Le stress post altercation verbale ne peut être assimilé à un accident du travail. Faire état à un collègue de travail de ce qu’à certaines occasions il peut adopter un comportement perturbant pour les autres, ne s’inscrit pas non plus comme un fait qualifiable de règlement de compte.
En droit, aux termes de l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale » est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » La lésion pouvant se déclarer à distance ou être constatée à distance, la jurisprudence a également considéré que » Constitue un accident de travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle. » puis psychique. En d’autres termes, l’accident du travail sera reconnu en présence soit d’une lésion survenue au temps et lieu du travail, soit d’une lésion constatée à distance mais pouvant être reliée à un événement survenu soudainement au temps et lieu du travail. Si la CNAM définit effectivement le fait générateur d’un accident du travail ayant provoqué un traumatisme psychologique comme devant être anormal par sa brutalité ,son imprévisibilité, son exceptionnalité ou son écart avec le cours habituel des relations de travail, la cour de cassation n’a jamais fait de l’anormalité de l’événement un critère de qualification de l’accident du travail |
Résumé de l’affaire :
Embauche et évolution de carrière de Madame [G]Madame [P] [G] a été embauchée le 21 octobre 2002 par la Mission Locale Nord-Ouest en tant que Conseillère Socio Professionnelle, d’abord en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée à partir du 1er octobre 2003. Son contrat a été repris par l’Association [7] le 1er avril 2010. Accident de travail et déclarationLe 16 décembre 2016, un arrêt de travail a été établi pour Madame [G] en raison d’un « stress post altercation au travail », avec une date d’accident fixée au 16 décembre. L’Association a déclaré cet accident le 21 décembre 2016, sans mentionner de circonstances précises, indiquant que l’information n’avait pas été fournie par la salariée. Elle a précisé que Madame [G] avait quitté son bureau le 16 décembre sans mentionner un accident de travail. Déclaration rectificative et refus de prise en chargeUne seconde déclaration d’accident du travail a été faite par l’Association le 5 avril 2017, indiquant un accident survenu le 15 décembre 2016, mais sans pouvoir la compléter en raison de l’absence de constatation d’un accident. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie a ensuite refusé la prise en charge au titre professionnel, considérant que les faits ne constituaient pas un accident au sens de la législation. Recours et décisions judiciairesMadame [G] a formé un recours contre cette décision. Par un jugement du 18 février 2019, confirmé par un arrêt de la Cour d’Appel d’Amiens le 25 mai 2020, il a été jugé que le choc émotionnel de Madame [G] était lié à une réunion du 15 décembre 2016. Elle a ensuite saisi le tribunal le 16 décembre 2020 pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’Association. Demandes de Madame [G]Madame [G] demande la reconnaissance de la faute inexcusable de l’Association, la constatation de son accident du travail le 15 décembre 2016, et la réparation des préjudices subis. Elle sollicite également une expertise pour évaluer divers préjudices, ainsi que le paiement de frais d’instance. Contexte de l’altercationLors de la réunion du 15 décembre 2016, Madame [G] a été prise à partie verbalement par quatre collègues, qui lui ont tenu des propos diffamatoires. Elle a été profondément choquée par ces accusations, qui incluaient des allégations de harcèlement. Madame [G] considère que l’Association a commis une faute inexcusable en ne prévenant pas de la réunion et en ne mettant pas fin à l’altercation. Réponse de l’AssociationL’Association conteste que Madame [G] ait été victime d’un accident de travail et demande son déboutement. Elle soutient que les reproches formulés à l’encontre de Madame [G] étaient futiles et qu’aucun propos diffamatoire n’a été tenu. L’Association affirme également que la réunion a été constructive et que les critiques étaient légitimes. Éléments de preuve et témoignagesLes témoignages recueillis lors de l’enquête montrent des avis divergents sur la nature des échanges lors de la réunion. Certains témoins rapportent un malaise et une ambiance pesante, tandis que d’autres affirment qu’aucun propos injurieux n’a été tenu. L’Association a produit des attestations confirmant un climat positif durant la réunion. Qualification d’accident du travailLe tribunal rappelle que pour qu’un événement soit qualifié d’accident du travail, il doit survenir dans le cadre du travail et entraîner une lésion. Bien que la lésion psychique de Madame [G] soit reconnue, le tribunal considère que les critiques formulées lors de la réunion ne constituent pas un accident du travail au sens légal. Faute inexcusable de l’employeurConcernant la faute inexcusable, le tribunal souligne que l’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés. Cependant, Madame [G] n’a pas prouvé que l’Association avait connaissance d’un danger imminent pour elle. Les critiques, bien que désagréables, ne justifient pas une reconnaissance de faute inexcusable. Décision finale du tribunalLe tribunal a débouté Madame [G] de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée aux dépens. La décision a été rendue publiquement et mise à disposition au greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
JUGEMENT DU 31 OCTOBRE 2024
N° RG 22/02187 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WXY2
DEMANDERESSE :
Mme [P] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE
DEFENDERESSE :
Association [7]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Christine CARON-DEBAILLEUL, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Marion HUERTAS, avocat au barreau de LILLE
PARTIE INTERVENANTE :
CPAM [Localité 9] [Localité 10]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Madame [L] [A], muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Anne-Marie FARJOT, Vice-Présidente
Assesseur : Thibaut CAULIEZ, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur : Hélène TURBERT, Assesseur pôle social collège salarié
Greffier
Dorothée CASTELLI, lors des débats
Jessica FRULEUX, lors du délibéré
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 31 octobre 2024.
