Embauche et évolution du contrat de travailM. [U] [K] a été embauché par l’EIRL [T] [F] en tant qu’ouvrier maçon avec un contrat à durée déterminée de 6 mois à partir du 5 janvier 2016. Son contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée par un avenant le 4 juillet 2016, tout en maintenant les autres conditions inchangées. La convention collective nationale des ouvriers du bâtiment s’applique à sa relation de travail. Accidents du travailM. [U] [K] a subi un premier accident du travail le 26 mai 2017, suivi d’un second accident le 21 juin 2018, qui a entraîné un arrêt maladie jusqu’au 9 septembre 2018. Rupture du contrat de travailLe 7 septembre 2018, M. [U] [K] a informé l’EIRL [T] [F] de sa décision de rompre son contrat de travail, invoquant des torts exclusifs de l’employeur. Procédure judiciaireM. [U] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz le 12 janvier 2021, demandant diverses communications et le paiement d’indemnités. L’EIRL [T] [F] a contesté la rupture, la qualifiant de démission et a demandé des justifications sur la situation de M. [U] [K] après la rupture. Jugement du conseil de prud’hommesLe 7 juillet 2022, le conseil de prud’hommes a rejeté les demandes de M. [U] [K] avant dire droit, a jugé injustifiée sa prise d’acte, l’a requalifiée en démission, et a débouté M. [U] [K] de ses demandes d’indemnités, tout en condamnant l’EIRL [T] [F] à verser certaines sommes pour des frais divers. Appel de M. [U] [K]M. [U] [K] a interjeté appel le 12 août 2022, demandant l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment la requalification de la rupture et les indemnités. Arguments de l’EIRL [T] [F]L’EIRL [T] [F] a soutenu que M. [U] [K] devait prouver des manquements graves justifiant la rupture, arguant que les manquements invoqués étaient anciens ou non suffisants pour empêcher la poursuite du contrat. Analyse des manquementsLe tribunal a examiné les griefs de M. [U] [K], notamment l’absence de visites médicales, la déclaration des accidents du travail, et les retards dans le paiement des salaires. Il a conclu que ces manquements, bien que réels, n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat. Décision de la cour d’appelLa cour a confirmé que la prise d’acte de M. [U] [K] devait être considérée comme une démission. Les demandes d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été rejetées, mais la cour a accordé des dommages et intérêts pour préjudice subi en raison de retards de paiement. ConclusionLa cour a condamné l’EIRL [T] [F] à verser des sommes à M. [U] [K] pour les manquements établis, tout en confirmant la majorité des décisions du conseil de prud’hommes. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
23 octobre 2024
————————
N° RG 22/02051 –
N° Portalis DBVS-V-B7G-FZSL
—————————-
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
07 juillet 2022
21/00012
—————————-
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt trois octobre deux mille vingt quatre
APPELANT :
M. [U] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Stéphanie GRIECI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
EIRL [T] [F] prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence BOURDEAUX de la SCP BOURDEAUX-MARCHETTI, avocat au barreau d’EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne WILD
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de Chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [U] [K] a été embauché par l’EIRL [T] [F], selon contrat à durée déterminée de 6 mois prenant effet le 5 janvier 2016, en qualité d’ouvrier maçon. Suivant avenant du 4 juillet 2016, son contrat de travail a été transformé en contrat à durée indéterminée, les autres conditions de celui-ci restant inchangées.
La convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (occupant jusqu’à 10 salariés) du 8 octobre 1990 s’applique à la relation de travail.
M. [U] [K] a été victime d’un accident du travail le 26 mai 2017.
Le 21 juin 2018, M. [U] [K] a subi un nouvel accident du travail. Il a été placé en arrêt maladie jusqu’au 9 septembre 2018.
Par courrier du 7 septembre 2018, M. [U] [K] a informé l’EIRL [T] [F] de sa décision de rompre son contrat de travail, et ce aux torts exclusifs de son employeur.
Par acte introductif d’instance enregistré au greffe le 12 janvier 2021, M. [U] [K] a fait convoquer l’EIRL [T] [F], devant le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de voir, aux termes de ses dernières conclusions, ordonner avant dire droit la communication par l’EIRL [T] [F] de son adhésion à la médecine du travail et des justificatifs de paiement pour les années 2016 à 2018, de pièces comptables relatives aux frais de repas, des déclarations URSSAF ou fiches de paie concernant les attestataires. Il demandait en outre l’audition des personnes ayant témoigné pour l’EIRL [T] [F]. Au fond, il sollicitait le paiement d’indemnités de rupture, de différentes primes et autres indemnités, ainsi que d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et la production sous astreinte d’une attestation de chômage rectifiée.
L’EIRL [T] [F] demandait qu’il soit jugé que la rupture du contrat de travail produise les effets d’une démission. Elle sollicitait avant dire droit que M. [U] [K] justifie de sa situation entre le 10 septembre et le 31 décembre 1998, et que soient entendues les personnes ayant témoigné pour le salarié. Elle s’opposait aux prétentions formées par M. [U] [K] et demandait le versement d’un montant au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 7 juillet 2022, le conseil de prud’hommes de Metz, section industrie, a statué ainsi qu’il suit :
– Rejette les demandes avant dire droit formées par M. [U] [K] et par l’EIRL [T] [F] ;
– Juge injustifiée la prise d’acte notifiée par courrier le 7 septembre 2018 ;
– Requalifie la prise d’acte en une démission avec tous ses effets ;
– Déboute M. [U] [K] de ses demandes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, et d’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse ;
– Condamne l’EIRL [T] [F], prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [U] [K] les sommes suivantes :
. 1 890 euros au titre des paniers,
. 903,51 euros au titre de l’indemnité de trajet,
. 96,70 euros au titre des frais de grand déplacement,
– Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement à l’EIRL [T] [F] ;
– Déboute M. [U] [K] du surplus de ses demandes ;
– Condamne l’EIRL [T] [F], prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [U] [K] la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Déboute l’EIRL [T] [F] de sa demande à ce titre ;
– Ordonne l’exécution provisoire du jugement en application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ;
– Condamne l’EIRL [T] [F], prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens de l’instance, y compris aux éventuels frais d’exécution du jugement.
