Les codes de communication sont-ils protégés ?

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Les codes de communication sont-ils protégés ?
Ce point juridique est utile ?

Une société ne peut revendiquer un monopole sur la tendance dite « vegan » ni même sur la maroquinerie fabriquée à partir de matière d’origine non animale.

Au-delà des idées « éthiques » véhiculées par des sociétés commercialisant des sacs Vegan, l’utilisation sur un site internet de rubriques relatives à la vie animale, à l’environnement ou aux conditions de travail ainsi que de termes tels que « respect, qualifié, durable, style, qualité, responsable ‘ » est inhérente au domaine considéré.

Une société ne peut s’approprier le fait d’utiliser des moyens et outils de promotion en ligne et notamment celui d’indiquer le processus de fabrication des produits ou d’avoir recours au « crowdfunding » (en français financement participatif) et/ou à une répartition proportionnelle des sommes collectées ainsi qu’à la même association de défense des animaux de laboratoire ou encore le fait d’avoir prévu une FAQ (Foire aux Questions) banale et usuelle s’agissant d’un site marchand sur internet.

Le choix d’un chien comme mascotte ou simple référence est insuffisant à caractériser les actes de suivisme systématique qui sont reprochés à un concurrent.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la société SAS Ashoka Paris à la société SARL Minuit sur Terre. Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement le 3 novembre 2022 rejetant les prétentions des deux parties, mais condamnant Ashoka Paris à payer 15 000 euros à Minuit sur Terre et aux dépens. Ashoka Paris a interjeté appel et demande à la cour d’infirmer le jugement, de lui accorder des dommages-intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur, concurrence parasitaire et dénigrement, et d’interdire à Minuit sur Terre de commercialiser des produits similaires. Minuit sur Terre demande quant à elle à la cour de confirmer le jugement en sa faveur et de condamner Ashoka Paris à lui verser des dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire. L’affaire est en attente de décision de la cour d’appel de Paris.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 juin 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/20621
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 14 JUIN 2024

(n°71, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/20621 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CG2HA

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 novembre 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°20/07289

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S. ASHOKA PARIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 841 113 434

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque K 0065

Assistée de Me Charles-Antoine JOLY plaidant pour la SELARL DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque T 07

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.R.L. MINUIT SUR TERRE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de Libourne sous le numéro B 824 900 849

Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocate au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistée de Me Amandine GOMES substituant Me Nicolas WEISSENBACHER et plaidant pour la SELARL FORWARD AVOCATS, avocate au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 3 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, qui a :

– rejeté l’intégralité des prétentions de la société SAS Ashoka Paris,

-rejeté l’intégralité des prétentions de la société SARL Minuit sur Terre,

-condamné la société Ashoka Paris à payer à la société Minuit sur Terre la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code dc procédure civile,

– condamné la société Ashoka Paris aux dépens, 

Vu l’appel interjeté le 7 décembre 2022 par la société Ashoka Paris (la société Ashoka),

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juillet 2023 par la société Ashoka appelante à titre principal et intimée à titre incident, qui demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondée la société Ashoka en son appel de la décision rendue le 3 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris,

Y faisant droit :

– infirmer le jugement rendu le 3 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

– rejeté l’intégralité des prétentions de la société Ashoka,

– condamné la société Ashoka à payer à la société Minuit sur Terre la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– confirmer le jugement rendu le 3 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes reconventionnelles formées par la société Minuit sur Terre,

En conséquence

– débouter la société Minuit sur Terre de toutes ses demandes formulées au titre de son appel incident.