Le 21 octobre 2002, Madame [P] [G] a été embauchée par la Mission Locale Nord-Ouest en qualité de Conseillère Socio Professionnelle en contrat de travail à durée déterminée puis, à compter du 1 er octobre 2003, en contrat de travail à durée indéterminée.
Son contrat de travail a été repris par l’Association [7] à compter du 1 er avril 2010.
Le 16 décembre 2016 un arrêt de travail a été établi au bénéfice de Madame [G] visant un » stress post altercation au travail » et une date d’accident du travail au 16 décembre 2016.
A réception, l’Association a établi une déclaration d’accident du travail en date du 21 décembre 2016 pour un accident en date du 16 décembre conformément à la mention du certificat médical initial, ne faisant mention d’aucune circonstance avec la mention » information non fournie par la salariée » et assortie de réserves ; elle expliquait dans ce courrier qu’elle avait reçu ce 19 décembre un certificat médical d’accident de travail alors même que le vendredi matin (16) Madame [G] s’était rendue sur son lieu de travail à 8h 30, avait quitté son bureau à 9h05 en demandant à un collègue de prévenir de son départ et avait prévenu ce dernier dans l’après midi d’un arrêt jusqu’au mercredi 21 décembre sans jamais mentionner un accident de travail.
Par la suite, l’Association a établi une seconde déclaration d’accident du travail rectificative en date du 5 avril 2017 faisant état d’un accident en date du 15 décembre 2016 ,connu le 19 décembre ; l’Association y mentionnait être dans l’incapacité de la compléter totalement à défaut d’avoir constaté ce jour là le moindre accident.
Après enquête, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a refusé la prise en charge à titre professionnel au motif que les faits invoqués ne constituaient pas un accident au sens de la législation professionnelle.
Madame [G] a formé un recours contre cette décision ; par jugement du 18 février 2019, confirmé par un arrêt de la Chambre de la Protection Sociale de la Cour d’Appel d’AMIENS du 25 mai 2020, ces juridictions ont considéré que le choc émotionnel ressenti par Madame [G] était en lien avec les circonstances d’une réunion s’étant tenue le 15 décembre 2016 en temps et lieu d’exécution du travail de Madame [G].
Madame [G] a saisi la présente juridiction le 16 décembre 2020 aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’Association [7].
Madame [G] a été consolidée le 17 décembre 2020 avec un taux d’incapacité fixé à 45%.
*****
Par conclusions auxquelles il est renvoyé pour le détail des demandes et moyens, Madame [G] sollicite de :
-Constater, dire et juger que l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’Association [7] engagée par Madame [P] [G] est recevable,
-Constater, dire et juger que Madame [P] [G] a bien été victime d’un accident du travail le 15 décembre 2016
-Constater, dire et juger que l’accident du travail du 15 décembre 2016 dont a été victime Madame [P] [G] est dû à la faute inexcusable de son employeur, l’Association [7],
Par conséquent,
-Condamner l’Association [7] à réparer les préjudices subis par Madame [P] [G] dans le cadre de son accident du travail du 15 décembre 2016,
-Ordonner la majoration de la rente en application de l’article L452-2 du Code de la Sécurité avec évolution de celle-ci en fonction de l’évolution éventuelle du taux d’IPP de Madame [P] [G]
-Ordonner une expertise avant dire droit, sur les préjudices subis, avec mission d’évaluer notamment :
– les souffrances endurées physiques et morales
– le préjudice d’agrément,
– le préjudice sexuel,
– le déficit fonctionnel temporaire,
– le déficit fonctionnel permanent,
– le besoin d’une tierce personne avant consolidation,
– Condamner l’Association [7] aux entiers frais et dépens d’instance.