Par déclaration formée par voie électronique le 12 août 2022, M. [U] [K] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée datée du 11 juillet 2022 dont l’accusé de réception est revenu avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2023, M. [U] [K] demande à la cour de :
« Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 7 juillet 2022 en ce qu’il :
Déboute M. [U] [K] de ses demandes avant dire droit
Juge la prise d’acte notifiée par courrier le 7 septembre 2018 injustifiée
Requalifie la prise d’acte en une démission avec tous ses effets
Déboute M. [U] [K] au titre de sa demande d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et d’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse
Déboute M. [U] [K] du surplus de ses demandes à savoir heures supplémentaires, préjudice subi, nouvelle attestation employeur destinée à Pôle emploi
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la prise d’acte s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner l’EIRL [T] [F] à verser à M. [U] [K] :
. 1 009 euros au titre de l’indemnité de licenciement
. 3 012,16 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
. 301,22 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
. 4 518,24 euros au titre de l’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse
Condamner l’EIRL [T] [F] à verser à M. [U] [K] la somme de 752,35 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires
Condamner l’EIRL [T] [F] à verser à M. [U] [K] la somme de 2 805,03 euros au titre des jours travaillés non payés
Condamner l’EIRL [T] [F] à verser à M. [U] [K] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice subi
Le tout avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 7 juillet 2022 en ce qu’il a condamné l’EIRL [T] [F] à payer à M. [U] [K] les sommes de :
. 1 890 euros au titre des paniers,
. 903,51 euros au titre de l’indemnité de trajet,
. 96,70 euros au titre des frais de grand déplacement,
. 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner l’EIRL [T] [F] à verser à M. [U] [K] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,
Condamner l’EIRL [T] [F] à remettre à M. [U] [K] une attestation d’assurance chômage rectifiée quant au motif de la rupture du contrat de travail et aux sommes versées à l’occasion de la rupture, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de la décision à intervenir,
Condamner l’EIRL [T] [F] en tous les frais et dépens de la présente procédure. »
Au soutien de ses prétentions, M. [U] [K] précise :
– que l’EIRL [T] [F] a commis les manquements suivants dans le cadre de la relation de travail :
. absence d’organisation de la visite médicale d’embauche et de celle prévue à l’issue de la période d’essai,
. absence de déclaration des accidents du travail des 26 mai 2017 et 21 juin 2018,
. absence d’adhésion à la médecine du travail pour la période au cours de laquelle M. [U] [K] a travaillé,
. absence d’organisation d’une visite médicale de reprise avant la fin de l’arrêt de travail, et ce pour mettre en place le mi-temps thérapeutique,
. retards dans la communication des bulletins de salaire de juin à septembre 2018 mais aussi pour 2017,
. retards récurrents dans le paiement des salaires,
. absence de transmission du certificat de congés payés en vue de leur perception, relativement à la période allant du 1er avril 2017 au 31 mars 2018 et à celle qui a suivi,
. absence de fourniture des équipements de protection individuelle adaptés,
. non-paiement des primes de panier, des indemnités de trajet et de grand déplacement, et des heures supplémentaires qui lui étaient dues ;
– que ces manquements commis par l’EIRL [T] [F] rendaient impossible la poursuite de son contrat de travail, de sorte que la prise d’acte du 7 septembre 2018 doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– que l’EIRL [T] [F] reste lui devoir des heures supplémentaires effectuées en 2016 ;
– qu’il a également travaillé des samedis, dimanches et jours fériés sans être payé ;
– qu’il a subi un préjudice du fait de ne pas avoir été payé en temps et en heure, de s’être retrouvé sans emploi et de ne pas avoir pu être indemnisé conformément à ce qui lui était dû ;
– que la prime de panier est due en application des dispositions de la convention collective, compte tenu de l’impossibilité qu’il avait de prendre ses repas de midi dans une cantine ou à domicile, travaillant sur des chantiers chez des clients de l’entreprise et l’employeur n’ayant qu’exceptionnellement pris en charge lui-même le repas ;
– que l’indemnité de trajet et celle de grand déplacement doivent également lui être versées, dans la mesure où il effectuait son travail sur des chantiers situés à distance de l’entreprise ;
– que l’attestation Pôle emploi établie par l’EIRL [T] [F] contient des anomalies devant être rectifiées (durée d’emploi ; salaires des douze derniers mois précédant le dernier jour de travail ; motif de la rupture du contrat ; sommes versées à l’occasion de la rupture).
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2023 et portant appel incident, l’EIRL [T] [F] demande à la cour de :
– « Confirmer le jugement rendu le 7 juillet 2022 en ce qu’il a :
. jugé la prise d’acte notifiée le 7 septembre 2017 injustifiée ;
. requalifié la prise d’acte en démission avec tous ses effets ;
. débouté M. [K] de ses demandes à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de l’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse.
