Les conditions de la coexistence entre marque et enseigne 
Les conditions de la coexistence entre marque et enseigne 
Ce point juridique est utile ?

L’exploitation d’une enseigne commerciale est un droit antérieur opposable au déposant d’une marque identique postérieure (services ou produits identiques). 

Affaire Cornet d’amour

En l’espèce,  l’usage du signe « Cornet d’amour » à titre d’enseigne par la société Le Cornet d’amour est antérieur au dépôt de la marque « Cornet d’amour » en 1954.

Il n’était pas établi que la société « Cornet d’amour » utilise le signe « Cornet d’amour » à titre de marque ni qu’il s’apprête à le faire. Le dépôt de la marque « Cornet d’amour » par la société « Le cornet d’amour » le 14 juillet 2014 ne constitue pas un acte d’usage de la marque déposée. De même, l’apposition du signe « Cornet d’amour » sur un camion de glace ne constitue pas un usage du signe à titre de marque.

Usage local 

De plus, il n’est pas établi que la société « Cornet d’amour » fasse usage du signe « Cornet d’amour » en dehors de la commune de Berk dans laquelle était historiquement exploitée l’enseigne « Cornet d’amour » 

Il n’était donc pas établi d’atteinte aux droits du titulaire de la marque « Cornet d’amour ».

L’opposabilité de droits antérieurs à une marque 

Aux termes des dispositions de l’article L. 713-6 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 :

« L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :

a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique (…)

Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite. »


République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 15/12/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/02923 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TUP7

Jugement (N° 19/07843)

rendu le 15 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [Z] [L]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

La SARL Le Cornet d’amour

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

représentés par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me David Lefranc, avocat au barreau d’Arras, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [X] [N]

né le 30 mars 1964 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

La SAS [N]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 2]

représentés par Me Martin Grasset, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

— ——————–

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anais Millescamps

DÉBATS à l’audience publique du 12 septembre 2022 tenue en double rapporteur par Catherine Courtielle et Jean-François Le Pouliquen après accord des parties et après rapport oral de l’affaire par Jean-François Le Pouliquen. Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anais Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 juin 2022

****

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 15 avril 2021,

Vu la déclaration d’appel de Monsieur [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour, reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 26 mai 2021,

Vu les conclusions de Monsieur [Z] [L] et de la société Le Cornet d’amour, déposées au greffe de la cour d’appel de Douai le 22 janvier 2022,

Vu les conclusions de Monsieur [X] [N] et la société [N], déposées au greffe de la cour d’appel de Douai le 22 octobre 2021,

Vu l’ordonnance de clôture du 20 juin 2022,

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [N] est titulaire de la marque semi-figurative n°1525946 « Cornet d’amour », déposée le 17 août 1954 par Madame [H] épouse [N], en classe 30 pour les produits « crème glacée et biscuits ».

La marque est exploitée par la société [N].

La société Le Cornet d’amour a acquis le fonds de commerce de glacier, salon de thé, débit de boisson et glaces à emporter ayant pour enseigne « Au cornet d’amour », situé à [Localité 5]

Dans le cadre d’un premier contentieux, par un arrêt du 18 mars 2008, la cour d’appel de Douai a débouté Monsieur [X] [N] de son action en contrefaçon dirigée contre la société Le Cornet d’amour, considérant que la société Le Cornet d’amour a démontré une utilisation antérieure du signe à titre d’enseigne et que Monsieur [X] [N] n’a pas démontré que cette utilisation portait atteinte à ses droits.

Monsieur [Z] [L] ayant racheté la société Le Cornet d’amour le 14 février 2013, a déposé le 14 juillet 2014, la marque verbale française n°4107974 « Le Cornet d’amour » :

— en classe 30 pour désigner les produits suivants « farine et préparations faites de céréales, pain, pâtisseries et confiserie, glaces alimentaires » ;

— en classe 43 pour désigner les produits suivants « services de restauration (alimentation) ; services de traiteurs ».

