Les agrégateurs de presse privés d’aides à la presse en ligne
Les agrégateurs de presse privés d’aides à la presse en ligne

Les agrégateurs de presse ont peu de chance de voir leur agrément CPPAP renouvelé (celui-ci conditionne l’attribution d’aides à la presse, notamment en termes d’envois postaux à tarif préférentiel). En effet, les aides à la presse en ligne sont conditionnées à l’existence d’un apport éditorial original.    

Affaire en2mots.info c/ CPPAP

La CPPAP a décidé de ne plus reconnaître à « en2mots.info » la qualité de service de presse en ligne au motif que ce site, qui se présente lui-même comme un agrégateur de contenus, opérait une présentation de brèves issues de différentes sources de presse mis à jour de façon quotidienne, dont le nombre d’environ 200 rédigées par trois journalistes ne permettait pas d’attester d’un apport éditorial original résultant d’un travail journalistique de recherche et de vérification.  

Le concept d’un agrégateur de presse

Le site d’information « en2mots.info » ne procède pas à la collecte des informations qu’il publie mais retire ces informations des sources de presse qu’il exploite en les résumant, les compilant ou les synthétisant.

Si les journalistes du site d’information « en2mots.info » produisent un contenu, sous forme de brèves, à partir du « bulletinage » de près de 160 ou 180 sources de presse, celui-ci ne peut ainsi être qualifié d’original.

Le critère de l’équipe rédactionnelle réduite

Par ailleurs, l’équipe rédactionnelle ne comptant que trois journalistes, n’est pas matériellement en mesure, ainsi que l’a relevé la CPPAP, de procéder à la recherche et à la vérification de l’intégralité des informations sous-jacentes aux 200 brèves publiées chaque jour.

La vérification des sources

Et la société requérante reconnaît elle-même ne procéder à la vérification de ces sources que lorsque celles-ci soulèvent des « interrogations » ou des « soucis de cohérence ». La société Actuflux ne verse au dossier aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation portée par la CPPAP sur l’activité du site.

Les brèves qu’elle produit, à titre illustratif, ne permettent pas de considérer que le service en ligne en litige mettrait à disposition du public un contenu original, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet, au sein du service de presse en ligne, d’un traitement à caractère journalistique, notamment dans la recherche, la vérification et la mise en forme de ces informations.

Par suite, la société n’est pas fondée à soutenir que la CPPAP, en décidant de ne plus reconnaître à « en2mots.info » la qualité de service de presse en ligne, aurait commis une erreur de droit ou une erreur dans la qualification juridique des faits.

Notion de service de presse

Pour rappel, aux termes de l’article 1er de la loi du 1er août 1986 :

« On entend par service de presse en ligne tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale ».

Aux termes de l’article 1er du décret du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et des agences de presse : « La commission paritaire des publications et agences de presse est chargée de la reconnaissance des services de presse en ligne, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, en vue notamment de bénéficier des allégements fiscaux. ».

Aux termes de l’article 1er du décret du 29 octobre 2009 pris pour l’application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse : « Sont reconnus par la commission les services de presse en ligne répondant aux conditions suivantes : … 5° Le service de presse en ligne met à disposition du public un contenu original, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet, au sein du service de presse en ligne, d’un traitement à caractère journalistique, notamment dans la recherche, la vérification et la mise en forme de ces informations.  ».

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
Tribunal administratif de Paris
5e section – 1re chambre
21 octobre 2022, n° 2004145
 
Vu la procédure suivante :
 
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 février 2020, 14 mai 2020, 19 décembre 2021 et 20 février 2022, la société Actuflux, représentée par la SCP Lussan, demande au tribunal :
 
1°) d’annuler la décision du 2 octobre 2019 par laquelle la commission paritaire des publications et agences de presse a décidé d’exclure l’inscription du service en ligne « en2mots.info » de la liste des services de presse en ligne, ensemble la décision du 4 décembre 2019 par laquelle elle a rejeté son recours gracieux ;
 
2°) d’enjoindre à la commission paritaire des publications et agences de presse de rétablir la reconnaissance de « en2mots.info » comme service de presse en ligne ou à défaut de prendre une nouvelle décision agréant pour cinq ans le service « en2mots.info » comme service de presse en ligne, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
 
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Elle soutient que :
 
— il n’est pas établi que la commission ait procédé à l’examen des documents et explications produits par la société à l’appui de son recours gracieux ;
 
— les décisions sont entachées d’erreur de droit et d’erreur sur la qualification juridique des faits eu égard aux dispositions de l’article 1er du décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 pris pour l’application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ;
 
— elles méconnaissent les dispositions de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration.
 