Infirmer le jugement rendu le 7 juillet 2022 sur les demandes salariales et indemnitaires, en ce qu’il a :
. condamné l’EIRL [T] [F] à payer à M. [K] les sommes suivantes :
1 890 euros au titre des paniers ;
903,51 euros au titre de l’indemnité de trajet ;
96,70 euros au titre des frais de grand déplacement ;
. condamné l’EIRL [T] [F] à payer à M. [K] la somme de 1 250 euros au titre de l’article 700.
Débouter M. [K] de ses demandes au titre des paniers, de l’indemnité de trajet, des frais de grand déplacement et de l’article 700.
Confirmer le jugement rendu le 7 juillet 2022 sur les demandes salariales et indemnitaires en ce qu’il a :
. débouté M. [K] de sa demande de majoration d’heures supplémentaires ;
. débouté M. [K] de sa demande de jours travaillés non payés ;
. débouté M. [K] de sa demande au titre du préjudice subi ;
. débouté M. [K] de sa demande d’attestation d’assurance chômage.
Condamner M. [K] à payer à l’EIRL [T] [F] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner M. [K] aux entiers dépens d’instance et d’appel. »
L’EIRL [T] [F] explique :
Qu’il appartient à M. [U] [K] de démontrer que l’employeur a commis des manquements graves empêchant la poursuite du contrat de travail ;
Que des manquements anciens ne peuvent pas justifier l’impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat de travail ;
Que l’absence d’organisation d’une visite médicale à l’embauche et à la fin de la période d’essai résulte de sa méconnaissance des règles applicables, et non d’une volonté délibérée de ne pas accomplir cette formalité ;
Que l’ancienneté de ce grief ne peut justifier une prise d’acte aux torts de l’employeur ;
Qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’adhésion à la médecine du travail au moment de la rupture du contrat de travail de M. [U] [K] ;
Que s’agissant de la visite médicale de reprise à l’issue de l’arrêt de travail de M. [U] [K] s’achevant le 9 septembre 2018, l’EIRL [T] [F] avait 8 jours à compter de la reprise du travail pour l’organiser, de sorte qu’aucun manquement n’a été commis, M. [U] [K] ayant rompu le contrat deux jours avant la fin de son arrêt ;
Que s’agissant de l’accident du travail du 26 mai 2017, elle a accompli toutes les diligences nécessaires y compris la déclaration d’accident du travail ;
Que cet événement, datant de plus d’un avant la prise d’acte, ne peut justifier l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail ;
Qu’en ce qui concerne l’accident du 21 juin 2018, l’employeur a accompli les formalités de déclaration de l’accident du travail dès le 6 juillet 2018, M. [U] [K] ayant tardé à obtenir un arrêt de travail mais ayant finalement été rempli de ses droits ;
Que le retard dans l’établissement des bulletins de salaire résulte de celui pris par M. [U] [K] pour communiquer ses décomptes d’indemnités journalières pendant qu’il était en arrêt maladie ;
Que ces manquements ont tous été régularisés et ne sont pas suffisamment graves pour justifier une rupture du contrat de travail ;
Que M. [U] [K] et l’EIRL [T] [F] avaient un accord pour que le salaire soit versé sous forme d’un acompte de 1 000 euros suivi du solde lors de l’établissement des bulletins de salaire ;
Que les retards de versement du salaire sont anciens (2017) de sorte qu’ils ne peuvent justifier la prise d’acte, le contrat de travail ayant pu se poursuivre, ou sont justifiés par la carence de M. [U] [K] à produire ses décomptes d’indemnités journalières versées par l’organisme social ;
Que l’employeur n’a pas hésité en outre à payer le loyer de M. [U] [K] quand celui-ci en a eu besoin ;
Que l’absence de transmission du décompte des congés payés n’est pas justifiée et ne peut servir de fondement à la prise d’acte en ce qui concerne la dernière période, s’agissant d’un motif postérieur à la rupture du contrat de travail ;
Que le non-paiement des frais, indemnités et heures supplémentaires n’a pas été invoqué par M. [U] [K] dans sa lettre de rupture ni devant le conseil de prud’hommes à l’appui de la prise d’acte, et n’est pas suffisamment grave pour la justifier ;
Que la prise d’acte du 7 septembre 2018 par M. [U] [K] doit être analysée comme une démission, celui-ci ayant trouvé un autre emploi à temps complet, sans mi-temps thérapeutique, commençant le 10 septembre 2018, et ne souhaitant pas accomplir son préavis ;
Que la prime de paniers n’est pas due à M. [U] [K], le salarié n’ayant jamais formé de demande de remboursement ni produit le moindre justificatif, et l’employeur ayant en outre pris en charge lui-même le coût des repas de midi ;
Que M. [U] [K] ne justifie pas des trajets et grands déplacements effectués, les pièces produites ne correspondant pas à l’historique présenté par M. [U] [K] ;
Que s’agissant des heures supplémentaires impayées, les éléments produits par M. [U] [K] sont illisibles, les décomptes contredits pas les bulletins de paye, étant précisé en outre que M. [U] [K] prenait parfois des demi-journées pour des motifs personnels sans que son salaire ne lui soit retiré ;
Que M. [U] [K] n’a jamais travaillé les dimanches et les jours fériés, et récupérait parfois ses heures d’absence le samedi de sorte que toutes les heures travaillées lui ont été payées ;
Que l’attestation destinée à Pôle emploi a été rectifiée le 9 mars 2021, de sorte que M. [U] [K] n’a subi aucun préjudice, le motif de rupture (démission) étant par ailleurs exact.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par lui constituent des manquements d’une importance telle qu’ils empêchaient la poursuite des relations contractuelles, soit d’une démission dans le cas contraire.
