les requérants -, autorisant le président du conseil départemental à signer cet accord. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie.
 
Sur les moyens de la requête :
 
4. A l’appui de leur demande de suspension de l’exécution des trois décisions susvisées les requérants soutiennent :
 
— que les délibérations méconnaissent le principe selon lequel une assemblée d’une collectivité territoriale ne peut adopter une délibération comportant un contrat ou un document confidentiel ; les décisions méconnaissent, en outre, les dispositions des articles L. 3121-17, L. 3121-18 et L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales ;
 
— que, d’une part, la délibération 2022-118 approuve la conclusion d’un contrat incluant une clause compromissoire, ce qui est contraire à l’ordre juridique public français et que, d’autre part il est interdit collectivités territoriales d’inclure dans leurs contrats de telles clauses compromissoires ;
 
— que les délibérations sont illégales en tant que, s’agissant d’une opération pluriannuelle, elles ne prévoient pas les autorisations de programme et les crédits de paiement, en dépenses estimées annuellement pour la section d’investissement, ni en autorisations d’engagement et crédit de fonctionnement pour la section de fonctionnement ; les délibérations méconnaissent les dispositions de l’article L 3312-4 du code général des collectivités territoriales ;
 
— les délibérations sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation car elles prévoient un projet de construction d’un vélodrome extrêmement coûteux, dont on ignore s’il sera compatible avec les documents d’urbanisme, que les équipements touristiques nécessaires n’ont pas été discutés avec les communes, que cet événement occasionnera des dépenses excessives pour le département et qu’il est contraire aux exigences du développement durable et de la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
 
5. En l’état de l’instruction aucun des moyens invoqués n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; par suite, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de la décision attaquée doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner la condition relative à l’urgence.
 
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
 
6. Les conclusions des requérants dirigées contre le département de la Haute-Savoie, qui n’est pas la partie perdante dans cette instance de référé, ne peuvent qu’être rejetées ; celles de la Fédération française de cyclisme, qui est intervenante et non partie au litige, doivent également être rejetées. Il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par le département de la Haute-Savoie.
 
O R D O N N E :
 
Article 1er : La requête est rejetée.
 
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
 
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association ACPAT au titre de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, au département de la Haute-Savoie et à la Fédération française de cyclisme.
 
Copie en sera transmise pour information à la ministre des sports et au préfet de la Haute-Savoie.
 
Fait à Grenoble, le 13 septembre 2022.
 
Le juge des référés,
 
P. C
 
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
 

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