M. [N] a ensuite déposé les marques suivantes :

— le 10 décembre 2014, la marque semi-figurative n°4140804 en classe 30 pour désigner les produits suivants : « café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farine et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiseries, glaces alimentaires ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ; sandwiches, pizzas ; crêpes (alimentation) ; biscuits ; gâteaux ; biscottes ; sucreries ; chocolats ; boissons à base de cacao, de café de chocolat ou de thé. »

— le 31 octobre 2017, la marque semi-figurative n°4400849 en classe 30 pour désigner les produis suivants « crèmes glacées, glaces comestibles ; confiseries sous forme glacée. »

Par lettre recommandé avec accusé de réception et par l’intermédiaire de son conseil, Monsieur [X] [N] a demandé à Monsieur [Z] [L] de modifier le dépôt effectué le 14 juillet 2014 à l’INPI.

Les tentatives de résolution amiable du litige ayant échoué, Monsieur [X] [N] a, par acte d’huissier du 24 juin 2019, fait assigner Monsieur [Z] [L] ainsi que la société Le Cornet d’amour devant le tribunal judiciaire de Lille.

Par acte signifié le 16 décembre 2019, M. [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour ont fait assigner la société [N] en intervention forcée.

Par jugement rendu le 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

— déclaré Monsieur [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour recevables en leur action en intervention forcée engagée à l’encontre de la société [N] ;

— débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande tendant à voir ordonner la déchéance de la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954 ;

— prononcé la nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par Monsieur [Z] [L] pour la totalité des produits et services visés,

— débouté Monsieur [X] [N] de sa demande tendant à voir ordonner l’interdiction pour Monsieur [L] et/ou la société Le Cornet d’amour de tout usage du signe « Le Cornet d’amour », apposé sur tout produit et/ou support de vente ;

— prononcé la déchéance pour défaut d’exploitation de la totalité des droits de Monsieur [X] [N] sur la marque n°4140804 déposée le 10 décembre 2014, relativement à l’ensemble des produits et services visés ;

— débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande de dommages et intérêts pour trouble commercial ;

— débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande tendant à la nullité de la marque n°4400849 déposée le 31 octobre 2017 par Monsieur [X] [N] ;

— débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le dépôt de la marque n°4400849 le 31 octobre 2017 par Monsieur [X] [N] ;

— débouté Monsieur [X] [N] de sa demande de dommages et intérêts formée contre Monsieur [Z] [L] ;

— débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— condamné Monsieur [Z] [L] aux entiers dépens ;

— condamné Monsieur [Z] [L] à payer à Monsieur [X] [N] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté la société [N] et la société Le Cornet d’amour de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit que la présente décision une fois définitive sera transmise à l’INPI à l’initiative de la partie la plus diligente, pour être transcrite sur le registre national des marques ;

— déclaré ledit jugement commun et opposable à la société [N] ;

— rejeté la demande d’exécution provisoire de ladite décision ;

— débouté les parties de leur demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration déposée au greffe de ce siège le 26 mai 2021, la société Le Cornet d’amour et Monsieur [Z] [L], ont interjeté appel des chefs du jugement ayant :

— débouté Monsieur [L] de sa demande tendant à voir ordonner la déchéance de la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954,

— prononcé la nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par Monsieur [L] pour la totalité des produits et services visés,

— débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande de dommages et intérêts pour trouble commercial,

— débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande tendant à la nullité de la marque n°4400849 déposée le 31 août 2017 par Monsieur [X] [N],

— débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le dépôt de la marque n°4400849 le 31 octobre 2017 par Monsieur [X] [N],

— débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné Monsieur [Z] [L] aux entiers dépens et au paiement à Monsieur [X] [N] de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société [N] et la société le Cornet d’amour de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par conclusions déposées au greffe le 22 octobre 2021, Monsieur [X] [N] et la société [N] ont formé appel incident contre ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 22 janvier 2022, la société Le Cornet d’amour et Monsieur [Z] [L] demandent à la cour de :

— confirmer le jugement n°19/07843 rendu le 15 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il les a déclarés recevables en leur action en intervention forcée engagée à l’encontre la société [N] et a :