Il appartient donc au juge de vérifier si les faits invoqués par le salarié sont établis et, dans l’affirmative, s’ils caractérisent des manquements d’une importance telle qu’ils empêchaient la poursuite des relations contractuelles, la rupture étant alors imputable à l’employeur et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est au salarié qui prend l’initiative de la rupture qu’il appartient d’établir la réalité de ces manquements, à charge pour le juge d’en apprécier la gravité, et si un doute subsiste la rupture produit les effets d’une démission.
Le juge se doit enfin d’examiner l’ensemble des griefs invoqués par le salarié, sans se limiter aux griefs mentionnés dans la lettre de rupture.
En l’espèce, les griefs reprochés par M. [U] [K] dans sa lettre de rupture mais également dans la procédure qui a suivi concernent les points suivants :
– Absences de visites médicales et d’affiliation à la médecine du travail
. absence de visite médicale d’embauche
Selon l’article R 4624-10 du code du travail, dans sa version antérieure au 1er janvier 2017 applicable au litige, le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail. Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l’article R 4624-18 ainsi que ceux qui exercent l’une des fonctions mentionnées à l’article L 6511-1 du code des transports bénéficient de cet examen avant leur embauche.
L’EIRL [T] [F] ne conteste pas ce manquement, mais explique qu’il résulte d’un manque de connaissance de la réglementation à ce sujet, et non d’une intention délibérée de ne pas faire bénéficier M. [U] [K] de cette visite.
Si l’EIRL [T] [F] ne pouvait pas ignorer cette obligation qui apparaît dans le contrat de travail initialement conclu entre les parties, il convient de constater que cette formalité aurait dû être accomplie en janvier 2016 par l’employeur, soit plus de 2 ans et 8 mois avant la prise d’acte, et que l’absence d’accomplissement de cette visite médicale n’a pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant cette durée, M. [U] [K] n’invoquant pas en outre un préjudice directement causé par ce manquement. Dès lors l’absence de visite médicale d’embauche ne peut pas justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat par le salarié.
. absence de visite médicale de reprise (septembre 2018)
En application de l’article R 4624-22 du code du travail, le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.
Aux termes du dernier alinéa de l’article R 4624-23 du code du travail, dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
Il est constant en l’espèce, et il résulte des différents arrêts maladie versés aux débats, que M. [U] [K] bénéficiait d’une prolongation de son arrêt maladie commencé le 23 juin 2018, suite à son accident du 21 juin 2018, prenant fin le 9 septembre 2018, quand il a sollicité l’EIRL [T] [F] par un premier courrier du 31 août 2018 (pièce n°6 de l’appelant), aux fins d’organiser une visite médicale devant le médecin du travail afin de mettre en place un mi-temps thérapeutique à sa reprise du travail.
Si l’EIRL [T] [F] reconnaît ne pas avoir traité sa demande avant de recevoir la lettre de rupture établie par M. [U] [K] le 7 septembre 2018, il résulte des dispositions qui précèdent qu’elle avait l’obligation d’organiser la visite de reprise du travail par le médecin du travail dans les 8 jours de la reprise du travail par M. [U] [K], prévue initialement le 9 septembre 2018, soit avant le 17 septembre 2018.
En n’ayant pas organisé cette visite à la date de la prise d’acte du 7 septembre 2018, l’EIRL [T] [F] n’a pas commis de manquement à ses obligations.
. absence d’affiliation à un service de santé
Selon l’article L 4622-1 du code du travail, les employeurs organisent des services de prévention et de santé au travail.
M. [U] [K] reproche à l’EIRL [T] [F] de ne pas avoir été affiliée à un service de santé lorsqu’il travaillait pour son compte, et notamment quand il s’est renseigné en juin 2018 suite à son accident du travail, de sorte qu’il n’a pas pu organiser sa visite de reprise à l’issue de son arrêt maladie en septembre 2018.
L’EIRL [T] [F] conteste ce manquement et verse aux débats une relance que lui a adressée le 7 novembre 2018 le Service Interentreprises de Santé au Travail du Bâtiment des Travaux Publics et Activités connexes de Lorraine, portant sur le paiement des cotisations au Service de Santé au Travail relatif au 3ème trimestre 2018 (pièce n°32/2 de la société). Par ailleurs, elle produit un autre courrier de ce service daté du 23 avril 2021 (pièce n°23) montrant qu’elle était à jour de ses cotisations à cette date.
L’EIRL [T] [F] justifie de son adhésion à un service de santé à compter de juillet 2018 pour le moins, période comprenant le 3ème trimestre 2018 au cours duquel M. [U] [K] a demandé à bénéficier d’une visite médicale de reprise. Si l’adhésion de l’EIRL [T] [F] à un service de santé n’est pas établie pour la période antérieure, le salarié ne démontre pas que ce manquementlui a été préjudiciable et l’a placé dans une situation empêchant la poursuite de son contrat de travail.
– Absence de déclaration des accidents du travail des 26 mai 2017 et 21 juin 2018
M. [U] [K] fait grief à l’EIRL [T] [F] de lui avoir laissé réaliser toutes les démarches relatives à la déclaration de ces accidents du travail, ce qui démontre que l’employeur ne voulait pas déclarer les deux accidents dont il a été victime.