– Condamner l’Association [7] à payer à Madame [P] [G] 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Elle fait état de ce que lors d’une réunion d’équipe du 15 décembre 2016 à laquelle étaient présents 15 salariés dont 3 Directeurs, elle a été violemment prise à partie verbalement, par 4 collègues travaillant sur la » Garantie Jeune » qui lui ont tenu des propos particulièrement diffamatoires.
Elle a été profondément choquée par leur attitude et leurs propos. Plus précisément, les collègues de la Garantie Jeune l’ont invectivée avec force et ont porté des jugements de valeur déplacés en s’appuyant sur des accusations voire des rumeurs infondées telles que le fait qu’elle aurait harcelé des collègues de la Garantie Jeune dans le bus donc en dehors du temps de travail, et qu’elle aurait été jalouse de leur bonne entente qui les aidait à tenir au travail.
Elle considérait que l’Association avait commis une faute inexcusable en ce que
– Monsieur [Y] [D], Directeur Adjoint, avait reçu en amont de cette réunion du 15 décembre 2016 les salariés de la Garantie Jeune pour recueillir leurs doléances et les soutenir dans leur démarche et leur mode de communication inadapté.
Ainsi il a pris l’initiative de planifier une rencontre avec l’accord du Directeur de l’Association [7], Monsieur [B] afin de réunir tous les salariés sur l’antenne de [Localité 6], sachant pertinemment que Madame [P] [G] serait prise à partie par les collègues qu’il avait reçus
De plus, il s’est bien gardé de l’informer du but de cette réunion qu’il a introduit en indiquant que celle-ci avait pour but » d’exprimer ses ressentis sur l’activité professionnelle et envers ses collègues « .
-la direction n’est pas intervenue pour faire cesser son lynchage et Monsieur [Y] [D] a même pris parti pour les collègues de la Mission Locale du dispositif Garantie Jeunes contre elle .
Elle considère donc que l’Association n’aurait pas dû organiser cette réunion pour permettre à certains collègues de régler leur compte contre elle en présence de tous les salariés présents sur l’antenne de [Localité 6] ou alors aurait du y mettre un terme suite au dérapage des collègues de la garantie jeunes.
Par conclusions auxquelles il est renvoyé pour le détail des demandes et moyens, l’Association sollicite de :
A titre principal,
– Constater que Madame [G] n’a pas été victime d’un accident travail
En conséquence :
– Débouter Madame [G] de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire,
– Dire n’y avoir pas lieu à faute inexcusable ;
A titre infiniment subsidiaire sur les demandes :
– Dire que la majoration de rente interviendra dans le respect des dispositions de l’article L.452-2 du code de sécurité sociale
– Sur les préjudices personnels, ordonner avant dire droit une expertise médicale avec mission pour l’expert d’évaluer les postes de préjudices suivants :
o préjudice esthétique
o souffrances endurées (physiques et morales)
o préjudice d’agrément (privation des activités de sport et de loisirs)
o préjudice sexuel
o déficit fonctionnel temporaire
o souffrances physiques et morales après consolidation
o tierce personne avant consolidation
o frais d’aménagement de la maison et/ou du véhicule
o laisser aux parties la charge de leurs propres dépens
– débouter la salariée de sa demande au titre de sa perte de revenus depuis son arrêt de travail du 16 décembre 2016
– priver la CPAM de son action récursoire
En tout état de cause
– Laisser aux parties la charge de leurs propres dépens.
L’Association conteste l’existence d’un fait accidentel au 15 décembre 2016. Elle indique que les collègues de travail de Madame [G] n’ont jamais tenu de » propos diffamatoires » ni » déchargé leur agressivité » sur elle ou fait preuve de » dérapages verbaux « . En effet, les reproches formulés à Madame [G] étaient des plus futiles puisqu’il lui a uniquement été demandé d’arrêter d’entrer dans les bureaux sans frapper ou d’en faire le tour pour présenter les nouveaux jeunes. Elle relève qu’aucun témoignage versé par la salariée ne relate de propos inappropriés ou agressifs à son encontre alors qu’elle verse elle -même aux débats nombre d’attestations qui confirment l’absence de tout élément anormal. Elle relève qu’après la réunion Madame [G] a repris son poste de travail jusqu’à la fin de sa journée de travail à 17H30 et est revenue le lendemain.