— débouté Monsieur [X] [N] de sa demande tendant à voir ordonner l’interdiction pour eux de tout usage du signe « Le Cornet d’amour » apposé sur tout produit et/ou support de vente,

prononcé la déchéance pour défaut d’exploitation de la totalité des droits de Monsieur [X] [N] sur la marque n°4140804 déposée le 10 décembre 2014 relativement à l’ensemble des produits et services visés,

débouté Monsieur [X] [N] de sa demande de dommages et intérêts formée contre Monsieur [Z] [L],

débouté la société [N] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

déclaré le jugement commun et opposable à la société [N],

débouté la société [N] et Monsieur [X] [N] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a :

débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande tendant à voir ordonner la déchéance de la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954,

prononcé la nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par Monsieur [Z] [L] pour la totalité des produits et services visés,

débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande tendant à la nullité de la marque n°4400849 déposée le 31 octobre 2017 par Monsieur [X] [N],

débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le dépôt de la marque n° 4400849 le 31 octobre 2017 par Monsieur [X] [N],

débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamné Monsieur [Z] [L] aux entiers dépens,

condamné Monsieur [Z] [L] à payer à Monsieur [X] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté la société le Cornet d’amour de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

les a déboutés de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Statuant de nouveau,

— constater l’absence d’usage sérieux par Monsieur [X] [N] de la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954 pendant une période ininterrompue de cinq ans compris entre le 7 janvier 2015 et le 7 janvier 2020 pour l’ensemble des produits qu’elle vise, à savoir « crème glacées » et « biscuits » ;

— prononcer la déchéance pour défaut d’exploitation de la totalité des droits de Monsieur [X] [N] sur la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954, relativement à l’ensemble des produits et services visés ;

— dire que l’INPI transcrira la décision de déchéance de la marque de Monsieur [X] [N] n°1525946 au registre national des marques ;

— dire et juger n’y avoir lieu à l’annulation de la marque n°4107974 de M. [Z] [L] déposée le 17 juillet 2014 ;

— prononcer la nullité totale de la marque de Monsieur [X] [N] n°4400849 déposée le 31 octobre 2017 ;

— dire que l’INPI transcrira la décision d’annulation de la marque de Monsieur [X] [N] n°4400849 au registre national des marques ;

— condamner Monsieur [X] [N] à payer à Monsieur [Z] [L] la somme de 10 000 euros euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— condamner Monsieur [X] [N] à payer à la société Le Cornet d’amour la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En toute hypothèse :

— juger que M. [X] [N] ne formule aucune demande indemnitaire au titre de son appel incident tenant à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté de sa demande de dommages et intérêts formée contre M. [Z] [L] et qu’il serait irrecevable à en saisir désormais la Cour sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile.

— débouter Monsieur [X] [N] et la société [N] de l’ensemble de leurs fins, moyens et conclusions et appel incident ;

— condamner Monsieur [X] [N] à payer à la société Le Cornet d’amour la somme de 30 360,34 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Monsieur [X] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec, pour ces derniers, droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 22 octobre 2021, Monsieur [X] [N] et la société [N] demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande de déchéance de la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954,

prononcé la nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par Monsieur [Z] [L] pour la totalité des produits et services visés,

débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande de dommages et intérêts pour trouble commercial,

débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande d’annulation de la marque n°4400849 déposée le 31 octobre 2017, et, conséquemment,

débouté Monsieur [Z] [L] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour le dépôt de cette marque,

débouté la société Le Cornet d’amour de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour trouble commercial,

condamné Monsieur [Z] [L] aux entiers dépens,

condamné Monsieur [Z] [L] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Le Cornet d’amour de sa demande d’article 700 [du code de procédure civile],

débouté la société Le Cornet d’amour de ses demandes plus amples ou contraires,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande tendant à voir ordonner l’interdiction pour Monsieur [Z] [L] et/ou sa société de tout usage du signe « Le Cornet d’amour » apposé sur tout produit ou tout support de vente et de sa demande de dommages et intérêts formée contre Monsieur [Z] [L] ;

Statuant de nouveau,

— ordonner l’interdiction pour Monsieur [Z] [L] et/ou la société Le Cornet d’amour de tout usage du signe « Le Cornet d’amour », apposée sur tout produit et/ou support de vente ;

— condamner in solidum Monsieur [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour à payer à Monsieur [X] [N] une somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner in solidum Monsieur [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour à payer à la Société [N] une somme de 4 000 euros sur le même fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner in solidum Monsieur [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour aux entiers frais et dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2022.

EXPOSE DES MOTIFS

La cour d’appel n’est pas saisie d’un appel à l’encontre :

— du chef du jugement ayant déclaré M. [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour recevables en leur action en intervention forcée engagée à l’encontre de la société [N]

— du chef du jugement ayant prononcé la déchéance pour défaut d’exploitation de la totalité des droits de Monsieur [X] [N] sur la marque n°4140804 déposée le 10 décembre 2014, relativement à l’ensemble des produits et services visés.

M. [X] [N] demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de M. [L]. Cependant, il ne demande pas la condamnation de M. [L] au paiement de dommages et intérêts dans le dispositif de ses conclusions. En application des dispositions de l’article 954 du code civil, la cour d’appel n’est pas saisie d’une demande de ce chef. Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.

Dans sa déclaration d’appel la société Le Cornet d’Amour a visé au titre des chefs du jugement critiqués le chef du jugement l’ayant débouté de sa demande de dommages et intérêts pour trouble commercial. Dans le dispositif de ses conclusions, elle ne demande plus l’infirmation de ce chef du jugement et ne demande pas la condamnation de M. [X] [N] au paiement de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

I) Sur la demande tendant à voir prononcer la déchéance pour défaut d’exploitation de la totalité des droits de Monsieur [X] [N] sur la marque n°1525946 déposée le 17 août 1954

Aux termes de dispositions de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 : «  Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage :

a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ;

b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;

c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés.

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.

La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. »

Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée.

En l’espèce, la demande de déchéance de la marque a été formée par conclusions déposées le 07 janvier 2020.

La société Cornet d’amour et M. [L] font valoir que la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de 5 ans précédant cette date.

La marque litigieuse est une marque semi-figurative composée de 3 cornets servant pour supporter les glaces et de la mention « Cornet d’amour ».

L’usage du signe « Cornet d’amour », sans la reproduction des cornets, constitue un usage de la marque modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, les trois cornets constituant une illustration du terme « Cornet d’amour ».

De la même manière, l’usage du signe « Cornet d’amour » dans le cadre du logo enregistré à titre de marque par M. [N] le 31 octobre 2017 n’en altère pas le caractère distinctif, la mention Cornet d’amour étant mis en avant de manière significative dans le logo représentant un portrait en médaillon entouré par la mention « Cornet d’amour ».

Aucune des pièces produites aux débats par la société [N] et M. [X] [N] ne portent sur la période considérée du 07 janvier 2015 au 07 janvier 2020.

Cependant, M. [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour, demandeurs à la déchéance produisent aux débats un procès-verbal de constat d’huissier établi le 17 novembre 2017 et un procès-verbal de constat d’huissier établi le 12 décembre 2019.

Ces procès-verbaux de constat présentant les pages du site internet du glacier « Cornet d’amour » et de sa page Facebook permettent de constater une activité continue du glacier « Cornet d’amour » à [Localité 7] et l’usage continue du signe « Cornet d’amour », notamment sous la forme du logo, pendant la période litigieuse.

La lecture des nombreuses coupures de journaux produites aux débats montre que la famille [N]-[H] revendique le fait que M. [R] [H] a eu l’idée de réaliser des cornets de gaufre pour y placer la glace qu’il vendait dans le cadre d’une activité de marchand de glace ambulant à [Localité 7]. Ces cornets étaient nommés « cornets d’amour ». La famille [N]-[H] revendique également une succession interrompue de glaciers jusqu’à M. [N]. La famille [N]-[H] revendique également la qualité de ses glaces, glaces artisanales.

Le site internet Cornet d’amour présente de nombreuses photos anciennes destinées à mettre en avant l’histoire du glacier et les coupures de journaux rappelant l’histoire de la famille [N]-[H] et du signe « Cornet d’amour ».

Il résulte de ces éléments que le signe Cornet d’amour est utilisé pour garantir l’identité d’origine des produits.

Il résulte des attestations anciennes produites aux débats et des photographies que le signe est utilisé non pas seulement pour désigner le magasin de glace mais le produit vendu par ce magasin surnommé « Cornet d’amour ».

Les photographies figurant sur le site Facebook Cornet d’amour montrent un usage du logo sur l’enseigne du magasin mais également sur les serviettes données avec les glaces vendues, sur les équipements (casquettes et tablier) des vendeurs du magasin ainsi que sur des boites isothermes destinées à la vente de glace en grande quantité.

Le fait que la marque déposée ne soit exploitée que dans le cadre restreint d’un magasin ou d’un camion de marchand de glace n’empêche pas l’usage d’être considéré comme sérieux.

Il convient en conséquence de constater un usage sérieux de la marque au cour de la période ininterrompue de cinq ans précédant le 07 janvier 2020.

M. [Z] [L] et la société Le Cornet d’amour seront déboutés de leur demande tendant à voir prononcer la déchéance de la marque.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

II) Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par Monsieur [L] pour la totalité des produits et services visés

M. [L] ne conteste pas que la marque verbale « Cornet d’amour » déposée par lui est similaire à la marque antérieure dont est titulaire M. [N] et que les produits et les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ni qu’il existe dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par M. [L] pour la totalité des produits et services visés.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

III) Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité de la marque n°4400849 déposée le 31 octobre 2017 par Monsieur [X] [N] et à le condamner au paiement de dommages et intérêts

La nullité de la marque verbale n°4107974 déposée par M. [L] ayant été prononcée, il n’est pas titulaire d’une marque antérieure à celle déposée par M. [N] le 31 octobre 2017.

Il sera en conséquence débouté de sa demande de nullité de la marque et de condamnation à des dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

IV) Sur la demande de M. [X] [N] et de la société [N] tendant à ordonner l’interdiction pour Monsieur [Z] [L] et/ou la société Le Cornet d’amour de tout usage du signe « Le Cornet d’amour », apposée sur tout produit et/ou support de vente

Aux termes des dispositions de l’article L. 713-6 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 :

« L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :

a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique (…)

Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite. »

Il n’est pas contesté que l’usage du signe « Cornet d’amour » à titre d’enseigne par la société Le Cornet d’amour est antérieur au dépôt de la marque « Cornet d’amour » en 1954.

Il n’est pas établi que la société « Cornet d’amour » utilise le signe « Cornet d’amour » à titre de marque ni qu’il s’apprête à le faire. Le dépôt de la marque « Cornet d’amour » par la société « Le cornet d’amour » le 14 juillet 2014 ne constitue pas un acte d’usage de la marque déposée. De même, l’apposition du signe « Cornet d’amour » sur un camion de glace ne constitue pas un usage du signe à titre de marque.

De plus, il n’est pas établi que la société « Cornet d’amour » fasse usage du signe « Cornet d’amour » en dehors de la commune de Berk dans laquelle était historiquement exploitée l’enseigne « Cornet d’amour »

Il n’est en conséquence pas établi d’atteinte aux droits du titulaire de la marque « Cornet d’amour ».

M. [N] et la société [N] seront déboutés de leur demande à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

V) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Le Cornet d’amour et M. [Z] [L]

La société Le Cornet d’amour et M. [Z] [L] succombant à l’appel seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

VI) Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Succombant à l’appel, la société Le Cornet d’amour et M. [L] seront condamnés in solidum aux dépens d’appel et à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à la société [N] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

— CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions

y ajoutant

— DÉBOUTE la société Le Cornet d’amour et M. [Z] [L] de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— CONDAMNE in solidum la société Le Cornet d’amour et M. [Z] [L] à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel :

— à M. [X] [N] la somme de 2 000 euros

— à la société [N] la somme de 1 000 euros

— DÉBOUTE la société Le Cornet d’amour de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— CONDAMNE in solidum la société Le Cornet d’amour et M. [L] aux dépens d’appel.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille


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