L’EIRL [T] [F] indique ne pas s’être abstenu volontairement de déclarer avec retard l’accident du 26 mai 2017, précisant que l’absence d’arrêt de travail donné par l’hôpital le jour même explique pourquoi il a laissé M. [U] [K] regagner son poste. Elle souligne que suite à l’arrêt de travail donné le lendemain par le médecin de M. [U] [K], elle a été sollicitée par la caisse et a alors procédé à la déclaration de l’accident, qui remonte à plus d’un an avant la rupture du contrat. Concernant l’accident du 21 juin 2018, l’EIRL [T] [F] précise que M. [U] [K] n’a accepté d’aller voir le médecin que le surlendemain de l’accident, soit le 23 juin 2018, de sorte que son arrêt de travail n’a commencé qu’à cette date entraînant pour son comptable une difficulté d’enregistrement au titre de l’accident du travail du 21 juin 2018, et que suite à la production d’un nouvel arrêt il a effectué la déclaration d’accident du travail le 6 juillet 2018.
S’agissant de l’accident du 26 mai 2017, il résulte des pièces versées aux débats que M. [U] [K] a été pris en charge le jour même à l’hôpital de [Localité 5], situé à proximité du chantier sur lequel l’accident venait de se produire, et qu’aucun arrêt de travail n’a été délivré ce jour-là, l’accident n’ayant pas non plus été enregistré comme accident du travail auprès du service hospitalier. M. [U] [K] n’a bénéficié d’un arrêt de travail de 4 jours que le lendemain (pièce n°3 de l’appelant), et l’EIRL [T] [F] a établi une déclaration d’accident du travail le 29 mai 2017 (pièce n°86 de l’EIRL [T] [F]).
En ce qui concerne l’accident du 21 juin 2018, l’EIRL [T] [F] reconnaît n’avoir procédé à la déclaration d’accident du travail que le 6 juillet 2018.
Si l’EIRL [T] [F] n’a pas respecté le délai de 48 heures fixé à l’article R 441-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit que l’employeur déclare à la Caisse tout accident dont il a eu connaissance, l’ancienneté de ce manquement, s’agissant de l’accident du 26 mai 2017, et l’absence de conséquence pour M. [U] [K] qui a été rempli de l’intégralité de ses droits en ce qui concerne les deux accidents démontrent que ces carences n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.
– Absence de fourniture des EPI (équipements de protection individuelle)
M. [U] [K] reproche à l’employeur de ne pas lui avoir fourni les équipements de protection individuelle nécessaires à sa fonction de carreleur, notamment au moment de son accident du 26 mai 2017 au cours duquel il a reçu la projection d’un corps étranger (bout de carrelage) dans l »il.
L’EIRL [T] [F] conteste ce manquement, expliquant avoir commandé les équipements nécessaires pour la protection de M. [U] [K] qui délibérément ne les portait pas.
En application des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail l’employeur a une obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés en leur fournissant notamment les équipements de protection individuelle nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.
Il résulte des différentes factures versées aux débats par l’EIRL [T] [F] que celle-ci a procédé en 2016 et 2017 à l’achat de différents matériels de protection tels que des chaussures de sécurité, des casques anti bruit et lunettes de sécurité, ou encore des lunettes-masques de protection.
Ces éléments justifient de l’absence de manquement à cette obligation de fourniture des moyens nécessaires de protection, de sorte que le grief n’est pas établi et ne peut pas justifier l’absence de poursuite du contrat de travail.
– Retard apporté par l’employeur dans la délivrance des bulletins de salaire et dans le paiement des salaires
M. [U] [K] fait grief à l’EIRL [T] [F] de ne jamais lui avoir communiqué ses bulletins de salaire en temps et en heure, et ce dès 2016. Il ajoute que le paiement de son salaire intervenait en deux temps, un acompte lui étant versé avant que la régularisation du solde n’intervienne parfois jusqu’à trois mois plus tard.
L’EIRL [T] [F] explique que le retard de communication des bulletins de salaire résulte de l’absence par M. [U] [K] de transmission de ses décomptes d’indemnités journalières pendant ses arrêts maladie ou de prise par M. [U] [K] de jours d’absence une fois épuisés ses congés payés. Elle ajoute que le paiement en deux fois des salaires résulte d’un accord avec M. [U] [K] par lequel il était convenu du versement d’un acompte dans un premier temps et de la régularisation du solde par la suite, en même temps que l’établissement de la fiche de salaire par le comptable. Elle précise enfin que les bulletins de paye ont tous été communiqués et les salaires versés, et que s’il existe un manquement il n’est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat.
En application de l’article L 3242-1 du code du travail, la rémunération des salariés est mensuelle, le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois et un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle ne peut être versé au salarié que s’il en fait la demande.
En outre, aux termes de l’alinéa 1 de l’article L 3243-2 du même code, lors du paiement du salaire, l’employeur remet à ses salariés une pièce justificative dite bulletin de paie.
En l’espèce, M. [U] [K] conteste avoir donné son accord pour le versement en deux fois de son salaire et aucun élément ne permet de justifier de son existence, l’absence de réclamation pendant de nombreux mois étant insuffisante pour démontrer le consentement de M. [U] [K] à cette modalité de paiement. Dès lors il incombait à l’employeur de lui verser son salaire en une fois, tous les mois.