Elle indique par ailleurs que, même si Madame [G] avait été choquée psychologiquement par les propos tenus, cet événement ne saurait être à l’origine à lui seul d’un syndrome anxiodépressif ou de troubles de l’humeur l’obligeant à interrompre son activité pendant plus de 6ans ; ainsi les lésions constatées ne peuvent être qu’en lien avec un état pathologique antérieur et évoluant pour son propre compte.
Subsidiairement, elle indique que moins de 15 minutes ont été consacrées à ce moment d’échanges qui s’est déroulé à la fin de la réunion laquelle a duré environ deux heures de sorte que Madame [G] ne peut prétendre que la réunion n’aurait eu comme seul et unique objet que de réaliser son procès. En tout état de cause, à supposer que Madame [G] ait été choquée par les observations de ses collègues, elle ne pouvait préalablement en avoir conscience ; en effet contrairement aux affirmations de Madame [G], il n’y a jamais eu de réunion préparatoire avec l’équipe de la garantie jeune en amont et des réunions d’équipe sont organisées effectivement régulièrement par la direction lors desquelles aucun incident n’a jamais été déploré.
Par conclusions auxquelles il est renvoyé pour le détail des demandes et moyens, la Caisse sollicite de
– Lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la faute inexcusable
Dans l’hypothèse où elle serait retenue
– surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive sur la date de consolidation
– reconnaître l’action récursoire de la caisse
– condamner l’employeur à lui rembourser les conséquences de la majoration de rente ainsi que le versement des sommes avancées au titre de l’indemnisation des préjudices personnels subis par la victime
– dire que l’employeur devra communiquer les coordonnées de son assurance responsabilité civile pour le risque faute inexcusable.
L’affaire a été plaidée le 5 septembre 2024 en présence des parties et mise en délibéré au 31 octobre 2024.
Sur la qualification d’accident du travail et le caractère professionnel de la pathologie :
Il convient de rappeler que le fait que l’accident ait été pris en charge au titre de la législation professionnelle dans le rapport caisse/assuré, est indifférent, l’Association pouvant parfaitement dans sa relation à Madame [G] dans le cadre de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, remettre en cause la qualification même d’accident du travail. De même, est indifférent que le tribunal dans une autre composition ou la cour d’appel aient reconnu le caractère professionnel de l’accident dans une procédure à laquelle l’Association était d’ailleurs absente.
Il est d’ailleurs à observer que l’Association, dès la déclaration d’accident du travail, a contesté la qualification d’accident du travail, par le biais de réserves motivées ; c’est ce qu’elle réitère dans le cadre de la présente instance; en effet si l’Association ne conteste par qu’un fait est bien survenu le 15 décembre 2016 à l’occasion du travail de Madame [G], l’Association fait état d’un fait mineur autrement dit pas de nature à entraîner une quelconque lésion même psychique.
Sur ce, en droit, aux termes de l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale » est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »
La lésion pouvant se déclarer à distance ou être constatée à distance, la jurisprudence a également considéré que » Constitue un accident de travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle. » puis psychique.
En d’autres termes, l’accident du travail sera reconnu en présence soit d’une lésion survenue au temps et lieu du travail, soit d’une lésion constatée à distance mais pouvant être reliée à un événement survenu soudainement au temps et lieu du travail.
En l’espèce, il est établi qu’à la date du 15 décembre 2026, il s’est tenu une réunion d’équipe à laquelle étaient présents tous les salariés de l’antenne de [Localité 6] en présence de trois directeurs.
Madame [G] prétend que 4 collègues travaillant sur la » Garantie Jeune » lui ont tenu des propos particulièrement diffamatoires et de nature à provoquer une lésion psychique.
Elle vise pour ce faire :
-une pièce 9 qui n’est que le courrier qu’elle a elle-même établi à destination de l’inspecteur du travail et qui ne peut donc avoir de valeur probante.
-les déclarations de Mme [W] dans le cadre de l’enquête de la caisse et qui a énoncé » un premier tour de table a été fait de façon à ce que chacun expose son travail .Ensuite des reproches ont été faits à Madame [G] qui état assise juste à côté de moi.
La réunion s’est concentrée sur ces faits.
Des reproches sur le fait qu’elle entrait dans les bureaux pour présenter des jeunes ou demander des crayons, a duré un bon moment.
Le moment était mal approprié pour lui reprocher tout ça
Je n’étais pas à l’aise Il n’y a pas eu de vulgarité dans les propos. L’ambiance était pesante.
Je sentais le mal être de Madame [G] De mémoire , la Direction n’est pas intervenue pour stopper cette conversation à une date ultérieure avec les personnes concernées par cette affaire « .
Si ce témoignage atteste du malaise de Madame [G], il précise l’absence de vulgarité dans les propos.
-une pièce 10 constituée dans l’attestation de Mme [I] laquelle énonce
» Le 15 décembre 2016, j’étais présente à la réunion organisée à 14h à la MDE de [Localité 6]. Elle était animée par la Direction de la MDE MNO en présence du Directeur Adjoint et du Directeur de la ML. Etaient présents également les équipes de la Garantie Jeunes, Alternance dont j’en fait partie, cyber base et conseillers Mission Locale.
En début de réunion le Directeur commence l’objet de la rencontre. Il s’agissait de faire un point sur les activités des différents services et sur les impressions des collègues. Nous avons démarré par un tour de table et rapidement l’équipe Garantie Jeunes a exprimé des
tensions avec deux collègues conseillers ML (Mesdames [G] [P] et [O] [T] qui était absente ce jour-là). Il a été reproché à Mme [G] de se promener dans les locaux avec les jeunes à qui elle présentait les différents services et qu’elle dérangeait les collègues qui étaient eux-mêmes en entretien pour récupérer du matériel de bureau. Elle aurait également harcelé un membre de l’équipe dans le bus sur le trajet menant au travail d’après les échanges. Cette rencontre semblait tourner au règlement de comptes. Madame [G] avait l’air de découvrir ces remarques et accusations qui ne lui avaient jamais été remontées » a-t-elle dit » avant cette réunion.
Madame [G] n’avait pas le même comportement qu’à l’accoutumée elle semblait réellement troublée par ce qui se passait « .
Or si ce témoin atteste qu’elle a ressenti que Madame [G] était troublée, elle ne rapporte aucun propos vexatoire ou humiliant.
-une pièce 11 constituée dans l’attestation de Madame [H] laquelle a attesté que :
» J’étais présente à la réunion d’équipe du jeudi 15/12/16 après midi qui a duré environ deux heures.
La Mission Locale n’avait pas été destinataire d’un ordre du jour.
Au début de la réunion, le Directeur M. [B] a annoncé que l’objet était de faire un point sur l’activité et le ressenti des collègues.
Sur le second point, il est apparu que des collègues de l’équipe de la garantie jeunes souhaitaient s’exprimer sur des tensions existant entre eux et deux collègues conseillères, Mme [G] [P] et Mme [T] [O], sans que rien ne soit formulé clairement et précisément.
Mme [T] était absente, les reproches ont été adressés à Mme [G].
On lui reprochait de se promener dans les locaux dérangeant les collègues alors qu’elle présentait les services proposés par la [8]. Il a été fait mention également de harcèlement dans le bus de la part de Mme [G] hors temps de travail.
Je me suis sentie mal à l’aise dans ce qui ressemblait à un règlement de comptes dans lequel Mme [G], surprise et déstabilisée devait se justifier sans comprendre exactement ce qui lui était reproché et qui la mettait visiblement en difficulté.
A la sortie, je l’ai ramenée chez elle en voiture car elle n’avait pas l’air bien. Au cour du trajet, elle semblait choquée, elle n’a pas dit un mot contrairement à sa façon d’être habituelle « .
De la même manière le tribunal constate que si Mme [H] utilise le terme de règlement de compte, il n’est fait état d’aucun propos déplacé dans la forme.
De fait, faire état à un collègue de travail de ce qu’à certaines occasions il peut adopter un comportement perturbant pour les autres, ne s’inscrit pas comme un fait qualifiable de règlement de compte.
D’ailleurs par une attestation ultérieure Mme [H] a précisé que » les observations faites à Madame [P] [G] par des collègues de la GJ ne comportaient pas d’injures ou d’insultes, ni de menaces ou propos diffamatoires « .
-une pièce 20 constituée dans l’attestation de Monsieur [N] lequel a attesté que :
» J’étais présent à la réunion d’équipe en qualité de Chargé d’accueil de [Localité 6] qui a eu lieu le 15 décembre 2016 à 13h30. .., concernant l’expression du ressenti des collègues il y a eu un » étalage » de reproches, accusateurs et incessants de certains conseillers sur un ton agressif envers Madame [G].
Témoin de cette situation, je me suis étonné du » laisser faire » de la direction face à cette escalade avec dérapages verbaux et comportementaux qui prenaient pour cible Madame [G].
D’autant plus qu’un des responsables Monsieur [D] encourageait les personnes à s’exprimer et soutenait leurs propos.
Malgré la teneur inappropriée de leurs discours qui étaient des jugements de valeur et portaient sur l’intégrité de Madame [G].
Tous ces échanges se sont poursuivis sous le regard choqué et apeuré de Madame [G] face à la tournure malsaine de cette réunion qui se transformait en règlement de comptes sous le regard de l’équipe de Direction.
J’ai travaillé avec Madame [G] depuis plus de 10 ans et j’ai pu vérifier au cours de ces années son professionnalisme, sa capacité de travail en équipe et en partenariat auquel s’ajouté son sens de la relation avec les jeunes accompagnés par la Mission Locale « .
La encore, si le témoin fait état de dérapages verbaux et comportementaux qui prenaient pour cible Madame [G], il ne précise nullement la teneur de ceux-ci permettant au tribunal de les apprécier et notamment de distinguer de ce qui peut être qualifiable de reproches à l’égard d’un salarié sur des faits précis de ce qui peut être qualifié de dérapages verbaux.
Pour sa part l’Association produit diverses attestations selon laquelle la rencontre s’est déroulée dans un climat positif et que si » il y a eu des désaccords, à aucun moment un(e) salariée n’a été désobligeant(e) ou irrespectueux(euse) Il n’y a pas eu d’insultes de menaces de cris » ( cf pièces 9, 10, 11,19,20 et 21).
Ainsi, le tribunal considère que s’il n’est pas discuté que des reproches ont été formulées à l’encontre de Madame [G], celle-ci n’établit pas que ceux-ci aient dépassé ce qui peut normalement être attendu d’une réunion d’équipe dans laquelle chacun est invité à s’exprimer sur la relation de travail.
De fait, si la critique n’est jamais aisée à recevoir d’autant plus lorsqu’elle est portée devant la collectivité entière de travail, elle se distingue de l’agression verbale non caractérisée en l’espèce.
Il n’est pas contesté que Madame [G] a poursuivi sa journée de travail jusqu’à son terme à 17h30 et qu’elle s’est représentée au travail le lendemain ; Monsieur [F] [R] (cf pièce 11 ) a attesté que :
» le lendemain matin, ma collègue [P] [G] était présente comme d’habitude sur notre lieu de travail. Elle a souhaité revenir brièvement sur un reproche que j’ai pu lui faire lors de cette réunion. Nous avons alors eu une discussion pausée. Nous étions d’accord à la fin de cet échange qu’il s’agissait entre nous surtout d’un problème de communication. Rien ne laisser présager de la suite.
J’ai été extrêmement surpris lorsque mon collègue de l’accueil m’a annoncé que [P] [G] venait de quitter son poste de travail alors qu’elle semblait dans de bonnes dispositions lorsque je l’avais quittée « .
De fait ce jour là Madame [G] a consulté son médecin qui a constaté un » stress post altercation au travail « .
Ce faisant le tribunal constate que
-l’existence même de la lésion psychique n’est pas contestée ; en effet le fait de déclarer que Madame [G] était nécessairement affectée d’un état antérieur n’est pas la contestation de la réalité de la lésion psychique
-dès lors que la lésion a été constatée à distance, il convient de la relier à un événement survenu au temps et lieu du travail
Or, si la CNAM définit effectivement le fait générateur d’un accident du travail ayant provoqué un traumatisme psychologique comme devant être anormal par sa brutalité ,son imprévisibilité, son exceptionnalité ou son écart avec le cours habituel des relations de travail, la cour de cassation n’a jamais fait de l’anormalité de l’événement un critère de qualification de l’accident du travail
-la temporalité des événements permet de faire un lien entre la tenue de la réunion et la lésion psychique
Le fait que l’Association puisse s’étonner que de simples critiques d’ordre professionnel aient pu engendrer un arrêt de travail aussi long et suggérer un état antérieur est insuffisant à écarter la qualification d’accident du travail à défaut de rapporter la preuve d’un état antérieur qui ne saurait se présumer ; en tout état de cause cet état antérieur n’aurait d’effet que sur la longueur des arrêts opposables à l’Association qui de fait ne se voit pas imputer ceux-ci à son compte, la décision de rejet initiale de la caisse étant définitive à son égard.
En conséquence le caractère professionnel de l’accident sera retenu.
Sur la faute inexcusable :
En vertu de la loi, l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et les accidents du travail.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
S’il est d’usage de prétendre que le demandeur à la reconnaissance de la faute inexcusable supporte la charge de la preuve, il convient de préciser que s’agissant d’une obligation de moyen renforcée il appartient à Madame [G] d’établir la réalité du danger auquel elle a été exposée puis la conscience dudit danger par son employeur, l’employeur devant s’expliquer pour sa part sur les mesures prises en cas de preuve de sa conscience du danger.
Madame [G] considère donc que l’Association » n’aurait pas du organiser cette réunion pour permettre à certains collègues de régler leur compte contre elle en présence de tous les salariés présent sur l’antenne de [Localité 6] ou alors aurait du y mettre un terme suite au dérapage des collègues de la garantie jeunes. »
Or, d’une part, Mme [G] affirme mais n’établit pas que l’employeur ait eu connaissance avant la réunion de ce que les salariés de la garantie jeunes s’étaient ouverts de leur récrimination auprès de la direction et qu’elle savait donc que des critiques seraient émises à l’égard de Mme [G] en présence de tous les salariés de l’agence ; elle établit donc encore moins comme elle le prétend que l’Association aurait organisé cette réunion pour permettre à certains collègues de régler leur compte contre elle en présence de tous les salariés présent sur l’antenne de [Localité 6].
A ce titre, il convient de préciser qu’en septembre 2015 des changements importants sont intervenus au sein de la structure à la suite de la mise en place du nouveau dispositif » Garantie Jeunes « , financé par l’Etat, visant à aider les jeunes en situation de précarité dans leur accès à l’autonomie et à l’insertion professionnelle. Les locaux de la Mission Locale, situés à [Localité 6], se sont agrandis, notamment pour accueillir le dispositif Garantie Jeunes animé par une équipe dédiée de conseillers.
Lors de la réunion des délégués du personnel en date du 25 novembre 2016, de nombreuses questions ont été posées sur l’organisation du nouveau site de [Localité 6] à la suite des derniers aménagements réalisés et des nombreux changements intervenus. C’est dans ce contexte que la Direction a pris la décision d’organiser une réunion le 15 décembre 2016 avec l’ensemble des salariés dédiés à la Cyber base, à l’alternance et au dispositif » Garantie Jeunes « .
D’ailleurs, Mme [G] y consent implicitement en faisant état de ce qu’en tout état de cause elle aurait du y mettre un terme suite au dérapage des collègues de la garantie jeunes.
Or, en l’espèce, il fut précédemment considéré que Mme [G] n’établissait qu’un quelconque dérapage ait eu lieu ; dès lors, il ne saurait être reproché à l’Association d’avoir permis aux salariés de la structure de s’exprimer sur leur ressenti professionnel dans un contexte de nouvelle organisation, dès lors que cela s’est fait au vu des témoignages versés au débat, dans le cadre d’un échange certes critique mais respectueux. S’il est concevable que des critiques soient certainement désagréables à entendre d’autant plus en réunion élargie, l’employeur ne pouvait avoir conscience que de tels critiques soient susceptibles d’exposer Mme [G] à un risque psychique inalidant.
En conséquence, le tribunal considère que Madame [G] ne caractérise pas que l’Association a eu ou aurait du avoir conscience de l’exposer à un risque psychique.
Madame [G] sera donc déboutée de l’intégralité et ses demandes et condamnée aux éventuels dépens.
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe
-DEBOUTE Mme [G] de l’intégralité de ses demandes
-CONDAMNE Mme [G] aux dépens.
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille les jours, mois et an que dessus.
La Greffière La Présidente
Jessica FRULEUX Anne-Marie FARJOT
Expédié aux parties le :
– 1 ccc Mme [G]
– 1 ccc Me SAFFRE
– 1 ccc Association [7]
– 1 ce Me CARON-DEBAILLEUL
– 1 ce CPAM [Localité 9] [Localité 10]