— les décisions attaquées sont entachées d’un vice de procédure en méconnaissance des dispositions de l’article 12-2 du décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et agences de presse.
 
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 avril 2021 et 20 janvier 2022, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.
 
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Actuflux ne sont pas fondés.
 
Par ordonnance du 21 février 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 7 mars 2022.
 
Vu les autres pièces du dossier.
 
Vu :
 
— le code des relations entre le public et l’administration ;
 
— la loi n° 86-897 du 1er août 1986 ;
 
— le décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997 ;
 
— le décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 pris pour application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 ;
 
— le code de justice administrative.
 
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
 
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
 
— le rapport de Mme Kanté, première conseillère,
 
— les conclusions de M. Degand, rapporteur public,
 
— et les observations de Me Job, représentant la société Actuflux.
 
Une note en délibéré présentée par la société Actuflux a été enregistrée le 6 octobre 2022.
 
Considérant ce qui suit :
 
1. La société Actuflux est l’éditrice d’un service en ligne dénommé « en2mots.info » consacré à l’actualité économique et institutionnelle. La commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) l’a informée, par courrier du 3 juillet 2019, qu’elle allait, en application des dispositions de l’article 12-2 du décret du 20 novembre 1997 susvisé, procéder au réexamen du certificat délivré pour la dernière fois au service de presse en ligne « en2mots.info » le 19 mars 2019, avant le terme de sa durée de validité. Par un courrier du 3 octobre 2019, la présidente de la commission a notifié à la société Actuflux la décision du 2 octobre 2019 par laquelle la CPPAP a décidé de ne plus reconnaître à « en2mots.info » la qualité de service de presse en ligne. La société Actuflux a formé un recours gracieux contre cette décision le 2 novembre 2019, lequel a été expressément rejeté par la CPPAP le 4 décembre 2019. La société Actuflux demande l’annulation des décisions des 2 octobre 2019 et 4 décembre 2019.
 
2. Aux termes de l’article 1er de la loi du 1er août 1986 : « On entend par service de presse en ligne tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale ». Aux termes de l’article 1er du décret du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et des agences de presse : « La commission paritaire des publications et agences de presse est () chargée de la reconnaissance des services de presse en ligne, au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, en vue notamment de bénéficier des allégements fiscaux. ». Aux termes de l’article 1er du décret du 29 octobre 2009 pris pour l’application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse : « Sont reconnus par la commission () les services de presse en ligne () répondant aux conditions suivantes : () / 5° Le service de presse en ligne met à disposition du public un contenu original, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet, au sein du service de presse en ligne, d’un traitement à caractère journalistique, notamment dans la recherche, la vérification et la mise en forme de ces informations. / () ».
 
3. En premier lieu, la circonstance que la décision du 4 décembre 2019 rejetant le recours gracieux de la société requérante reprenne les mêmes motifs que la décision initiale du 2 octobre ne signifie pas que la CPPAP n’a pas procédé à l’examen de ce recours gracieux et qu’elle n’aurait pas pris en compte les éléments produits par la requérante à l’appui de celui-ci. Et il ne ressort pas des pièces du dossier que la CPPAP n’aurait pas procédé à l’examen des éléments produits par la société Actuflux à l’appui de son recours gracieux.
 
4. En deuxième lieu, la CPPAP a décidé de ne plus reconnaître à « en2mots.info » la qualité de service de presse en ligne au motif que ce site, qui se présente lui-même comme un agrégateur de contenus, opérait une présentation de brèves issues de différentes sources de presse mis à jour de façon quotidienne, dont le nombre d’environ 200 rédigées par trois journalistes ne permettait pas d’attester d’un apport éditorial original résultant d’un travail journalistique de recherche et de vérification au sens des dispositions précitées.
 