En procédant de façon régulière à des versements en deux fois du salaire, l’EIRL [T] [F] a manqué à ses obligations.
Il n’est pas contesté davantage et il résulte des propres pièces de l’employeur que celui-ci a communiqué à plusieurs reprises à M. [U] [K] ses bulletins de salaire avec plusieurs mois de retard (début 2017 notamment ou encore en septembre 2018 pour les trois mois précédents), de sorte que l’EIRL [T] [F] n’a également pas respecté son obligation de délivrer à son salarié une fiche de salaire au moment du versement de son salaire.
Cependant, ces manquements ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, compte tenu de la faible importance du montant des sommes payées avec retard (141 euros au maximum sur un mois), de l’ampleur restreinte des retards de versement ou de production (3 mois), et de la régularisation systématiquement intervenue.
– Retard dans la transmission des certificats de congés payés
M. [U] [K] reproche à l’EIRL [T] [F] de ne pas avoir transmis à la caisse de congés payés le certificat de congés payés en vue de leur perception, de sorte qu’il n’a pas pu en recevoir le paiement en octobre 2018, ayant dû attendre jusqu’en juillet 2019 pour en obtenir le versement. Il précise que ce manquement concerne des périodes antérieures à la rupture du contrat de travail, de sorte qu’il peut justifier la prise d’acte.
L’EIRL [T] [F] conteste ce grief, estimant qu’il n’est pas démontré et en tout état de cause postérieur à la rupture du contrat de sorte qu’il ne peut pas la justifier.
Il résulte du courrier établi par la caisse Congés-Intempéries-BTP le 13 juin 2019 et adressé à M. [U] [K] (pièce n°39 du salarié) que la caisse n’avait pas reçu à cette date de la part de l’employeur le certificat de congé pour les périodes allant du 01/04/2017 au 31/03/2018 puis du 01/04/2018 au 08/09/2018.
Si M. [U] [K] reconnaît avoir été rempli de ses droits en juillet 2019, il appartenait à l’employeur d’adresser à l’échéance de chaque période le décompte à la caisse.
Le retard de paiement de ces sommes n’étant apparu qu’après la rupture du contrat de travail, lorsqu’elles auraient dû être payées en octobre 2018, il convient de constater que le manquement de l’employeur ne peut pas justifier la prise d’acte.
– Non paiement des primes, indemnités, heures supplémentaires et jours travaillés
. les heures supplémentaires et les jours travaillés impayés
M. [U] [K] sollicite le paiement d’heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été réglées, accomplies entre janvier et juin 2016. Il demande également le paiement de jours travaillés non réglés, réalisés entre janvier 2016 et mai 2018 des samedis, dimanches ou jours fériés.
L’EIRL [T] [F] s’oppose à ces demandes, expliquant qu’il arrivait à M. [U] [K] de récupérer le samedi des heures qui n’avait pas travaillé pendant la semaine, qu’il n’a jamais travaillé le dimanche et que les éléments produits par le salarié à l’appui de ses demandes sont illisibles ou présentent des contradictions.
En application de l’article L 3171-4 du code du travail applicable en l’espèce, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties et, si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient néanmoins à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme alors sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaire applicables.
Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre.
A l’appui de sa prétention, M. [U] [K] verse aux débats :
La traduction en français d’échanges de SMS entre M. [U] [K] et son épouse entre janvier 2016 et juin 2018, relatifs à ses heures de rentrée au domicile (pièce n°40) ;
Des calendriers 2017 et 2018 annotés et la photographie d’un document manuscrit intitulé « [Localité 4] » couvrant la période allant d’octobre 2016 à mars 2017 (pièce n°45) ;
Un SMS adressé à M. [U] [K] le 1er décembre 2018 présentant également une photographie d’un document manuscrit intitulé « [Localité 4] » couvrant la période allant d’octobre 2016 à mars 2017 (pièce n°53) ;
La traduction en français de SMS échangés entre M. [U] [K] et M. [I] entre le 11 mai et le 28 juin 2017, par lesquels ils se préviennent de leur arrivée (pièce n°27) ;
Un document présenté dans le bordereau comme un « historique d’exécution du travail » (pièce n°17) couvrant la période allant du 18 janvier 2016 au 21 juin 2018, mentionnant des heures de départ, d’arrivée, des adresses et lieux de chantier et des kilométrages pour certains jours de l’année.
Les SMS versés aux débats ne permettent pas de justifier des horaires précis de travail de M. [U] [K], s’agissant d’interlocuteurs pouvant avoir des relations non professionnelles avec lui. Les calendriers produits ne présentent pas non plus des jours et heures travaillés, les jours étant cochés d’une façon uniforme ou comportant parfois des mentions illisibles de sorte qu’il n’est pas possible de les exploiter valablement pour identifier quels jours sont présentés par M. [U] [K] comme étant travaillés.
Les photographies de documents manuscrits intitulés « [Localité 4] » montrent uniquement des dates, des jours de semaine, des noms ou prénoms ou noms de lieu, dont il n’est pas permis de savoir si ce sont des jours travaillés par M. [U] [K] dont le nom ou le prénom n’apparaissent pas, aucun élément expliquant comment les interpréter n’étant avancé par le salarié.