Et statuant à nouveau,

– faire interdiction à la société Minuit sur Terre de commercialiser, promouvoir, offrir à la vente et vendre à destination du public tous produits reproduisant les caractéristiques originales des sacs « Paname » et « mini Paname » de la société Ashoka, sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, laquelle commencera à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner la société Minuit sur Terre à payer à la société Ashoka la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon des droits d’auteur sur les sacs « Paname » et « mini Paname »,

– condamner la société Minuit sur Terre à payer à la société Ashoka la somme de 23 556,81 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence parasitaire commis au détriment de cette dernière,

– condamner la société Minuit sur Terre à payer à la société Ashoka la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de dénigrement commis au détriment de cette dernière,

– ordonner la publication aux frais exclusifs de la société Minuit sur Terre du communiqué judiciaire suivant :

« Par arrêt du [.], la cour d’Appel de Paris, à la demande de la société Ashoka Paris, interdit à la société Minuit sur Terre, l’exposition, l’offre en vente, la mise sur le marché, la détention et la commercialisation des sacs « Aventure » ou « Escapade » ou tout autre sac reproduisant les caractéristiques des sacs « Paname » et « Mini Paname » de la société Ashoka »

dans 5 journaux et revues de presse française au choix discrétionnaire de la société Ashoka et aux frais exclusifs de la société Minuit sur Terre et ce, sans que le coût global de cette publication n’excède la somme de 15 000 euros HT augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour de la facturation, somme qui devra être consignée entre les mains de M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard. M. le Président de la cour d’Appel de Paris dira que M. le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications,

– ordonner la publication permanente du dispositif de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil de tous les sites Internet de la société Minuit sur Terre, en langue française ou anglaise, et notamment sur le site Internet à l’adresse minuitsurterre.com, pendant 3 mois, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 7 000 euros par jour de retard,

– dire que ces publications devront s’afficher de façon visible en lettres de taille suffisante, aux frais de la société Minuit sur Terre, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468 x 120 pixels : le texte qui devra s’afficher en partie haute et immédiatement visible de la page d’accueil devant être précédé du titre « avertissement judiciaire » en lettres capitales et gros caractères,

– fixer le point de départ des astreintes prononcées à l’expiration du délai de 48 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et s’en réserver expressément la liquidation,

– autoriser la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir sur les sites Internet de la société Ashoka,

En tout état de cause,

– débouter la société Minuit sur Terre de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

– condamner la société Minuit sur Terre à verser à la société Ashoka une somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 décembre 2023 par la société Minuit sur Terre, intimée à titre principal et appelante à titre incident, qui demandent à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté la société Ashoka de l’intégralité de ses prétentions, en disant notamment que :

– l’action en contrefaçon de droits d’auteur était irrecevable et que, partant, « les demandes portant, au titre de la contrefaçon, interdictions, rappel et communication de pièces comptables pour l’évaluation du préjudice (étaient) par voie de conséquence infondées et rejetées »,

– « La demande indemnitaire fondée sur le parasitisme (était) rejetée»,

– « Le moyen fondé sur le dénigrement (était) manifestement dépourvu de fondement et les demandes indemnitaires et en suppression de contenu afférentes rejetées »,

– condamné la société Ashoka au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en première instance.

– infirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a :

– débouté la société Minuit sur Terre de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles,

Et statuant à nouveau sur celles-ci :

– dire que la société Ashoka s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale, d’une part, et parasitaire, d’autre part, au préjudice de la société Minuit sur Terre,

En conséquence :

– ordonner à la société Ashoka la communication de ses documents comptables

permettant d’évaluer le chiffre d’affaires, d’une part, et la marge nette, d’autre part, réalisés par cette dernière à partir de la vente de sacs « Paname » et « mini Paname »,

– condamner la société Ashoka à payer à la société Minuit sur Terre les sommes

de :

– 50 000 euros à titre provisionnel et à parfaire après communication par la société Ashoka de ses documents comptables permettant d’évaluer le chiffre d’affaires, d’une part, et la marge nette, d’autre part, réalisés par cette dernière à partir de la vente de sacs « Paname » et « mini Paname », en réparation du préjudice économique subi au titre des actes de concurrence déloyale commis par la société Ashoka,

– 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre des actes de concurrence déloyale commis par la société Ashoka,

– 64 940,71 euros en réparation du préjudice économique subi au titre des actes de concurrence parasitaire commis par la société Ashoka,

– 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre des actes de concurrence parasitaire commis par la société Ashoka,