5. La société requérante récuse la qualification d’agrégateur de contenus retenu par la CPPAP, et soutient que le contenu de « en2mots.info » est original en ce qu’il n’est pas une copie ou simple reproduction d’informations brutes, mais bien le résultat d’une sélection d’informations issues de multiples sources, vérifiées, recomposées et transcrites de façon nouvelle et adaptée aux besoins des lecteurs par des journalistes professionnels.
 
6. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment des pièces produites par la société requérante, que le site d’information « en2mots.info » ne procède pas à la collecte des informations qu’il publie mais retire ces informations des sources de presse qu’il exploite en les résumant, les compilant ou les synthétisant. Si les journalistes du site d’information « en2mots.info » produisent un contenu, sous forme de brèves, à partir du « bulletinage » de près de 160 ou 180 sources de presse, celui-ci ne peut ainsi être qualifié d’original. Par ailleurs, l’équipe rédactionnelle ne comptant que trois journalistes, n’est pas matériellement en mesure, ainsi que l’a relevé la CPPAP, de procéder à la recherche et à la vérification de l’intégralité des informations sous-jacentes aux 200 brèves publiées chaque jour. Et la société requérante reconnaît elle-même ne procéder à la vérification de ces sources que lorsque celles-ci soulèvent des « interrogations » ou des « soucis de cohérence ». La société Actuflux ne verse au dossier aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation portée par la CPPAP sur l’activité du site. Les brèves qu’elle produit, à titre illustratif, ne permettent pas de considérer que le service en ligne en litige mettrait à disposition du public un contenu original, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet, au sein du service de presse en ligne, d’un traitement à caractère journalistique, notamment dans la recherche, la vérification et la mise en forme de ces informations. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la CPPAP, en décidant de ne plus reconnaître à « en2mots.info » la qualité de service de presse en ligne, aurait commis une erreur de droit ou une erreur dans la qualification juridique des faits.
 
7. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ».
 
8. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le retrait de la décision du 4 juin 2019, intervenu le 2 octobre 2019, n’étant pas illégal, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. En outre, la circonstance que la commission a délivré antérieurement un certificat d’inscription au service en ligne « en2mots.info » est sans influence sur la légalité de la décision attaquée.
 
9. En quatrième lieu, aux termes de l’article 12-2 du décret du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et agences de presse : « Les ministres intéressés peuvent saisir la commission paritaire de toute question relative à l’application de l’article 1er de la loi n° 86-197 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et lui demander le réexamen de la reconnaissance d’un service de presse en ligne. La reconnaissance d’un service de presse en ligne peut également être réexaminée à la demande du président de la commission paritaire ou de six au moins de ses membres ».
 
10. Il résulte de ces dispositions que la reconnaissance d’un service de presse en ligne ne peut être réexaminée qu’à la demande du président de la commission paritaire ou de six au moins de ses membres.
 
11. Si le réexamen du certificat du site de « en2mots.info » a été décidé à la suite d’un débat né d’observations formées par des représentants des entreprises de presse membres de la commission à propos de la nature des activités de certains sites d’information, ainsi que le reconnaît la ministre de la culture, ce réexamen a été décidé, non sur la demande de membres de la commission, mais sur celle de sa présidente estimant pertinentes les observations formées par les représentants des entreprises de presse membres de la commission, en application des dispositions précitées, ainsi qu’il ressort de l’ordre du jour de la séance plénière de la commission du 2 octobre 2019. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, par suite, être écarté.
 
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Actuflux n’est pas fondée à demander l’annulation des décisions du 2 octobre 2019 et 4 décembre 2019. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
 
D E C I D E :
 
Article 1er : La requête de la société Actuflux est rejetée.
 
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Actuflux et à la ministre de la culture.
 
Délibéré après l’audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
 
Mme Riou, présidente,
 
Mme Lambrecq, première conseillère,
 
Mme Kanté, première conseillère,
 
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.
 
La rapporteure,
 
C. KantéLa présidente,
 
C. Riou
 
La greffière,
 
V. Lagrède
 
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
 

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