Enfin le tableau sans titre présenté dans le bordereau de pièces comme étant un « historique d’exécution du travail » ne montre que des renseignements partiels (dates non renseignées, ou ne comportant qu’une heure d’arrivée ou qu’une heure de départ), ou contredits par d’autres éléments présentés par le salarié (ex : 5 jours de travail présentés sur juin 2016 pour un total de 61h20mn de travail (pause repas non déduite), alors que M. [U] [K] invoque 154 h de travail dans ses conclusions).
Ces documents ne présentent pas des éléments suffisamment précis pour savoir quelles sont les heures et jours de travail non rémunérés dont le paiement est revendiqué par le salarié, de sorte que l’employeur, qui justifie par ailleurs de bulletins de salaire corroborant le fait que le salarié a été payé pour un travail à temps complet, ne peut pas y répondre utilement.
La demande en paiement formée sur ces chefs de prétentions doit donc être rejetée, le jugement confirmé sur ces points, et aucun manquement ne peut être retenu par ailleurs à l’encontre de l’employeur.
. les primes de panier
M. [U] [K] sollicite le paiement de 200 paniers à 9,45 euros, soit 1 890 euros, sur la totalité de la période travaillée, précisant qu’il exerçait ses fonctions sur des chantiers situés à l’extérieur de l’entreprise, sans possibilité pour lui de prendre ses repas à son domicile ou dans un restaurant d’entreprise. Il demande l’application des dispositions de la convention collective applicable à la relation de travail qui prévoit que l’employeur verse au salarié un panier pour chaque jour travaillé dans ses conditions, soulignant que l’employeur n’a réglé que de façon exceptionnelle ses repas, les factures produites par l’EIRL [T] [F] ne le concernant pas.
L’EIRL [T] [F] demande l’infirmation du jugement sur ce point et le rejet de la demande de M. [U] [K], expliquant que le contrat de travail prévoit que M. [U] [K] est remboursé tous les mois de ses frais professionnels sur présentation de justificatifs, celui-ci n’en ayant cependant jamais produit. Elle ajoute que pendant une première grande partie de son contrat, le gérant a toujours réglé les repas de midi de M. [U] [K].
Il résulte des dispositions de l’article 8-15 de la convention collective applicable à la relation de travail que « l’indemnité de repas a pour objet d’indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l’ouvrier. L’indemnité de repas n’est pas due par l’employeur lorsque :
– l’ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle ;
– un restaurant d’entreprise existe sur le chantier et le repas est fourni avec une participation financière de l’entreprise égale au montant de l’indemnité de repas ;
– le repas est fourni gratuitement ou avec une participation financière de l’entreprise égale au montant de l’indemnité de repas. »
En l’espèce, l’EIRL [T] [F] explique que son gérant a pris en charge directement les frais de repas de ses ouvriers lorsqu’il était sur le chantier avec eux, ce que reconnaît M. [U] [K] mais de façon très exceptionnelle.
Les attestations de Mrs [P] (pièce n°20) et de M. [E] (pièce n°21), respectivement salarié en CDD du 2 septembre 2016 au 3 mars 2017 et sous-traitant de l’EIRL [T] [F], ne sont remises en cause par aucun élément probant et confirment les propos de l’employeur, sans toutefois pouvoir préciser la fréquence de ces prises en charge.
M. [I], salarié de l’EIRL [T] [F] du 23 mai au 19 juillet 2017, précise quant à lui (pièce n°11 de l’employeur) que lorsqu’il travaillait en équipe, « on mangeait de temps en temps au resto rapid payé par EIRL [T] », apportant son casse-croûte le reste du temps.
Si la prime de panier n’implique pas de justifier des frais mais correspond à un montant forfaitaire, les bulletins de salaire de M. [U] [K] montrent qu’aucune indemnité de repas ne lui était versée.
Compte tenu des éléments du dossier, du nombre de jours travaillés par M. [U] [K] entre janvier 2016 et le 21 juin 2018, de la localisation de ses chantiers, et des prises en charges exceptionnelles des repas de midi par l’employeur, le versement d’une indemnité pour 200 jours est justifié, et il convient de faire droit à la demande formée par M. [U] [K].
Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné l’EIRL [T] [F] à payer à M. [U] [K] la somme de 1 890 euros au titre des primes de panier restant dues.
. l’indemnité de trajet et les frais de grands déplacements
M. [U] [K] demande le paiement de 903,51 euros au titre de l’indemnité de trajet couvrant la période allant de 2016 à 2018, précisant travailler pour l’EIRL [T] [F] sur des chantiers situés à distance de l’entreprise.
S’agissant des frais de grands déplacements, il explique qu’il a travaillé en 2016 et 2017 sur des chantiers situés à [Localité 4] et à [Localité 6], justifiant qu’il lui soit alloué pour chaque heure de trajet non comprise dans son horaire de travail, une indemnité égale à 50% de son salaire horaire.
L’EIRL [T] [F] s’oppose à ces demandes, estimant que les éléments produits par M. [U] [K] ne sont pas probants.
Selon l’article 8-17 de la convention collective, l’indemnité de trajet a pour objet d’indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l’ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d’en revenir. L’indemnité de trajet n’est pas due lorsque l’ouvrier est logé gratuitement par l’entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier.
Il ne résulte pas de ces dispositions que l’indemnité de trajet compense les frais effectivement engagés par le salarié pour se déplacer, de sorte que la prise en charge par l’employeur des frais kilométriques, de carburant ou de péage ne vient pas compenser l’indemnité de trajet.