– condamner la société Ashoka à payer les sommes de :

– 10 000 euros au titre de l’amende civile prévue par l’article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive,

– 10 000 euros à la société Minuit sur Terre en réparation du préjudice subi au titre de ladite procédure abusive,

– en tout état de cause, débouter la société Ashoka de l’intégralité de ses prétentions, et notamment :

Sur l’action en contrefaçon de droits d’auteur :

À titre principal :

– dire les modèles de sac « Paname » et « mini Paname » de la société Ashoka dépourvus d’originalité,

– en conséquence, dire la société Ashoka irrecevable en son action en contrefaçon de ses prétendus droits d’auteur,

Subsidiairement et en tout état de cause, et si par extraordinaire les modèles de sac « Paname » et « mini Paname » venaient à être reconnues comme des oeuvres de l’esprit originales sur la base des éléments techniques invoqués :

– dire que les modèles de sac « Aventure » et « Escapade » de la société Minuit sur Terre ne reproduisent pas les modèles de sac de la société Ashoka et ne portent consécutivement pas atteinte à ses prétendus droits d’auteur,

– En conséquence et en tout état de cause, débouter la société Ashoka de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur, comme étant mal fondées,

Sur l’action en parasitisme

à titre principal :

– dire l’action en parasitisme de la société Ashoka irrecevable en ce qu’elle ne repose pas sur des faits distincts de ceux visés par l’action en contrefaçon,

Subsidiairement,

– débouter la société Ashoka de l’ensemble de ses demandes au titre de son action en parasitisme comme étant mal fondées.

En conséquence et en tout état de cause

– constater l’absence de tout préjudice (et de démonstration y afférente) de la société Ashoka,

– en conséquence, débouter la société Ashoka de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

– condamner la société Ashoka au paiement à la société Minuit sur Terre de la somme de 25 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en cause d’appel,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 8 février 2024,

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Ashoka expose être spécialisée dans la fabrication de maroquinerie et proposer une gamme éthique, écoresponsable et d’origine non animale. Elle exploite un site accessible à l’adresse « www.ashokaparis.com ».

La société Minuit sur Terre indique être spécialisée également dans la fabrication et le commerce de produits de maroquinerie d’origine non animale qu’elle commercialise depuis sa création en 2017 notamment via le site internet accessible à l’adresse « www.minuitsur terre.com ».

La société Ashoka expose avoir créé, en 2018 et 2019, deux sacs dénommés « Paname » et « mini Paname » qu’elle commercialise depuis le mois d’avril 2019.

Elle indique avoir constaté, au mois d’avril 2020, sur le compte Instagram de la société Minuit sur Terre, une communication sur une future ligne de sacs, dits « Aventure » et « Escapade » dont elle considère qu’ils reproduisent les caractéristiques originales de ses propres sacs.

Par courrier du 16 avril 2020, la société Ashoka a mis en demeure, en vain, la société Minuit sur Terre de cesser ces agissements.

Le 29 avril 2020, la société Ashoka a fait dresser un procès-verbal de constat d’huissier de justice sur internet avant de faire assigner la société Minuit sur Terre, selon acte d’huissier du 6 août 2020, devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de droits d’auteur et subsidiairement en concurrence déloyale et parasitaire.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel.

Sur la contrefaçon de droits d’auteur

La société Ashoka critique le jugement dont appel qui a rejeté l’intégralité de ses prétentions au titre de la contrefaçon considérant que la preuve de l’originalité des sacs revendiqués n’était pas rapportée.

Elle considère que les sacs « Paname » et « mini Paname » sont accessibles à la protection par le droit d’auteur et que la combinaison des éléments qui les caractérise leur confère une physionomie propre de nature à démontrer un effort créatif et un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de leur créateur, à savoir :

S’agissant du sac « Paname » :

– des soufflets avec un montage dit « à l’allemande » qui consiste à assembler cinq parties de manière singulière : une face avant, une face arrière, deux soufflets latéraux reliés par une poche zippée, le tout sur un fond rectangulaire,

– une poche longitudinale qui crée la forme singulière du corps du sac,

– une poche zippée centrale et longitudinale qui donne une forme singulière au sac et plus particulièrement aux soufflets qui reviennent sur le corps du sac en formant deux creux de part et d’autre du sac,

– cet assemblage explique la forme caractéristique du sac qui, vu de haut, évoque celle d’un osselet,

– la présence de cinq pieds de sac métalliques : quatre à la périphérie et un cinquième placé au milieu du sac ;

– un fermoir en forme de demi-lune laissant apparaître la matière principale du rabat du sac,

– un rabat dont la forme rappelle celle du fermoir et plus particulièrement ses courbes arrondies,

– une forme rectangulaire aux extrémités basses arrondies.

Il est ajouté que le choix d’un montage « à l’allemande » donne au sac une forme trapézoïdale particulière et singulière, que la poche zippée centrale de forme longitudinale et le fermoir en demi-lune ont une forme et un aspect singuliers qui ne relèvent pas d’une contrainte technique et/ou fonctionnelle mais au contraire sont purement arbitraires et relèvent d’un véritable parti pris esthétique, que la poche donne une forme singulière au sac en ce qu’elle contraint les soufflets à revenir vers le corps du sac en formant deux creux de chaque côté, que la forme de demi-lune du fermoir laisse apparaître la matière principale du rabat du sac dont la forme rappelle les formes arrondies du fermoir, et qu’ainsi, au-delà de sa fonction mécanique, du fait de sa forme, le fermoir imaginé et réalisé pour le sac

constitue un véritable ornement emblématique et singulier, signe distinctif et de

reconnaissance dudit sac.

S’agissant du sac « mini Paname » :

– un format allongé et « affirmé »,

– vu de profil, le sac dessine un « U »,

– un fermoir en forme de demi-lune laissant apparaître la matière principale du rabat du sac,

– un rabat dont la forme rappelle celle du fermoir et plus particulièrement ses courbes arrondies.

Il est ajouté que ce sac de petite dimension, inspiré du design des années 60, dispose d’une bandoulière constituée d’une chaine métallique dorée, de quatre ‘illets ainsi que d’un fermoir original, ce qui lui confère une physionomie propre, l’ensemble évoquant, un style à la fois féminin et masculin, alliant délicatesse des lignes du sac et rudesse de la chaîne métallique dorée, que le fermoir en demi-lune a une forme et un aspect singulier qui ne relèvent pas d’une contrainte technique et/ou fonctionnelle, que le choix retenu pour la forme du fermoir du sac laisse apparaître la matière principale du rabat dont la forme rappelle les formes arrondies du fermoir et qu’ ainsi, au-delà de sa fonction mécanique, du fait de sa forme singulière, le fermoir constitue un ornement emblématique et singulier,

véritable signe de reconnaissance dudit sac.

La société Minuit sur Terre conteste l’originalité de deux sacs revendiqués. Reprenant les motifs du jugement, elle fait valoir que les caractéristiques ornementales de ces sacs tenant au montage, à la forme, au fond du sac, à sa fermeture zippée ou à sa bandoulière relèvent du fonds commun de l’accessoire de mode, dont ils ne s’écartent pas nettement et significativement, de sorte que ces derniers ne procèdent d’aucun effort créatif. Elle oppose un certain nombre d’antériorités (Celine, Chloé, Michael Kors, Agatha), dont les dates sont contestées par l’appelante, pour conclure à l’irrecevabilité de la société Ashoka à agir en contrefaçon.

Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, L. 112-1 et L. 112-2 10° du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination et que sont considérées comme des oeuvres de l’esprit, les oeuvres d’arts appliqués.

L’originalité d’une oeuvre de l’esprit est une condition lui permettant de bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur et non pas une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon, de sorte qu’en l’espèce, la société Ashoka doit être déclarée recevable à agir en contrefaçon de droits d’auteur dès lors qu’il n’est pas contesté qu’elle exploite sous son nom et de façon non équivoque les sacs revendiqués et qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs elle est ainsi présumée, à l’égard des tiers, être titulaire des droits patrimoniaux.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Or en l’espèce, la société Ashoka énumère les caractéristiques sur lesquelles des droits d’auteur sont revendiqués et démontre avoir procédé à des choix de forme, de montage, d’assemblage et de fermeture alliant ainsi fonction et forme. Ces choix arbitraires et esthétiques, même s’ils empruntent au fonds commun de l’accessoire de mode existant avant 2019, font que l’aspect global des sacs considérés porte l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

Il en résulte que les sacs « Paname » et « Mini Paname » doivent être considérés comme des oeuvres originales éligibles à la protection du droit d’auteur. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Selon l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

En l’espèce, la société Ashoka fait valoir que les sacs « Aventure » et « Escapade » de la société Minuit sur Terre produisent les caractéristiques essentielles de ses sacs « Paname » et « Mini Paname ».

La cour constate en premier lieu que ni les sacs revendiqués, dont seules des photographies figurent dans les dernières écritures de la société appelante, ni les sacs incriminés, n’ont été produits aux débats.

Par ailleurs, si la contrefaçon s’établit par les ressemblances résultant de la reprise des éléments caractéristiques de ou des oeuvres concernées, et que des lors que ces éléments caractéristiques résultent d’une combinaison, la contrefaçon ne peut être établie que si on retrouve une combinaison identique ou tout au moins une combinaison reprenant dans un même agencement les éléments caractéristiques de ou des oeuvres revendiquées.

En l’espèce, les sacs « Paname » et « Mini Paname » sont ainsi qu’il a été dit caractérisés par la combinaison des éléments revendiqués.

Or les sacs « Aventure » et « Escapade » incriminés donnent à voir notamment, certes un fermoir en forme de demi-lune, mais inversé par rapport aux sacs revendiqués, et qui ne laisse pas apparaître la matière principale du rabat ; ils présentent en outre un rabat de forme ovale produisant une impression d’ensemble que ne dégagent pas les sacs « Paname » et « Mini Paname ».

Les sacs « Aventure » et « Escapade » de la société Minuit sur Terre ne reprennent donc pas les éléments caractéristiques des sacs «  « Paname » et « Mini Paname » dans une combinaison identique ou tout au moins une combinaison reprenant dans un même agencement les éléments caractéristiques ; la contrefaçon n’est en conséquence pas caractérisée et le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté l’intégralité des prétentions de la société Ashoka et notamment celles relatives à la contrefaçon.

Sur la concurrence parasitaire

Il convient de rappeler que le parasitisme fondé sur l’article 1240 du code civil requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d`investissements.

En l’espèce, la société Ashoka invoque une atteinte à ses investissements, à l’image de ses produits et à sa renommée. Elle explique que la société Minuit sur Terre a cherché à bénéficier de l’exposition et du succès rencontré par elle en lançant sur le marché plusieurs modèles de sacs reproduisant les caractéristiques essentielles des sacs « Paname » et « Mini Paname» commercialisés par elle, que la société intimée a en outre repris le concept d’un sac à main décliné dans sa version « mini » dont l’originalité réside précisément dans le fait de ne pas reprendre l’intégralité des caractéristiques du grand modèle, soit l’idée d’un « duo de sacs » initialement conçu et imaginé par elle pour ses propres sacs. Elle ajoute que la société Minuit sur Terre s’épargne ainsi non seulement des frais de conception et de recherche, mais surtout tout le travail de conception commerciale et promotionnelle, lui permettant ainsi à l’époque des faits de commercialiser des sacs à un prix 18% moins élevé que celui de ses propres sacs sur ce marché de la maroquinerie vegan.

Ces faits invoqués sont distincts de ceux reprochés à la société Minuit sur Terre au titre de l’action en contrefaçon de droits d’auteur qui au demeurant a été rejetée. Les demandes de la société Ashoka au titre du parasitisme sont donc recevables.

Pour autant, il a été dit que les sacs incriminés ne reprenaient pas les caractéristiques des sacs revendiquées de sorte que la société Minuit sur Terre ne peut matériellement avoir tiré profit sans bourse délier, des efforts et du savoir-faire de la société Ashoka. Cette dernière ne justifie en outre d’aucun investissement relatif aux sacs qu’elle commercialise autres qu’une réunion de travail pour la création techpacks du sac « Paname » d’un jour en 2018 pour la somme de 640 euros HT. Elle ne justifie pas plus du succès rencontré par les sacs en cause ni même d’une notoriété établie sur le marché de la maroquinerie vegan. Enfin ni la vente à un prix inférieur ni le fait de commercialiser un sac en deux tailles différentes, l’un étant la déclinaison de l’autre sans en reprendre les caractéristiques, n’établissent des actes de parasitisme, la société Minuit sur Terre démontrant en outre qu’elle ne commercialise pas « un duo de sacs » mais « un trio de sacs » certes « associés mais différents », mais qui ne font aucune mention du caractère « mini » de l’un ou de l’autre.

Le jugement qui a rejeté l’intégralité des prétentions de la société Ashoka et notamment celles relatives au parasitisme sera également confirmé de ce chef.

Sur le dénigrement

A ce titre, la société Ashoka, fait valoir que la société Minuit sur Terre a réalisé en octobre 2020, soit postérieurement à l’assignation qui lui a été délivrée, une « story » publiée à partir de son compte Instagram proposant un sondage consistant à faire deviner aux utilisateurs du réseau social le lieu de production de ses produits et indiquant, en guise de réponse, qu’il s’agit du Portugal, manifestant ainsi une intention de lui nuire, en ce qu’il s’agissait de porter atteinte à son esprit et à son approche éthique et écoresponsable qu’elle a toujours défendue et partagée avec sa clientèle. Elle ajoute que les circonstances dans lesquelles la société Minuit sur Terre a publié la story litigieuse sont de nature à attirer l’attention de sa clientèle sur le fait qu’elle a choisi la Thaïlande pour y implanter son site de fabrication ‘ ce qui serait moins méritant que le Portugal ‘ et serait ainsi moins sensible que la société intimée aux questions relatives à l’environnement.

Toutefois, c’est par des motifs exacts et pertinents tenant à l’absence d’identification de la société Ashoka dans ledit sondage, que le tribunal a rejeté les demandes de cette dernière relatives au dénigrement. Il sera ajouté en tout état de cause que la société Ashoka revendique ouvertement sur son site Internet et son compte Instagram avoir un lieu de production en Thaïlande de sorte que l’allégation de dénigrement manque en fait.

Sur la demande reconventionnelle de la société Minuit sur Terre en concurrence déloyale et parasitisme

A titre reconventionnel, la société Minuit sur Terre fait valoir que par la reprise, à l’identique, de ses modèles antérieurs de sacs « Epopée » et « Poème » et du concept de sacs en cuir d’origine non animale, la société Ashoka, en créant un effet de gamme, commet des actes de concurrence déloyale à son encontre. Elle ajoute que la reprise, également à l’identique, de son discours, de ses éléments de communication, du modèle (sic) et de l’ensemble de ses efforts pour mener à bien son projet, la société Ashoka commet des actes de parasitisme à son préjudice, cette dernière ayant construit son activité sur l’ensemble du travail préalable de sa concurrente.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d`investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Enfin le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux, qui ne font pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, distribués par un concurrent, étant ajouté que les allégations de contrefaçon de la société Minuit sur Terre sont ici inopérantes, le fondement de son action étant l’article 1240 du code civil, relève de la liberté du commerce et n’est pas fautif, dès lors que cela n’est pas accompagné de manoeuvres déloyales constitutives d’une faute telle que la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

En l’espèce, la société intimée se prévaut de la commercialisation non contestée à partir du mois d’octobre 2018 de modèles antérieurs de sacs que le sac « Paname » de la société Ashoka reproduirait à l’identique. Cependant elle ne procède à aucune description ni comparaison des sacs en cause dès lors qu’elle s’est contentée d’insérer des photographies dans ses écritures. Aucune manoeuvre déloyale de la société Ashoka constitutive d’une faute telle que la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits n’est démontrée. Enfin la société Minuit sur Terre n’établit pas plus être à l’origine du « concept de sacs centrés sur l’utilisation de cuir d’origine non animale » ni a fortiori l’avoir « imaginé » comme elle le soutient, concept qu’elle ne saurait en tout état de cause s’approprier, et aucun effet de gamme n’est caractérisé par la simple commercialisation par deux sociétés concurrentes de produits fabriqués à partir de matière d’origine non animale et vegan qui correspond à une tendance de la mode actuelle.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté l’intégralité des prétentions de la société Minuit sur Terre dont ses prétentions émises au titre de la concurrence déloyale.

S’agissant du parasitisme, il a été dit que la société Minuit sur Terre ne peut revendiquer un monopole sur la tendance dite « vegan » ni même sur la maroquinerie fabriquée à partir de matière d’origine non animale.

Il résulte des pièces versées aux débats qu’au-delà des idées « éthiques » véhiculées par les deux parties en litige, les éléments de communication de cette dernière depuis 2020 et le contenu de son site ne reprennent pas ceux de la société Minuit sur Terre de 2017.

L’utilisation de rubriques relatives à la vie animale, à l’environnement ou aux conditions de travail ainsi que de termes tels que « respect, qualifié, durable, style, qualité, responsable ‘ » est inhérente au domaine considéré. La société Minuit sur Terre ne peut s’approprier le fait d’utiliser des moyens et outils de promotion en ligne et notamment celui d’indiquer le processus de fabrication des produits ou d’avoir recours au « crowdfunding » (en français financement participatif) et/ou à une répartition proportionnelle des sommes collectées ainsi qu’à la même association de défense des animaux de laboratoire ou encore le fait d’avoir prévu une FAQ (Foire aux Questions) banale et usuelle s’agissant d’un site marchand sur internet. Le choix d’un chien comme mascotte ou simple référence ou de quatre images postées sur Instagram qui évoquent mais ne reproduisent pas celles de la société Minuit sur Terre, est insuffisant à caractériser les actes de suivisme systématique qui sont reprochés à la société Ashoka. Enfin il n’est pas contesté que la société Minuit sur Terre commercialisait au moment de sa création des chaussures et a lancé sa première collection de sacs en octobre 2018. Il est donc inopérant, au titre du parasitisme, d’une part de comparer ses publications sur Internet de 2017 avec celles de la société Ashoka et d’autre part, d’invoquer des investissements concernant des prestations diverses dont un dépôt de marque totalement étranger au présent litige et/ou l’acquisition de matériel (téléphone, ordinateur, imprimante, papier etc’.), qui soit sont antérieurs au mois d’octobre 2018, soit ne peuvent être reliés à la commercialisation de sacs vegan dont la société Ashoka aurait profité indument.

Le jugement sera en conséquence également confirmé en ce qu’il a rejeté l’intégralité des prétentions de la société Minuit sur Terre dont ses prétentions émises au titre du parasitisme.

Sur la procédure abusive

Le fait d’exercer une action en justice ne constitue pas une faute, sauf s’il dégénère en abus. En l’espèce, aucun des moyens développés par la société Minuit sur Terre et notamment le caractère « obsessionnel » et acharné de la société Ashoka, ne caractérise une telle faute.

Il y a lieu en conséquence de débouter la société intimée de ses demandes tant de dommages intérêts pour procédure abusive que de condamnation de la société appelante au paiement d’une amende civile.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

Partie perdante, la société Ashoka sera en outre condamnée aux dépens d’appel.

Enfin la société Minuit sur Terre a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l’ensemble des demandes de la société Ashoka Paris.

Dit que les sacs « Paname » et « Mini Paname » sont des oeuvres originales éligibles à la protection du droit d’auteur mais déboute la société Ashoka Paris de ses demandes relatives à la contrefaçon.

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société Ashoka Paris à payer à la société Minuit sur Terre la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Ashoka Paris aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente


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