Par ailleurs, le tableau présentant l’historique d’exécution de travail (pièce n°17 de M. [U] [K]), s’il comporte des contradictions et des périodes non renseignées, fait apparaître sans qu’il ne soit utilement contredit par l’employeur, des localisations de chantier qui sont à l’extérieur de l’entreprise, distantes de plusieurs kilomètres et jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres du siège de la société.
Les bulletins de salaire ne mentionnant le versement d’aucune indemnité de trajet, la demande formée par M. [U] [K] à ce titre est justifiée et la décision des premiers juges ayant condamné l’EIRL [T] [F] à payer à M. [U] [K] la somme de 903,51 euros est confirmée.
En ce qui concerne les frais de grands déplacements, la convention collective prévoit dans son article 8-21 qu’est réputé en grand déplacement l’ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l’éloignement lui interdit – compte tenu des moyens de transport en commun utilisables – de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole.
L’article 8-24 de la convention prévoit également que l’ouvrier envoyé en grand déplacement par son entreprise soit du siège social dans un chantier ou inversement, soit d’un chantier dans un autre, reçoit indépendamment du remboursement de ses frais de transport, et notamment de son transport par chemin de fer en 2e classe, (‘) pour chaque heure de trajet non comprise dans son horaire de travail, une indemnité égale à 50 % de son salaire horaire, sans majoration ni prime compensatrice des frais complémentaires que peut impliquer le voyage de déplacement, sauf si ces frais sont directement remboursés par l’entreprise.
Il est constant qu’aucun frais de grand déplacement n’a été accordé à M. [U] [K]. L’examen du tableau présentant l’historique d’exécution de travail (pièce n°17 de M. [U] [K]) montre que M. [U] [K] a effectué un déplacement à [Localité 4] en août 2016 et un autre en janvier 2017, les autres trajets invoqués par M. [U] [K] n’apparaissant pas clairement sur ce document (absence d’indication du moindre horaire) et ne résultant précisément d’aucune autre pièce.
M. [U] [K] ne sollicitant l’indemnisation de ses frais de grands déplacements que pour l’équivalent d’un aller-retour à [Localité 4], il convient de constater que sa créance est justifiée et de confirmer le jugement entrepris qui a condamné l’EIRL [T] [F] à payer à M. [U] [K] 96,70 euros à ce titre.
***
Au vu de l’ensemble de ces éléments, les manquements établis de l’employeur sont trop anciens (absence de visite médicale d’embauche, accident du 26 mai 2017, paiement de sommes dues depuis plus d’un an), ou insuffisamment graves compte tenu de leur faible montant en comparaison du salaire même modeste de M. [U] [K] (solde de salaire payé avec retard, frais de grands déplacements, indemnité de trajet, primes de paniers) ou de leur régularisation rapide (communication retardée des bulletins de salaire) pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier ainsi la prise d’acte par M. [U] [K] de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
Dès lors la prise d’acte de la rupture du contrat de travail notifiée à l’EIRL [T] [F] par M. [U] [K] le 7 septembre 2018 s’analyse comme une démission.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
La rupture du contrat de travail intervenue le 7 septembre 2018 s’analysant comme une démission, les demandes formées par M. [U] [K] au titre de l’indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents doivent être rejetées comme n’étant pas justifiées.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ces chefs de prétentions.
Sur les dommages et intérêts au titre du préjudice subi
M. [U] [K] sollicite 1 000 euros au titre du préjudice subi résultant des manquements de son employeur, indiquant ne pas avoir été payé en temps et en heure, s’être retrouvé sans emploi et ne pas avoir été indemnisé comme il aurait dû l’être.
L’EIRL [T] [F] s’oppose à cette demande.
La rupture du contrat de travail résultant de la prise d’acte adressée par M. [U] [K] à son employeur et produisant les effets d’une démission, aucun préjudice lié à la perte de son emploi n’est établi par M. [U] [K] dont il est démontré qu’il a retrouvé un nouveau travail dès le 10 septembre 2018 à temps complet et en CDD, renouvelé jusqu’au 5 juillet 2019.
Si M. [U] [K] ne démontre pas non plus avoir subi une perte de ses droits à indemnisation, il justifie en revanche avoir subi un préjudice résultant du retard apporté au paiement du solde de ses salaires qui, sans qu’il soit suffisamment important pour empêcher la poursuite du contrat de travail, est réel et doit être évalué à 500 euros, compte tenu des montants affectés par ce retard (moins de 200 euros), et de la durée de ceux-ci (3 mois maximum).
L’EIRL [T] [F] est condamnée à verser cette somme à M. [U] [K] en réparation de son préjudice, et la décision des premiers juges est infirmée sur ce point.
Sur la production sous astreinte de l’attestation Pôle emploi rectifiée
La prise d’acte litigieuse ayant les effets d’une démission, la demande de rectification de l’attestation destinée à Pôle emploi mentionnant cette qualification comme motif de la rupture doit être rejetée, l’EIRL [T] [F] justifiant en outre avoir modifié la première attestation par la production d’une nouvelle datée du 25 février 2021, tenant compte des autres erreurs soulignées par M. [U] [K] (durée de l’emploi ; montant des 12 derniers salaires) ‘ (pièce n°22 de l’EIRL [T] [F]).
La décision des premiers juges est confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’EIRL [T] [F] qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. [U] [K] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [U] [K] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi résultant des manquements de l’employeur ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
– Condamne l’EIRL [T] [F], prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [U] [K] la somme de 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant des manquements de l’employeur,
– Condamne l’EIRL [T] [F], prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [U] [K] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– Condamne l’EIRL [T] [F] aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente